Afin de protéger les ressources en eau, les autorités compétentes sont amenées à imposer des normes de rejets de plus en plus contraignantes, autant en ce qui concerne les effluents urbains que les effluents industriels. En conséquence, les techniciens doivent concevoir des filières d’épuration de plus en plus complexes. Nous présentons ici quelques exemples d’études et de réalisations industrielles où l’ozone a pu être utilisé avec succès et nous rappelons, sans avoir la prétention d’être exhaustif, un certain nombre de domaines où des essais sont en cours.
Société Trailigaz
Afin de protéger les ressources en eau, les autorités compétentes sont amenées à imposer des normes de rejets de plus en plus contraignantes, autant en ce qui concerne les effluents urbains que les effluents industriels. En conséquence, les techniciens doivent concevoir des filières d’épuration de plus en plus complexes.
Nous présentons ici quelques exemples d’études et de réalisations industrielles où l’ozone a pu être utilisé avec succès et nous rappelons, sans avoir la prétention d’être exhaustif, un certain nombre de domaines où des essais sont en cours.
LA DÉCYANURATION
L’élimination des cyanures est un problème qui se pose dans un certain nombre d’industries ; en fonction du type d’activités concernées (traitement de minerais, traitement de surface, industrie photographique, fonderie, unité de cracking catalytique, etc.), la nature et la concentration des espèces cyanurées dans les divers effluents rencontrés varieront de façon importante. On rencontrera généralement :
- - l’acide cyanhydrique dont le seuil de toxicité par inhalation est bien connu chez l’homme : 0,3 mg/l d’air ;
- - les cyanures simples alcalins, en particulier les sels de sodium et de potassium ;
- - les cyanures solubles complexes, leur composition faisant intervenir de nombreux métaux (cuivre, fer, zinc, argent, nickel, etc.).
Oxydation des cyanures par l’ozone : essais de laboratoire
Les nombreux essais (1, 2) réalisés en laboratoire ou à l’échelle pilote permettent de retenir les points importants suivants :
- - la destruction des cyanures libres et d’un grand nombre de cyanures complexes est rapide et conduit, dans une première étape, à la formation de cyanate. Pour des solutions synthétiques de cyanure, la consommation d’ozone correspond alors à la stœchiométrie de la réaction, soit 1,85 g d’ozone par gramme de cyanure ;
- - la dégradation compétitive des cyanures et des cyanates est influencée par le pH, une alcalinisation importante du milieu favorisant l’oxydation des cyanures ;
- - les cyanates sont oxydés et/ou hydrolysés, ces deux modes de destruction étant également fonction des conditions de pH du milieu.
Ces différentes réactions peuvent donc être écrites de la façon suivante :
- - Oxydation des cyanures :
CN⁻ + O₃ → CNO⁻ + O₂
- - Destruction des cyanates en milieu basique :
3 CNO⁻ + 2 O₃ + 2 OH⁻ + 2 H₂O → 3 HCO₃⁻ + NH₃ + N₂ + 2 O₂
- - Destruction des cyanates en milieu acide :
CNO⁻ + 2 H⁺ + 2 H₂O → H₂CO₃ + NH₄⁺
Après ces quelques rappels, il est nécessaire de préciser qu’avant toute réalisation industrielle, une étude en laboratoire permettra de définir les taux de traitement nécessaires à la destruction des cyanures présents dans l’effluent considéré. En effet, la présence d’autres composés réducteurs augmente très souvent, et de façon importante, les consommations d’ozone prévisibles.
Quelques exemples de réalisations industrielles
Dès 1957, la destruction des cyanures par l’ozone a été utilisée industriellement. Klingsick rapporte en effet l’expérience de l’usine américaine de Wichita, au Kansas. Cette usine appartenant à la société Boeing applique ce procédé comme traitement de polissage sur un effluent de galvanoplastie qui contient, après déshuilage, réduction des chromates, précipitation des métaux lourds et clarification, une concentration moyenne en cyanure de 0,25 mg/l. L’effluent, à pH 9, est introduit dans une première tour d’ozonation. Après cette première étape d’oxydation, l’effluent neutralisé traverse une seconde tour, à contre-courant avec le flux gazeux constitué en fait par les évents de la première colonne de contact. Après traitement, la concentration résiduelle en cyanure dans l’effluent atteint 0,06 mg/l. En 1970, cette unité traitait journellement 660 m³ d’effluent, l’équipement d’ozonation proprement dit étant constitué de deux ozoneurs, d’une capacité unitaire légèrement supérieure à 1 kg d’ozone par heure, production assurée à partir d’air.
