La chaux, produit universellement utilisé dans le domaine industriel, est aussi l’un des réactifs traditionnels du traitement de l’eau et des boues résiduaires. Les exigences croissantes formulées en matière de protection de l’environnement se sont accompagnées, dans des pays comme la République fédérale d’Allemagne ou les États-Unis d’Amérique, d’un accroissement notable de sa consommation et, en France, les tonnages livrés en 1985 pour le traitement des eaux représentaient 194 000 tonnes. Les secteurs qui étaient prospectés il y a quelques années ont effectivement connu un certain développement, et des utilisations potentielles intéressantes ont été confirmées dans divers secteurs, en fonction des facteurs suivants :
traitement des eaux
- — nécessité d’appliquer de plus en plus fréquemment des traitements combinés de clarification – décarbonatation ;
- — mise au point et diffusion des techniques de décarbonatation catalytique, qui ont constitué une étape technologique très importante dans l’utilisation de la chaux ;
traitement des eaux usées
- — augmentation de la pression réglementaire intervenue en matière de détoxication des eaux, par exemple dans l’industrie des traitements de surface ;
- — nécessité de trouver des réponses techniquement et économiquement valables aux problèmes de l’épuration dans les sites touristiques à forte variation de population saisonnière : des efforts considérables y ont été réalisés pour mettre au point des filières d’épuration physico-chimique faisant appel notamment à la chaux ;
- — nécessité de parfaire l’épuration des eaux (jusqu’ici limitée à l’élimination de la seule pollution carbonée) en y intégrant la lutte contre l’eutrophisation du milieu aquatique et, par là même, l’élimination du phosphore ;
traitement des boues issues de l’épuration
- — augmentation de la pression réglementaire pour faire cesser les abus et l’anarchie dans le domaine du traitement et de l’élimination des boues résiduaires par la multiplication des installations de déshydratation, la stabilisation des boues fermentescibles, et le développement des techniques liées à la valorisation agricole (comme l’incorporation de chaux vive à des boues centrifugées) ;
élimination des déchets
- — prise de conscience (liée, il faut en convenir, à la pression réglementaire) concernant la nécessité de promouvoir des filières de traitement et de mise en décharge des déchets présentant les garanties nécessaires vis-à-vis de l’environnement : en particulier, immobilisation des polluants toxiques dans des déchets « fixés » par des liants hydrauliques.
Les conditions d’utilisation de la chaux dans ces diverses applications sont détaillées ci-après.
PRÉPARATION DES EAUX DESTINÉES À LA CONSOMMATION ET À L’USAGE INDUSTRIEL
La production annuelle d’eau de consommation potabilisée est estimée globalement pour la France à 3,5 milliards de m³, dont environ 2 milliards destinés aux particuliers et 1,5 milliard livrés aux industriels, statistique qui exclut les quantités préparées par les industriels eux-mêmes.
Les besoins en eau industrielle sont variés ; schématiquement, on distingue trois catégories :
- — les eaux destinées aux circuits de distribution des entreprises, qui sont utilisées pour le process et l’usage socio-sanitaire. Ces eaux doivent être limpides, non corrosives, exemptes de toxiques, compatibles avec les procédés, et leur stérilité doit être garantie aussi sévèrement que celle d’une eau potable ;
- — les eaux de circuits de réfrigération, dont le degré de traitement dépend de l’état physico-chimique initial et du taux de recyclage ;
- — les eaux d’alimentation des chaudières, dont la qualité requise dépend de la pression de service, du type de chaufferie, etc.
Les eaux de consommation
Le regroupement des populations sur des sites urbains importants a pour conséquence de reporter la demande sur des installations de grande taille, où l’utilisation de la chaux devient systématique au stade de l’ajustement du pH de coagulation (débits supérieurs à 1 000 m³/h). D’autre part, les usagers expriment le désir de consommer des eaux relativement peu minéralisées, ce qui encourage les concepteurs d’installations à envisager des traitements renforcés pour des eaux dont la dureté n’aurait pas été prise en compte antérieurement. Cette évolution est valable dans le cadre de la rénovation des installations d’une certaine importance ; toutefois, la reminéralisation de l’eau traitée y est nécessaire pour lutter contre la corrosion.
