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L'utilisation des gaz dans le traitement et la distribution de l'eau potable

30 mars 1985 Paru dans le N°90 à la page 43 ( mots)
Rédigé par : Alain RIGOUARD et Patrick MICHEAU

Depuis sa source jusqu’à sa distribution au robinet du consommateur, l’eau subit divers types de traitements afin de la rendre chimiquement et biologiquement potable.

Dans cette chaîne de traitement, à un ou plusieurs maillons suivant la nature de l’eau brute, les produits de conditionnement sont largement utilisés. Parmi ces produits, les gaz sont promis dans les prochaines années à un large développement industriel. Les gaz actuellement utilisés ou potentiellement applicables sont l’oxygène, l’anhydride carbonique, l’hydrogène et le protoxyde d’azote.

L’OXYGÈNE

L’oxygène comporte des applications multiples en matière de traitement d’eau ; nous examinerons ci-dessous : la réoxygénation des couches profondes des retenues d’eau, la déferrisation et l’ozonation.

RÉOXYGÉNATION DES COUCHES PROFONDES DES RETENUES D’EAU

De nombreuses retenues d’eau servant à l’alimentation en eau potable d’agglomérations sont le siège de phénomènes d’eutrophisation ; l’eau prélevée présente alors des caractéristiques telles que les traitements de potabilisation habituels deviennent inopérants.

La lutte contre l’eutrophisation passe par l’utilisation de moyens préventifs (contrôle des déversements) et curatifs (action sur la masse d’eau).

Parmi les traitements curatifs, l’oxygénation de l’hypolimnion (couche la plus profonde du lac) constitue un outil appréciable. Elle implique, soit l’utilisation d’air, soit l’utilisation d’oxygène pur. Les techniques mises en œuvre pour l’injection d’air induisent des coûts d’investissement et d’exploitation (énergie électrique de compression) très élevés et provoquent inévitablement la déstratification de la retenue d’eau ; de son côté, l’injection d’oxygène pur dans les couches profondes a fait l’objet dans le passé de nombreuses applications avec des technologies parfois lourdes à mettre en œuvre. Dans le cadre de cette dernière technique, nos efforts de recherche dans le domaine du transfert gaz-liquide ont abouti au développement industriel du système Isoxal, lequel facilite considérablement les traitements d’oxygénation de l’hypolimnion.

Le système Isoxal

Ce système consiste en une unité positionnée au fond de la retenue d’eau et raccordée par un « cordon ombilical » à un poste de commande et de distribution d’oxygène pur sur la berge. Il comporte deux éléments : transfert d’une part, commande et distribution d’autre part.

[Photo : Fig. 1 – Schéma de principe de l’Isoxal]

L’unité de transfert (figure 1)

Partie « transfert » : il s’agit d’un cône placé la pointe vers le haut, alimenté par une colonne centrale branchée sur le système de refoulement d’une pompe immergée (300 m³ h⁻¹ sous 13 m HMT, puissance installée 15 kW). Le mélange eau et oxygène à dissoudre arrive au sommet du cône et redescend dans le corps de l’appareil avec une vitesse décroissante.

À mi-hauteur dans l’appareil, la vitesse devient insuffisante pour entraîner les bulles de gaz. Celles-ci sont stabilisées et dissoutes alors dans l’eau.

Partie « mélange » : l’eau à forte teneur en oxygène dissous issue de la partie transfert est mélangée par l’intermédiaire d’une tuyère où s’effectue une dilution de la concentration en oxygène dissous. Cet appareillage permet de traiter une grande quantité d’eau (2 000 m³ h⁻¹) avec un faible débit de pompage primaire (300 m³ h⁻¹).

Les cotes d’encombrement de l’appareil sont les suivantes :

  • — hauteur totale : 4 m ;
  • — largeur suivant les tuyères : 4 m ;
  • — surface au sol : 1,5 m² ;
  • — poids total : environ 1 500 kg.
[Figure : Unité de commande et de distribution d'un système Isoxal.]

