Quelques mots d’histoire...
La Roche-sur-Yon ressemblait jusqu’à la fin du XVIIIᵉ siècle à tous ces villages vendéens perdus au cœur du bocage. Ses habitants (un millier à l’époque) avaient résolu bon nombre de leurs problèmes quotidiens, en particulier celui de l’eau, en se contentant d’assurer leurs besoins, soit par quelques fontaines naturelles, soit par la rivière.
Bien qu’en 1804 Napoléon décide de donner à cette bourgade un air de capitale de la Vendée, il faut attendre la seconde moitié du XIXᵉ siècle pour que les édiles locaux commencent à se préoccuper du problème de l’eau. La ville nouvellement construite veut lutter efficacement, et c’est bien normal, contre les incendies, souhaite laver plus souvent ses caniveaux. Elle doit également répondre aux besoins des nouvelles implantations : le haras, les casernes de l’armée, les chemins de fer. Mais ce n’est qu’à la fin du siècle dernier, devant l’expansion démographique de la ville et un début d’industrialisation, que les responsables locaux envisagèrent sérieusement la création d’un service d’eau.
La proposition de base consistait en un captage d’environ 1 000 m³/jour d’eau de bonne qualité dans la vallée du Noiron, affluent de l’Yon au nord-est de la ville (cette alimentation était encore en service l’an dernier !). Le service d’eau devait être créé de toute pièce par les soins et pour le compte de la ville qui s’en réservait l’exploitation publique et privée. Nous sommes en 1895. La Société Gibault de Paris présentait les conditions les plus avantageuses, mais, pour des considérations d’ordre financier (déjà !), le conseil municipal ne donnait pas suite et tout restait à refaire.
En 1908, la ville décidait de renoncer à une exploitation municipale et envisageait un système de concession à long terme. En 1908, un traité de concession et d’exploitation est signé entre la ville et M. Cottarel. Nouvelles difficultés puisqu’au cours de l’année 1911, M. Delplanque, ingénieur civil à Paris, se substitue à M. Cottarel, mais fait faillite la même année.
En 1913, nouveau projet. Quatre lots sont décrits : captage, fourniture de tuyaux en fonte, pose de la conduite d’amenée et réseau urbain, construction de deux réservoirs pour la modique somme de 562 500 F (ce sont des francs 1913) ; mais la guerre de 1914-1918 perturbe très sérieusement les travaux et ce n’est qu’en 1919 que l’on tourne le premier robinet… Les besoins augmentant, la production du captage devient insuffisante et dès 1930, il faut recourir à des coupures d’eau les mois d’été.
Parallèlement, la ville reconnaissant les difficultés d’exploitation en régie, ouvre un concours et recherche un concessionnaire. Après bien des discussions, la candidature de la Compagnie Générale des Eaux est retenue. Cette dernière propose un captage de 2 000 m³, situé sur des terrains calcaires à une trentaine de kilomètres de la ville ; cette eau ajoutée à celle du « Noiron » permet d’obtenir un pH acceptable. Une convention est passée entre la ville et la Compagnie Générale des Eaux, le 3 avril 1936, convention qui confie à la Compagnie « la construction des ouvrages nécessaires et l’exploitation de la distribution ».
À la veille du conflit de 1939-1945, l’agglomération disposait de 3 000 m³/jour, quantité bien suffisante à l’époque.
En 1967, cependant, devant les besoins industriels croissants, la construction d’un barrage sur l’Yon était décidée ; réalisée en 1971, une réserve de 5 000 000 m³, très proche de la ville, permettait enfin d’assurer durablement son alimentation.
Des ouvrages complémentaires étaient également édifiés : une première tranche de l’usine de traitement, un château d’eau de 5 000 m³.
Une deuxième tranche, plus moderne, est en service depuis 1981 et permet, aujourd’hui, d’assurer très correctement la fourniture des 3 000 000 m³/an nécessaires à l’agglomération yonnaise et à sa zone rurale dont le réseau s’agrandit d’année en année.
Philippe PUAUDPremier adjoint au maire de La Roche-sur-Yon.
L’alimentation en eau potable de la ville de La Roche-sur-Yon est assurée en presque totalité par l’usine de Moulin-Papon qui traite l’eau d’une réserve de 5 000 000 m³ constituée dans une retenue réalisée sur le cours de l’Yon en amont de l’agglomération. La capacité totale de production prévue pour cette usine était de 1 305 m³/h à réaliser en trois tranches dont la première a été mise en service en 1972 et la seconde en 1981.