En matière de décarbonatation, la chaux conserve un créneau important lorsque l’opération est combinée avec la coagulation. En matière d’eau potable, les résines connaissent un handicap sérieux qui est celui de l’agrément pour l’alimentarité ; de plus, le problème des éluats de régénération est aussi difficile à traiter correctement que celui des boues du traitement physico-chimique.
Les eaux industrielles
La nécessité de recourir à des eaux de surface de moindre qualité rend obligatoire la mise en œuvre de filières associant clarification, décarbonatation et déminéralisation partielle. La chaux demeure un réactif de choix pour réaliser cette préparation poussée des eaux à usage industriel. La décarbonatation à la chaux présente alors deux avantages essentiels :
- — elle provoque la réduction de la dureté
bicarbonatée, ce qui évite les incrustations de carbonate de calcium,
— elle assure simultanément une clarification de l’eau puisqu’elle réalise une coagulation-décantation assimilable à un traitement complet de l’eau : élimination de la dureté carbonatée, déminéralisation partielle, clarification. La mise en œuvre de technologies à masse de contact granulaire permet d’atteindre le point d’équilibre en cristaux de CaCO₃ : c’est la décarbonatation sur germes catalytiques.
Cette technique présente des avantages marqués :
— décarbonatation et déminéralisation partielle pour un faible coût de réactifs,
— investissements réduits,
— exploitation facile,
— eau traitée à réaction alcaline,
— boues faciles à évacuer.
Par contre, elle s’applique mal aux eaux très chargées, non carbonatées, magnésiennes ou fluctuantes en dureté carbonatée. La décarbonatation des eaux contenant des colloïdes sera combinée à l’élimination par coagulation à l’aide de sulfate d’alumine, chlorure ferrique et éventuellement polymère. Les installations à recirculation de boues ont le défaut de nécessiter des implantations importantes, mais elles permettent de traiter tous types d’eaux et de produire des eaux clarifiées décarbonatées à réaction alcaline.
Les impératifs d’économie d’eau et de lutte contre la corrosion et l’entartrage ont conduit à remettre en cause les traitements traditionnels. L’étude de la fermeture des circuits d’eau débouche sur des propositions très variées d’utilisation de réactifs ou de technologies particulières. La chaux reste cependant le réactif clé de la décarbonatation des eaux chargées et de l’adoucissement partiel des eaux de consommation.
Enfin, un vaste marché s’ouvre pour le conditionnement préalable à la déshydratation des boues issues de la clarification des eaux brutes, puisqu’il est de moins en moins toléré que les rejets de ces boues interviennent directement et que très peu d’usines de traitement des eaux sont dotées des équipements correspondants.
TRAITEMENT PHYSICO-CHIMIQUE DES EAUX URBAINES
L’épuration des eaux résiduaires urbaines s’effectue généralement par l’intermédiaire de procédés biologiques qui, pour assurer l’élimination de la pollution organique biodégradable (DBO₅), font appel à l’activité bactérienne, soit naturelle, soit le plus souvent accélérée. Les applications bien connues en sont les lagunes, les lits bactériens et les systèmes à boues activées. De par leur efficacité, ces procédés d’épuration permettent d’atteindre le niveau de traitement normalement exigé et assurent une dépollution suffisante pour résoudre la majorité des problèmes d’assainissement urbain. Il faut cependant reconnaître que malgré les grands services rendus (et qu’ils continuent à rendre), les procédés biologiques ne sont pas sans présenter de graves lacunes dans le cas du traitement des rejets des zones touristiques de haute montagne et de bord de mer où les populations varient très vite et de façon considérable. Leurs inconvénients majeurs tiennent essentiellement à leur inadaptation aux variations brutales et importantes des flux de pollution à traiter dans le cadre du développement accéléré des activités de loisirs et touristiques, à leur mise en régime trop lente, incapable de suivre les brusques accroissements de charges de pollution (surtout en altitude où les basses températures des effluents en hiver ralentissent les processus biologiques), à l’exploitation souvent rendue difficile par le développement (suite aux fluctuations importantes et de courte durée de la pollution, par exemple lors des week-ends), de bactéries filamenteuses à l’origine du phénomène de gonflement (bulking) des boues activées altérant leur décantabilité.
