Your browser does not support JavaScript!

L'usine de traitement de Choisy le Roi

29 septembre 1989 Paru dans le N°130 à la page 37 ( mots)
Rédigé par : F DAMEZ, A GRIMAUD, J.-m PHILIPOT et 1 autres personnes

Mise en ouevre à grande échelle de la filtration biologique

L’implantation de l’usine sur le terrain actuel date de 1868 (1). L’eau était alors simplement refoulée dans le réseau par des pompes à feu, sans aucun traitement. Mais celui-ci devint vite nécessaire et à partir de 1896 l'usine fut équipée de filtres lents puis d’une chloration. À partir de 1959 elle se convertit à la filtration rapide. En 1967, le traitement a été complété par une ozonation virulicide.

Depuis 1985, la filière de l'usine de Choisy-le-Roi a progressivement subi une conversion fondamentale : celle du passage au traitement biologique, avec la mise en service d'une préozonation et d'une filtration sur charbon actif. Par ailleurs l’exploitation de l’usine est maintenant optimisée en permanence grâce aux possibilités des systèmes-experts. Enfin la sécurité de l'alimentation est assurée par une panoplie qui va de la détection automatique des pollutions accidentelles à la mise en œuvre de ressources alternatives.

[Photo : D’une capacité de production de 800 000 m³/j, l’usine Edmond Pépin, située à Choisy-le-Roi, est la plus grande usine de traitement d'eau potable de France.]

LA FILIÈRE DE TRAITEMENT

L’eau puisée en Seine passe d’abord sur des tamis rotatifs à décolmatage automatique qui permettent d’arrêter toutes les impuretés d'une dimension supérieure à 5 mm.

[Photo : La production d’ozone pour la pré-ozonation et ozonation intermédiaire est assurée par 15 ozoneurs d'une capacité totale de 160 kg d’ozone par heure.]

Préozonation

L’eau passe ensuite dans les cuves de préozonation où l'air ozoné en provenance de l’usine de production d’ozone (figure 2 et tableau 1) est injecté au moyen de deux batteries de 12 émulseurs chacune, à un taux moyen de 1 g d’ozone par m³ d’eau.

La préozonation a pris la place de la préchloration qui a été supprimée dans la nouvelle filière biologique. Celle-ci avait comme objectif principal d’oxyder chimiquement l’ammoniaque présent dans l'eau brute. Pour obtenir cet effet il fallait apporter à l'eau une quantité importante de chlore qui, outre l’ammoniaque, réagissait avec les matières organiques présentes en grande quantité à cet endroit

de la filière. Cette chloration des matières organiques provoquait la formation de sous-produits organiques chlorés néfastes pour la qualité de l'eau : certains étaient responsables de l'apparition de mauvaises saveurs dont il était ensuite impossible de se débarrasser ; d'autres, dont les trihalométhanes (THM), se sont révélés nocifs à la suite d'études toxicologiques et les normes internationales de qualité restreignent aujourd'hui considérablement leur présence dans l'eau produite.

Dans la filière biologique, la chloration, supprimée sur l'eau brute, n'est appliquée qu'en fin de traitement, sur une eau débarrassée de l'essentiel de ses matières organiques et à un taux très faible, donc dans des conditions qui réduisent très fortement la formation des sous-produits organiques chlorés. Par ailleurs, un des effets de la préozonation sur les matières organiques est de diminuer leur capacité à former, lors de la

Tableau I

Production de l'ozone

Nombre d'ozoneurs TRAILIGAZ : 15
Nombre de tubes diélectriques par ozoneur : 558
Tension d'alimentation : 19 kV
Capacité de production par ozoneur :
– pour 14 ozoneurs : 10 kg/h (fréquence 50 Hz)
– pour 1 ozoneur : 20 kg/h (fréquence 600 Hz)
Capacité totale de production d'ozone : 160 kg/h

Préozonation

Taux de traitement moyen : 1 g/m³

Deux cuves de préozonation d'une capacité unitaire de transit comprise entre 130 000 m³/j et 400 000 m³/j, équipées chacune de 12 émulseurs de 0,55 m de diamètre

Ozonation biologique

Taux de traitement moyen : 2 g/m³

8 cuves comportant chacune 4 compartiments successifs :

– 6 cuves d'une capacité de transit unitaire de 120 000 m³/j

– 2 cuves d'une capacité de transit unitaire de 100 000 m³/j

chloration finale, ces composés organiques chlorés.

La fonction essentielle de la préozonation est d’augmenter les performances de l'étape suivante de clarification tout en réduisant la dose de réactif coagulant. Elle assure ainsi le double rôle d'améliorer la qualité de l'eau et d’assurer un traitement plus économique (2).

Quant à l'élimination de l'ammoniaque, nous verrons qu’elle est maintenant assurée biologiquement sur les filtres à sable.

