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L'utilisation des mélangeurs submersibles pour l'alimentation de la qualité de l'eau stockée dans les retenues

30 juillet 1993 Paru dans le N°165 à la page 58 ( mots)
Rédigé par : Mehrdad SHAMSHIRSAZ

Dans la plupart des retenues d'eau destinées à la production de l'eau potable, la qualité de l'eau se dégrade, conséquence d'une eutrophisation due à une surcharge en matières organiques. Il est donc nécessaire de rechercher un procédé simple et pratique pour améliorer les caractéristiques de ces eaux brutes, en particulier au voisinage de la prise d'eau. La méthode la plus appropriée paraît consister à mettre en place un mélangeur submersible dont la puissance est utilisée pour homogénéiser l'eau par un effet de mélange orienté dans la direction souhaitée, ce qui permet d'éliminer les problèmes de stratification. Après étude-diagnostic d'un site (en l'espèce la retenue de Boussac), puis choix et installation d'un mélangeur submersible, diverses campagnes de mesures de paramètres physico-chimiques et chimiques, étalées sur une période d'un an, nous ont permis d'apprécier l'efficacité de cette méthode.

Après étude-diagnostic d’un site (en l'espèce la retenue de Boussac), puis choix et installation d’un mélangeur submersible, diverses campagnes de mesures de paramètres physicochimiques et chimiques, étalées sur une période d’un an, nous ont permis d’apprécier l'efficacité de cette méthode.

L’activité agricole intensive, l’industrialisation, l’élévation du niveau de vie causent un apport de pollutions de plus en plus important dans l'environnement, en particulier dans le domaine des eaux superficielles où l’augmentation des éléments nutritifs organiques et minéraux (azote, phosphore, carbone) entraîne une prolifération excessive de la végétation aquatique (plantes fixées et algues). Ce phénomène est connu sous le terme d’eutrophisation.

Les nuisances se manifestent de façon plus aiguë dans les retenues que dans les cours d'eau, où l’on trouve d’une part, les nuisances spécifiques dues à des matières qui colmatent les filtres et imposent des traitements compliqués et coûteux, d’autre part, celles dues aux cyanophycées qui donnent un mauvais goût à l'eau. Un second groupe de nuisances est lié à la désoxygénation des fonds (en zone d’anoxie) entraînée par la sédimentation des algues qui consomment l’oxygène pour leur respiration, amenant la réduction des composés du fer, du manganèse, du soufre et du carbone.

Dans le cas des retenues destinées au traitement de l'eau potable, cette situation est encore plus lourde de conséquences : en effet, la variabilité de la composition de l’eau au cours du temps entraîne pour le traiteur d’eau, d’une part des risques de mauvais résultats au niveau de l’eau produite, d’autre part, des surcoûts importants en particulier lorsque l'usine est de petite taille. Le traiteur d’eau doit donc disposer d’une eau brute de qualité aussi constante que possible.

La stratification de la retenue est un facteur qui influe directement sur l’eutrophisation, et pour combattre celle-ci il nous a paru utile d’engager nos recherches en s’orientant vers un système cassant cette stratification et assurant le mélange des couches d’eau dans l’entourage immédiat de la station de pompage au moyen d’un mélangeur submersible. Cette étude a été menée dans la retenue de Boussac (Creuse).

Diagnostic de la retenue

Étude morphologique et hydraulique de la retenue

La retenue de Boussac est située sur la rivière Le Béroux et dessert la station

[Photo : Plan schématique de la retenue et des points de prélèvement.]

d’eau potable des Martinats, dont le rôle essentiel est l’alimentation des châteaux d’eau de Maison Rouge et Mervrange.

Pour examiner la morphologie de cette retenue, nous l’avons partagée en deux secteurs, 1 et 2, portés sur la figure 1.

Les débits moyens des périodes hivernales, estivales et les débits moyens annuels du Béroux (Qi), les débits de soutirage par l’usine de production d’eau potable (Qe) et le volume moyen de la retenue des temps de séjour hydraulique moyen y ont été définis.

C'est en période hivernale que le secteur 2 présente le temps de séjour moyen le plus important (# 270 jours). Cette partie de la retenue stocke les nutriments apportés par le secteur 1 en hiver, ce qui peut favoriser la prolifération alguale en été.

En période estivale, le temps de séjour est peu différent dans les deux secteurs (# 55 jours). C’est donc sur l’ensemble de la retenue que se poseront, à priori, des problèmes de stratification, en cas d’eutrophisation.

Suivi analytique des eaux brutes et des eaux traitées

Au cours des trois premiers mois de la campagne de mesures, les différents paramètres sont mesurés selon les normes AFNOR. Ces mesures ont été effectuées en divers points (A, B, C, D et E) de la retenue, comme indiqué sur la figure 1, et sur l’eau traitée refoulée par la station d’adduction d’eau potable. Dans un premier temps, les analyses chimiques et physicochimiques ont été effectuées en surface, par la suite, les prélèvements ont pu être réalisés sur toute la profondeur de la retenue.

L’analyse des résultats fait ressortir les constatations suivantes :

• les paramètres physicochimiques (température, pH et particulièrement oxygène dissous) montrent l’existence d’une stratification significative ;

• l’élimination des divers composés chimiques (fer, phosphore, matières organiques, …), malgré leur taux variable en fonction de la profondeur (après traitement utilisé à l’usine de production d’eau potable), se révèle efficace ; cependant un problème se pose en ce qui concerne l’ammoniaque, la teneur en NH₄⁺ de l’eau traitée dépassant la concentration maximale admissible imposée par les normes ;

• les mesures de la production de biomasses, soit directes (chlorophylle) soit indirectes (potentiel de fertilité), ainsi que des concentrations en phosphore situent la retenue comme étant eutrophysante ;

• le plan d’eau, bien que touché dans son ensemble, présente une zone à plus haut risque, celle du secteur 2 (proche de la prise d’eau) en raison d’un temps de séjour long qui atteint environ 8 semaines en été. Il s’avère donc indispensable de prévoir des mesures curatives dans ce secteur 2 afin d’assurer le brassage de l’eau et donc une destratification.

