C'est sur le site de la « Prairie aux Ducs » à Nantes, qu’a été inaugurée, le 1er décembre 1987, l’une des plus importantes unités de traitement des déchets urbains, avec récupération de chaleur, construite à partir de capitaux privés.
Cette initiative, déjà importante en soi, ne constitue pas la seule particularité de l’opération.
Les choix techniques qui ont été retenus pour la circonstance méritent d’être soulignés puisqu’ils en font l’une des usines les plus modernes et la plus écologique actuellement en exploitation en France.
Cette réalisation (figure 1), décidée en 1985 par le Siman (Syndicat intercommunal à vocation multiple de l’agglomération nantaise) et confiée à Cofreth et sa filiale Valorena, s’inscrit dans un ensemble de production de chaleur destiné à alimenter les Z.U.P. de Beaulieu-Malakoff (environ 8 000 foyers) et un certain nombre d’équipements tertiaires (immeubles de bureaux, groupes scolaires, etc.) comprenant notamment l’Hôtel-Dieu de Nantes (1 600 lits), soit au total environ 13 000 équivalents-logements (figure 2).
Cet ensemble de production de chaleur est constitué, d'une part, par l’usine d’incinération elle-même, capable de fournir 150 000 MWh/an à partir de la combustion des 120 000 tonnes de déchets urbains qu’elle peut traiter annuellement et de charbon pulvérisé (ce qui constitue l'une de ses principales innovations techniques), et, d’autre part, d’une centrale thermique mixte fioul/gaz (puissance 42 MW), entièrement automatisée et qui n’intervient désormais plus qu’en appoint aux périodes de pointe (grands froids) ou en secours. Ainsi, la diversification des sources d’énergie utilisables en complément des déchets confère-t-elle beaucoup de souplesse pour la gestion d’exploitation de l'ensemble.
Le raccordement de l’usine à l’ancien réseau desservant les Z.U.P., de même que les extensions vers l’Hôtel-Dieu, ont été réalisés selon un procédé utilisant des tubes en acier à double enveloppe, directement implantés dans le sol. Ce procédé, grâce à la mise sous vide de la double enveloppe et à son isolation, permet de réduire considérablement les pertes en ligne et s’avère, de ce point de vue, l’un des plus performants existant sur le marché. Long d’environ une dizaine de kilomètres, ce réseau et les sous-stations qu’il dessert (au nombre de 70 actuellement) ainsi que la centrale thermique, sont placés sous le contrôle d'une gestion technique centralisée qui recouvre toutes les fonctions de contrôle, sécurité et optimisation de l'ensemble « production-distribution ».
Innovations technologiques et automatisation
C’est le choix auquel ont procédé tous les partenaires attirés à l’opération, d'une part pour optimiser au mieux les coûts de production d’énergie, d’autre part pour assurer les meilleures conditions de protection de l'environnement.
L’usine d’incinération construite par Cnim (Constructions navales et industrielles de la Méditerranée) dispose, au niveau des fours-chaudières, de deux procédés de combustion, l’un sur grille mécanique pour les déchets, l'autre constitué par une tuyère à charbon pulvérisé placée dans un équipement d’air, monté en partie haute de la chaudière. Il s’agit là d'une « première » en France.
La seconde innovation du constructeur réside dans la mise en place, dans la chaîne des fumées, d’un procédé de traitement des gaz de combustion du type « semi-sec », assurant la meilleure qualité des rejets.
L’ensemble est placé sous la conduite et la surveillance d’un dispositif présentant une architecture dite « à système réparti et commande centralisée ».
Caractéristiques techniques des équipements et fonctionnement
L’installation (figure 3) dispose d’un hall de réception où, après pesage, les camions-bennes et gros porteurs peuvent, à partir de six postes de déchargement, déverser simultanément les déchets dans une fosse de réception d'une capacité de 2 600 m³.
La manutention des déchets est assurée par l’intermédiaire de deux ponts roulants (l’un toujours en réserve) puis, après homogénéisation, ils sont déversés dans les trémies d’alimentation des deux lignes de four Martin, ayant chacune une capacité d’incinération de 9,5 tonnes/heure.
