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L'utilisation d'un olfactomètre pour l'autocontrôle des odeurs à l'émission

30 mai 1990 Paru dans le N°137 à la page 58 ( mots)
Rédigé par : Jacques PÉRIÈRES

La présence d’odeurs dans l’atmosphère donne très rapidement lieu, de la part du public, à des plaintes persistantes. Ces odeurs résultent de l’existence de concentrations très faibles de certains types de molécules, dont l'interaction sur la muqueuse olfactive, au cours de l'inspiration, est associée à une sensation de désagrément. La gêne ainsi provoquée par la présence des molécules concernées (stimulus) constitue une « nuisance » qui peut être mal tolérée par le voisinage, même en l'absence de tout caractère toxique ou irritant.

La quantification de la « nuisance olfactive » que peut entraîner la présence de composés chimiques odorants a été rendue possible par le développement d’une technique de mesure des niveaux d’odeurs, dont le résultat a donné lieu en 1986 à la rédaction de la norme Afnor X 43 101.

La mesure olfactométrique

La mesure olfactométrique s'applique au contrôle in situ des rejets gazeux émis, au contrôle des dispositifs d’épuration et au contrôle d’échantillons en laboratoire.

Elle vise à déterminer un facteur de dilution qui permet de ramener l’odeur intense de l’échantillon gazeux, objet de la mesure, au seuil de la perception, c'est-à-dire au niveau de concentration où la probabilité de perception est égale, par convention, à 50 %.

La norme Afnor précise les conditions technologiques d’exécution de la mesure et principalement :

  • • le couplage olfactomètre-sujet : débit, matériaux, pression…
  • • la réalisation d'un mélange gaz odorant-gaz inodore,
  • • ainsi que des éléments d’ordre méthodologique : sélection du jury, vérification du zéro, choix des dilutions, nombre de tests, mode de calcul du résultat, etc.

La technique utilisée est dite à « choix forcé » : le gaz odorant dilué est présenté sur un canal, parmi au moins deux autres canaux (le ou les autres canaux étant alimentés en air inodore), et le sujet doit alors « flairer » successivement (sans délai) les différents canaux, pour pouvoir indiquer ensuite (dans un délai imparti) lequel est odorant. Le choix est « forcé », en ce sens que les réponses dubitatives ne sont pas admises.

Il est évident que la mesure présente une répétitivité d'autant meilleure que le nombre de tests ainsi que le nombre de sujets sont élevés, et que le nombre de canaux est plus grand (réduction du facteur aléatoire).

Selon la technique adoptée pour le couplage olfactomètre/sujet, entonnoir ou masque, la qualité de l’air de l’enceinte dans laquelle est placé le sujet devra être différente. Si, en effet, avant les tests et entre deux tests, le sujet reste placé sous masque, balayé par un air inodore, l'appareil pourra être placé dans un local simplement confortable et on utilisera un appareil de terrain. Si, par contre, entre deux tests, le sujet doit inhaler l’air du local, cet air devra pouvoir être considéré comme aussi inodore que l’air de dilution et il faudra travailler dans un laboratoire à atmosphère contrôlée.

Un olfactomètre de terrain

Ayant à réceptionner à la fin des années 1970 des installations de traitement des odeurs dans l’industrie agro-alimentaire, nous avons été amenés, en plusieurs étapes successives, à développer un olfactomètre de terrain répondant aux critères de la norme Afnor.

Il s'agit d'un appareil « dynamique », au sens de la norme, qui effectue la dilution par mélange, dans une sortie commune, de deux débits connus de gaz, respectivement odorant et inodore ; le taux de dilution se calcule à partir du rapport des débits.

Les « débits connus » de gaz odorant et inodore sont obtenus au moyen de deux jeux d’ajutages calibrés, sur lesquels les gaz sont admis sous pression constante.

Pour alimentation, l’olfactomètre dispose de deux pompes centrifuges, l’une pour l’air pur de référence et l’autre pour l’odeur. Ces pompes assurent une dépression maximale d’aspiration de 300 mm de CE, pour permettre de travailler dans différentes conditions sur site. Elles refoulent l’air et le gaz odorant sur les jeux d’ajutages calibrés qui permettent de faire varier la dilution (rapport des débits) entre 1/1 (non dilué) et 1/100 000 (prédilution incluse), en deux étages.

Le couplage olfactomètre-sujet est réalisé par un appareil qui impose aux membres du jury le choix entre cinq positions d’un sélecteur : deux positions qui reçoivent l’odeur diluée, tandis que les trois autres sont alimentées en air pur. La probabilité de deviner la combi

[Photo : Principe de l’olfactomètre Guigues-Proviron.]