De même, Bollyky décrit une unité de décyanuration fonctionnant depuis 1973 à New York, au sein de la firme Sealectro Corporation. La concentration en cyanure de l’effluent à traiter atteint 60 mg/l, en présence de métaux tels que le cuivre et l’argent.
L’effluent, dont le pH peut varier de 7 à 11, est ozoné dans une tour à deux compartiments, l’ozone résiduel en provenance du compartiment principal étant réinjecté
Dans la première chambre contenant un garnissage. Après cette étape de traitement, l’effluent contient 0,1 mg/l de cyanure et 6 mg/l de cyanate ; celui-ci est mélangé à un autre rejet avant traitement complémentaire. La capacité d’ozonation de cette unité est de l'ordre de 380 g d’ozone à l'heure, pour un débit de 8 m³/heure d’effluent.
La décyanuration par l'ozone est également utilisée en Europe. Aussi, allons-nous décrire, pour dernier exemple dans ce domaine, l'équipement que nous avons fourni pour le traitement de l'effluent d'une unité de production d’acide cyanhydrique à Chalampé dans l'est de la France (3).
Le débit de l’effluent à traiter est de 30 m³/heure, ses principales caractéristiques étant les suivantes :
pH : 1,5 à 2 ; Température : 30 à 40 °C ; Cyanure : 30 à 50 mg/l ; Ammoniac : 800 à 1 000 mg/l.
Le procédé retenu par cette société comporte trois phases principales :
- alcalinisation de l’effluent à pH 11, au moyen de soude concentrée ;
- stripping de l'ammoniac à l’air et à la vapeur. Le débit du fluide de stripping est asservi à la mesure du résiduel d'ion ammonium dans l’effluent (concentration en ammonium résiduel fixée à 10 mg/l). À la sortie de cette étape du traitement, la température de l'effluent atteint 75 °C environ ;
- ozonation de l’effluent.
Le réacteur où s’effectue la diffusion de l'ozone au moyen d'une turbine permet un temps de contact de 55 minutes (figure 1). L’asservissement de la production d’ozone est assuré à partir d’un analyseur spécifique, de façon à obtenir un effluent contenant moins de 0,5 mg/l de cyanure.
Les ozoneurs sont alimentés en boucle fermée par de l'oxygène. Ainsi, l'oxygène non utilisé sortant du réacteur doit être débarrassé de ses impuretés (gaz carbonique, azote, eau) et de nouveau séché avant introduction dans les générateurs. Pour ce faire, les traces d’ozone résiduel sont éliminées sur un catalyseur au bioxyde de manganèse, après élévation de la température à 130 °C. Le gaz est ensuite refroidi à 35 °C. Un analyseur détermine en continu le pourcentage d’oxygène dans le gaz et asservit une vanne de purge et une vanne d’injection d’oxygène pur, afin de maintenir ce pourcentage à une valeur constante égale à 80 % en volume. Le mélange gazeux est ensuite comprimé, refroidi à 5 °C et séché avant passage dans les deux ozoneurs. La capacité unitaire de chacun des deux ozoneurs est de 6,35 kg O₃/heure, pour une concentration moyenne d’ozone dans l’oxygène de 8 % O₃/Nm³. Cette installation fonctionne depuis 1975.
Du point de vue économique, Goldstein en 1973, après une étude des différentes installations existantes pour le traitement des effluents cyanurés, montre que ce procédé de destruction des cyanures est intéressant, dans la mesure où le flux de pollution journalier à traiter n'est pas trop important. Ceci sera d’ailleurs vrai, quel que soit le type d'effluent industriel puisque ceux-ci consomment généralement de grandes quantités d’ozone.
La seconde application importante que nous allons maintenant décrire fait appel aux propriétés désinfectantes de l’ozone, propriétés largement utilisées dans le domaine de l’eau potable et peu à peu transférées dans le domaine des eaux usées.
LA DÉSINFECTION DES EAUX USÉES
Il n’est pas de notre propos de revenir sur les controverses concernant l’opportunité de la désinfection des
Nous noterons cependant que les autorités sanitaires peuvent être amenées, dans un certain nombre de cas précis, à imposer une diminution de la contamination bactérienne d’un effluent (citons par exemple le cas des effluents rejetés dans une zone conchylicole ou la réutilisation des eaux usées traitées pour l'irrigation de cultures maraîchères).
Parmi les procédés à la disposition des techniciens pour résoudre ce problème, l’ozonation semble être de plus en plus utilisée (5).
Principaux résultats tirés des essais pilotes
À l'heure actuelle, l'efficacité de la désinfection est contrôlée sur les germes témoins de contamination fécale (coliformes et streptocoques fécaux). On se fixe généralement pour objectif d’obtenir, après traitement, un effluent contenant 10² à 10³ coliformes fécaux par 100 millilitres, ce qui pratiquement nécessite un abattement de ces coliformes de 3 à 4 unités logarithmiques.