En France, les stations d'épuration urbaines par voie physico-chimique sont d'un développement récent. Le parc de stations, très réduit il y a quelques années, compte maintenant environ une centaine d'installations traitant en majorité les effluents de localités touristiques. De telles stations sont également préconisées lorsque la présence de toxiques d'origine industrielle met en péril l'efficacité de l'épuration biologique. Les réactifs de traitement interviennent pour 20 à 30 % dans le coût de revient (hors amortissement, frais généraux et renouvellement de matériel). La chaux n'est certes pas employée comme réactif unique de traitement, mais son emploi apporte des garanties indispensables à une épuration optimale des effluents collectés sur des sites particulièrement sensibles ; de plus, son usage permet de réduire efficacement les nuisances liées à l'épuration (contrôle des odeurs en particulier).
La moitié des installations seulement utilisent actuellement la chaux, dont la mise en œuvre doit apporter une diminution de la consommation de réactif métallique, la réduction de la taille des ouvrages de décantation et des nuisances olfactives ainsi que l'amélioration de l'aptitude des boues à la déshydratation.
Rappelons que l'utilisation de chaux devrait être obligatoire pour stabiliser les boues d'épuration dans l'ouvrage d'épaississement gravitaire. L'ajout de chaux à ce niveau a également pour intérêt d'assurer un meilleur taux de capture des matières en suspension ; par ailleurs, l'emploi de la chaux peut être indispensable en complément d'un sel métallique (eau de faible TAC) ; enfin, il est tout à fait recommandé, dans le cas d'effluents chargés en sulfures (il élève le pH vers 9, ce qui prévient la formation d'H₂S).
Élimination du phosphore
Le parc de stations d'épuration françaises est constitué, dans sa très grande majorité, d'unités de type biologique, essentiellement destinées à traiter la pollution d'origine carbonée ; de ce fait, les éléments responsables des phénomènes d'eutrophisation, à savoir l'azote et surtout le phosphore, sont relativement peu éliminés par l'épuration biologique traditionnelle. L'eutrophisation continue donc d'exercer son rôle dégradant sur le milieu aquatique, de manière peut-être moins spectaculaire mais tout aussi inexorable.
L'azote et le phosphore sont associés dans le phénomène de croissance algale ; cependant, leurs niveaux d'action sont distincts, ce qui offre la possibilité de lutter contre l'eutrophisation par le biais du contrôle de l'un des deux éléments.
L'élimination de l'azote fait appel, le plus généralement, à des techniques biologiques complexes associant nitrification et dénitrification. L'élimination du phosphore résulte de l'emploi de solutions qui sont, soit de type physico-chimique, soit de type biologique.
Les apports cumulés de phosphore par les eaux usées domestiques sont estimés à 4 g par habitant et par jour (y compris les détergents). Il s'agit là d'un marché qui s'ouvre et qui intéresse l'ensemble du parc de stations d'épuration en France. Nous n'en sommes qu'au stade des premières réalisations physico-chimiques et des premières expériences en vraie grandeur par voie biologique.
Il y a donc concurrence entre des procédés pouvant faire appel à des réactifs chimiques et des procédés biologiques ; or, l'emploi de la chaux est appliqué empiriquement depuis fort longtemps et l'application des ions calcium au traitement de précipitation des phosphates a pour finalité d'obtenir la formation d'hydroxyapatite insoluble en présence d'ions OH⁻.