Prétraitement

Après la préozonation, l'eau passe dans la cuve de prétraitement qui permet d'injecter de manière optimale les réactifs nécessaires au traitement (figure 3) :

[Photo : Fig. 3 : Salle de prétraitement : les réactifs chimiques sont injectés successivement dans les différents compartiments de la cuve.]

— le coagulant, qui est actuellement un polychlorure d’aluminium,

— la soude et l'acide carbonique, qui permettent d’ajuster le pH de coagulation.

La cuve de prétraitement est également équipée pour injecter les réactifs de crise utilisés en cas de pollution accidentelle :

— le sulfate ferreux, pour traiter la pollution par les métaux lourds, notamment le chrome hexavalent,

— le charbon actif en poudre, destiné à absorber les polluants organiques, en particulier ceux qui sont peu biodégradables, sur lesquels l'efficacité de la filière biologique est limitée.

Décantation

La décantation est la première étape de la clarification. Elle permet d’éliminer plus de 90 % des matières en suspension et plus de 99 % de la turbidité. Elle est assurée par 5 décanteurs couloirs comportant 3 ou 4 étages superposés.

Le traitement des boues de décantation est particulièrement soigné à l'usine de Choisy-le-Roi (figure 4).

[Photo : Fig. 4 : La station de traitement des boues de Choisy-le-Roi permet de traiter automatiquement chaque jour une quantité moyenne de 50 tonnes de matières sèches. C'est l'une des plus grandes stations de traitement de boues hydroxydes du monde. Vue des filtres-presses.]

Collectées au fond de chaque couloir de décantation par des racleurs longitudinaux et des purges périodiques, elles représentent un volume de 4 000 m³/jour dont la teneur en matières sèches est comprise entre 0,2 % et 0,5 %. Après adjonction d'un polyélectrolyte, elles sont d'abord épaissies dans deux épaississeurs circulaires de 3 000 m³ chacun qui permettent d’atteindre une teneur en matières sèches de 6 % à 8 %. Les boues sont alors traitées au lait de chaux avant d'être filtrées sur trois filtres-presses à déblatissage automatique d'une superficie de 75 m² chacun. Les gâteaux obtenus, d'une siccité de l’ordre de 35 %, sont stockés dans trois trémies de 200 m³ puis évacués par camion.

Les résidus liquides des filtres-presses, très basiques, sont neutralisés au gaz carbonique avant d’être recyclés en tête des épaississeurs.

La station de traitement des boues de Choisy-le-Roi permet ainsi de traiter automatiquement chaque jour une moyenne de 50 tonnes de matières sèches. C'est l'une des plus grandes stations de traitement de boues hydroxydes du monde.

Filtration biologique sur sable

L'eau décantée est ensuite filtrée sur 36 filtres équipés de 1,4 m de sable de 1 mm de granulométrie, d'une superficie unitaire de 117 m². La vitesse maximale

de filtration est de 6 m/h et les filtres sont lavés en moyenne toutes les 72 heures par un contrecourant d’air et d’eau.

Les filtres constituent la seconde étape de la clarification. Ils permettent d’obtenir une eau d’une turbidité de 0,1 NTU contenant moins de 0,3 mg/l de matières en suspension.

[Photo : Fig. 5 : Les réacteurs à charbon actif en grains éliminent par voie biologique une grande partie du carbone organique dissous.]

5 : Les réacteurs à charbon actif en grains éliminent par voie biologique une grande partie du carbone organique dissous.

Ce sont également des supports d’activité biologique : ils hébergent une population bactérienne qui assure l’élimination de l’ammoniaque.

Ozonation intermédiaire

L’eau filtrée subit alors une seconde ozonation dont le rôle est double. Il s’agit d’abord d’effectuer une désinfection virulicide en satisfaisant la demande en ozone de l’eau puis en maintenant un résiduel de 0,4 g/m³ pendant un temps de 4 minutes. Simultanément l’ozone oxyde les matières organiques, rendant ainsi biodégradables un certain nombre de composés organiques qui pourront alors être éliminés biologiquement par les bactéries présentes dans les filtres à charbon actifs placés en aval. On peut ainsi parler d’ozonation biologique (tableau I).

Le taux de traitement moyen est de 2 g/m³ ; il est appliqué dans 8 cuves équipées de compartiments en chicane.

La production d’ozone nécessaire à la préozonation et l’ozonation intermédiaire est assurée par 15 ozoneurs dont la capacité totale est de 160 kg d’ozone par heure.

L’ozone est fabriqué à partir d’air préalablement desséché par refroidissement et adsorption sur alumine activée à un point de rosée inférieur à – 60 °C. L’ozone résiduel après traitement est éliminé par des destructeurs thermiques.