CARACTÉRISTIQUES DE L’EAU BRUTE
Les caractéristiques de l’eau brute sont très variables et telles que cette eau est particulièrement difficile à traiter. Elles se situent en moyenne dans les fourchettes ci-après :
- — pH de 6,7 à 7,3
- — Couleur de 35 à 160 mg Pt
- — Turbidité de 40 à 400 g d.m.
- — TH de 4,5 à 5 °F
- — Alcalinité de 2 à 4 °F
- — Matières organiques oxydables au permanganate en milieu alcalin de 3 à 10 mg/l
- — Azote ammoniacal de 0,05 à 0,6 mg/l
- — Nitrites de 0,02 à 0,14 mg/l de NO₂
- — Nitrates de 0,25 à 10 mg/l de NO₃
- — Fer de 0,3 à 1,5 mg/l de Fe
- — Manganèse de 0,03 à 0,55 mg/l de Mn
Les objectifs essentiels du traitement à appliquer à cette eau sont :
- — l’élimination des matières organiques et du manganèse. C’est dans cette double élimination simultanée que réside la difficulté majeure car elle n’est possible que dans une fourchette de pH très étroite,
- — la réduction de sa corrosivité vis-à-vis des métaux en relevant son TH et son TAC,
- — l’élimination des germes pathogènes.
PRINCIPES DU TRAITEMENT
La filière de traitement comporte successivement les opérations suivantes :
- 1. Dégrillage.
- 2. Injection des réactifs.
- 3. Clarification.
- 4. Filtration.
- 5. Ozonation.
- 6. Reminéralisation.
- 7. Stockage d’eau traitée.
- 8. Pompage.
- — dégrillage à 2 mm,
- — injection de chaux et coagulation aux réactifs tels que sulfate d’alumine, chlorosulfate ferrique, etc.,
- — clarification dans un filtre FLUORAPID qui retient la majeure partie des matières organiques insolubles ou colloïdales piégées par le coagulant,
- — injection de chaux pour ajustement du pH dans une fourchette de 6,8 à 7 optimale pour que soit oxydé le manganèse,
- — ozonation à un taux inférieur à 1 g/m³ pour oxydation du manganèse,
- — filtration sur sable pour retenir ce qui subsiste des matières organiques piégées par le coagulant ainsi que les oxydes de manganèse précédemment formés,
- — filtration secondaire sur charbon actif pour retenir par voie biologique une fraction des matières organiques solubles qui subsistent dans l’eau après le traitement précédent,
- — postozonation au taux virulicide de 3 g/m³ pour la stérilisation finale, l’inactivation des virus et l’élimination des goûts,
- — reminéralisation de l’eau par injection simultanée de CO₂ et d’eau de chaux pour porter le TH de 6 à 14 et le TAC de 8° à 16°. L’intérêt de ce traitement est d’obtenir une eau moins corrosive vis-à-vis des métaux en la rendant plus apte à déposer spontanément sur ceux-ci un film protecteur de carbonate de calcium,
- — chloration finale éventuelle à l’hypochlorite de soude pour maintien dans le réseau d’un résiduel bactériostatique d’environ 0,1 g/m³.
CARACTÉRISTIQUES ET DISPOSITIONS PRINCIPALES
Les caractéristiques essentielles des différents ouvrages et équipements nécessaires à ce traitement sont décrites ci-après.
- Prise d’eau (exhaure-dégrillage).
- Surverse.
- Décanteur.
- Floculateur.
- Clarification eau traitée.
- Épaississeur.
- Récupération.
- Pompage.
- Bâtiment d’exploitation.
- Bâtiment des réactifs.
La prise d’eau et l’exhaure
La prise d’eau est incorporée dans le barrage ; elle comporte :
- des orifices de puisage à différents niveaux,
- un compartiment de filtration équipé d’une grille rotative à mailles de 2 mm,
- deux chambres d’aspiration équipées chacune de deux groupes d’exhaure à axe vertical de 435 m³/h.
L’alimentation en eau brute de l’usine à partir de la retenue est gravitaire lorsque le niveau de l’eau dans celle-ci le permet.
