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L'ultrafiltration, une technique économique de raffinage de l'eau déminéralisée

30 mai 1990 Paru dans le N°137 à la page 35 ( mots)
Rédigé par : Robert DESROCHE

Toutes les études économiques montrent le potentiel de développement très important des technologies membranaires de microfiltration, ultrafiltration et osmose inverse, en particulier dans la purification de l’eau.

Bien que la vocation des résines ne soit pas de réaliser une étape de filtration mécanique, leurs caractéristiques chimiques, géométriques et une certaine porosité leur permettent de retenir une fraction non négligeable de composés indésirables présents dans certaines eaux de surface. Toutefois, dans de nombreuses applications, l’eau déminéralisée nécessite une étape de finition sur membrane afin d’éliminer ces composés colloïdaux, ainsi que les bactéries responsables de refus de fabrication et de baisses de rendement dans les unités industrielles.

Les systèmes de filtration frontale utilisant des cartouches jetables après utilisation peuvent se révéler insatisfaisants lorsque l’on cherche à éliminer des colloïdes. Dans ce cas, une filtration tangentielle avec un pouvoir de coupure de 10 000 à 100 000 Daltons se révèle indispensable, et la création d’une couche de polarisation est favorable à la rétention de particules d’une taille inférieure à celle des pores de la membrane.

Si l’on recherche une grande finesse de filtration, le coût d'exploitation devient rapidement prohibitif dans le cas d’eaux de surface très chargées en colloïdes et matières organiques.

[Photo : Cartouche d’ultrafiltration.]

Les membranes organiques nous semblent bien correspondre au souci de qualité et de coût modéré des utilisateurs de systèmes « polisseurs » de filtration. Les nombreuses unités industrielles utilisant ce type de membranes sont le gage que cette technologie est parfaitement maîtrisée et permet d’assurer une bonne fiabilité dans le temps.

Les fibres creuses

Une fibre creuse est comparable à un micro-tube de diamètre interne variant entre 0,5 mm et 2 mm. Les fibres creuses sont rassemblées dans une cartouche, en faisceau très serré, de façon à disposer du maximum de surface disponible dans un volume défini (photographie n° 1).

La membrane assurant la séparation entre le solvant et les impuretés à éliminer est constituée par une « peau » de faible épaisseur (0,1 micron environ) située à l’intérieur ou à l’extérieur de chaque fibre ; la première conception est actuellement la plus utilisée.

Les nouvelles cartouches d'ultrafiltration de 125 mm de diamètre et de 1 m 10 de longueur présentent les caractéristiques figurant sur le tableau 1.

Chaque cartouche étant placée en position verticale, l’eau entre par la partie inférieure et circule à l’intérieur des fibres. Une partie traverse la membrane et le retentat chargé en constituants à éliminer est évacué au sommet de chaque cartouche. Selon le type d'eau à traiter un recyclage peut être prévu afin de maintenir les performances des membranes dans le temps en évitant un colmatage trop rapide dû à une vitesse de circulation trop lente ; dans le cas d’eau déminéralisée sur résines échangeuses d’ions il n’est généralement pas nécessaire de le prévoir.

Le débit de l'eau dépend :

  • des paramètres hydrauliques : il est proportionnel à la pression transmembranaire, qui est limitée à 2-3 bars selon le polymère utilisé ; il est inversement proportionnel à la viscosité. Celle-ci diminuant lorsque la température s’élève, le

Tableau I

Caractéristiques des cartouches d’ultrafiltration

Tableau I - Caractéristiques des cartouches d’ultrafiltration
Membranes Type GM80 Type PM10
type de membranes acrylique polysulfone
diamètre intérieur des fibres 0,5 mm 0,5 mm
seuil de coupure en poids moléculaire 80 000 10 000
taille de pores moyenne 0,005 microns 0,002 microns
Cartouches
surface de membranes 12,5 m² 12,5 m²
matériaux de construction polysulfone polysulfone
longueur de la cartouche 1 092 mm 1 092 mm
diamètre de la cartouche 125 mm 125 mm
[Photo : Système d’ultrafiltration standard à cartouches.]

Le débit est amélioré lorsque la température augmente : J = k ΔP / η

  • des paramètres propres à la membrane :
    • nature du polymère (hydrophile ou hydrophobe),
    • pouvoir de coupure et porosité,
    • épaisseur de la membrane,
    • structure asymétrique (évite le colmatage en profondeur et facilite le nettoyage),
    • forme géométrique.

