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L'ozonation de l'eau brute avant son traitement dans les usines de production d'eau potable

30 novembre 1978 Paru dans le N°29 à la page 44 ( mots)
Rédigé par : Roland GERVAL

(Symposium de l'International Ozone Institute, Los Angeles, 22-25 mai 1978)

par M. , Directeur Général Adjoint du Syndicat des Communes de la Banlieue de Paris pour les Eaux

Dans le n° 28 (octobre 1978) de la présente revue, le Syndicat des Communes de la Banlieue de Paris pour les Eaux a été longuement présenté à l'occasion de l'article sur le réservoir semi-enterré de 92 000 m³ de MONTREUIL-SOUS-BOIS. À cette occasion, les responsables de L'EAU ET L'INDUSTRIE ont bien voulu écrire que l'importance du service assuré justifiait que leur revue présente périodiquement des communications relatives aux études et aux réalisations engendrées par le grand effort technique permanent consenti par le Syndicat. C'est pourquoi il me paraît souhaitable de présenter ici une nouvelle facette de notre activité.

Je rappelle que les moyens de production du Syndicat ont permis de faire face à la pointe de consommation journalière de l'été 1976 qui s'est élevée à près de 1 700 000 m³. Cette situation a cependant montré qu'il était nécessaire d'augmenter les ressources en eau brute ainsi que la capacité des usines pour faire face à l'augmentation constante de la consommation. Simultanément, il faut assurer la sécurité de ces ressources et de la distribution. Enfin, il convient d'améliorer le traitement des eaux distribuées pour faire face à l'accroissement de la pollution que l'on constate depuis plusieurs années. Ce sont actuellement les objectifs essentiels du Syndicat dont le dernier est particulièrement préoccupant puisqu'en 1976 la sécheresse exceptionnelle a créé des conditions de production spécialement difficiles. C'est pourquoi le Syndicat recherche toutes les possibilités d'amélioration et de perfectionnement des filières de traitement. La préozonation de l'eau brute en est une et les résultats expérimentaux ont été suffisamment convaincants pour que cette technique soit adoptée dans des usines du Syndicat.

L'article qui vous est présenté ci-après est la transcription de la conférence faite au Symposium de l'International Ozone Institute à LOS ANGELES le 23 mai 1978 par M. Roland GERVAL, Directeur Général Adjoint du Syndicat, au cours de laquelle il a exposé les résultats des études menées en collaboration très étroite avec la Compagnie Générale des Eaux, régisseur du Syndicat.

Alfred-Marcel VINCENT Président du Syndicat des Communes de la Banlieue de Paris pour les Eaux.

[Photo : Vue d'ensemble du simulateur de traitement (Centre d'Essais de Choisy-le-Roi.)]

Le Syndicat des Communes de la Banlieue de Paris pour les Eaux alimente en eau potable 4 000 000 d'habitants de la Région Parisienne.

Il procède au traitement des eaux prélevées dans les trois rivières de la Région, la Seine, la Marne et l'Oise dont le niveau de pollution est assez élevé. L'origine de cette pollution est à la fois domestique et industrielle.

À titre indicatif, les teneurs en carbone organique de l'eau de ces rivières atteignent quelquefois 10 ppm et sont couramment de l'ordre de 6 à 8 ppm. Le nombre des germes contenus dans l'eau est également très important ; il dépasse à certaines périodes 100 000 germes par millilitre (germes cultivant à 20 °C) pendant 72 heures.

Les trois usines du Syndicat utilisent depuis longtemps l'ozone comme agent stérilisant. L'eau traitée est maintenue en contact avec de l'ozone pendant 10 minutes environ dans le but de maintenir pendant ce délai une dose au moins égale à 0,4 ppm ; la destruction des virus est ainsi assurée. Les usines sont équipées d'ozoneurs puissants dont la capacité de production atteint au total 300 kg/h.

