Dans le cadre de l’amélioration de la sécurité de l’alimentation en eau de l’Agglomération Parisienne, le Syndicat des Eaux d’Île-de-France (SEDIF) a contribué à la mise en œuvre d’intercommunications avec les réseaux mitoyens et, en particulier, avec celui de la ville de Paris géré par la Société Anonyme de Gestion des Eaux de Paris (SAGEP).
Une opportunité d’importance significative d’intercommunication entre réseaux a été en particulier retenue au Nord de Paris, entre deux feeders importants ; il s’agit pour le SEDIF du feeder Noisy-le-Sec — Pantin — Saint-Denis de 1 250 mm de diamètre et, pour la SAGEP, de l’artère installée boulevard Mac-Donald, qui ceinture Paris, et dont le diamètre est également de 1 250 mm.
Ces feeders, au droit de la Porte de la Villette, sont distants de quelque 850 m seulement et sont capables de pouvoir échanger 100 000 m³/j. En conséquence, un diamètre de 1 000 mm a été retenu pour la conduite de liaison à établir.
Compte tenu des niveaux piézométriques régnant dans les deux réseaux voisins, le transit du débit de secours fixé à 100 000 m³/j peut se faire gravitairement dans le sens SEDIF-SAGEP et par surpression dans le sens SAGEP-SEDIF. Il a donc fallu concevoir une usine de secours capable d’assurer cet échange dans les deux sens.
Par convention entre les deux organismes concernés, la SAGEP a pris à sa charge le Sud de la liaison depuis le feeder de 1 250 mm du boulevard Mac-Donald jusqu’à l’usine de surpression non incluse, et le SEDIF le Nord de la liaison, depuis le feeder de 1 250 mm de la rue des Écoles à Aubervilliers jusqu’à l’usine de surpression incluse. L’Agence Financière du Bassin Seine-Normandie a accordé également son aide pour la réalisation de cette liaison. Quant à l’usine proprement dite, elle se situe approximativement à mi-liaison, sur un terrain appartenant à la Ville de Paris, le rond-point Auguste-Baron, situé sous le viaduc du boulevard périphérique, étant implantée entre une galerie visitable au Nord et une galerie visitable au Sud, avec un espace disponible de l’ordre de 10 m.
La Ville de Paris a donc mis à disposition des surfaces de terrain nécessaires à la réalisation de l’ouvrage et, pour n’apporter aucune contrainte supplémentaire à un projet d’aménagement envisagé par l’Atelier Parisien d’Urbanisme, il a été décidé d’enterrer complètement les diverses parties de cet ouvrage comprenant une chambre hydraulique, un local électrique et un couloir d’accès, pour une superficie totale au sol de 240 m² environ.
Conception de l’usine
L’usine venant s’insérer entre deux ouvrages souterrains dans un espace relativement restreint, il fallait choisir un type de pompe permettant un montage hydraulique simple compte tenu du diamètre important des conduites et des volumes à transiter, atteignant 100 000 m³/j, soit 4 170 m³/h. Aussi, le choix s’est-il porté sur une pompe de type « à plan de joint », normalement employée avec l’axe de roue horizontal, mais ici verticalisée pour limiter l’encombrement au sol et placer le moteur hors inondation. Le montage hydraulique est simplifié par le fait que les tubulures d’aspiration et de refoulement sont situées en prolongement dans le même axe.
Ce groupe électropompe monobloc vertical à plan de joint pour assurer la surpression entre les deux réseaux, doit avoir une élévation maximale de 40 mCE. L’élévation, suivant la configuration des réseaux au moment de l’établissement de l’intercommunication, peut descendre à une valeur nettement inférieure, de l’ordre de 10 mCE. Dans ces conditions de grande variation d’élévation, il était nécessaire d’adopter un dispositif permettant à la pompe de fournir le débit demandé pour une élévation pouvant être comprise entre 10 et 40 mCE.