Il faut noter ici que la sélection des espèces bactériennes à retenir comme germes tests, ainsi que le choix d’un seuil de désinfection permettant de limiter au maximum les risques sanitaires, ne sont pas des problèmes simples (6).
De nombreuses corrélations ont été énoncées à la suite de ces essais (7, 8, 9), corrélations entre les paramètres de l’ozonation (taux de traitement, temps de contact, résiduel d’ozone dans l'effluent) et les critères physico-chimiques de l’effluent (demande chimique en oxygène, demande biologique en oxygène, matière en suspension, etc.). Nous resterons ici beaucoup plus pragmatiques en donnant seulement les conclusions générales tirées des différentes expérimentations sur des effluents urbains après traitement biologique classique, effluent présentant les principales caractéristiques suivantes :
- contamination bactérienne avant ozonation : 10⁵ à 10⁶ coli. fécaux/100 ml,
- matière en suspension < 30 mg/l,
- DCO < 80 mg/l ; DBO₅ < 30 mg/l.
Dans ces conditions, un taux de traitement compris entre 6 et 15 g O₃/m³ d’effluent permettra d’obtenir l’abattement recherché. Le temps de contact pourra varier de 10 à 25 minutes, le facteur le plus important étant l'obtention d'un résiduel d’ozone en sortie de dernière colonne. À ce sujet, il est important de noter que la tendance actuelle est de diminuer le temps de contact pour atteindre 10 à 15 minutes. Il semble en effet que dans ces conditions, le processus de désinfection soit favorisé au détriment de l’oxydation des matières organiques.
L'abattement des germes tests de contamination fécale est accompagné d’une diminution des autres germes susceptibles d’être présents dans l’effluent : salmonelles, amibes, etc. (figures 2 à 4).
Parallèlement à la désinfection, la qualité physico-chimique de l’effluent est améliorée. Nous citerons une diminution de la DCO, de la couleur, une oxygénation importante de l’effluent. Par ailleurs, les essais réalisés jusqu’alors n’ont pas permis de mettre en évidence de sous-produits organiques pouvant présenter un caractère toxique (10, 11).
En ce qui concerne le procédé, une étude économique sera nécessaire afin d’effectuer un choix entre les deux possibilités suivantes :
- intégration d'une filtration entre le traitement biologique et la désinfection afin de diminuer les taux de traitement nécessaires, du fait de la rétention des MES sur le filtre ;
- ozonation directement après le traitement biologique.
Exemple de réalisation industrielle
Nous nous intéresserons ici à l'unité de désinfection installée sur la station d’épuration de Saint-Michel-en-Grèves, à l’ouest de la France (12).
Cette station, située en zone balnéaire, possède une capacité nominale de 60 m³ d’effluent par jour en hiver et de 375 m³ par jour en été. Après une série de pré-traitement classique (dégrillage-dégraissage aéré, dessablage), l’effluent traverse un ouvrage de répartition et est envoyé, selon le débit à traiter, sur un ou deux bassins d’aération fonctionnant en parallèle. Après clarification, celui-ci est repris dans une bâche de stockage, afin d’être désinfecté, le débit d’alimentation de la tour d’ozonation étant fixe (actuellement 20 m³/heure).
Le dimensionnement de la chambre de contact (cloisonnée en 4 compartiments) a été calculé sur la base d’un temps de contact de 20 minutes, pour une capacité nominale à venir de 900 m³/jour. Actuellement, le temps de contact réel est donc de l’ordre de 55 minutes. Le premier compartiment est équipé d’un émulseur permettant simultanément une injection d’ozone frais et le recyclage des évents provenant des 3 autres compartiments équipés de plans poreux (figure 5).
L’ozoneur présente une capacité de production de 300 grammes/heure.
Entre le 15 juin et le 16 août 1982, période pendant laquelle la station a reçu entre 35 et 80 % de sa charge massique nominale (charge massique nominale estivale : 0,11 kg DBO₅/kg MVS/jour), l’effluent en sortie de traitement biologique a présenté les caractéristiques moyennes suivantes :
- - Couleur : 60 mg Pt.Co/l ‒ MES : 10 mg/l
- - DCO : 50 mg O₂/l ‒ DBO₅ : 8 mg/l
- - NTK : 5,6 mg/l ‒ NH₄⁺ : 2 mg/l
- - NO₂⁻ : 0,02 mg/l ‒ NO₃⁻ : 4 mg/l
- - Coli. totaux/100 ml : 10⁵ à 10⁷
- - Coli. fécaux/100 ml : 10⁵ à 10⁶
Dans ces conditions, un taux de traitement de 10 g/m³ a permis, dans 90 % des cas, d’obtenir un abattement en coliformes de 4 unités logarithmiques.