L’unité de commande et de distribution (figure 2)

Ce poste alimente l’unité de transfert en énergie électrique et en oxygène pur par l'intermédiaire d’un câble et d’une canalisation constituant ce qui est dénommé le « cordon ombilical ». Sur la berge on trouve :

— le stockage d’oxygène liquide équipé de son « vaporiseur », — l’armoire de commande électrique et de distribution de gaz (mesures de débits, pression, etc.).

Mise en place du système

Après installation sur la berge de l’unité de commande et raccordement du « cordon ombilical » à l’unité de transfert, cette dernière est mise à l'eau. L’existence d’un barrage avec possibilité de circulation d’un véhicule type camion-grue (figure 3) facilite cette première opération.

L’unité de transfert est maintenue en flottement pendant le remorquage jusqu’à l’aplomb du point d’immersion. Pendant la phase d’immersion, un plongeur accompagne l’unité de transfert et lui assure une situation verticale sur le fond de la retenue par réglage des trois pieds de l’appareil.

[Photo : Immersion d’une unité Isoxal (retenue du Gouet-Saint-Brieuc).]

Exemple de réalisation

En mai 1984 une installation destinée à réoxygéner l'hypolimnion de la retenue du Gouet (dont le volume total est de 7 millions de m³) a été mise en place à Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord). Le volume hypolimnique à traiter a été évalué à 2 millions de m³ correspondant à une zone de 1 500 m de longueur sur 150 m (largeur de la retenue). Cette opération a nécessité l’installation de trois systèmes Isoxal répartis sur la longueur concernée.

Durant la période de stratification de la retenue (mai à octobre), la concentration en oxygène dissous est toujours maintenue à une valeur minimale de 4 mg/l par injection d’un débit massique d’oxygène de l'ordre de 500 kg/jour.

Cette installation permet d’obtenir une eau d’une telle qualité (absence d’éléments réducteurs) que les conditions de traitement de l’eau potable se trouvent considérablement améliorées.

DEFERRISATION

Le fer est considéré comme élément indésirable dans l’eau potable et la norme française fixe à 0,1 mg/l la concentration maximale tolérée. Les eaux souterraines, sources importantes d’approvisionnement en eau potable, présentent souvent une teneur en fer supérieure à cette norme, ce qui nécessite par conséquent un traitement spécifique. L’élément Fe se trouvant dissous dans l’eau souterraine à l’état réduit Fe²⁺, la méthode classique de déferrisation consiste à oxyder le fer ferreux dissous, en fer ferrique très insoluble, et à retenir le précipité sur un filtre.

Une méthode moins répandue permet de déferriser l’eau par action directe sur la nappe aquifère ; une fraction de l’eau pompée est réinjectée dans la nappe après oxygénation, l’oxydation du fer ferreux et la précipitation du fer ferrique se produisant alors dans le sous-sol. L’oxydation est réalisée jusqu’à présent par injection d’air dans la plupart des installations existantes. Dans beaucoup de cas, l’utilisation d’air occasionne un certain nombre d’inconvénients auxquels on peut remédier par l’utilisation d’oxygène pur.

En effet la vitesse d’oxydation, exprimée par la relation de Stumm et Lee

\[ \frac{d(\text{Fe}^{2+})}{dt} = k\,(\text{Fe}^{2+})\,[O_2]\,[\text{OH}^-]^2 \]

varie proportionnellement au pH de l’eau (ou à la concentration en ion OH⁻). Dans le cas d'une eau de forage de pH faible, on compensera ce paramètre par un accroissement de la concentration en oxygène dissous par l’utilisation d’oxygène pur. On réduira ainsi les coûts d’investissement qui seraient occasionnés par l’utilisation de matériel sous pression fonctionnant à l'air.

D’autre part, l’injection d’air dans l’eau de forage à l’aide d’appareils à faible rendement de transfert provoque une perte de CO₂ par « stripping » de l’eau, et par suite modifie son équilibre calcocarbonique. Ce phénomène engendre, dans le cas d’une eau à l’origine équilibrée, des problèmes d’entartrage du réseau. L’utilisation d’oxygène pur permet de s’affranchir de ce phénomène grâce à la dissolution totale du gaz injecté.