Les déchets, introduits dans le four par un dispositif poussoir mû par vérins hydrauliques, sont déversés sur une grille articulée montée suivant un plan incliné et divisée en deux sections longitudinales comportant chacune deux rangées de barreaux. L’une des rangées est animée d’un mouvement alternatif lent assurant dans de bonnes conditions l’homogénéisation et le mélange de la couche des particules incandescentes avec les déchets qui sont introduits dans le four. Une arrivée d’air primaire réchauffé à 150 °C, équitablement répartie sous la grille, assure le complément nécessaire à la combustion des déchets qui s’effectue après qu’en partie haute de la grille, les phases de séchage et d’allumage des ordures ont été réalisées.
Les résidus de combustion (mâchefers), qui ne représentent plus qu’environ 30 % (en poids) des déchets introduits, sont déversés en bout de grille par l'intermédiaire d’un tambour cylindrique dont la vitesse de rotation conditionne l’épaisseur de la couche d’ordures et de mâchefers existant sur cette grille et, de ce fait, régule l’allure de marche du four.
Déjà refroidis en fin de grille, tombent dans l'eau contenue dans un réceptacle dit « extracteur à mâchefers » d'où, sous l'action d'un poussoir mû par vérin hydraulique et via un tapis vibrant, ils sont rejetés dans une fosse de stockage, avant d'être évacués en décharge. Les résidus de tamisage (fines sous grille) ou de dépoussiérage qui s'accumulent aux différents niveaux de la chaudière sont eux-mêmes récupérés et transportés par vis jusqu'à l'extracteur, et évacués avec les mâchefers.
Les gaz issus de la combustion des déchets sont tout d'abord soumis à l'action d'une arrivée d'air secondaire distribuée par des injecteurs placés en partie haute du four, de manière à compléter la combustion des cendres volantes et à leur assurer une meilleure homogénéisation.
Ces gaz chauds (température 900 °C en sortie du four) cheminent ensuite, pour être refroidis, au travers d'une chaudière de récupération Cnim, directement implantée sur le four, avant de traverser la chaîne d'épuration des fumées (décrite ci-après) et d'être rejetés à l'atmosphère.
L'eau circulant en chaudière (à raison de 279 tonnes/heure) pour assurer le refroidissement des gaz, est réchauffée jusqu'à une température de 200 °C sous une pression de 27 bars, puis va alimenter l'échangeur primaire du réseau de chauffage urbain (débit 430 tonnes/heure — températures 180°/95 °C).
Les puissances développées en sorties de chaudières sont respectivement de 13,7 MW, à partir de la combustion des déchets seuls, et de 18,7 MW lorsque sont brûlés simultanément des ordures ménagères et du charbon pulvérisé mis en appoint, ce qui traduit l'excellence des rendements atteints par les ensembles « Four/Chaudière » (78,3 % en combustion mixte et 75,4 % avec les déchets seuls).
Équipement de manutention et de combustion du charbon pulvérisé
L'installation destinée à brûler du charbon d'importation (de granulométrie 0-30) est composée (figure 4) d'une partie commune comprenant une fosse de réception de 1 300 m³, un transport pneumatique en phase dense et un stockage d'alimentation (capacité 40 m³) destinés à alimenter deux lignes de broyage Atritor (une par four/chaudière) desservant deux équipements de combustion Pillard capables de brûler 850 kg/h de charbon pulvérisé.
Le charbon prélevé dans la trémie d'alimentation est introduit dans le compartiment broyage au travers d'un distributeur rotatif à sole doseuse, en même temps que de l'air chaud (150 °C) prélevé au niveau de l'air primaire du four.
