Le peroxyde d'hydrogène est un oxydant puissant qui permet d'oxyder rapidement les sulfures en solution dans les eaux usées et présents lors du traitement ultérieur. Il est facile pour des spécialistes des produits peroxydés de déterminer les doses à utiliser et les points d'injection. Les sulfures étant oxydés, et l'aérobie du milieu assurée, le fonctionnement des installations se trouve amélioré, et les problèmes d'odeurs sont ainsi résolus.
Les économies d’échelle ont conduit à la construction de stations d’épuration des eaux usées de grande capacité, ce qui a entraîné le transport de celles-ci sur de grandes distances. Les temps de séjour s’allongeant, la qualité de l’effluent se dégrade tant en termes de septicité que de génération de sulfures, lesquels créent des nuisances lors du transport des eaux usées, puis pendant le traitement de l’effluent.
Le peroxyde d’hydrogène (H₂O₂) est un agent oxydant puissant, dont le potentiel redox en milieu acide (1,76 V) est l’un des plus élevés. Ses produits de décomposition étant l’eau et l’oxygène, il n’est pas en lui-même source de pollution ; on peut donc utiliser ses propriétés oxydantes dans un grand nombre de situations.
Nous aborderons donc le transport des eaux usées, puis le traitement de l’effluent, en examinant chaque fois comment mettre en œuvre la solution au peroxyde d’hydrogène.
Transport des eaux usées
Les réseaux d’assainissement forment un canevas compliqué de sections gravitaires et sous pression. Le peu d’air contenu dans les sections gravitaires suffit généralement à assurer l’aérobie du milieu, et les concentrations en sulfures restent faibles, sauf dans certains cas particuliers. Inversement, dans les conduites sous pression, la prolifération des sulfures est favorisée par le manque d’air et les temps de séjour plus élevés, et les nuisances qui en résultent peuvent se manifester de manière très importante au point de déversement, notamment aux postes de relevage. Le traitement par le peroxyde d’hydrogène doit donc se situer le plus près possible du point de déversement. On distingue deux types de traitements : curatif et préventif. À chaque fois, on doit déterminer la dose de peroxyde d’hydrogène à injecter, et le point d’injection.
Traitement curatif : suppression des sulfures dans les égouts
La mesure de la concentration en sulfures est une première étape indispensable. À défaut d’équipement, on peut estimer cette concentration par une formule empirique dépendant du temps de séjour, de la DCO et de la température de l’effluent. La dose de peroxyde d’hydrogène à injecter, légèrement supérieure à la stœchiométrie, est basée sur un rapport molaire habituellement fixé à 1,5 : 1.
La réaction du peroxyde d’hydrogène sur les sulfures est normalement très rapide ; selon les cas, la réaction est complète après 15 à 30 minutes. La pratique courante consiste à injecter le peroxyde d’hydrogène à un point tel que le temps de passage de l’effluent entre ce point et le déversement est de l’ordre de 30 minutes aux heures de pointe journalières. Lorsque le réseau ne le permet pas, on introduit le peroxyde plus en amont, mais en adaptant la dose pour tenir compte des sulfures pouvant se former après l’injection. Une formule de calcul permet de fixer l’ordre de grandeur de cette dose.
L’injection de peroxyde d’hydrogène est réalisée par une pompe doseuse. Des équipements récemment mis au point permettent maintenant d’ajuster le débit de peroxyde d’hydrogène en fonction des concentrations mesurées en aval, ce qui est rendu possible par le temps de réaction extrêmement court du peroxyde sur les sulfures.
Bien entendu, dans le cas où des sections gravitaires seraient à traiter, l’injection de peroxyde est également possible dans la mesure où l’on dispose d’un temps de réaction suffisant, compris entre 15 et 30 minutes.