Dans le cas du procédé de déferrisation dans la nappe aquifère, l’accroissement du potentiel d’oxydoréduction, notamment par l’intermédiaire d’une teneur en oxygène dissous supérieure à la concentration de saturation à l’air, doit permettre d’obtenir des résultats notablement intéressants sur d’autres paramètres comme la teneur en manganèse.

L’OZONATION

La technique de production d’ozone mise en œuvre pour le traitement de l’eau potable fait appel à un processus de décharge électrique dans un gaz contenant de l’oxygène.

Le mécanisme de formation de l’ozone habituellement retenu est le suivant (1) :

k₁
O₂ + O + M ⟶ O₃ + M
k₂

Le corps M a pour objet l’évacuation de l’énergie excédentaire de la réaction ; il est en fait constitué par d’autres gaz éventuellement présents lors de la synthèse.

La décharge électrique produit, à partir de l’oxygène moléculaire, des espèces ionisées ou neutres O qui réagissent avec O₂ pour former l’ozone. L’équation globale peut s’écrire :

3 O₂ ⟶ 2 O₃
. L’ozone est particulièrement instable, ce qui explique que sa production doit être assurée sur le site même de son utilisation sans stockage possible.

Parmi les paramètres intervenant dans la réaction de formation de l’ozone, la concentration en oxygène dans le gaz d’alimentation tient un rôle prépondérant. Elle influence notablement la concentration en ozone dans le gaz effluvé. Ainsi la substitution de l’air par de l’oxygène pur permet de doubler la concentration en ozone.

Les avantages techniques liés à l’utilisation d’oxygène pur

Les avantages techniques directs qui découlent de cette propriété sont :

  • l’accroissement des cinétiques d’oxydation et de désinfection ; cette influence est mise en évidence en généralisant l’équation de la cinétique d’une réaction d’oxydation de la façon suivante :
    d[C]/dt = K [C]ⁿ [O₃]ᵐ
[Photo : Production horaire d’ozone à débit gaz constant (1).]
  • l’accroissement de la production des ozoneurs ; pour un ozoneur fonctionnant avec un débit d’air donné, ainsi que le montre la figure 4, l’enrichissement en oxygène de ce débit d’air conduit à un accroissement de capacité de production (jusqu’à 190 % de la capacité nominale à l’air).

La mise en œuvre de la production d’O₃ à partir d’oxygène pur

Lorsque l’air est substitué par l’oxygène pur pour alimenter l’unité de production d’ozone, deux cas se présentent :

  • l’oxygène non utilisé pour la synthèse de l’ozone est évacué dans l’atmosphère par l’évent du contacteur,
  • l’oxygène non utilisé est recyclé en tête de l’unité d’ozonation.

Le choix de l’un ou l’autre des procédés dépendra des paramètres comme la taille des installations, les besoins continus ou discontinus en ozone, etc.

La technique actuelle permet de proposer deux principes de recyclage (figure 5) :

[Photo : Production d’ozone à partir d’oxygène pur. Schéma du recyclage de l’ozone.]
  • — recyclage de l’oxygène en sortie de l’évent du contacteur après dessication et compression (figure 5 a),
  • — recyclage de l’oxygène après séparation de l’ozone sur un adsorbant (figure 5 b).

L’utilisation de l’oxygène pur en substitution de l’air sur l’unité d’ozonation va s’avérer intéressante lorsque la station de traitement d’eau potable devra augmenter sa capacité de production de façon permanente ou temporaire, ou encore lorsque l’eau brute à traiter nécessitera, du fait de la pollution, un « pouvoir oxydant » accru qui est obtenu en élevant la concentration en ozone dans le gaz effluvé et par conséquent en ozone dissous par la simple application de la loi de Henry.

Entre autres avantages liés à l’emploi d’oxygène pur, on peut notamment citer une usure réduite des tubes d’ozoneur par un moindre encrassement.

L’ANHYDRIDE CARBONIQUE

L’anhydride carbonique tient une place importante dans le domaine du traitement de l’eau potable. Il trouve son utilisation essentiellement dans deux procédés :

  • — le ré-équilibrage calcocarbonique des eaux agressives,
  • — l’adoucissement des eaux incrustantes.

Ce dernier procédé est plus particulièrement répandu aux États-Unis.