Afin de minimiser les coûts d’investissement, il est souhaitable de pouvoir disposer du plus grand nombre de fibres par cartouche pour augmenter la surface de filtration. Des considérations technologiques et hydrauliques amènent cependant les constructeurs à limiter la taille des cartouches. Les cartouches n’étant qu’un des éléments de l’installation, il est important de pouvoir réduire la part des tuyauteries, vannes, pompes et automatisme des installations. Le concepteur s’attachera donc à optimiser chaque système. Bien qu’il ne soit pas primordial, le souci de l’esthétique ne sera pas absent de ses préoccupations.

La réduction de la taille des unités nécessite de travailler avec une pression transmembranaire plus élevée. Ceci a comme inconvénient des contraintes plus importantes sur les membranes, entraînant des nettoyages plus fréquents et plus difficiles et une durée de vie raccourcie. Le coût d’investissement n’est donc pas le seul facteur à prendre en compte.

Nettoyage

L’un des éléments déterminants du fonctionnement d’une unité d’UF est la nécessité de conserver des performances continues dans le temps et de réaliser un nettoyage efficace permettant de retrouver rapidement les performances initiales. Ce nettoyage doit s’effectuer dans un temps limité avec une consommation d’eau et de réactifs les plus faibles possibles ; les fibres creuses organiques répondent parfaitement à ce double impératif. Le fonctionnement des unités industrielles est étudié de façon à travailler avec une pression transmembranaire faible qui permet de faciliter le nettoyage en limitant l’encrassement des membranes. Ces nettoyages courts s’effectuent de deux façons différentes :

  • par voie hydraulique, en inversant le sens de passage de l’eau à travers la membrane, en utilisant le perméat soit par poussage à l’aide d’une pompe, soit en créant une dépression à l’intérieur des fibres*. Ils sont effectués à fréquence régulière, à intervalles de 1 h à 4 h selon

* Brevet Romicon.

[Photo : Comparaison de l’efficacité des procédés de filtration frontale (0,2 micron) et de l’ultrafiltration.]
[Photo : Exemple d'influence de l'ultrafiltration sur l'amélioration de la conductivité.]

Tableau II

Élimination de colloïdes masquant des ions

Résultats d'exploitation relevés à la centrale nucléaire Indian Point 3 près de New York

Valeurs moyennes en ppb des teneurs ioniques relevées après passage des échantillons en autoclave

Éléments Sortie LM Sortie UF
Chlorures 115 15
Sulfate 170 8
Carbone organique total (COT) 170 29
Conductivité (µMHO/cm²) 0,078 0,058
[Photo : Élimination des bactéries par ultrafiltration.]

Le pouvoir colmatant de l'eau. Leur durée est de 15 à 20 secondes. Avec un flux égal entre production et contre-lavage on obtient ainsi une consommation de perméat inférieure à 1 % de la production.

Par voie chimique : il peut être nécessaire d'effectuer sur une base hebdomadaire ou mensuelle un traitement chimique à la soude au taux de 0,5 %, complété ou non avec un autre réactif, de façon à parfaire le nettoyage et retrouver les caractéristiques initiales de débit de la membrane.

Résultats d'exploitation

En raison de la taille des pores (variables entre 20 et 50 Å) il est bien évident que le perméat obtenu est de meilleure qualité que celui obtenu en filtration frontale à 0,2 µ ou plus (figure 1).

Toutefois l'une des difficultés rencontrées dans le cas d'application très « pointue » réside dans la détection immédiate d'une fuite en cas de rupture de fibre. Dans ce cas spécifique, le filtre classique doit être maintenu par mesure de sécurité, mais la durée d'utilisation avant colmatage des éléments est alors multipliée par un facteur important.

L'élimination de colloïdes et en particulier de la silice colloïdale ont été les principales applications de cette technologie, en particulier au début des années 80 dans le domaine des eaux ultrapures. Actuellement de plus en plus de chaudières haute pression nécessitent une unité d'ultrafiltration pour éliminer les ions présents dans des colloïdes (figure 2 et tableau II) faute de quoi ces ions (chlorures ou sulfates), qui ne sont pas retenus sur les résines échangeuses d'ions (tableau II) sont libérés à haute température dans la chaudière et provoquent des problèmes de corrosion (d'où augmentation significative du taux de purges) ou sont entraînés dans la vapeur et se déposent sur les ailettes des turbines.