Traitement préventif : injection au poste de relevage
La contexture des réseaux ne permet pas toujours de disposer d’un accès aux conduites sous pression. Il est alors nécessaire de traiter la conduite de manière préventive pour supprimer les sulfures existants et pour donner suffisamment d’oxygène au milieu jusqu’au point de déversement : tant qu’il reste de l’oxygène dans l’eau, il
ne se forme pas de sulfures. Dans ce cas, on injecte du peroxyde d’hydrogène au poste de relevage situé au début de la conduite sous pression.
La quantité de peroxyde d’hydrogène à injecter doit être suffisante pour supprimer les sulfures existants et satisfaire le besoin en oxygène moléculaire de la conduite. À nouveau, des formules de calcul empiriques donnent de bons ordres de grandeurs, que l'expérience pratique amène à revoir. C’est ainsi que la formule de Boon et Lister chiffrant le besoin en oxygène moléculaire donne des résultats toujours supérieurs à la réalité expérimentale.
L’injection du peroxyde d’hydrogène s’effectue dans le collecteur, de préférence au niveau du refoulement de la pompe de façon à assurer un bon mélange du réactif avec l’effluent. L’injection n’est pratiquée que lors de la marche de la pompe.
Remarques générales
Les contraintes économiques im posent désormais que l’on travaille dans des conditions optimales. Celles ci doivent tenir compte, entre autres :
- • des variations de débit journalières et hebdomadaires : pendant les heures de débit maximum, les con centrations en sulfures sont plus faibles ;
- • de la concentration réelle des sul fures à tout moment de la journée : à ce titre, il est utile d’établir un profil journalier à partir de mesures pra tiquées toutes les deux heures.
En règle générale, la prévention de la formation des sulfures (traitement au poste de relevage) consomme da vantage de peroxyde d’hydrogène que leur suppression (traitement dans les égouts proprement dits).
Traitement des eaux usées
Nous distinguerons ici quatre types de traitement : le prétraitement, le trai tement biologique, le traitement des boues et le lagunage.
Prétraitement
Les équipements situés à l’entrée de la station sont souvent le siège de mauvaises odeurs. On peut y remédier en injectant du peroxyde d’hydrogène dans l’égout alimentant la station. La quantité de peroxyde d’hydrogène peut être calculée comme précé demment, en tenant compte de la concentration en sulfures au point de déversement.
Il est également possible de contrôler la teneur en sulfure d’hydrogène atmosphérique, en asservissant la dose de peroxyde d’hydrogène in jectée.
Dans le cas où les clarificateurs pri maires dégagent une odeur de sul fures (généralement à la surverse), il est possible d’introduire du peroxyde soit à l’entrée de la station, soit à l’entrée du décanteur, en veillant à maintenir une concentration en oxygène dissous comprise entre 0,5 et 1 mg/l.
Traitement biologique
Lit bactérien
Un effluent contenant des sulfures, ou traversant un filtre sale ou plus ou moins colmaté, provoque des pro blèmes d’odeurs lors de son passage sur le lit bactérien, car les gaz dissous malodorants se dégagent plus facilement. La solution passe encore par l’injection de peroxyde d’hydro gène dans le clarificateur ou à la surverse, de manière à assurer une concentration d’oxygène dissous comprise entre 0,5 et 1 mg/l.
Boues activées
Les bassins d’aération sont souvent la source de mauvaises odeurs, et on y observe la corrosion des parties mé talliques ainsi qu’un déficit d’oxygène dissous. L’injection de peroxyde d’hydrogène permet d’oxyder les sulfures et d’assurer une teneur en oxygène dissous de 1 mg/l ; l’addition s’effectue de préférence dans l’eau sortant du décanteur primaire. Les boues recyclées peuvent en outre être fortement septiques : on ajoute alors du peroxyde d’hydrogène dans la ligne de recyclage.