Les filtres FLUORAPIDS
Il y a au total quatre filtres FLUORAPIDS (figures 4 et 5), appareils brevetés dans lesquels l'eau brute coagulée, injectée à la base de l’ouvrage en forme de dièdre et sur toute la longueur de celui-ci, traverse successivement :
- une zone de réaction occupée par un voile de microsable qu’elle maintient en expansion. Dans cette traversée, les microflocons d’hydrate d’alumine se séparent de l’eau en se collant aux grains de microsable enduits d’amidon. Les grains de microsable ainsi enrobés sont relativement allégés et s’acheminent à la partie supérieure du voile,
- une zone occupée par des modules lamellaires qui constituent un décanteur lamellaire à contre-courant. Dans cette zone s’effectue la séparation du microsable enrobé d’hydrate et de l’eau clarifiée soutirée à la partie supérieure. Le dispositif modulaire constitue pour les grains de microsable un obstacle d’autant plus infranchissable que la vitesse de chute de ces grains est très supérieure au pouvoir de coupure du dispositif.
Bien entendu, le sable doit être lavé et l’hydrate évacué. Ce résultat s’obtient grâce au dispositif suivant :
- soutirage permanent par un groupe de recyclage à débit constant du microsable au niveau convenable de la zone de réaction (figure 6),
- séparation du microsable et de l’hydrate dans un hydrocyclone (figure 7), sorte de centrifugeuse statique qui éjecte par sa sous-verse le sable propre réinjecté dans l’ouvrage à travers une solution d’amidon et par sa surverse les boues hydroxydes qui sont dirigées vers un épaississeur,
- épaississement des boues hydroxydes à travers un décanteur lamellaire à courant croisé. Le débit traversier débarrassé de la majeure partie des boues est réinjecté dans l’ouvrage, tandis que les boues épaissies s’accumulent dans les alvéoles qui constituent le fond de l’épaississeur,
- rejet des boues accumulées dans les alvéoles vers un collecteur qui les évacue.
Aspiration souple
Remarquons que le FLUORAPID est en réalité un filtre lavé en permanence dont la masse filtrante est retenue dans l’ouvrage par un décanteur lamellaire à contre-courant. L'efficacité d'un tel ouvrage, filtre ou décanteur, s'apprécie essentiellement par la surface spécifique de piégeage des flocons.
Le tableau 1 permet de comparer sur ce critère ainsi que sur la densité du floc à piéger l'efficacité dans divers types d’ouvrages.
L'intérêt de la technique du FLUORAPID est multiple :
- — fiabilité, simplicité et stabilité d'exploitation, car il n'y a dans cet appareil ni automatismes, ni réglages et par conséquent aucun déréglage possible. De plus, la forte densité du floc lesté à retenir, comparée au pouvoir de coupure élevé des modules, confère une grande stabilité au lit de boue lestée,
- — évacuation permanente des boues à débit constant préréglé. Les boues s’évacuent à leur cadence d’arrivée et il n'est jamais nécessaire de vider l’ouvrage pour nettoyer d’éventuels dépôts,
- — aucune prolifération d'algues possible tant en raison du très faible temps de séjour de l'eau dans l’ouvrage que de l’obscurité totale qui règne au sein du lit de microsable. Notons que la prolifération intempestive des algues est toujours à craindre dans les décanteurs en raison de l’importante concentration de CO₂ libre due à l’hydrolyse de coagulant,
- — aucune perturbation du traitement au démarrage,
- — qualité exceptionnelle de l'eau clarifiée : il est courant d’obtenir à partir d’eau brute fortement turbide une eau clarifiée de turbidité voisine de 5 gouttes de mastic,
- — faible surface au sol et économie sur les ouvrages de génie civil ; la vitesse de surverse de l’ouvrage est en effet de 10 m/h pour le débit nominal.
Tableau 1. Comparaison de l'efficacité des divers types d'ouvrages
Paramètres | Décanteurs classiques | Fluorapid | Filtre rapide |
---|---|---|---|
Temps de séjour (mn) | > 60 | Lit : 7 à 15 Modules : 5 | Masse filtrante 8 à 15 |
Surface de piégeage (m²/m³) | Horizontaux < 1 | Lit : 1000¹ Modules : 4 à 50² | 1000¹ |
Densité du floc | 1,003 | ≃ 2,2 | — |
¹ pour piéger l’hydrate ² pour piéger le floc lesté
Les tours de préozonation de l'eau décantée ont un volume qui assure un temps de contact de 2 minutes. La diffusion de l’air ozoné y est assurée par une turbine immergée auto-aspirante. Cet ozone est constitué par le résiduel sortant des tours de postozonation et par un éventuel complément provenant directement des ozoneurs.