L'élimination des bactéries (tableau IV et figure 3) peut aussi être un des objectifs de l'utilisateur ; dans ce cas un traitement aux U.V permet d'obtenir un résultat similaire sur le plan bactériologique, mais les corps morts restant alors en solution peuvent parfois être une source de problèmes.

Données : installation d'ultrafiltration utilisant des cartouches HF 132 20 PM 10, placée après deux chaînes de déminéralisation identiques, selon la filière : filtre déchloreur — cation fort — dégazeur — anion fort — lit mélange — filtre à cartouches. Débit de perméat : 107 m³/h maximum. Taux de conversion : 95 %. Démarrage : 1986.

Valeurs ponctuelles en ppb relevées avant et après passage en autoclave

Éléments Sortie LM Sortie UF
Chlorures avant autoclave 0,83 0
Chlorures après autoclave 128,5 3,5
Sulfate avant autoclave 0,94 0
Sulfate après autoclave 3984 72
Carbone organique total 173 29,1
Conductivité 0,077 0,058

Une membrane avec un pouvoir de coupure de 80 000 daltons a donné de moins bons résultats.

Tableau III. Élimination de colloïdes (en moyenne, en ppb)

Point de Fe Al Si
Avant résines 130 160 50
Entrée UF 62 72 27
Perméat 0,5 0,5 5

Tableau IV. Élimination de bactéries — fréquence des tests : hebdomadaire

Lit mélangé UF
Entrée Sortie Sortie
7 1 <1
10 3 <1
600 4 3
600 2 2
10 3 2
21 6 2
10 10 <1
13 20 <1

Tableau V

Comparaison des coûts d’exploitation (en livres sterling) d’ultrafiltration tangentielle (Aquapol 5) avec la filtration frontale à cartouches

Éléments Aquapol A5 0,2 µ 0,45 µ 1,2 µ 5,0 µ
Investissement 22 250
Coût de remplacement des éléments 12 617 34 200 18 200 6 860 2 960
Produits chimiques 390
Total sur 10 ans 35 257 342 000 182 000 68 600 29 600

Données de base : débit 10 m³/h — système automatique — cartouches de filtration changées 10 fois par an — membranes UF changées après 5 ans d’utilisation.

Les figures 1, 2 et 3 permettent d’apprécier les performances d’une membrane acrylique Romicon GM 80 dont la taille moyenne des pores est d’environ 40 Å.

Coûts économiques comparatifs

Dans le but de réduire les frais d’investissement liés à l’utilisation de la technologie d’ultrafiltration, des systèmes standards ont été élaborés, capables de produire 5 à 20 m³/h en fonction du nombre de cartouches équipant chaque appareil. Ces systèmes automatiques avec tuyauteries en polypropylène sont montés sur châssis mobile et permettent de réaliser les diverses opérations de nettoyage nécessaires au bon fonctionnement des membranes (photographie n° 2).

Le tableau V est basé sur une durée de vie des membranes de 5 ans, ce qui correspond à la durée minimum d’utilisation des cartouches relevée dans cette application.

Il permet d’apprécier l’avantage financier attaché au procédé, qui est encore plus significatif dans le cas de systèmes semi-automatiques.

Il est évident que lorsque la fréquence de changement des cartouches augmente, le temps d’amortissement de l’investissement est encore plus réduit (figure 4).

L’amélioration des techniques de fabrication des membranes d’ultrafiltration devrait permettre à court terme de réduire les coûts d’investissement (au m² de membrane installé) et rendre cette technologie encore plus compétitive par rapport aux techniques classiques de filtration, même dans le cas de finition aux alentours du micron (ou au-delà).

[Photo : Fig. 4 : Coût annuel de remplacement des éléments filtrants pour un système produisant 10 m³/h (en dollars US).]

Conclusion

De nombreuses applications nécessitent l’utilisation d’une eau de qualité toujours plus élaborée, et le passage sur résines échangeuses d’ions doit être complété par une étape de filtration ou de microfiltration.

L’ultrafiltration, dans le traitement de finition de l’eau déminéralisée, est devenue une technique éprouvée, simple et fiable. La mise sur le marché de nouvelles membranes organiques permet d’envisager maintenant le remplacement des techniques classiques de filtration dans des utilisations où jusqu’à présent le coût d’investissement était un obstacle majeur au développement de ces technologies de pointe.

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