Lorsque l'on observe des bulles dans le décanteur secondaire, c’est un signe de dénitrification : les bactéries ne trouvant plus d’oxygène dans le milieu, réduisent alors les nitrates en azote gazeux, dont les bulles font flotter les boues. En ajoutant du peroxyde d’hydrogène au centre du clarificateur afin d’assurer une concentration d’un mg/l d’oxygène dissous, on supprime ce problème.
Les très nombreux cas de foi sonnement posent à chaque fois un nouveau problème. Il est utile de savoir que le peroxyde d’hydrogène permet d’éliminer certains types de foisonnements, soit par un traitement continu des eaux entrantes, soit par un traitement de choc selon les cas.
Jusqu’à 400 mg/l, le peroxyde d’hy drogène n’est pas dangereux pour la biomasse. Il n’est pas recommandé d’ajouter de telles concentrations dans le décanteur, car l’oxygène qui se dégagerait pourrait faire flotter la boue.
Traitement des boues
La forte proportion de biomasse contenue dans les boues conduit rapidement à l’épuisement de l’oxy gène dissous, et à la septicité des boues elles-mêmes. Les performances des traitements ultérieurs s’en trou vent amoindries.
Le traitement par le peroxyde d’hy drogène peut alors apporter des amé liorations notables en plusieurs en droits :
- • dans la ligne de recyclage du liquide surnageant des digesteurs,
- • avant l’épaississeur de boues, ou dans la ligne d’alimentation de l’ap pareillage de déshydratation,
- • dans la ligne alimentant les lits de séchage des boues.
Dans ces trois cas, le peroxyde d’hydrogène oxyde les sulfures présents et oxygène les boues. Les doses à injecter varient largement d’un cas à l’autre, en fonction de la teneur en sulfures, et elles doivent être déterminées par des essais successifs. Des ordres de grandeurs convenables seraient compris par exemple entre 100 et 1 000 cm³ de peroxyde d’hydrogène concentré à 35 % par m³ de boue.
Le cas des lagunes
Le vent et les températures de l’eau et de l’air assurent l’alimentation natu relle en oxygène d’une lagune. Si la DBO introduite dépasse les capacités de la biomasse, ou si des algues prolifèrent sous l’effet de polluants, les conditions deviennent vite anaérobies et le vent devient un vecteur de mauvaises odeurs.
L’injection de peroxyde d’hydrogène dans les eaux entrantes permet d’alimenter le milieu en oxygène sans pour autant brasser la lagune, ce qui provoquerait la remontée des boues en fermentation. La dose de départ peut s’établir entre 30 et 50 cm³ de peroxyde d’hydrogène concentré à 35 % par m³ d’eau entrant dans la lagune. Si la situation ne redevient pas aérobie, il y a lieu d’employer de plus grands moyens, et d’injecter directe ment le peroxyde d’hydrogène au
fond de la lagune par des tubes plongeurs.
Le peroxyde de calcium CaO₂ constitue une alternative intéressante : épandu sur la surface de la lagune, ce solide s’hydrolyse en effet lentement en libérant de la chaux, du peroxyde d’hydrogène et de l’oxygène moléculaire.
Conclusion
Les différentes situations présentées n’ont rien d’exceptionnel, et il est manifeste que le peroxyde d’hydrogène constitue une solution efficace contre la formation des sulfures dans les eaux usées. Les points communs à ces différents traitements par le peroxyde d’hydrogène sont de trois sortes :
● facilité de mise en œuvre du produit, tout en respectant cependant les mesures de sécurité liées à l’emploi d’un réactif puissant ; ● possibilité de déterminer a priori et par le calcul des doses d’injection pouvant servir de base à une optimisation ultérieure ; ● temps de réaction courts, permettant le plus souvent de définir des traitements bien adaptés et facilement ajustables, en fonction de l’ampleur des problèmes observés.
Ces caractéristiques permettent aux spécialistes de l’emploi des produits peroxydés de bien dimensionner la solution à utiliser, et de disposer des mécanismes nécessaires pour s’adapter aux différents problèmes qui se présentent dans la pratique.