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L'utilisation du bioxyde de chlore dans le traitement de l'eau potable

30 avril 1988 Paru dans le N°118 à la page 27 ( mots)
Rédigé par : R LIENHART

L’eau est notre produit alimentaire le plus important et c’est un élément indispensable à l’existence de l’homme, des animaux et des plantes. On constate malheureusement que la qualité de la ressource utilisée dans le traitement de l’eau potable se dégrade de plus en plus en raison de la pollution (atmosphérique, superficielle et souterraine) de l’environnement. C’est la raison pour laquelle il est plus que jamais nécessaire d’appliquer de nouvelles techniques qui permettent d’offrir au consommateur une eau parfaite des points de vue hygiénique et toxicologique.

La qualité de l’eau est une préoccupation constante pour les distributeurs d’eau qui y consacrent d’importants budgets de recherche et de développement.

Les tout derniers travaux dans le domaine de la chloration nous ont ainsi appris que la désinfection de l’eau par simple chloration n’est pas toujours suffisante, en raison de la formation de chloroforme et autres hydrocarbures chlorés qui pourraient, selon de récents résultats, présenter des effets cancérigènes.

Par ailleurs, l’emploi du chlore ou de l’ozone, par la formation de composés d’addition ou de substitution qu’ils entraînent, peut conduire à l’apparition de mauvais goûts : la présence de phénol, notamment, même à l’état de traces, donne avec le chlore naissance à du chlorophénol au goût pharmaceutique. Les mêmes inconvénients résultent de la combinaison du chlore avec certaines matières azotées, qui produit du trichlorure d’azote (NCl₃) à odeur de géranium. On constate que la formation du trichlorure d’azote est plus rapide avec les substances ammoniacales qu’avec les matières albuminoïdes ; la durée de réaction peut, dans ce cas, excéder deux heures, ce qui explique qu’une eau inodore à la sortie de l’installation de traitement puisse présenter des odeurs au moment de la distribution.

Dans tous les cas de figure, la désinfection au point critique conduit au minimum de goûts ; la surchloration, suivie de déchloration totale, supprime complètement le trichlorure d’azote et, dans une grande mesure, le chlorophénol, mais la déchloration chimique laisse souvent subsister de légers goûts pharmaceutiques, ce que la déchloration par le charbon actif évite totalement. Par contre, le bioxyde de chlore, qui détruit efficacement les chlorophénols (mais assez peu le trichlorure d’azote), apporte une solution sûre au prétraitement de l’eau brute et à la désinfection du réseau de distribution.

Utilisé en préchloration, il permet aussi l’élimination du fer et du manganèse. En effet, il oxyde rapidement les sels de fer qu’il transforme en hydrate ferrique insoluble ; de la même façon, il peut être employé pour la démanganisation lorsqu’une eau brute contient du manganèse, le plus souvent en présence de fer. Les procédés de déferrisation traditionnels sont alors généralement insuffisants pour assurer une démanganisation efficace ; de même, une précipitation sous forme d’hydroxyde ou par oxydation au moyen d’oxygène ne serait convenable que pour un pH trop alcalin (au moins 9 à 9,5). Par contre, on obtient une oxydation suffisamment rapide par le bioxyde de chlore qui précipite les sels de manganèse sous forme de dioxyde de manganèse, à partir de la réaction suivante :

Mn²⁺ + 2ClO₂ + 2H₂O → MnO₂ + 2O₂ + 2Cl⁻ + 4H⁺

Limites de l’emploi du ClO₂

Si le bioxyde de chlore évite la formation du chlorophénol, il reste en revanche sans action sur un bon nombre d’autres facteurs qui se trouvent à l’origine de goûts tels que ceux de terre ou de vase ; il n’est donc à recommander que lorsque des goûts de chlorophénol sont à craindre.

D’autre part, et afin d’éviter une teneur excessive de chlorite de soude dans l’eau, la dose de bioxyde à mettre en œuvre doit être limitée aux besoins et il faut veiller à ce que la quantité de chlore utilisée dans la fabrication de ClO₂ soit supérieure à la quantité stœchiométrique, en raison du caractère réversible de la réaction.

Production de ClO₂ au moyen de Cl₂ gazeux

Dans ce procédé (figure 1), l’alimentation en chlore s’effectue à partir de bouteilles de Cl₂ reliées à une conduite collectrice, laquelle amène le chlore gazeux à un prérégulateur qui le met en dépression, ce qui donne toute sécurité d’utilisation. Le chlore passe ensuite par le débitmètre et le régulateur principal et arrive à l’hydro-éjecteur où il est mélangé à l’eau.

[Photo : Fig. 1 – Schéma de l’installation.]

motrice pour former une solution d'eau de chlore à forte concentration (3,5 g Cl₂/l).

