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L'utilisation de l'énergie solaire pour le pompage de l'eau dans les PVD

30 octobre 1975 Paru dans le N°2 à la page 83 ( mots)
Rédigé par : M. VERGNET

Depuis bientôt quinze ans, à la suite des travaux du Professeur MASSON, de l’Université de Dakar, notre groupe de recherches s’intéresse aux possibilités qu’offre l’énergie solaire pour résoudre les problèmes de production d’énergie dans les régions isolées des zones tropicales.

Les Établissements Pierre MENGIN, puis la Société Française d’Études Thermiques et d’Énergie Solaire travaillent en collaboration étroite avec plusieurs organismes de recherches africains, en particulier :

— l’Université de Dakar,

— l’École Inter-États de Ouagadougou,

— l’Université du Tchad,

— le Laboratoire d’Énergie Solaire du Niger,

— le Laboratoire d’Énergie Solaire de Bamako.

Devant les développements récents de cette technique, le Commissariat à l’Énergie Atomique, la Société Renault, le Groupe Total et la Société Gaz Océan ont décidé de nous aider dans ces recherches et réalisations.

RAPPEL SUR L’ÉNERGIE SOLAIRE

Cette source d’énergie disponible gratuitement en tout lieu, et notamment dans les zones arides correspondant aux pays en voie de développement, peut être considérable. La radiation solaire peut en effet atteindre 1 kW/m² au niveau du sol.

Cependant ses avantages certains sont en partie compensés par quelques inconvénients qui expliquent que la transformation de cette énergie n’ait pas connu le développement que l’on devait en attendre.

— Cette énergie est cyclique.

Or, les sources énergétiques doivent, sauf exception, fonctionner 24 heures sur 24.

— Par temps nuageux, cette énergie baisse considérablement, la radiation diffuse ne représentant que 30 à 40 % de l’énergie directe.

— Enfin, elle n’est abondante et régulière que dans les régions tropicales qui sont souvent peu industrialisées.

À l’analyse de ces difficultés, et dans un souci d’efficacité, nous nous sommes fixés un certain nombre d’options.

NOS OPTIONS DE BASE

a) Comme l’énergie solaire est cyclique, nous avons cherché une application pour laquelle le stockage énergétique soit aisé.

C’est le cas du pompage de l’eau.

Or, il se trouve que cette application est une de celles qui est la plus demandée dans les pays tropicaux.

b) Simplicité de mise en œuvre et fiabilité.

Pour que ces matériels soient adaptés aux conditions d’utilisation pratiques dans ces régions isolées, il fallait concevoir des appareillages rustiques n’impliquant pas une maintenance par des personnels qualifiés.

Les capteurs plans dont le fonctionnement statique ne présente pas la sujétion du suivi du soleil et donc de mécanismes peu fiables, ont été retenus bien qu’ils ne permettent que des rendements thermo-énergétiques faibles.

Un soin particulier a été apporté à la réalisation des convertisseurs thermo-mécaniques et thermo-électriques afin qu’ils offrent la même fiabilité que les autres composants des équipements solaires.

PRINCIPE DE FONCTIONNEMENT DES POMPES SOLAIRES SOFRETES À COLLECTEUR PLAN

SOFRETES a donc choisi d’utiliser l’énergie solaire pour entraîner une pompe à eau, grâce à un cycle thermique à basse température, établi entre une source chaude. La source chaude est alimentée par les radiations solaires tandis que la source froide consiste dans l’eau pompée.

1. Capteurs solaires

Une batterie de capteurs solaires de modèle rudimentaire et entièrement statique est chargée de collecter le rayonnement solaire et de le transformer en chaleur.

Cette fonction est assurée par une plaque réalisant un « corps noir » isolée thermiquement du milieu ambiant et placée sous verre pour bénéficier de l’effet de serre. Cette plaque cède sa chaleur à un caloporteur, généralement de l’eau, qui circule à l’intérieur de ces capteurs.

2. Convertisseur thermique

Ce rayonnement, transformé par les capteurs en énergie calorifique, doit être mis sous une forme assimilable, par un convertisseur, en l'occurrence, sous forme d'un potentiel thermodynamique.

Dans ce but, le caloporteur collectant la chaleur produite par les capteurs transporte son énergie et la cède à un gaz liquide organique, au niveau de la vaporisation de celui-ci.