La précision exacte n'est que de un sur dix. L'appareil permet aussi un choix forcé de un sur trois par simple bouton de sélection.

L'appareil de dilution est réalisé de telle manière que le débit d’air de référence et le débit d’air odorant soient égaux (à moins de 5 % près), quel que soit le coefficient de dilution, de manière à ce que le canal sur lequel est appliquée l'odeur ne puisse être détecté par la variation du débit dans le masque. La combinaison est modifiée d'une manière aléatoire par microprocesseur et le jury n’en a pas connaissance ; l’opérateur choisit la dilution.

En l'absence de mesure, le masque est balayé par l’air de référence.

Application en autocontrôle

Une application particulière a été réalisée pour pouvoir assurer un autocontrôle à l'émission sur la cheminée d'un incinérateur de déchets industriels de la Société Solamat, dans la région de Berre (13), à la demande de la Direction Régionale de l'Industrie et de la Recherche.

Il s'agissait pour l'industriel de pouvoir effectuer un autocontrôle de la concentration en odeur des gaz rejetés par l'incinérateur dans la cheminée, en fonction de la nature des déchets incinérés, de manière à pouvoir ajuster les conditions de marche du four. Cet autocontrôle qui existait depuis 3 ans a été récemment couplé (depuis le 1ᵉʳ janvier 1990) à un dispositif d’alerte directionnelle (fonction de la vitesse et de la direction du vent), pour que dans certaines conditions météorologiques sensibles, l’autocontrôle soit renforcé et les actions nécessaires engagées par l'exploitant.

L'installation comporte :

  • • un dispositif d’échantillonnage qui comprend (figure 2) : une conduite de prélèvement calorifugée (pour éviter toute condensation) de 20 m environ, avec pente de 1 %, terminée par une canne de prélèvement avec biseau à 45 °C (cette conduite est « tracée » au moyen d'une résistance électrique permettant un maintien en température) ; un cyclône de dépoussiérage ; une pompe à membrane, en inox, pouvant accepter une température de gaz à l’aspiration de 240 °C, au débit de l’ordre de 1 Nm³/h ; une chambre de refoulement à pression régulée (quelques millimètres de C.E.) dans laquelle l’olfactomètre prélève le gaz odorant à contrôler ;
[Photo : Olfactomètre Guigues-Proviron en opération, côté « sujet ».]
[Photo : Schéma du dispositif de prélèvement d’échantillon de la société Solamat.]
  • • un olfactomètre dans lequel, grâce à la capacité d'aspiration des ventilateurs de l'olfactomètre, l’aspiration du gaz odorant est effectuée à travers un bloc de prédilution spécialement construit pour effectuer avec de l'air inodore une dilution ajustable (1/100 ; 1/200 ; 1/300) permettant à la fois de réduire la température sans modification de la charge en odeur, et de réaliser le premier étage de dilution de l’appareil. L'étage de dilution proprement dit (de 1/1 à 1/100) permet d’ajuster la dilution totale entre 1/100 et 1/30 000 en 18 valeurs préréglées.

Le « choix forcé » peut être choisi « 1 parmi 3 » ou « 2 parmi 5 ». L’appareil est équipé d’un microprocesseur qui génère la combinaison aléatoire sur les canaux et compare cette combinaison avec les résultats annoncés par le sujet, pour indiquer si le résultat du test est bon ou mauvais.

Pendant l’alerte, les contrôles des paramètres de fonctionnement de l'installation sont renforcés et une mesure d’olfactométrie par heure est réalisée. Si cette mesure fait apparaître la possibilité d'une gêne olfactive, l'exploitant modifie les paramètres de marche ; dans le cas où après deux heures, les modifications n’ont pas permis une correction suffisante, il est procédé à l’arrêt complet.

Deux alertes directionnelles ont déjà été gérées depuis la mise en service du couplage autocontrôle — alerte directionnelle, l'une d’entre-elles ayant entraîné l'arrêt partiel d'une filière et des modifications, ultérieures, d’équipements.

Conclusion

Le développement des techniques olfactométriques permet maintenant de mieux anticiper sur des situations potentiellement sensibles, et par là d'agir de manière préventive, plutôt que curative, lorsque les plaintes arrivent.

Cette amélioration de la gestion de l’interaction entre l’installation et son environnement a contribué à réduire les nuisances olfactives sur un grand site industriel.

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