Utilisation de la chaux comme réactif
Une précipitation alcaline par la chaux constitue une méthode pratique pour éliminer 80 % et plus de phosphore. Elle augmente cependant notablement le pH (optimum à 11,5), la dureté (entartrage possible), et double le volume des boues produites. La meilleure utilisation de la chaux paraît être en combinaison avec le chlorure ferrique, ce qui permet de réduire la consommation globale de réactifs, le dosage type étant de 20 ppm FeCl₃ et de 200 ppm Ca(OH)₂. Les techniciens nord-américains préconisent des procédés type « low lime » sur le décanteur primaire, sacrifiant un peu la performance pour minimiser les inconvénients, ce qui trouve peu d'écho en France.
TRAITEMENT PHYSICO-CHIMIQUE DES EAUX USÉES INDUSTRIELLES
Le nombre et la variété des problèmes posés par le traitement des eaux polluées industrielles sont immenses.
Les utilisations potentielles de la chaux comme réactif de traitement sont tout à fait diversifiées ; certaines sont vraisemblablement uniques. Chaque fois qu'un problème de neutralisation, de coagulation, de précipitation se pose, la chaux peut trouver, en effet, une application. Schématiquement, et en faisant abstraction de nombreux cas particuliers, on distingue trois types de traitements faisant appel à la chaux :
— au stade des prétraitements : l'opération de simple neutralisation (concurrence avec la soude),
— l'application de l'épuration physico-chimique aux eaux usées industrielles : ces techniques sont les mêmes que celles utilisées pour le traitement des effluents urbains,
— la détoxication des eaux de l'industrie des traitements de surface des métaux, qui est une forme particulière d'épuration physico-chimique.
Le traitement physico-chimique fait appel à des combinaisons ternaires : coagulant métallique + chaux + polymère, qui donnent souvent d'excellents résultats : meilleure clarification de l'effluent, vitesse ascensionnelle plus élevée sur les ouvrages (d'où la possibilité d'en réduire les dimensions), et meilleure traitabilité des boues. En matière de précipitation des métaux, la soude et la chaux sont en concurrence ; dans l'absolu, l'efficacité de la précipitation d'un élément métallique donné est la même, sauf en ce qui concerne le fluor, pour lequel la chaux représente le seul réactif possible.
Dans la pratique, on trouvera également à utiliser la chaux sur des effluents complexes ; le pH de précipitation y est un compromis entre le pH optimal des divers éléments présents ; elle permet alors d'obtenir une efficacité globale plus satisfaisante.
Par ailleurs, les eaux usées industrielles contiennent souvent des phosphates en quantité notable (origine : les bains de dégraissage des métaux ou les bains de phosphatation avant mise en peinture, détergents, détartrants) ; dans ce dernier cas, la chaux permet de précipiter de manière optimale métaux et phosphates.
BOUES RÉSIDUAIRES DE L'ÉPURATION
Si la tâche d'une station est de rendre acceptable le rejet, dans le milieu naturel, des eaux résiduaires, et de produire des eaux de consommation potables ou des eaux industrielles d'appoint, elle est aussi de gérer correctement des boues produites, ces boues résiduaires devant être rendues compatibles avec leur destination finale : la mise en décharge, la valorisation agricole, et l'incinération. Le problème est très vaste et complexe, tant est grande la diversité des boues à traiter, et variées les contraintes à intégrer. On retiendra que ce problème est une préoccupation majeure, à la fois pour les collectivités locales, les industriels et les administrations concernées. Il reste un travail considérable à effectuer pour mieux cerner la production des boues et leurs destinations actuelles, comme le montrent les difficultés rencontrées pour estimer ces données.
En ce qui concerne le traitement des boues au niveau des stations d'épuration, de très grands progrès ont été effectués, à la fois dans la connaissance approfondie de ce type de substrat (caractérisation physico-chimique poussée et appréciation fine de leur aptitude à la déshydratation) et dans le développement technologique des appareillages. L'objectif principal est, sauf exception, une réduction de volume et de masse importante, sinon maximale, et l'obtention d'un produit indemne de nuisances (stabilité biologique et chimique) dans des conditions économiquement acceptables.