Après une première phase de broyage, où la granulation et l'humidité du produit sont déjà fortement réduites, celui-ci est entraîné par l'air chaud vers la périphérie du rotor du broyeur qui comporte une série de broches mobiles où l'opération de broyage se termine par « usure » du charbon. Celui-ci est ensuite aspiré, après avoir été tamisé (les gros grains étant recyclés), par l'intermédiaire du ventilateur d'air primaire du brûleur (granulométrie finale après broyage : 75 μ).
L'équipement de chauffe (figure 5) comporte au centre une tuyère centrale à deux circuits :
- — un circuit alimenté en charbon pulvérisé et air primaire,
- — un circuit d'air tertiaire destiné à l'alimentation en air central de la tuyère et prélevé sur le caisson de l'équipement de brûleur, le tout étant implanté dans un caisson d'air secondaire alimenté à partir du ventilateur d'air primaire du four.
Au centre du circuit d'air tertiaire est placée une canne de brûleur de fioul domestique à pulvérisation mécanique, destinée à l'allumage, voire au « soutien » de la combustion du charbon à bas régime ; le brûleur à charbon est capable de fonctionner seul dans une plage de variation de débit de un à quatre.
Chaîne d'épuration des fumées
Cette installation a pour objet d'épurer les fumées des groupes fours-chaudières de la centrale mixte, suivant les directives de l'arrêté du 9 juin 1986, qui, rappelons-le, concernent tant l'émission des poussières dans l'atmosphère (taux < 50 mg/Nm³ gaz) que les éléments chlorés (taux < 100 mg/Nm³ gaz) et les métaux lourds : zinc, étain, plomb, chrome (total < 5 mg/Nm³) — mercure et cadmium < 0,3 mg/Nm³ — arsenic < 1 mg/Nm³.
Le procédé de traitement des gaz de combustion est du type « semi-sec » (figure 6). Son principe consiste à injecter un lait de chaux sous forme atomisée dans les fumées, au niveau d'une tour nommée « réacteur » et placée sur le parcours des gaz entre la chaudière et le dépoussiéreur électrostatique. La quantité de lait de chaux injectée est ajustée en fonction de la concentration en HCl mesurée après électrofiltre. La réaction de neutralisation se produit pendant le séjour dans le réacteur (15 secondes environ).
Au lait de chaux est ajoutée de l'eau servant à régler la température des fumées avant entrée dans l'électrofiltre (environ 140 °C, température supérieure au point de rosée pour éviter les corrosions intempestives du circuit aval). Cet abaissement de température favorise la condensation des métaux lourds (en particulier le mercure).
L'installation comporte :
- — un poste de stockage de la chaux (capacité 80 m³), qui confère à l'installation une autonomie de 4 jours,
- — un dispositif de préparation de lait de chaux (dosage — agitation),
- — un ensemble d'injection (bac d'alimentation et pompes),
communs aux deux lignes de traitement, et destinés à alimenter les « réacteurs ».
installés sur chaque ligne d’épuration, par l’intermédiaire d’un dispositif d’atomisation placé à la partie supérieure de ceux-ci. Les produits de réaction, et les cendres qui décantent dans le réacteur et sont prélevées à la partie inférieure de celui-ci et au bas de l’électrofiltre, sont évacués par des vis de transport vers un silo de stockage d'une capacité de 160 m³, avant envoi en décharge (extraction par vis et rampe d’humidification).
L'installation requiert une qualité de chaux particulièrement suivie : teneur en Ca(OH)₂ > 95 %, teneur en silice SiO₂ < 1 %, humidité < 1 %, granulométrie voisine de 20 μ. La consommation de chaux est de l’ordre de 15 à 18 kg par tonne d’ordures ménagères au régime nominal, selon que l'on fonctionne en mixité (100 % OM et 100 % CP) ou en déchets seuls (débits d’eau correspondants de l’ordre de 300 à 200 litres/tonnes d’OM). Le dépoussiérage des fumées, en bout de chaîne, est obtenu à partir d’un dépoussiéreur électrostatique Schmidt comportant deux champs en série.