Tableau II

Caractéristiques des réacteurs à charbon actif en grains

Caractéristiques des réacteurs à charbon actif en grains
30 filtres de 117 m²
Épaisseur du charbon de 1 à 2,5 m selon les réacteurs
Temps de contact 10 mn
Vitesse de filtration 6 à 15 m/h selon les réacteurs
Charbon actif en grains de type PICABIOL
- granulométrie 0,8 mm
- coefficient d’uniformité 1,8
- indice d’iode 925 mg/g

Filtration biologique sur charbon actif en grains

L’eau ozonée passe ensuite sur 30 filtres équipés de 1 m à 2,5 m de charbon actif en grains de granulométrie 0,8 mm (tableau II et figure 5).

Le charbon actif en grains est le siège d’une intense activité biologique grâce à la biomasse qui s’y développe et qui élimine en le consommant une grande partie du carbone organique dissous. Les mécanismes de cette élimination par des bactéries sont indépendants de l’âge du charbon actif lui-même. Contrairement à l’efficacité d’un traitement par adsorption qui décroît en quelques mois, celle de l’élimination biologique des matières organiques se maintient pendant de nombreuses années sans qu’il soit nécessaire de régénérer le charbon actif.

On peut parler d’un véritable couplage ozonation-filtration biologique sur charbon actif (3). En effet, les molécules organiques rendues biodégradables par l’ozonation sont assimilées par les bactéries des filtres à charbon actif. À l’issue de ces deux étapes, l’eau ne contient plus de carbone organique qui soit assimilable par des bactéries. L’eau distribuée dans le réseau est donc dépourvue de nutriments ce qui y empêche le développement de bactéries. On obtient ainsi une eau dite stable biologiquement.

Chloration finale

Dans ces conditions, la chloration finale, destinée à protéger l’eau pendant son trajet dans le réseau, peut être diminuée au maximum. Ceci, comme nous l’avons vu précédemment, permet d’obtenir une teneur en composés organiques chlorés très inférieure aux normes et d’empêcher la formation de saveurs désagréables.

Équipements hydrauliques et automation

L’eau est refoulée dans le réseau de distribution à une pression d’environ 10 bars par 10 pompes. La plus importante d’entre elles assure un débit maximum de 520 000 m³/j. D’une masse de 23 tonnes et d’une puissance de 6 800 kW ce groupe exceptionnel est équipé d’un dispositif de variation de vitesse qui permet d’adapter son fonctionnement à la demande du réseau, tout en conservant un rendement supérieur à 92 % (4).

Une caractéristique essentielle de l’usine de Choisy-le-Roi est son haut niveau d’automatisme fondé sur l’emploi d’équipements informatiques très sophistiqués. Ce système assure le fonctionnement automatique de tous les équipements de l’usine principale ainsi que ceux des petites usines et des réservoirs qui gèrent la distribution de l’eau sur le réseau.

Un système-expert général et plusieurs autres spécialisés apportent une aide à l’optimisation de l’exploitation et à la gestion des situations exceptionnelles.

La qualité de l’eau aux diverses étapes du traitement est surveillée automatiquement en permanence grâce à des analyseurs en continu raccordés au système-expert.

SÉCURITÉ DE L’APPROVISIONNEMENT EN EAU

Avec la satisfaction de tous les objectifs de qualité de l’eau produite, le second impératif de l’usine de Choisy-le-Roi est de faire face à toutes les situations qui pourraient compromettre la sécurité de l’approvisionnement en eau. Pour une usine de traitement d’eau de surface il s’agit de se garantir vis-à-vis des risques de pollutions accidentelles.

Toute une panoplie de mesures de sécurité permettent de garantir l’approvisionnement en eau potable (5).

Une première mesure est la connaissance des risques. Des études menées avec l’aide de l’Agence Financière de Bassin Seine-Normandie permettent de mieux cerner tout ce qui peut détériorer la qualité de l’eau :

— risques de pollutions accidentelles par des déversements toxiques en prove…

  • — rejets liés à la maintenance des industries situées à l'amont de l'usine,
  • — rejets dus aux activités agricoles et domestiques ainsi que ceux d'origine pluviale.

L'origine et la quantité des pollutions de la Seine et de ses affluents a ainsi été déterminée. Par ailleurs la propagation de ces pollutions dans la rivière a été mesurée par des traçages. Un modèle informatique baptisé Disperso permet de prévoir en fonction de l'origine d'une pollution et des conditions de débit son arrivée à l'usine, sa durée et l'évolution de sa concentration. Il est ainsi possible d’anticiper les mesures à prendre par l'usine, renforcement du traitement, ralentissement ou arrêt du pompage, mise en œuvre des ressources de secours.