Le chlorite de sodium commercial à 24 % (300 g/l) est dosé par une pompe doseuse dont la conduite d’aspiration est équipée d’une sonde de niveau bas. Le débit est surveillé électroniquement en continu.

Le chlorite de sodium et l'eau de chlore fortement acide réagissent dans la tour de contact pour produire du ClO₂ à une concentration de 4,6 g ClO₂/l. À la sortie de la tour de contact, cette concentration est ramenée à 3 g ClO₂/l. La tour de contact est remplie d’anneaux de Raschig et est suffisamment dimensionnée pour que la réaction chimique soit complète. Le rendement est supérieur à 95 %.

La solution de ClO₂ est stockée dans un bac muni de sondes de niveau (min., max. et trop-plein). Lors du remplissage, l’hydro-éjecteur aspire les vapeurs de ClO₂ et un filtre à charbon actif laisse pénétrer l’air lors du soutirage, garantissant ainsi une utilisation inodore.

[Photo : L'installation de régulation.]

Automaticité de l'installation

L’asservissement de différents organes est assuré par un boîtier électronique. C’est ainsi que les débitmètres pour le ClO₂ gazeux, l'eau motrice pour l’hydro-éjecteur et pour l’eau de dilution, sont munis de cellules qui détectent les moindres écarts de débit.

La marche et l’arrêt du groupe sont commandés par le niveau du bac de stockage : au niveau bas, les vannes électromagnétiques sont ouvertes et la pompe doseuse se met en marche ; elle s’arrête lorsque le niveau maximal est atteint. Des échantillons pour analyse peuvent être prélevés à l’aide d’un robinet.

[Photo : Le tableau de contrôle.]

Les divers composants du groupe de préparation de bioxyde de chlore sont surveillés électroniquement, de telle façon que l’arrêt du dosage d’un produit soit rigoureusement impossible. Le contrôle du fonctionnement et les signaux d’anomalies sont assurés par un synoptique à diodes lumineuses.

Le dosage du ClO₂ ainsi préparé s’effectue ensuite avec les pompes doseuses.

Parmi tous les moyens actuels de traitement de l’eau potable, on constate que la solution la moins coûteuse, la plus économique, la plus polyvalente, et l’une des plus fiables, est certainement celle du traitement au bioxyde de chlore.

Les avantages du bioxyde de chlore

Le bioxyde de chlore est utilisé depuis plus de 30 ans dans le traitement de l’eau potable en raison de l’efficacité de son action de désinfection.

Les seuils de perceptions olfactive et gustative étant quatre fois plus élevés quand on l’emploie de préférence au chlore, l’eau traitée au bioxyde de chlore apparaît sans odeur et ne présente pas de saveur désagréable ; d’autre part la formation de dérivés chlorophénolés est évitée.

De même, on ne constate aucune réaction avec les combinés ammoniaqués, en raison du grand pouvoir oxydant du produit (2,6 fois plus élevé que celui du chlore). L’action bactéricide du bioxyde de chlore reste encore satisfaisante avec des pH élevés, ce qui n’est pas non plus le cas du chlore. Enfin, le pouvoir oxydant du bioxyde de chlore lui assure un résiduel suffisant, même dans un réseau de distribution très étendu.

Chimie et applications du bioxyde de chlore

La fabrication du bioxyde de chlore peut être effectuée en faisant réagir le chlorite de sodium :

— soit avec le chlore :  
2 NaClO₂ + Cl₂ → 2 ClO₂ + 2 NaCl

— soit avec l’acide chlorhydrique :  
5 NaClO₂ + 4 HCl → 4 ClO₂ + 5 NaCl + 2 H₂O

Comme la deuxième formule le montre, lorsque l’on utilise le procédé à l’acide chlorhydrique, on n’obtient que 4 moles de bioxyde de chlore pour 5 moles de chlorite, avec un rendement qui ne dépasse pas 80 %, même dans des conditions optimales.

À l’opposé, la première formule montre que le procédé au chlore permet d’obtenir 2 moles de bioxyde de chlore pour 2 moles de chlorite ; le rendement dépasse alors 95 % dans les bonnes installations.

La préparation du bioxyde de chlore avec l'acide chlorhydrique n’est donc pas économique ; elle ne peut être admise que pour la production de faibles quantités, dans les exploitations de taille réduite.

Le bioxyde de chlore, gaz de couleur jaune et d’odeur piquante qui est toujours produit « in situ », est explosif aux concentrations dans l’air supérieures à 10 % en volume, mais il ne présente aucun danger à l’état de dissolution dans l’eau. C’est un agent très oxydant, à haut pouvoir décolorant et désodorisant, dont l’action sur les éléments pathogènes est au moins égale à celle du chlore. Il doit être utilisé de préférence lorsque l’eau à traiter contient des traces de phénols susceptibles de se combiner avec le chlore pour former du chlorophénol au goût désagréable.

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