LE RÉ-ÉQUILIBRAGE CALCOCARBONIQUE

Le ré-équilibrage calcocarbonique constitue une correction chimique de l’eau. En effet, les eaux naturelles contiennent de nombreux éléments chimiques dissous dont le plus commun est le bicarbonate de calcium Ca (HCO₃)₂.

Le CO₂ total contenu dans les eaux se répartit sous forme libre (CO₂) et combinée [Ca(HCO₃)₂ ou CaCO₃].

Le CO₂ libre entre pour une part dans l’équilibre calcocarbonique, « CO₂ équilibrant », suivant la réaction :

Ca (HCO₃)₂ ⇄ CaCO₃ + H₂O + CO₂

l’autre part excédentaire constituant le « CO₂ agressif ».

Dans l’eau dépourvue de bicarbonate de calcium (eau issue des massifs granitiques ou obtenue par dessalement d’eau de mer), le CO₂ dissous est du « CO₂ agressif ». L’acidité qui en résulte (H₂CO₃) se caractérise par un pH inférieur au « pH équilibrant » de l’eau, valeur théorique calculée en fonction de la composition de l’eau en différentes espèces ioniques, ce qui provoque de fortes perturbations au réseau de distribution par le biais de phénomènes de corrosion.

La lutte contre la corrosion nécessite l’augmentation du titre alcalimétrique de l’eau — TAC (neutralisation) — ainsi que l’accroissement du titre hydrométrique — TH (teneur en calcium) —, de façon à former par dépôt sur les canalisations une couche protectrice naturelle.

L’addition de chaux et de CO₂ constitue le moyen le plus couramment employé pour le ré-équilibrage calcocarbonique de l’eau (figure 6). Les doses nécessaires préconisées sont rapportées au TAC à corriger ; on considère 5,6 g de CaO et 8,8 g de CO₂ par m³ d’eau et par degré TAC à corriger.

[Photo : Fig. 6 : Schéma de la reminéralisation avec chaux et CO₂]

L’ADOUCISSEMENT DES EAUX INCRUSTANTES

À l’opposé de ce que nous venons de décrire ci-dessus, une eau de titre hydrotimétrique très élevé, c’est-à-dire à forte teneur en carbonate de calcium, provoque des perturbations sur le réseau de distribution et surtout chez les utilisateurs, dues à l’entartrage.

Encore peu répandu en France, auquel on préfère l’adoucisseur individuel, l’adoucissement collectif au niveau même de la station de traitement d’eau potable est largement diffusé dans d’autres pays, notamment les États-Unis. Le procédé le plus rencontré consiste en un adoucissement par précipitation du carbonate de calcium par la chaux, puis neutralisation à l’anhydride carbonique. Ainsi qu’on le voit sur la figure 7, on procède en trois étapes :

  • — injection de lait de chaux,
  • — décantation,
  • — neutralisation au CO₂.
[Photo : Fig. 7 : Schéma de l’adoucissement avec chaux et CO₂]

Dans les deux cas décrits ci-avant, la mise en œuvre du CO₂ fait appel à des systèmes d’injection du gaz.

Caractéristiques des gaz utilisés dans le traitement des eaux potables

Gaz | Formule | Masse volumique (g·cm⁻³) | Température d'ébullition (°C) | Solubilité molaire (l·l⁻¹) à 1 atm (20 °C) | Conversion en volume de gaz par litre d’eau (l·l⁻¹)
Oxygène | O₂ | 1,338 | –182,97 | 0,0435 | 20,3
Anhydride carbonique | CO₂ | 1,976 | –78,5 | 1,729 | 0,033
Hydrogène | H₂ | 0,0899 | –253,7 | 0,0182 | 0,0015
Protoxyde d’azote (1) | N₂O | 1,977 | –88,7 | 1,824 | 0,013

(1) Commercialisé par l’Air Liquide sous la marque PROTOXAL

Les procédés d’injection sont très simples, compte tenu d’une part de la forte solubilité du CO₂ dans l’eau (voir le tableau), d’autre part des faibles concentrations à dissoudre. Les systèmes les plus couramment rencontrés sont, soit l’injection par diffuseurs poreux placés en fond de bassin, soit l’injection directe dans une canalisation. Cependant, pour des cas où ces deux systèmes ne pourraient être appliqués, nous avons développé d’autres matériels de transfert, comme le bicône, qui peuvent être utilisés.