La pression obtenue par l'évaporation de ce fluide à température suffisante va permettre d'actionner un convertisseur thermomécanique à expansion, moteur à piston ou turbine.

Le fluide, après sa détente dans le convertisseur est liquéfié dans un condenseur dont l'évacuation des calories est assurée par l'eau pompée pour l'installation.

3. Pompage

Une hydro-pompe, directement actionnée par l'arbre moteur dans le cas d'un moteur à piston, ou une pompe centrifuge alimentée par l'alternateur en prise sur la turbine, permet l'exhaure dans un forage ou dans une prise au fil de l'eau.

Les éléments d'une pompe 1 kW et des turbo-alternateurs solaires sont représentés schématiquement ci-après.

[Photo : Représentation schématique d'un moteur solaire.]
[Photo : Représentation schématique du turbo-alternateur solaire de 50 kW.]

RÉALISATIONS ACTUELLES

En dehors des différents prototypes expérimentés en laboratoire, en particulier à l'Université de Dakar, SOFRETES a actuellement en fonctionnement différentes pompes dont les caractéristiques moyennes sont les suivantes :

LA POMPE SEGAL DE SOFRETES

  • — Surface du capteur : 88 m²,
  • — Débit : 6 m³/h,
  • — H.M.T. : 25 m,
  • — Durée de fonctionnement : 5 à 6 h,
  • — Mise en service : 1968,
  • — Lieu d'installation : Institut de Physique Météorologique de Dakar.

LA POMPE ONERSOL DE SOFRETES

  • — Surface du capteur : 60 m²,
  • — Débit : 6 à 7 m³/h,
  • — H.M.T. : 12 m,
  • — Durée de fonctionnement : 4 à 6 h,
  • — Date de mise en service : 1969,
  • — Lieu d'installation : village de Bossey-Bangou (Niger).

LA POMPE OUAGA DE SOFRETES

  • — Surface du capteur : 30 m²,
  • — Débit : 2 m³/h,
  • — H.M.T. : 20 m,
  • — Durée de fonctionnement : 4 à 6 h,
  • — Date de mise en service : 1971,
  • — Lieu d'installation : École Inter-États de Ouagadougou.

LA POMPE CHINGUETTI DE SOFRETES

  • — Surface du capteur : 72 m²,
  • — Débit : 8 à 10 m³/h,
  • — Hauteur manométrique : 23 m,
  • — Durée de fonctionnement : 5 à 7 h,
  • — Lieu d'installation : Chinguetti (Mauritanie).

Le capteur est intégré à un bâtiment offrant un logement et une école.

[Photo : La pompe Caborca de Sofretes]

LA POMPE CABORCA DE SOFRETES

— Surface du capteur : 90 m².

— Débit : 3 m³/h.

— Hauteur manométrique : 45 m.

— Durée de fonctionnement : 5 à 6 h.

— Lieu d’installation : Caborca (Mexique), 1974.

LA POMPE CEBALLOS DE SOFRETES

— Surface du capteur : 90 m².

— Débit : 4 m³/h.

— Hauteur manométrique : 35 m.

— Durée de fonctionnement : 5 à 6 h.

— Lieu d'installation : Ceballos (Mexique), 1974.

LES AXES DE DÉVELOPPEMENT ACTUELS DE SOFRETES

Nous fixons le développement de ces techniques dans trois axes différents.

L’hydraulique villageoise

Il s’agit pour nous de résoudre, dans les domaines où nous sommes compétitifs, les problèmes d’adduction d’eau dans les petites agglomérations de l’ordre de 1 000 à 2 000 personnes, en essayant à chaque fois d’intégrer les techniques de pompage solaire avec l’habitat, par exemple en associant la pompe solaire à une école (Chinguetti, Ceballos, etc.), à un dispensaire (Dioïla) ou bien un bâtiment administratif quelconque.

L’intérêt de cette association est d’apporter en même temps que l’eau une structure de développement.

L’hydraulique pastorale

Ces régions tropicales, en particulier les régions du Sahel, ont des possibilités importantes dans le domaine de l’élevage mais, pour cela, il faut créer un certain nombre de points d'eau permettant d’alimenter 1 000 têtes de bétail.

Nous pensons que les pompes solaires peuvent être une des solutions de ce problème.