Le chlore était jusqu'à présent également utilisé pour éliminer l'ammoniaque de l'eau par traitement au taux de break-point. Mais pour limiter les quantités de produits chimiques utilisés et pour éviter de former des produits organochlorés indésirables, l'ammoniaque doit maintenant être retirée par des moyens biologiques et le point d'introduction du chlore doit être repoussé aussi loin que possible en aval de la chaîne de traitement, là où la teneur en matières organiques est la plus faible.

La construction des ouvrages destinés à procéder à l'élimination de l'ammoniaque par voie biologique est en cours dans l'usine de Méry-sur-Oise du Syndicat des Communes de la Banlieue de Paris pour les Eaux. Il s'agit de bassins d'eau brute dans lesquels l'eau séjourne environ deux jours avant d'être traitée.

[Photo : Maquette de l'installation définitive (nouvelle usine de Méry-sur-Oise). (Photothèque : Cie Gde des Eaux, Cliché : J.-F. Flammier.)]

En première phase, un seul réservoir sera aménagé. Ainsi, que nous le verrons plus loin, l’élimination de l’ammoniaque dans ces bassins est fortement améliorée si l'on procède, avant stockage, à l'ozonation de l'eau à un taux relativement faible. D'autres paramètres représentatifs de la qualité de l'eau sont également nettement améliorés (carbone organique, DCO-DBO, par exemple).

À Choisy-le-Roi, dans une autre usine du Syndicat où, faute de place, il n'a pas été possible de réaliser des bassins de stockage, les essais de préozonation de l'eau, avant floculation-décantation, semblent montrer que la qualité de l'eau décantée s'améliore notablement quant aux matières organiques contenues. En outre, dans ces conditions, les filtres éliminent sans difficulté par voie biologique l’ammoniaque présent dans l'eau.

Dans les deux cas étudiés qui font maintenant l'objet de réalisations industrielles, on constate une réduction sensible de la demande en ozone de l'eau après préozonation et passage dans la chaîne de traitement. Cela signifie que les quantités d’ozone nécessaires pour assurer en fin de traitement la stérilisation virucide sont beaucoup plus faibles, si l'eau brute a été ozonée, même à des taux très faibles et pendant des durées très brèves. Il convient de préciser à cet égard, quand nous parlons dans cette conférence de préozonation de l'eau brute, que cela signifie une mise en contact de l'eau et de l'ozone pendant 2 minutes environ.

Je vais reprendre plus en détail ces divers aspects de la préozonation de l’eau brute et exposer les résultats des études menées par le Syndicat des Communes de la Banlieue de Paris pour les Eaux, avec le concours de la Compagnie Générale des Eaux.

1. L'OZONATION DE L'EAU BRUTE

Les phénomènes qui se produisent au cours du traitement à l'ozone de l'eau brute sont très complexes et mal connus.

TABLEAU I

Préozonation au taux de 0,25 mg/l pendant 2 minutes

Matières en suspensionPouvoir colmatantCarbone organique (mg/l)
avant préozonation3966
après préozonation559,66

Je ne chercherai pas ici à en donner des explications ; je livre à vos réflexions les quelques chiffres du tableau I.

On voit sur ce tableau que, pour un taux de préozonation même très faible, les caractéristiques de l'eau changent fortement. La charge plus forte en matières en suspension et le pouvoir colmatant plus élevé vont favoriser les traitements de décantation qui suivent la préozonation. La mesure du carbone organique n'accuse aucun changement sensible. Il n’en va pas de même si l'on augmente le taux de préozonation.

TABLEAU II

Préozonation à taux variables

Taux de préozonation (mg/l)Carbone organique avant préozonation (mg/l)Carbone organique après préozonation (mg/l)
0,256,06,0
1,258,508,30
2,508,509,70
3,509,6010,30

On constate que, pour un taux de préozonation de 0,25 à 1,25 mg/l, la teneur en matière organique de l'eau évolue peu et diminue même légèrement. Mais, pour des taux plus forts, le taux de carbone organique total augmente.