Le champ d'application de la chaux comme réactif de conditionnement des boues résiduaires de l'épuration des eaux usées et des boues issues de la mise en œuvre des traitements de préparation des eaux potables et industrielles, est très vaste. Pour ce qui est des seules stations urbaines, la capacité théorique du parc français est voisine de 50 000 000 équivalent-habitants, ce qui correspondrait, selon les estimations, à 1 000 000 – 1 200 000 tonnes de MS potentielles par an (1983). En fait, les stations d'épuration françaises sont chroniquement sous-chargées en pollution, ce qui ramène l'estimation des productions de boues à 500 000 tonnes par an de matières sèches.
D'après les statistiques que nous avons pu consulter, un peu plus de la moitié de cette production serait susceptible d'être traitée par des installations de déshydratation mécanique, dont 30 % après digestion anaérobie. Les destinations finales des boues généralement admises en France sont, pour la moitié du tonnage la mise en décharge, pour un quart l'incinération, et pour l'autre quart la valorisation en agriculture. La comptabilisation des boues industrielles et des boues issues de la préparation des eaux est beaucoup plus aléatoire. De très nombreuses stations d'épuration sont encore dépourvues de traitement des boues digne de ce nom.
À l'heure actuelle, il est incontestable que l'on voit se réaliser de nombreuses installations de déshydratation mécanique faisant appel à des techniques associées à une floculation polymérique : sacs filtrants, bennes filtrantes, décanteuses, filtre à bande, ou filtre à bande nouvelle génération à étage haute pression ; mais, dans le même temps, on rencontre peu d'utilisateurs de filtres-presses mécontents des performances de leurs installations. La filtration sous pression (filtre-presse à plateaux), utilisatrice de chaux (20 à 40 % des MS), a encore beaucoup d'arguments à faire valoir : robustesse des appareillages, sécurité des résultats, siccités élevées (plus de 30 %), et conformité des boues avec les réglementations. C'est, en outre, la seule méthode mécanique permettant d'atteindre directement l'autocombustibilité (toutefois au prix d'une surcharge minérale).
Enfin, il est un domaine où la chaux est irremplaçable comme réactif de conditionnement, à savoir toutes les boues résiduaires industrielles, issues le plus souvent de l'épuration physico-chimique, et contenant des polluants susceptibles de migrer dans les eaux après mise en décharge.
On considérera à part la technique d'incorporation de chaux vive. Celle-ci se pratique le plus souvent en malaxant des boues centrifugées ou filtrées et de la chaux vive. Elle est en cours de développement, mais nous lui voyons de belles perspectives, en particulier dans les régions où il est souhaitable d'apporter un amendement calcaire aux sols (région Nord-Pas-de-Calais par exemple). L'incorporation de chaux vive peut s'envisager aussi bien dans la perspective d'une utilisation agricole que par la nécessité d'hygiéniser la boue résiduaire.
PROCÉDÉS DE FIXATION DES BOUES
Lors de leur mise en décharge, les boues résiduaires contenant des produits toxiques dans leur phase solide manifestent un risque tout particulier pour l'environnement, du fait que cette phase solide se trouve très finement dispersée et présente un interface très important avec le milieu extérieur, ce qui ne peut que favoriser amplement le passage en solution d'espèces polluantes toxiques par suite de phénomènes de dissolution, hydrolyse, biodégradation, etc. Par ailleurs, ces boues comportent une phase liquide aqueuse interstitielle, elle-même plus ou moins contaminée, qui en constitue la fraction la plus mobile.
On remédie partiellement à ce problème en n'admettant en décharge que des boues suffisamment déshydratées après déshydratation mécanique, se présentant à l'état physique pelletable.
Une autre solution pourrait résulter de la mise en œuvre de procédés dits « de fixation » des boues, commercialisés depuis quelques années sous des dénominations diverses, et qui utilisent divers types de réactifs : liants hydrauliques, molécules polymérisables, charges diverses. Leur application aboutit globalement à un effet de fixation des polluants, c'est-à-dire, en pratique, à une diminution de leur tendance à la solubilisation ; ces procédés s'appliquent en général à des boues liquides, qu'on s'efforce évidemment de concentrer au maximum. Divers types de mécanismes peuvent être impliqués séparément ou simultanément, et leur importance relative n'est pas bien connue à l'heure actuelle.