[Photo : Schéma d’un appareil de transfert du type bicône]

L’HYDROGÈNE

Un substrat pour la dénitrification biologique

Depuis une dizaine d’années, la croissance du taux de nitrates dans les eaux souterraines destinées à la consommation a attiré l’attention des pouvoirs publics et les efforts des distributeurs et des traiteurs d’eau. Les effets néfastes des nitrates sur la santé humaine ont été soulignés, et bien que leur absorption ne se fasse pas exclusivement sous forme hydrique, il est devenu nécessaire de lutter contre leur accumulation dans les eaux. Certains captages présentent actuellement des teneurs supérieures à 100 mg/l, alors que la norme européenne applicable en août 1985 prévoit une concentration maximale de 50 mg/l.

L’origine de cette accumulation est diffuse, bien qu’une grande partie en soit imputable aux apports d’engrais ; et la prévention des causes, même si elle est souhaitable, ne peut fournir que des résultats à long terme et doit être complétée par des méthodes d’élimination.

Les procédés utilisés jusqu’à un passé récent consistaient, soit à diluer l’eau de la nappe riche en nitrates, soit à la permuter avec une nappe plus pauvre non exploitée. Ces techniques, outre leur caractère peu séduisant, peuvent trouver des limitations, économiques ou techniques, du fait de l’enrichissement général des eaux souterraines en nitrates, ce qui amène à reconsidérer le problème de la dénitrification sous l’angle des traitements spécifiques.

Les procédés actuellement disponibles sont, soit du type physico-chimique (osmose inverse, résines échangeuses d’ions) qui ne réalisent qu’une concentration des nitrates, soit du type biologique, qui transforment les nitrates en azote gazeux par l’action de bactéries généralement liées à un support fixe ou fluidisé dans un réacteur. On distingue, tant au niveau du type de bactéries impliquées que des conditions de mise en œuvre, la dénitrification hétérotrophe de la dénitrification autotrophe.

La première fait appel à des bactéries qui tirent leur énergie de croissance de l’oxydation d’un composé carboné additionné au milieu, à raison de 0,4 à 0,6 g par gramme de nitrate à éliminer lorsqu’on utilise l’éthanol comme substrat, et 0,8 à 1 g par gramme de nitrate lorsqu’on utilise l’acide acétique. Il est à noter que la législation en Suisse et en R.F.A. n’autorise pas l’utilisation de ces produits pour la potabilisation. Un autre inconvénient de ce procédé est le taux de croissance important des bactéries hétérotrophes, ce qui nécessite le décolmatage fréquent des réacteurs et le traitement de leurs eaux de lavage.

La seconde technique est la dénitrification autotrophe à l’hydrogène. Cette technique, relativement peu connue, est développée par la société suisse Sulzer et a fait l’objet d’essais pilotes en 1980-1981, suivis par les autorités des eaux du canton de Berne (2).

Les bactéries autotrophes utilisées réalisent une réduction par étapes successives de l’ion nitrate en ion nitrite, oxyde nitrique, oxyde nitreux et enfin azote dissous qui désorbe sous forme gazeuse. Cette réduction s’accompagne d’une oxydation de l’hydrogène (H₂) en eau (H₂O). La seule source de carbone nécessaire est celle utilisée pour la synthèse bactérienne, et le carbone inorganique contenu naturellement dans les eaux sous forme de carbonates et bicarbonates y pourvoit.

Le bilan global de la réaction peut être représenté par l’équation suivante :

2 NO₃⁻ + 5 H₂ → N₂ + 4 H₂O + 2 OH⁻

La quantité stœchiométrique d’hydrogène à fournir correspondant à la réaction a été confirmée par les essais ; elle est d’environ 0,09 g d’hydrogène par gramme de nitrate à éliminer. L’augmentation de pH consécutive à la réaction biologique est de 1 à 1,5 unité ; elle est par ailleurs pratiquement annulée à la sortie du traitement secondaire classique de potabilisation qui comprend les étapes d’aération, de floculation-filtration, de chloration et d’adsorption sur charbon actif. Le schéma de principe du réacteur biologique, tel qu’il est mis en œuvre par Sulzer, est donné en figure 9.