Évidemment, la préozonation ne peut pas créer du carbone organique qui n’existait pas auparavant. L'explication est sans doute la suivante : on sait que les appareils de mesure de carbone organique disponibles sur le marché ne mesurent pas en réalité la totalité du carbone organique, mais seulement une fraction qui varie selon la nature des matières organiques. La préozonation doit donc les transformer de manière telle qu’elles soient mieux prises en compte dans la mesure.

[Figure : Abattement du taux d’absorption UV en fonction du taux de traitement en préozonation. Absorption UV à 250 nm (Fig. 1).]

TABLEAU III

Effet de la préozonation au taux de 1,25 g/m³ avant storage

Détergent (en mg/l) Carbone organique (en mg/l) DCO (en mg/l) NH₄⁺ (mesuré par le taux de Break-point) (en mg/l) Taux de jarrest (en mg/l)
eau brute 0,16 8,3 19 6,2 25
eau « storée » 2 jours sans préozonation 0,13 8 11 4 20
eau « storée » 2 jours après préozonation 0,08 7 6 3,2 16

L’examen de l’évolution de l’absorption mesurée au spectrophotomètre U.V., autre paramètre de mesure des matières organiques en fonction du taux de préozonation, met également en évidence un niveau minimal de taux de traitement se situant entre 1 et 1,5 mg/l pour obtenir une pleine action de la préozonation sur les matières organiques contenues dans l’eau brute.

C’est donc avec une préozonation au taux de traitement de 1,25 mg/l qu’ont été menés les essais de storage exposés ci-après.

2. LES EFFETS D’UN STORAGE DE DEUX JOURS

Le mécanisme de l’amélioration de l’eau par storage est bien connu : les matières en suspension décantent, les rayons du soleil peuvent pénétrer dans l’eau devenue claire et la stérilisent, la vie biologique élimine l’ammoniaque et les autres matières biodégradables. Dans certaines conditions de pH les métaux lourds précipitent.

Le tableau III donne les principaux résultats comparés de la qualité de l’eau après storage de deux jours sans préozonation et après préozonation au taux de 1,25 g/m³. Ces mesures ont été faites dans deux bassins pilotes identiques dont l’un était précédé d’une ozonation.

L’amélioration de la qualité de l’eau par la préozonation suivie d’un storage court, pendant 2 jours environ, est donc très nette. Il semble bien qu’on arrive à une asymptote et que des storages de durée plus longue n’améliorent plus guère la qualité de l’eau.

Il convient enfin de noter que les doses d’ozone nécessaires ensuite pour stériliser l’eau dans les conditions virulicides sont très réduites par la préozonation et le storage. Dans la moyenne de nos essais, cette dose a été réduite de 4,2 à 2,1 mg/l pour une préozonation au taux de 1,25 mg/l.

Les quantités des autres produits chimiques nécessaires pour le traitement diminuent également.

3. LES EFFETS DE LA PRÉOZONATION SUR L’EAU DÉCANTÉE

Si, faute de place, on ne peut effectuer un storage de l’eau et qu’on procède directement à une floculation-décantation, l’adjonction d’une préozonation améliore également la qualité de l’eau décantée.

Des essais ont été faits sur deux pilotes identiques avec les mêmes taux de traitement en réactif coagulant ; l’eau brute qui alimentait l’un des pilotes était ozonée.

Vous trouverez ci-après quelques clichés des installations permettant d’effectuer des essais de préozonation sur l’eau brute dans une usine où des bassins de storage ne peuvent être construits. (Les 2 clichés ci-après.)

La qualité de l’eau décantée est très nettement améliorée après préozonation (fig. 2).