[Photo : Schéma d’installation du mélangeur.]

Choix du mélangeur et de l’installation

L’analyse de l’étude diagnostique de la retenue a conduit à choisir une solution curative comportant l’emploi d’un mélangeur submersible, constitué par un ensemble monobloc comportant un moteur électrique, un réducteur et une hélice à trois pales, au profil optimisé, pouvant être installé dans un volume liquide à toute profondeur et orientable dans toutes les directions. Cette maniabilité permet d’obtenir un brassage optimal quelle que soit la forme du réservoir, l’emplacement du mélangeur étant choisi par ailleurs pour obtenir le meilleur flux secondaire à partir du flux primaire.

Une longue expérience acquise dans ce domaine nous permet de disposer d’une gamme de mélangeurs submersibles particulièrement bien adaptée à ce type d’application. Le choix s’est ainsi porté sur un mélangeur submersible capable de fournir un grand débit (4700 m³/h) avec une faible vitesse d’écoulement uniforme, et une puissance installée peu élevée (4 kW).

Le mélangeur a été installé sur un radeau ancré à une distance de 60 m du barrage, à 5 m de la tour de prise d’eau et à 2 m du fond (en période

[Photo : Fig. 3 : Évolution de la température (points A, B, C, D et E confondus).]
[Photo : Fig. 4 : Évolution du pH (points A, B, C, D et E confondus).]
[Photo : Fig. 5 : Évolution de la concentration d’oxygène dissous (points A, B, C, D et E confondus).]
[Photo : Fig. 6 : Évolution de la concentration du phosphore (points A, B, C, D et E confondus).]
[Photo : Fig. 7 : Évolution de la concentration d’ammoniaque (points A, B, C, D et E confondus).]

moyenne au niveau de l’eau dans la retenue). L’angle d’inclinaison de l’hélice est de 15° par rapport à l’horizontale (figure 2).

Efficacité du mélangeur

Afin de constater l’efficacité de l’action du mélangeur sur la qualité de l’eau de la retenue, une campagne de mesures a été menée pendant une période d’un an à partir de l’installation du dispositif (de juillet 1988 à août 1989), en divers points A, B, C, D, E de la retenue (figure 1).

Grâce à des échantillons prélevés à différentes profondeurs, les résultats de cette campagne sont examinés ci-après.

Paramètres physicochimiques

Température

On constate que pendant la période estivale, et avant la mise en place du mélangeur (effectuée en novembre 1988) les gradients de température sont très importants (12 °C d’écart entre la surface et le fond). La mise en place du mélangeur a permis de réduire ce gradient à une valeur proche de 3 °C (figure 3).

pH

De la même manière, le gradient du pH a fortement diminué après démarrage du mélangeur : alors que pendant l’été 1988, sa valeur atteignait 3 unités, il est descendu à des valeurs de l’ordre de 0,5 unité au cours de l’été 1989 (figure 4).

Oxygène dissous

Ce sont les variations de ce paramètre qui font le mieux ressortir l’efficacité du mélangeur : en effet, au cours de l’été 1988, le fond de la retenue s’est toujours trouvé dans une situation d’anoxie dans une zone située à – 5 m en début de saison, et qui est remontée à – 3 m à la fin de l’été. Dès le démarrage du mélangeur, la zone d’anoxie a totalement disparu et la concentration minimale d’oxygène enregistrée au fond de la retenue est montée à 3,8 mg/l.

De plus, quels que soient les points de prélèvement et la profondeur, les valeurs d’oxygène dissous sont restées constantes. La mise en place du mélangeur a donc permis d’obtenir une bonne destratification des eaux de la retenue dans la zone d’influence du système (figure 5).

Paramètres chimiques

Phosphore

Avant démarrage du mélangeur, la concentration en phosphore était très variable et élevée. En surface, elle était de l’ordre de 160 mg/m³. Or dès le démarrage du mélangeur, ces valeurs ont chuté de façon spectaculaire, en restant inférieures à 60 mg/m³. Par contre, en profondeur, le résultat n’a pas été significatif (figure 6). L’ensemble de ces constatations peut être expliqué par le fait qu’il y a disparition de la zone d’anoxie après mise en place du mélangeur et donc arrêt du relargage du phosphore à partir des sédiments.

Ammoniaque

Durant l’été 1988 (avant la mise en place du mélangeur), les concentrations d’ammoniaque dans l’eau brute variaient de façon très importante d’un jour à l’autre. D’autre part, on a pu constater qu’entre les eaux de surface et celles de fond, il existait une grande différence de concentration (de 1 à 5) dans la retenue. La mise en place du mélangeur a permis de stabiliser la concentration dans toute la masse d’eau, en homogénéisant les teneurs entre la surface et le fond (figure 7).

Matières organiques, chlorophylle a, fer total et nitrates

D’après les analyses, la mise en place du mélangeur n’a pas influencé ou modifié la teneur en matières organiques, chlorophylle a, fer total et nitrates, ce qui paraissait évident a priori : seule une homogénéisation de ces valeurs a pu être notée.

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