[Photo : Schéma de principe du procédé Sulzer de dénitrification biologique à l’hydrogène.]

Lors des essais, l'introduction de l'hydrogène dans le milieu a été testée suivant plusieurs méthodes :

- de façon directe par un diffuseur immergé dans le réacteur,

- par prémélange avec l’eau brute avant l’entrée dans le réacteur,

- par dissolution dans un circuit de recyclage.

La solubilité de l'hydrogène est faible sous pression atmosphérique (tableau) et sa dissolution sous une pression plus élevée permet d’accroître sa solubilité et de limiter le temps de séjour ou le nombre de recirculations nécessaire pour obtenir une élimination complète des nitrates.

La dénitrification à l'hydrogène peut être qualifiée de technique « propre », du fait de l'utilisation d'un substrat non polluant, dont les risques de surdosage sont nuls, et qui offre en outre une sécurité au niveau bactériologique par les conditions de croissance très sélectives qu'il impose.

Parmi les procédés actuellement en cours de développement pour éliminer les nitrates des eaux potables, la dénitrification à l'hydrogène constitue donc une voie d’avenir intéressante.

LE PROTOXYDE D’AZOTE

La détection des fuites

Les pertes d’eau dues aux fuites dans les canalisations souterraines d’adduction d'eau représentent un manque à gagner pour les exploitants. Les méthodes classiques de détection des fuites sont :

— les méthodes sonores : le bruit provoqué par la fuite est détecté par un système microphone – amplificateur. La méthode est sensible aux ondes sonores parasites (manipulations des robinets, vibrations...) ;

— les méthodes de variation de pression : après mise sous pression de la canalisation, l’existence de fuites est décelée par la baisse de pression. Cette méthode, qui ne permet pas de localiser la fuite, peut être améliorée en fractionnant le tuyau par congélation ;

— les méthodes de détection par des gaz traceurs, qui sont les plus fiables : la conduite étant remplie de gaz, les fuites sont détectées en surface par un analyseur. Les gaz employés sont l’hélium, l'hexafluorure de soufre, le fréon, certains isotopes radioactifs, etc. Certains de ces gaz peuvent présenter des prix de revient élevés, une incompatibilité avec l’usage alimentaire, ou nécessiter des moyens de détection complexes.

[Photo : Schéma de mise en œuvre du protoxyde d’azote pour la détection de fuites.]

Le protoxyde d’azote est également employé et sa mise en œuvre particulière est décrite ci-après. Ce gaz est dissous dans l'eau que l’on injecte dans le circuit à tester, cette opération étant facilitée par sa solubilité importante (tableau). Du fait de sa très faible concentration dans l’air (environ 0,5 ppm en volume), il désorbe complètement au niveau des fuites. Il diffuse dans le sol et peut être détecté en surface par une sonde de spectrographie infrarouge, à des teneurs très basses pouvant atteindre 1 ppm.

Il est ainsi possible de détecter des fuites de quelques grammes de gaz par heure, à un mètre de profondeur. La localisation précise des fuites, même minimes, peut s’effectuer en une seule inspection de la conduite à partir d’un véhicule transportant le matériel d’analyse.

La concentration de gaz à injecter dans l’eau est déterminée en fonction de la nature du sol, de la profondeur de la canalisation, de l’ordre de grandeur du débit de fuite cherché, et de la rapidité du temps de réponse souhaité.

L’utilisation du protoxyde d’azote pour la détection des fuites présente des avantages spécifiques :

- gaz non toxique (d’emploi courant comme propulseur aérosol dans l'industrie alimentaire) ;

- gaz non corrosif, chimiquement neutre, ininflammable ;

- détection très sensible aux infrarouges, sans risque de confusion avec d’autres gaz ;

- procédé économique.

RÉFÉRENCES

(1) W. J. Masschelein. — L'ozonation des eaux. Technique et Documentation, 11, rue Lavoisier, Paris.

(2) H. Gros, J.-C. Ginocchio. — Congrès IWSA/AIDE – Zurich (1982).

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