Si l’on considère les variations de la teneur en carbone organique total dans l’eau décantée des deux pilotes, on constate une amélioration qui s’accroît avec le taux de préozonation et qui varie entre 0,6 et 0,8 mg/l. Cette teneur reste ensuite constante. Dans nos essais, ceci correspond à un abattement de 15 % des matières organiques contenues dans l’eau décantée. Ainsi qu’on peut le voir (fig. 2), un taux minimum de préozonation de 0,6 mg/l est nécessaire pour obtenir une amélioration de la qualité de l’eau décantée.

[Photo : Tour de préozonation (à l’extérieur du bâtiment des installations pilotes). Photothèque : Cie Gle des Eaux.]
[Photo : Colonnes de postozonation (Photothèque : Cie Gle des Eaux.)]

D'autres avantages apparaissent. Pour les filtres alimentés en eau décantée la durée du cycle de filtration entre deux lavages augmente considérablement, de moitié environ. Ceci, joint à l'oxygénation de l'eau apportée par la préozonation, améliore très nettement l'élimination de l'ammoniaque dans les filtres. Pour des teneurs à l'entrée égales ou inférieures à 1 mg/l d'ammoniaque on ne dépasse pas, en sortie des filtres, la teneur de 0,1 mg/l.

[Photo : Fig. 2 – Abattement en carbone organique non volatil dans l'eau décantée en fonction du taux de préozonation]
[Photo : Fig. 3 – Réduction de la demande en ozone en post-traitement en fonction du taux de traitement en préozonation]

On peut donc n'utiliser après les filtres que des doses très faibles de chlore et les appliquer à des eaux déjà largement débarrassées au préalable des matières organiques qu'elles contenaient. Dans ces conditions les teneurs en haloformes mesurées dans l'eau après traitement sont très faibles : très nettement inférieures à 10 µg/l.

Avantage non négligeable, la saveur de l'eau traitée se trouve améliorée par la préozonation.

Les quantités d'ozone nécessaires pour maintenir ensuite le résiduel virulicide pendant 10 minutes et réaliser la stérilisation finale de l'eau sont très nettement diminuées (fig. 3).

Ainsi qu'il apparaît sur la figure 3, le pourcentage de réduction de la quantité d'ozone à employer en stérilisation varie en fonction du taux d'ozone utilisé en préozonation.

Avec un taux nul, c'est-à-dire avec une simple aération de l'eau, on réduit déjà de près de 20 % la dose virulicide. L'optimum de taux de préozonation est très bas et se situe à environ 0,25 mg/l. Ensuite, la réduction de la demande en ozone ne diminue plus. Pour ce taux optimum, la réduction de dose d'ozone virulicide varie entre 30 et 35 %.

Pour les doses d'ozonation virulicide de 4 mg/l qui sont nécessaires dans la Banlieue de Paris, en absence de préozonation de l'eau brute, on voit qu'une préozonation au taux de 0,6 mg/l qui, ainsi que nous l'avons vu, est le taux optimum pour la qualité de l'eau décantée, entraîne une réduction du taux d'ozonation virulicide de 1,2 mg/l. On constate donc au total une économie d'ozone.

L'économie est encore plus grande si on cherche à dépasser le résiduel d'ozone strictement nécessaire pour l'effet virulicide, par exemple pour rendre les matières organiques qu'elle contient biodégradables en vue d'une filtration biologique sur du charbon actif placé après l'ozone. La préozonation de l'eau brute constitue donc également un prolongement naturel de cette technique du Charbon Activé Biologiquement par l'ozone (Biological Activated Carbon ou B.A.C.).

Mais aller plus loin dans les commentaires sur cette dernière technique nous entraînerait sur un autre sujet. Le Syndicat des Communes de la Banlieue de Paris pour les Eaux effectue également de nombreuses recherches dans cette voie et nous aurons peut-être l'occasion de vous faire part des résultats obtenus lors d'un prochain congrès de l'Institut International de l'Ozone.

R. GERAL

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