Il faut éviter de faire de trop grosses stations, compte tenu du phénomène de surpâturage.

L’échelonnement, le long de toutes les pistes de bétail, de petites stations de 50 m³/jour environ serait très utile pour le développement de l’élevage.

Par ailleurs, l’échelonnement de petites stations de pompage le long des pistes de transhumance et de commercialisation permettrait d’éviter les importantes pertes de poids et la mortalité couramment constatées lors des déplacements du cheptel.

L’irrigation

L’irrigation demande des puissances plus importantes, de l’ordre de 25, 50 et 100 kW.

Le gouvernement mexicain nous a confié la première réalisation de ce type qui a été essayée en boucle d’essais au mois de juin 1975 et sera en fonctionnement sur le site en octobre 1975.

Il s’agit d’un domaine nouveau pour lequel la fiabilité des installations est capitale.

L’utilisation des turbines à palier gaz permet de garantir cette fiabilité sur plus de 10 ans.

Si le coût d’investissement est important, on peut estimer que le prix de revient au mètre cube, calculé sur une durée d’amortissement de 20 ans, serait de l’ordre de 0,10 à 0,15.

Bien entendu, cette technique conduit à des surfaces de capteurs assez importantes ; c’est pourquoi nous envisageons de construire en même temps l’ensemble du village destiné à abriter les habitants qui travailleront sur le périmètre.

Dans le cadre de ces programmes ambitieux, nous bénéficions de l’aide du Commissariat à l’Énergie Atomique à travers le Groupement Prométhée, qui s’attache tout particulièrement à ces problèmes.

PROGRAMME FUTUR

Dans toutes les considérations ci-dessus, nous avons toujours cherché à rester relativement près des réalités de ces pays en voie de développement. C’est pourquoi nous ne vous avons parlé que de réalisations et non des études théoriques, qui sont conduites parallèlement.

D'ores et déjà, de nombreux pays à travers le monde s'intéressent à ces techniques, et nous avons à réaliser d'ici la fin de l'année environ une trentaine de stations de ce type en particulier : Haute-Volta, Tchad, Sénégal, Brésil, Mauritanie, Cameroun, Mexique.

Le gouvernement mexicain, de son côté, est le premier gouvernement à envisager le problème des pompes solaires à une certaine échelle.

Nous avons en cours de réalisation un premier programme de 10 stations, dont 5 fonctionnent actuellement.

Nous avons en commande la station de 25 kW pour l'alimentation partielle en eau de San Luis Potosi, mais surtout le gouvernement mexicain a l'intention de lancer un programme de l'ordre de 1 000 pompes solaires, et de 25 à 50 turbines de 50 kW.

Grâce à ce programme, l'abaissement des coûts correspondants fera que l’énergie solaire deviendra directement compétitive dans toutes les zones tropicales avec les sources actuelles d’énergie.

POSSIBILITÉS D’AVENIR

Pour l'instant, nous ne nous sommes intéressés qu’au problème le plus urgent qui est celui de l’alimentation en eau.

Toutefois, il s'avère possible de mettre au point des dispositifs de réfrigération pour la conservation des médicaments dans des groupes hospitaliers et pour alimenter les chambres froides destinées principalement à l’agriculture.

Les premières réalisations de ce type vont être faites cette année dans les dispensaires de Dioila et Koupela.

Ensuite, il paraît intéressant d’étudier les possibilités de climatisation en utilisant cette technique.

D’ores et déjà, nous allons réaliser les maisons solaires d’Aramon, en France, mais il est certain que l’énergie solaire permettra à plus ou moins long terme de climatiser des centres touristiques, gîtes, étapes, etc.

Enfin, l'objectif à plus long terme consiste à fournir de l'électricité 24 heures sur 24, par des petites centrales autonomes entre 25 et 100 kW.

Mais pour cela il faut résoudre au préalable le problème du stockage thermique et pour l’instant les recherches n’ont pas abouti, bien que des espoirs sérieux se font jour dans ce domaine.

En conclusion, c'est l’aventure d’un petit groupe qui s'attache non seulement aux aspects techniques de ces réalisations solaires, mais également et surtout à tous les aspects humains qu'elle entraîne, en essayant chaque fois d'intégrer des perspectives de développement, sans oublier les possibilités de transfert de ces technologies dans tous les pays du tiers-monde qui le désireront.

M. VERGNET.

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