Procédés basés sur l'utilisation de la chaux
L'addition de chaux, par l'élévation de pH qu'elle provoque, est susceptible d'insolubiliser de nombreux métaux lourds sous forme d'hydroxydes. L'utilisation de chaux vive (CaO) fixe en outre l'eau interstitielle des boues, en donnant de la chaux éteinte Ca(OH)₂. Il en résulte une solidification des boues ou déchets liquides traités. Les procédés d'addition de chaux vive seule aboutissent à un déchet solide presque pulvérulent, de structure non massive.
Tous ces procédés ne diffèrent, en fait, que par la conception des mélangeurs qui sont utilisés, la technique consistant à mélanger les boues avec de la chaux vive. La réaction exothermique dégage de la vapeur d’eau. Les boues traitées sont solides, friables, de pH 12, les métaux sont insolubilisés et les germes pathogènes détruits. Les avantages sont en général les mêmes que ceux de l’utilisation des liants hydrauliques : disponibilité des réactifs à un coût raisonnable, techniques de malaxage maîtrisées, prise en compte des variations de qualité des boues.
En ce qui concerne le relargage des polluants, et plus particulièrement des métaux, les procédés commerciaux à base de liants hydrauliques ne permettent pas d’obtenir de meilleure rétention que des procédés rustiques de simple chaulage des boues. De plus, la chaux donne d’excellents résultats pour la rétention des hydrocarbures, des phénols et des détergents.
CONCLUSION
Bien que son emploi n’ait pas encore connu en France le même développement qu’en Allemagne fédérale, la chaux est considérée par ses utilisateurs comme étant sans rivale sous l’aspect de la qualité du résultat obtenu et de son coût peu élevé. Les raisons de ce retard dans l’utilisation d’un réactif essentiel, par rapport à un pays dont les objectifs de protection de qualité du milieu naturel sont au même niveau, sont difficiles à établir ; il semble toutefois que le produit « chaux » doive impérativement bénéficier des progrès réalisés au niveau de son stockage et de sa mise en œuvre, compte tenu des perspectives favorables liées au développement continu de l’assainissement et du traitement des déchets.
Dans le domaine urbain, la chaux est l’un des réactifs clés utilisés pour l’épuration physico-chimique et tertiaire (déphosphatation). Dans un pays à vocation touristique, et soucieux de préserver ses ressources en eau, son utilisation doit se développer nécessairement pour faire face à des exigences de qualité très élevées, cela même si la combinaison systématique des épurations biologique et physico-chimique n’est pas pour demain. Dans le domaine industriel, la chaux restera un réactif apprécié de neutralisation et de précipitation, notamment des métaux lourds et du phosphore. En outre, l’utilisation ponctuelle de chaux à des dosages modérés se révèle une aide précieuse à l’exploitation de stations surchargées ou dont les boues présentent une mauvaise décantabilité chronique.
L’amélioration du fonctionnement des réseaux de collecte et du taux de raccordement effectif des usagers amènera, à terme, une augmentation très sensible de la production de boues résiduaires, alors que les équipements de déshydratation sont déjà notoirement insuffisants.
Le nombre d’installations à réaliser ou à réhabiliter reste important, et seules des conditions économiques difficiles pourraient justifier les retards pris dans ce domaine. En effet, l’utilisation de la chaux dans le traitement des boues d’une station représente souvent la seule méthode efficace pour maîtriser le stade stockage-épaississement des boues fraîches, juguler les odeurs et obtenir une siccité élevée lors de la déshydratation mécanique. Avant tout, elle constitue le réactif de conditionnement des boues destinées à la mise en décharge. De même, dans le domaine des déchets toxiques, la chaux reste le réactif de référence pour l’immobilisation des métaux et autres polluants, en conférant aux traitements appliqués la fiabilité requise.