La détection des pollutions est assurée automatiquement et en permanence par des stations de mesure et d’alerte en continu situées en amont de l'usine. Ces stations sont équipées d’analyseurs très perfectionnés qui permettent de détecter la nature et la concentration des polluants.

[Photo : Fig. 6 : Les stations de mesure et d’alerte situées en amont de l'usine sont équipées d’analyseurs détectant automatiquement la nature et la concentration des polluants.]

Les stations d'alerte sont complétées par une série de préleveurs-rejeteurs automatiques disposés tout au long des cours d'eau. Par le cycle d’échantillons qu'ils conservent, ils constituent la mémoire des variations de qualité de la rivière.

Une station centrale d’alerte est installée à Ablon et des stations périphériques sont situées à proximité de zones à risques élevés : Athis-Mons (Orge aval) et Orly.

À l'usine, elle-même, des réactifs « de crise » sont employés selon les divers types de pollution rencontrés : charbon actif en poudre pour l’adsorption des micropolluants organiques, sulfate ferreux pour réduire les pollutions par le chrome hexavalent.

Au niveau de la distribution, le réseau du Syndicat est largement interconnecté.

Par des conduites de grand diamètre, des quantités d’eau très importantes peuvent transiter d'un secteur à l'autre, lorsqu'une unité de production est en difficulté. Il existe notamment deux conduites de 1,25 m de diamètre reliant Choisy à Neuilly-sur-Marne, qui peuvent véhiculer au total 470 000 m³/j entre les deux usines dans les deux sens.

[Photo : Fig. 7 : Dans la nouvelle filière de Choisy-le-Roi, les deux installations de filtration sur sable et sur charbon actif en grains sont exploitées comme de gigantesques réacteurs biologiques qui fonctionnent en synergie avec les autres étapes de la filière et tout particulièrement avec celles d’ozonation.]

À cela s’ajoutent les nouvelles ressources en eau souterraine provenant de la nappe du Champigny, qui procurent à la zone alimentée par l'usine de Choisy un appoint non négligeable, égal à 30 000 m³/j en situation normale et pouvant dépasser largement ce débit en situation exceptionnelle.

Enfin de nombreuses intercommunications avec les services d'eau voisins peuvent fournir en cas d'accident les compléments de ressources nécessaires.

CONCLUSION

Dans la nouvelle filière de Choisy-le-Roi les deux installations de filtration, sur sable et sur charbon actif en grains, sont maintenant exploitées comme de gigantesques réacteurs biologiques qui fonctionnent en synergie avec les autres étapes de la filière et tout particulièrement avec celles d’ozonation (6) (7).

Après la filtration lente et la filtration rapide, la filtration biologique est une nouvelle application des techniques de filtration qui en révolutionne les possibilités.

C’est une composante fondamentale de la nouvelle École Française de l’Eau qui s'avère à la pointe du traitement de l'eau, aussi bien scientifiquement que technologiquement.

BIBLIOGRAPHIE

  1. 1 — GICQUEAU R. Les 120 ans de l’usine des eaux de Choisy-le-Roi. L'Eau, l’Industrie, les Nuisances, n° 125, février 1989, pp. 39-40.
  2. 2 — GERVAL R., RECKHOW D., BABLON G. Combined preozonation-coagulation at the Choisy-le-Roi drinking water treatment plant. Communication présentée au 7° Congrès Mondial de l’Ozone, Tokyo, 9-12 septembre 1985, IOA ed., pp. 239-244.
  3. 3 — BABLON G., VENTRESQUE C., DAMEZ F. Utilisation combinée de l'ozone et du charbon actif biologique dans une grande unité de traitement. Water Supply, vol. 4, n° 4, 1986, pp. 35-45.
  4. 4 — COUDERT E., HEUTE B., BOURNICHE L. Une nouvelle pompe élévatoire de grande capacité pour l’usine de traitement des eaux de Choisy-le-Roi. L’Eau, l’Industrie, les Nuisances, n° 101, mai 1986, pp. 25-29.
  5. 5 — MOUSTY P., MORVAN J.-P., GRIMAUD A., FAUCHON N. Le producteur d'eau potable face aux pollutions accidentelles de ses ressources : plan d'intervention du Syndicat des Eaux d'Île de France. Gas Wasser Abwasser, vol. 69, n° 5, mai 1989, pp. 240-249.
  6. 6 — LAUNAY Ph. Les nouveaux filtres à charbon actif à haute performance de l'usine de traitement d’eau potable de Choisy-le-Roi. L'Eau, l’Industrie, les Nuisances, n° 112, septembre 1987, pp. 29-30.
  7. 7 — POIREL B., MERCIER M., LULIC D. Conception de nouveaux contacteurs biologiques à charbon actif en grains. L’Eau, l'Industrie, les Nuisances, n° 127, avril 1989, pp. 33-36.
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements