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L'utilisation de floculants liquides pour la déshydratation des boues sur les lits de séchage des stations d'épuration

30 juillet 1984 Paru dans le N°84 à la page 49 ( mots)
Rédigé par : Jean-pierre ERMENAULT et G HERVé

Les exploitants des stations d’épuration sont souvent confrontés à une insuffisance de la superficie des lits de séchage et à une trop lente déshydratation des boues sur ceux-ci ; or, un stockage des boues de plusieurs mois sur un lit constitue un véritable goulet d’étranglement pour l'ensemble du système de traitement biologique. Améliorer, rénover les lits, en étendre la superficie s'avèrent donc fréquemment des impératifs pour les exploitants. Ceux-ci ont, cependant, depuis quelques années un autre moyen pour rendre meilleure et plus rapide la déshydratation des boues sur lits de séchage : l'utilisation de floculants organiques liquides vendus sous forme de solutions concentrées.

L'objet du présent article est d’indiquer les moyens mis en œuvre et les résultats obtenus dans ce domaine par l’exploitation de la Région parisienne sud de la S.L.E.E.

CHAMPS D’APPLICATIONS : TYPES D'INSTALLATIONS ET DE BOUES

Les floculants liquides sont avant tout utilisés dans les stations d’épuration équipées de lits de séchage. Ils présentent donc un intérêt primordial dans les installations de faible et de moyenne importance (jusqu'à 10 à 15 000 HE) non équipées de déshydratation mécanique. Leur utilisation sera possible sur des stations où sont présents des ouvrages de concentration (concentrateurs – épaississeurs – digesteurs ou fosses Imhoff – bassins de stabilisation) mais aussi directement après un clarificateur. Étant donné la forte cationicité de ces floculants, leur utilisation est favorable sur tous les types de stabilisation aérobie des boues. Cela concerne les stations d’épuration à aération prolongée et celles fonctionnant suivant le principe à boues activées à moyenne charge équipées d'un bassin de stabilisation.

Les résultats obtenus sur les boues digérées anaérobies sont moins assurés, et des essais préliminaires devront être réalisés. On peut penser que les concentrations élevées en M.S. à la sortie des fosses Imhoff (souvent supérieures à 50 g/l) ne permettent pas une dispersion suffisante du floculant ; il y a alors intérêt à diluer au maximum la préparation.

Nous avons utilisé ces floculants liquides sur 25 installations de taille différente, allant de 500 à 10 000 HE, toutes équipées de lits de séchage. Les premiers essais ont été réalisés en 1977, avant que cette technique soit généralisée en 1978 à l'ensemble de nos dispositifs.

PROCESSUS D'UTILISATION

Pourquoi des floculants liquides ?

On peut affirmer que l’une des raisons principales de l'utilisation des floculants liquides est leur facilité de mise en œuvre. En effet, bien avant 1977, des essais de floculations des boues sur lit de séchage avec des floculants classiques en poudre avaient été tentés. La nécessité d’un poste fixe de floculation (disperseur, agitateur) et les difficultés de préparation avaient plus ou moins découragé les exploitants précurseurs. C’est tout simplement l'arrivée sur le marché en 1976-1977 de solutions-mères concentrées de ces floculants (entre 25 et 50 % de matière active) qui a permis l'extension actuelle de l'utilisation du procédé.

Méthode de dilution

La concentration de la solution prête à l'emploi peut être comprise entre 0,5 et 3 % de matière active. Cela correspond à des concentrations supérieures aux préparations des solutions que l’on utilise en déshydratation mécanique. Il s’agira donc de diluer entre 10 et 60 fois une solution-mère à 30 % de matière active. Le choix de la dilution dépend essentiellement, surtout lorsque l’apport de floculants est fait en tête de lit de séchage, de la vitesse de remplissage d’un lit : plus cette vitesse sera rapide, plus la dilution devra être importante de façon à ce que l’on flocule en continu lors de l’extraction et que le mélange soit homogène. La dilution se réalise sans difficulté dans un fût ; un peu d'eau chaude permet une meilleure dispersion de la solution-mère.

Mise en place de l’injection des floculants

Trois procédés peuvent être utilisés, ceux-ci dépendant de la taille de la station ou des ouvrages existants (présence ou non d’un bassin type concentrateur).

[Photo : Floculation à poste mobile à la sortie des boues sur lit de séchage.]

1. Dans le cas de stations de petite taille (jusqu’à 5 000 HE par exemple), le procédé utilisé est très simple.

La préparation de la solution se fera dans un petit fût en plastique qui sera placé à proximité (et si possible au-dessus) de la conduite d’extraction des boues. Un « goutte-à-goutte » ou un écoulement par siphonnage (une pompe péristaltique peut être facilement évitée) du floculant se fera dans un récipient placé sous la conduite d’extraction ; celui-ci servira de floculateur, les boues et le floculant bien mélangés s’évacuant par surverse sur le lit.

2. Lorsque la taille de la station est plus importante (> 5 000 HE), une installation à poste fixe est souhaitable.

Ce poste de floculation peut être réalisé d’une façon fort simple à la sortie du concentrateur ou du bassin de stabilisation des boues. Un fût de 200 litres servira de bac de préparation (un agitateur n’est absolument pas indispensable). À ce sujet, il est conseillé de préparer la solution finale pour les besoins de deux jours au maximum. L’injection du floculant une fois dilué se fera dans la conduite d’extraction des boues (après la pompe, si possible) par l’intermédiaire d’un hydro-éjecteur (buse d’injection — figure 2). La présence d’eau sous pression est bien sûr indispensable pour la motricité du système (minimum 3 bars). La floculation des boues se réalisera par la suite dans la conduite de refoulement des boues. Il est bien évident qu’un tel système demande une bonne homogénéité de composition et de concentration des boues extraites. Si, pour des raisons techniques, le débit d’injection des floculants devait être régulé, la mise en place d’une pompe doseuse serait alors nécessaire.

[Photo : Floculation à poste fixe.]

3. Un autre mode de mise en place peut être préféré lorsqu’il s’avère indispensable d’améliorer l’épaississement des boues stockées dans le concentrateur ; en effet, avec des boues à mauvaise décantabilité (indice de Mohlman élevé), on pourra améliorer ainsi l’épaississement en concentration.

À cet effet, on installera le poste de floculation en amont de l’ouvrage de stockage et non plus en aval. La floculation des boues dans un concentrateur se réalise très bien à partir du moment où l’on aménage l’ouvrage : circuit d’alimentation et évacuation des surnageants par système à tuyau souple immergeable à la profondeur voulue (figure 3). On retirera ainsi une grande quantité d’eau interstitielle avant l’extraction sur lit. Il faudra cependant respecter deux recommandations :

  • — ne pas stocker de telles boues floculées plus de 48 heures car au-delà, et surtout si leur fraction organique est élevée, elles risquent d’entrer en fermentation anaérobie,
  • — ne pas pousser à l’extrême l’épaississement des boues. On rencontrerait alors des problèmes d’écoulement et de fluage des boues sur les lits. Il est conseillé de ne pas dépasser des concentrations en M.S. de l’ordre de 50 g/l.
[Photo : Floculation des boues dans un concentrateur.]

La technique de mise en place sera la même que celle évoquée précédemment ; utiliser une pompe doseuse s’avère dans ce cas intéressant. Par ailleurs, il peut être utile, dans certains cas, de prévoir une légère floculation complémentaire en aval du concentrateur lors de l’extraction vers les lits de séchage.

CARACTÉRISTIQUES DES FLOCULANTS UTILISÉS

Les floculants liquides qui peuvent être utilisés sont des polymères organiques (polyélectrolytes) fortement cationiques. Cette cationicité est due à la présence d’un groupement « amine » ou « ammonium quaternaire » de charge électrique positive. Ils se présentent en solutions claires à orangées, aqueuses et visqueuses, de densité légèrement supérieure à 1. Leur viscosité peut aller de 3 000 à 6 000 cP et leur pH est compris entre 5 et 7 (solution à 5 %). Ils sont parfaitement diluables à l'eau sans qu’il soit nécessaire d’ajouter, par exemple, de l’alcool. La concentration des solutions-mères que l'on trouve dans le commerce peut être variable et l’exploitant devra en tenir compte lors de ses essais. Après plusieurs expérimentations, nous utilisons depuis 1978 le Sedipur CL 930 de B.A.S.F. Celui-ci contient 30 % de substance active ; il est commercialisé en fûts de 125 kg et, depuis fin 1983, également en fûts de 60 kg, ce qui permet une manutention beaucoup plus facile.

Le stockage des fûts se fera de préférence à l’intérieur des locaux car la solution-mère est sensible au gel (point de congélation : –8 °C) (la solution peut toutefois être réutilisée après son dégel). Par ailleurs, le fabricant indique une stabilité au stockage de la solution-mère d’un an, mais précise bien qu'une fois la solution diluée, son efficacité ne dépasse pas une semaine. Il n’est donc pas souhaitable de prévoir un stockage important de floculants prêts à l’emploi.

ACTION DES FLOCULANTS LIQUIDES

En raison de leur caractère fortement cationique, les floculants liquides du type Sedipur CL 930 entraînent l’agglomération des particules organiques ou inorganiques ainsi que des colloïdes, et facilitent leur floculation. Les boues sont ainsi plus faciles à déshydrater, l’eau interstitielle pouvant s’évacuer plus rapidement au travers des gros flocs formés. Dès le fluage des boues floculées sur le lit de séchage, on constate à l'œil nu cette floculation intense et l’eau interstitielle s’évacue très rapidement par les drains ; par conséquent, il est possible d’introduire une quantité de boues liquides plus importante pour une même hauteur de charge finale sur le lit. On peut estimer ce gain à environ 10 %. Les débits d’évacuation des eaux de drainage peuvent atteindre 2 à 4 m³/h après environ quinze minutes (pour un remplissage sur lit d’environ 25 m³ de boues).

[Photo : Action des floculants liquides sur les boues après 5 jours de conditions météorologiques très favorables.]

D’autre part, il faut signaler que les boues ainsi floculées possèdent une meilleure texture et sèchent plus vite. Parfois, dès le lendemain ou au plus tard dans les jours suivants, apparaît un craquèlement de l’ensemble du gâteau formé, ce qui permet l’augmentation de la rotation des lits et facilite l’enlèvement. Des boues ainsi floculées peuvent être évacuées au bout d’une semaine en été et de quinze jours à un mois pendant la saison pluvieuse (en fonction de la pluviométrie).

Il faut, en outre, ajouter qu’à moyen terme (quelques mois), l’apport de floculants liquides permet d’améliorer le drainage des lits en provoquant un curage des drains du fait de l’augmentation du volume des eaux évacuées.

Essai comparatif

Lors d’un essai comparatif (avec et sans adjonction de floculants — figure 4) réalisé sur 2 lits avec des boues stabilisées par voie anaérobie et extraites à une concentration de 20 g/l de MS, nous avons pu constater :

— une élimination importante et rapide par drainage de l’eau interstitielle sur le lit de boues coulées avec floculant ; en deux jours, une siccité de 7 % était atteinte alors que sur le lit avec boues non floculées, le phénomène de drainage s’était à peine amorcé ;

[Figure : Essais comparatifs et déshydratation des boues sur lits de séchage (avec et sans floculant).]

— par la suite, dans les deux cas, une stagnation comparable de l'évolution de la siccité et cela pendant une quinzaine de jours à forte pluviométrie. Nous avons même remarqué une réhumidification de la boue avec floculant du fait que pendant les deux premiers jours le gâteau n’était pas encore craquelé ;

— enfin, une évolution très rapide (en douze jours) des boues floculées vers l'état pelletable, et cela dès l’amélioration des conditions climatiques (lit craquelé) alors que les boues non floculées évoluaient encore très lentement (siccité de 8 %). Il a fallu un mois supplémentaire de temps de séchage avec conditions atmosphériques favorables pour que le second lit puisse être enlevé.

Quantités mises en œuvre

Les quantités apportées sont variables en fonction des caractéristiques des boues. Le responsable ajustera l'apport de floculant selon l’aspect visuel de la floculation. On peut cependant donner comme fourchette des quantités de floculant nécessaire, 5 à 10 l de produit par tonne de M.S. (donc 1,5 à 3 kg de substance active par tonne de M.S.). Ces chiffres sont inférieurs à ceux que l'on rencontre avec les polymères en poudre dans le processus de déshydratation mécanique. Dans le cas de boues très organiques (plus de 80 % de MVS), on pourra utiliser jusqu’à 4 à 5 kg de matière active par tonne de M.S.

PRÉCAUTIONS À PRENDRE

Pour mettre en œuvre ces floculants liquides, l'exploitant devra tenir compte de quelques recommandations :

Choix du floculant

Si les floculants à forte cationicité permettent d’obtenir de bons résultats avec la majorité des boues stabilisées par voie aérobie, il sera toujours judicieux de procéder à des essais, surtout avec des boues de typologie particulière ; d'autre part, il faudra être vigilant sur la concentration des solutions-mères vendues dans le commerce à des prix bien évidemment très différents.