L’installation permet, grâce au niveau de température maintenu dans les fours (T > 750 °C) et à sa chaîne d’épuration, d’obtenir une qualité de rejets assez exceptionnelle : absence d’odeurs — teneur en chlore < 100 mg/Nm³ (pour une valeur maximale à l’entrée < 1 400 mg/Nm³) et taux de poussières < 30 mg/Nm³.
Récupération de chaleur : automatisme et gestion informatisée
L’ensemble de production de chaleur (échangeur Uiom et centrale thermique desservant le réseau) est entièrement automatisé et placé sous le contrôle d’une G.T.C. (Gestion technique centralisée). Dans ce but, nous avons mis en œuvre un système automate Andover, et modernisé totalement la centrale thermique de Beaulieu-Malakoff : remplacement des brûleurs à fioul lourd et gaz, mise en place d’un dispositif autocontrôlé et de variateurs de vitesse sur les pompes de circulation desservant le réseau.
L’objectif prioritaire retenu au niveau de la régulation étant d’optimiser la récupération de chaleur sur l’échangeur, les besoins de puissance supplémentaire sont assurés par la centrale thermique ; pour ce faire, le système de G.T.C. compare en permanence la puissance instantanée des moyens de production en service, à la charge prévisible du réseau, et indique au responsable de la centrale la nécessité de mettre en température une chaudière supplémentaire pour prendre le relais de l’échangeur. La mise en service de cette chaudière s’effectue automatiquement, après ouverture progressive de sa vanne de départ. La G.T.C., à partir des informations reçues de différents capteurs judicieusement placés sur le réseau, intervient sur la vitesse des pompes de circulation, ou permet de modifier à distance les pertes de charge en certains points de celui-ci, de manière à ajuster les débits de circulation aux conditions d’exploitation.
Ces dispositions particulières offrent à l’exploitant une certaine souplesse d’exploitation ; en effet, la conjoncture tarifaire E.D.F. peut inciter, à certains moments, à augmenter la température de départ d’eau dans le réseau, plutôt que la vitesse des pompes, et inversement.
Le comptage d’énergie (puissance instantanée et totalisation) se fait au niveau de la G.T.C. à partir des informations de température de départ et retour d’eau, et du débit du réseau.
Chaque sous-station est entièrement contrôlée par un automate ayant les fonctions suivantes :
- — acquisition des variables du procédé,
- — commande des automatismes,
- — retransmission des informations locales vers le poste de contrôle.
Le poste de contrôle et de surveillance (I.B.M. P.C. et imprimante) supervise l’ensemble de ces sous-stations.
Gestion de la multi-énergies
Un programme d'aide à la décision permet, en fonction des prévisions de températures fournies par la Météorologie nationale, d’optimiser la gestion du stock d’ordures ménagères et l’utilisation des combustibles fossiles disponibles en chaufferie. Cette gestion multi-énergies prend en compte les paramètres techniques des installations, mais aussi les données économiques, telles que les tarifications énergétiques. Cet outil informatique, réalisant des simulations hebdomadaires et élaborant des stratégies d'utilisation des énergies, fournit ainsi au chef d’usine les informations indispensables à son rôle de gestionnaire.
Des outils modernes de gestion de la maintenance
Les conditions auxquelles sont soumis les équipements : chocs — vibrations — chaleur — poussières, sont telles qu’elles exigent un suivi rigoureux de la maintenance. Pour ce faire, le responsable dispose d’un outil, extrêmement performant, d'aide à la gestion de la maintenance : Asimut, logiciel développé par notre société au cours de ces dernières années. Ce logiciel rassemble toutes les données de base nécessaires à l’exploitant : caractéristiques des matériels — gamme de maintenance — périodicité des interventions — niveau de compétence requis pour chaque tâche — durabilité des matériels, etc. Il apporte une aide maximale à la planification et au suivi des coûts de maintenance propres à chaque équipement.
Chacune des machines tournantes (broyeurs, pompes, ventilateurs) est soumise à des contrôles et analyses vibratoires destinés à suivre l’évolution de l’état de ces matériels, ce qui permet d’optimiser ainsi la fréquence et la nature des interventions.