Les filtres bicouches à sable et charbon actif
Ces filtres sont au nombre de quatre, leur surface totale est de 144 m² et au débit nominal la vitesse de filtration est de 6 m/h. La masse filtrante comporte successivement de haut en bas :
- — une couche de sable de 0,70 m d'épaisseur et de granulométrie 1,4 à 2 mm qui retient par filtration les particules en suspension qui ont échappé au fluorapid et par action catalytique les oxydes de manganèse oxydés par l’ozone,
- — une couche de charbon actif de 0,30 m d’épaisseur séparée du sable par une membrane poreuse qui retient par adsorption et action biologique une fraction des matières organiques qui subsistent dans l'eau à ce stade du traitement.
Le lavage de ces filtres est assuré à contre-courant par air au débit de 2 190 m³/h et par eau au débit de 740 m³/h.
Les tours de postozonation
Il y a deux tours de postozonation dont le volume assure un temps de contact de 6 minutes nécessaire à l’action virucide. L’air ozoné provenant directement des ozoneurs y est diffusé dans l’eau par des poreux plans d’où il s’échappe en fines bulles.
Les tours de contact de CO₂
Les tours de contact de CO₂ font suite aux tours de postozonation. Leur volume assure un temps de contact de 1 minute et demie. Le CO₂ y est diffusé à la base à travers des poreux plans tandis que l’eau de chaux nécessaire à la reminéralisation finale est injectée à la partie supérieure.
Les citernes d’eau traitée
Les citernes d’eau traitée sont au nombre de trois :
- — une citerne de 250 m³ d’eau traitée à l’exception de la postchloration ; cette citerne est exclusivement réservée au lavage des filtres,
- — une citerne de 250 m³ qui sert de bâche d’aspiration aux groupes de reprise,
- — une citerne de 500 m³ qui sert à la fois de réservoir et de bassin de contact pour la postchloration.
Les équipements de stockage et de distribution des réactifs
Les dispositions suivantes sont prises en ce qui concerne les divers réactifs utilisés :
- — coagulants (sulfate d’alumine, chlorosulfate ferrique, etc.) : ces réactifs sont livrés en solution concentrée. Ils sont stockés dans deux citernes de 40 m³ chacune et distribués par pompe doseuse ;
- — chaux : ce réactif est livré sous forme éteinte pulvérulente. Il est stocké dans deux silos de capacités unitaires respectives de 40 et 60 m³ d’où il est extrait pour être injecté :
- • en tête du traitement sous forme de lait de chaux,
- • à la sortie des FLUORAPIDS et dans les tours de diffusion du CO₂ sous forme d’eau de chaux produite dans trois saturateurs ;
- — alginate ou amidon : ces réactifs sont livrés en sacs de 50 kg. Ils sont distribués par pompe doseuse après dissolution (figure 8) ;
- — gaz carbonique : le CO₂ liquéfié est stocké sous pression de 20 bars dans une cuve de capacité de 10 tonnes maintenue à – 20 °C. Avant injection le liquide passe successivement dans un vaporisateur et des manodétendeurs ;
- — hypochlorite de soude : ce réactif est stocké dans deux cuves de 20 m³ chacune et distribué par pompe doseuse. Il a été préféré lors de la deuxième tranche au chlore gazeux en raison des risques qui résultent de l’utilisation de celui-ci et qui entraînent l’obligation de prévoir d’importantes installations pour assurer la sécurité en cas de fuite.
Les équipements de production d’ozone
L’installation comporte deux ozoneurs de 1 300 g/h chacun. Le taux de traitement maximal sera donc de 3 g/m³. L’ozone produit peut être injecté directement dans les tours de postozonation ou dans celles de préozonation.
Groupes de reprise
L’eau traitée est refoulée dans le réseau par quatre groupes verticaux de débits unitaires 420 m³/h dont un en secours (figure 9).
En conclusion
En conclusion, on peut considérer que les techniques de clarification très performantes mises en service dans l’usine de Moulin-Papon apportent une réponse satisfaisante aux difficultés particulières du traitement de l’eau brute de l’Yon.
L’eau produite est en tous points conforme aux directives du Conseil des communautés européennes. Notons de plus que le traitement de reminéralisation et la filtration biologique due au charbon actif, encore peu courants, améliorent la qualité de l’eau produite et le maintien de cette qualité dans les réseaux.