Conservation du produit

Le stockage des fûts doit être pratiqué dans les locaux pour éviter la prise en masse du produit lors des fortes gelées. D’autre part, il ne faut pas oublier la faible stabilité du floculant liquide, une fois dilué et prêt à l’emploi (le stockage ne devant pas dépasser une semaine).

Corrosivité du floculant

Il faudra mettre en place pour les installations à poste fixe des fûts en polyéthylène ou en acier galvanisé, le floculant concentré étant très corrosif. Il faut surtout éviter d’utiliser des matériaux à base de cuivre, laiton, bronze et acier non allié. Les tuyauteries de liaison seront en matière synthétique armée à base de silicone.

« Retour en tête » des eaux de drainage

Depuis plusieurs années, les exploitants des stations d’épuration ont constaté avec inquiétude une formation de plus en plus fréquente d’écumes sur les bassins de boues activées et les clarificateurs. Il a été émis l’hypothèse que cette présence d’écumes était liée à l'utilisation de plus en plus importante de détergents cationiques que l’on retrouve dans les eaux usées. On a pu constater sur certaines stations que le retour en tête des eaux de drainage de lits de séchage sur lesquels on avait utilisé des floculants liquides favorisait ce phénomène « d’écumes » du fait de la cationicité de ces eaux de retour.

ÉCONOMIE DU PROCÉDÉ

Aux doses couramment utilisées et citées précédemment, l’utilisation du floculant liquide revient de 84 à 168 F par tonne de M.S. de boues extraites. Cependant, dans le cas de boues très organiques, le coût peut s’avérer supérieur.

À partir d'une floculation normale (2 kg de matière active par tonne de M.S.) sur des lits de séchage d'une superficie de 70 m² où l’on coulerait 20 m³ de boues à 15 g/l de matière sèche (300 kg de M.S.), le coût du floculant liquide serait de 33 F par lit (cela correspond à l'utilisation d’environ deux litres de la solution-mère par lit de 20 m³ de capacité).

Par ailleurs, on peut considérer le coût de l’installation comme négligeable dans le cas d’utilisation de flo-

floculants liquides dans les stations de petite taille, étant donné la simplicité du procédé mis en place.

Lorsqu’on réalise une installation à poste fixe, le coût de mise en place s’élève à 4 000 – 5 000 F environ, main-d’œuvre comprise (fait en polyéthylène — buse d'injection — travaux de génie civil et de mise en place du système). Si l'on veut installer une pompe doseuse, le coût de l'installation s’élève à 10 000 F environ.

Le surcroît de coût de main-d’œuvre, une fois que le responsable de la station d’épuration sera habitué, peut également être considéré comme négligeable.

On peut également noter que l’apport de floculants liquides sur les lits de séchage engendre un gain de temps en ce qui concerne la main-d’œuvre d’enlèvement des boues. Ce gain de main-d’œuvre s’explique par un plus faible nombre de lits à enlever (même compte tenu du fait que les gâteaux de boues sont plus épais), surtout lorsque l’enlèvement est mécanisé avec un petit engin chargeur.

CONCLUSION

L’utilisation des floculants liquides permet d’augmenter artificiellement la capacité des lits de séchage. Elle en facilite surtout l’exploitation en accélérant la déshydratation et permet de réduire légèrement les charges de main-d’œuvre ramenées au poids de matière sèche extraite.

Cependant, il ne faudrait pas en déduire que les normes usuelles de dimensionnement des lits (5 hab./m² de lit de séchage) peuvent automatiquement être réduites et ceci pour les raisons suivantes :

  • — la capacité de 5 hab./m² est un ordre de grandeur de la surface de lit nécessaire ; à ce sujet, il y a une grande imprécision sur les besoins réels dans les avant-projets de conception des stations,
  • — il n’est pas souhaitable de vouloir réduire cette base de calcul de 5 hab./m² qui s’avère parfois insuffisante lorsque les ouvrages sont à pleine charge ou que la chaîne de traitement des boues n’est pas adaptée,
  • — l’efficacité peut varier selon le type de boue produite ; l’apport de floculant ne peut, en effet, compenser une exploitation ou des équipements défaillants en amont.

En conclusion, l’utilisation des floculants liquides pour la déshydratation des boues sur les lits de séchage permet surtout aux exploitants des stations d’épuration de mieux gérer la filière « boue » dans sa partie finale : la déshydratation. La possibilité de programmer avec régularité les évacuations de boues améliore considérablement l’organisation et le « confort » du responsable.

Ceci ne peut que favoriser le fonctionnement de la chaîne de traitement amont, celle de l’épuration de l’eau.

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