Deux solutions ont été retenues :
• soit un groupe électropompe à vitesse variable permettant de déplacer la courbe H(Q) de la pompe pour situer le point de fonctionnement sur le débit et l’élévation demandés,
• soit un dispositif de recyclage de débit de fuite permettant de recycler le débit « non utilisé » sur le réseau receveur, avec un groupe électropompe à vitesse fixe.
Financièrement, la solution « groupe à vitesse variable » s’est avérée d’un coût nettement plus élevé que la solution du « recyclage du débit de fuite ». Techniquement, les arguments militent également en faveur de cette dernière solution, s’agissant d’une station de surpression de secours à fonctionnement sporadique :
• un matériel « rustique », donc fiable, est préférable au matériel sophistiqué que représente la variation de vitesse (matériel en revanche parfaitement justifiable pour gérer une station de pompage à régime permanent),
• le rendement optimal que l’on peut obtenir par la variation de vitesse n’est pas un critère de premier ordre dans le cas d’un fonctionnement en secours.
Le choix s’est donc porté sur la solution de recyclage avec un groupe électropompe à vitesse fixe dont les principales caractéristiques sont les suivantes :
Débit : 4 170 m³/h HET : 40 m CE Rendement pompe : 88,5 % Moteur à courant alternatif à cage d’écureuil, puissance : 575 kW Vitesse : 990 tr/min Tension : 380 V — 50 Hz
Dispositif de recyclage
Sur la boucle refoulement-aspiration de la pompe est disposé un robinet-vanne de régulation, de 800 mm de diamètre, de type multijet (diaphragme à section variable), piloté par un automate régulateur de la façon suivante :
• la mesure de débit est assurée par un débitmètre à ultrasons placé sur la conduite de liaison ;
• une consigne de débit est transmise à l’automate local chargé de gérer l’ensemble des installations de l’usine de la Villette, par le poste de commande central de l’usine de production située à Noisy-le-Grand ;
• lorsque le groupe électropompe est lancé, la mesure du débit par le débitmètre ultrasons est transmise à l’automate local de l’usine qui compare avec le débit de consigne et en déduit le débit à recycler : Débit à recycler = Débit mesuré – Débit de consigne ;
• l’automate local transmet l’ordre de débit à recycler à l’automate régulateur ;
• l’automate régulateur actionne le servomoteur du robinet-vanne multijet jusqu’à l’obtention du débit demandé, mesuré par l’intermédiaire d’un capteur-transmetteur de différence de pression, sous forme d’un signal 4-20 mA ;
• lorsque le débit recyclé est atteint, la position d’ouverture du robinet-vanne est maintenue.
Bien entendu, ce processus s’effectue en quelques secondes et varie en permanence en fonction de la variation du débit et de l’élévation de la pompe. De plus, il est assorti des sécurités souhaitables, en particulier pour éviter « d’écrouler » la pression du réseau donneur par une consigne minimale de pression, fixée ici à 5 bars. La pression relative est mesurée par un capteur-transmetteur, fournissant une information sous forme d’un signal 4-20 mA à l’automate local, et placé en aval du robinet-vanne de régulation. Le débit de consigne est maintenu tant que la pression minimale n’est pas atteinte. Dès que cette pression est atteinte, l’ordre est donné d’arrêt du groupe électropompe après ordre d’ouverture complète du robinet-vanne de régulation.
En cas de disjonction et donc d’arrêt brutal de la pompe, l’ordre est donné de fermeture immédiate à un robinet-à-papillon à servomoteur à alimentation secourue (robinet dit « de garde » du robinet-vanne de régulation, ce dernier
n’étant pas étanche à fermeture complète), pour éviter que le sens d’écoulement ne s’inverse dans la conduite de liaison. Dès que le courant de secteur est de retour, l'automate local reprend le processus initial si l'ordre est maintenu.