Parallèlement, des diminutions de 20 % de la DCO et de 90 % de la couleur, ont été observées.
À l'heure actuelle, les premières estimations concernant les frais d'exploitation liés au procédé (énergie électrique, entretien incluant pièces et main-d'œuvre) sont de 0,24 F/m³, pour un fonctionnement de la station au débit nominal.
QUELQUES AUTRES APPLICATIONS DE L'OZONE
Si les deux applications précédentes sont sans doute les plus développées actuellement, il est cependant intéressant de citer quelques autres domaines d'utilisations possibles.
Décoloration — Traitement de finition
De nombreux essais ont été réalisés sur des effluents colorés, provenant d'industries aussi diverses que les papeteries, les tanneries, les abattoirs ou l'industrie des vernis et peintures. Si, dans la majorité des cas, une décoloration importante est obtenue rapidement, du fait de l'action de l'ozone sur les groupements chromophores des colorants présents dans ces types d’effluents, l'abattement des critères globaux de pollution reste généralement modeste.
C'est pourquoi l'ozonation devrait alors être envisagée comme un traitement de finition, permettant de supprimer les dernières traces de colorant ayant traversé le reste de la chaîne de traitement et qui peuvent induire une coloration résiduelle importante, même s'ils ne sont présents qu'à de très faibles concentrations (13).
CARACTÉRISTIQUES DE L'EFFLUENT
AVANT TRAITEMENT | APRÈS TRAITEMENT (floculation-décantation-ozonation, FeCl₃ ou Al₂(SO₄)₃) | |
---|---|---|
Apparence avant décantation | faiblement turbide, jaune | — |
Apparence après décantation | — | légèrement turbide, quasiment incolore |
Odeur | intense | faible odeur de vernis |
pH | 6,0 | 5,3 |
Résidus à l'évaporation | 2400 mg/l | 2190 mg/l |
Sulfures | 8 mg/l | non détectable |
Phénols non volatils | 19 mg/l | non détectable |
Phénols volatils | 42 mg/l | 40 mg/l |
Hydrocarbures volatils | 140 mg/l | 20 mg/l |
CO₄ | 1940 mg/l | 0 mg/l |
Traitement d'un effluent provenant d'une unité de fabrication de vernis d'après BAUCH et BURCHARD
Bauch et Burchard ont d'ailleurs décrit une chaîne de traitement utilisant l'ozone en finition sur un effluent d'une usine de fabrication de vernis située à Wuppertal, près de Düsseldorf. La chaîne de traitement comprend une floculation au chlorure ferrique et/ou au sulfate d'alumine, une décantation et une ozonation ; le tableau ci-dessus présente les résultats obtenus sur un certain nombre de caractéristiques de l'effluent traité.
Pré-traitement avant une épuration biologique
Depuis quelques années déjà, des essais en laboratoire sont effectués en vue d'étudier les effets de l'ozonation sur l'amélioration de la biodégradabilité de certains effluents provenant de complexes pétrochimiques, ceci afin de permettre ou d'améliorer un traitement ultérieur par voie biologique. Cette idée a en effet progressé depuis que les études fondamentales concernant les mécanismes réactionnels mis en jeu lors de l'oxydation par l'ozone ont montré que les sous-produits d'oxydation formés étaient généralement plus facilement biodégradables (14). À l'heure actuelle, les résultats obtenus sur des solutions synthétiques ou des effluents reconstitués contenant des produits de type phénols, amines, sulfures et mercaptans sont très prometteurs. Il est cependant évident que ce type de procédé demande avant toute réalisation une étude de faisabilité approfondie.
CONCLUSION
Nous avons eu pour but de présenter quelques-uns des domaines où l'ozone peut permettre de résoudre (au moins partiellement) certains problèmes posés par des rejets urbains et industriels. Comme suite à ces quelques exemples, il semble important de retenir les éléments suivants :
- étant donné la forte charge en matières organiques de la plupart des effluents, l'ozone ne pourra être généralement utilisé qu'à la suite d'un ou plusieurs étages d'épuration permettant d'éliminer une partie importante des composés réducteurs initialement présents ;
- dans le cas où l'ozonation intervient comme unique étape de traitement du fait de sa spécificité, les flux de pollution à oxyder devront cependant rester relativement faibles ;
- enfin, si l'utilisation de l'ozone en vue de permettre la biodégradabilité d'un effluent peut être considérée comme un procédé relativement coûteux, cette technique offre cependant l'avantage d'élargir la gamme des effluents pour lesquels un traitement biologique est envisageable.
NOTA. — La Bibliographie sera fournie par l'auteur aux lecteurs intéressés.