Schéma hydraulique et automatismes
Le schéma hydraulique est classique et comporte :
- • un clapet anti-retour au refoulement de la pompe,
- • une protection anti-bélier assurée par un by-pass aspiration-refoulement suivi d'un clapet anti-retour de 800 mm de diamètre,
- • des robinets à papillon d’isolement à commande manuelle,
- • des robinets à papillon à servomoteur télécommandés ou asservis à un automatisme,
- • un débitmètre à ultrasons, assurant en plus la transmission de l'information débit à l’automate, le comptage des échanges d’eau dans les deux sens,
- • la possibilité d’ajouter un nouveau groupe électropompe de même puissance.
Différents programmes de configuration de fonctionnement automatique ont été insérés dans l’automate local. Ainsi, à partir d’ordres transmis par le poste de commande de Noisy-le-Grand, on peut obtenir par le jeu des robinets à papillon télécommandés ou asservis (numérotés de 1 à 7 sur le schéma) :
- 1. La surpression du réseau SAGEP vers le réseau SEDIF sur une consigne de débit donnée.
- 2. L'échange gravitaire du réseau SEDIF vers le réseau SAGEP, avec une régulation de débit assurée par le robinet-vanne multijet suivant une consigne de débit donnée et selon un processus similaire à celui employé en recyclage de débit. Le débit de consigne est maintenu tant que la pression minimale en amont du robinet-vanne n’est pas atteinte, priorité est donnée ensuite au maintien de cette pression si le débit de consigne ne peut être respecté.
- 3. La maintenance périodique de l'installation en faisant fonctionner en circuit fermé la pompe, le robinet-vanne de régulation pouvant réguler le débit en créant la perte de charge souhaitée.
- 4. En position d’arrêt, le maintien d’un écoulement permanent pour le renouvellement de l’eau dans l’installation, par injection d’eau dans le réseau local d’Aubervilliers.
Par mesure de sécurité, deux robinets à papillon télécommandés (numérotés 4 et 7 sur le schéma hydraulique) assurent l'isolement de l'intercommunication sur les deux réseaux concernés. Le premier est télécommandé par le PC de l'usine de Noisy-le-Grand du réseau SEDIF, le deuxième par le dispatching SAGEP de la rue Schoelcher à Paris, auquel est également télétransmise l'information du débit transité.
Fonctionnement du robinet-vanne de régulation
L’utilisateur choisit la nature de la grandeur à régler et la valeur de consigne de cette grandeur.
L'automate régulateur lit les indications des compteurs-transmetteurs (position du robinet-vanne, pression, etc.) et calcule l’écart entre la valeur de consigne et la grandeur physique. Cet écart « e » sert de variable d’entrée à un programme de régulation de type PID. La variation de position Δx(t) du robinet-vanne est calculée par l’algorithme numérique suivant :
Δx(t) = P e + I ∫ e dt + D de/dt
P, I et D étant trois paramètres de régulation modifiables par l'utilisateur en fonction des caractéristiques de l’installation hydraulique à régler.
Le robinet-vanne est l’organe réglant qui agit sur les paramètres hydrauliques à régler. L'automate régulateur assure la commande du robinet-vanne par un contacteur-inverseur et un actionneur électrique (ici un servomoteur 380 V).
La mesure de débit est effectuée à partir de l’organe déprimogène (diaphragme) à section variable que constitue le robinet-vanne, dont la variation F(x) a été déterminée initialement par étalonnage en laboratoire.
À partir des indications du capteur-transmetteur de pression différentielle et du capteur de position d’ouverture du robinet-vanne, l’automate régulateur calcule le débit Q traversant le robinet-vanne, en créant une perte de charge ΔH : Q = A f(x)/ΔH.
Cette usine de surpression et de détente, entièrement automatique et télécommandée, doit permettre d’assurer sans faille un secours immédiat dès qu'un réseau est demandeur, pour peu que la configuration du réseau donneur le permette. Elle constitue une solution de conception simple pour échange réciproque entre deux réseaux télécommandés ayant une différence de niveaux piézométriques pouvant être importante.