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L'ozoflottation à l'usine de la Pape : une première technologique au service de l'agglomération Lyonnaise

30 avril 1991 Paru dans le N°145 à la page 51 ( mots)
Rédigé par : J.c. DERNAUCOURT et M. DELAYE

J.C. DERNAUCOURT, OTV M. DELAYE, Compagnie Générale des Eaux

Jusqu’à il y a peu, la quasi-totalité de l’alimentation en eau potable de la Communauté Urbaine de Lyon (Courly) était assurée par un prélèvement dans la nappe alluviale du Rhône (laquelle est fortement réalimentée par le fleuve) au moyen de 130 puits et forages situés à Crépieux-Charmy dans une zone protégée de 400 hectares encadrée par les bras du Rhône (figure 1).

À la suite de l’important développement de l’industrie et des voies de communication en amont de Lyon, les risques de pollution accidentelle du Rhône ne pouvaient plus être négligés, avec pour conséquence possible la neutralisation de l’unique ressource de la Courly. La mise au point de la meilleure parade à mettre en œuvre a donné lieu à une réflexion d’ensemble sur la sécurité de l’alimentation en eau. Débutant par un examen des risques de pollution, cette étude a débouché sur l’établissement d’un dispositif global d’alerte et la mise en place d’une alimentation de secours, qui constituerait donc une deuxième ressource.

Parmi les solutions examinées, le recours au lac de Miribel Jonage s’est rapidement imposé comme le meilleur choix technique et économique pour diverses raisons : proximité de l’agglomération lyonnaise, indépendance avec le Rhône, qualité de l’eau brute, et relative facilité de raccordement aux conduites alimentant les deux usines de première élévation refoulant sur les principaux réseaux de distribution.

Le lac de Miribel Jonage

Ce lac, qui résulte de l’extraction de matériaux alluvionnaires, présente une superficie de 300 ha et un volume de 7 000 000 m³. Comme signalé plus haut, il n’est pas en communication directe avec le Rhône et ne serait donc pas atteint par une pollution du fleuve. Inscrit dans une zone protégée, son eau est de bonne qualité, présentant en particulier une turbidité relativement faible (5 à 50 NTU, en moyenne 20 NTU).

Le seul point négatif réside dans la probabilité de développements algaux en raison de la faible profondeur de la réserve et de la température de l’eau, qui peut dépasser 25 °C en été.

Filière de traitement adoptée

Compte tenu de la capacité de la réserve, la capacité de la nouvelle usine, située sur la commune de Rillieux-la-Pape, a été fixée à 158 400 m³/j (soit 6 600 m³/h en fonctionnement continu).

Les essais pilotes réalisés sur le site ont montré que la valeur de la turbidité de l’eau brute autorisait une clarification par filtration directe, sans décantation préalable, sur filtres bicouches. Une réduction sensible des durées des cycles de filtration était toutefois à craindre en période de poussée alguale. Au cours de l’étude, il est apparu que le procédé d’ozoflottation était particulièrement bien adapté pour pallier ce phénomène, et qu’il était plus efficace et plus économique qu’un micro-tamisage. La filière de traitement retenue est donc la suivante :

  • Floculation au chlorure ferrique
  • Ozoflottation
  • Filtration sur filtre bicouche anthracite/sable
[Photo : Les installations de production de l'eau potable de la Courly.]

— Post-ozonation (figure 2).

Une injection de charbon actif en poudre est prévue à la prise d’eau, en cas de déversement accidentel de polluant dans le lac. Pour permettre la rétention du charbon sur les filtres, les spectres granulométriques des matériaux filtrants et de la poudre de charbon ont été spécialement adaptés.

Le procédé d’ozoflottation

L’ozoflottation intervient après une étape de floculation au chlorure ferrique (dispersé dans un mélangeur rapide). Le procédé combine les techniques de préozonation et de flottation, cette dernière étant assurée par la remontée des fines bulles d’ozone.

L’eau floculée arrive par deux canaux, se déverse dans un compartiment d’ozonation, transite par le compartiment de flottation et s’évacue par le canal de sortie (figure 3).

Le fond du compartiment d’ozonation est tapissé de matériaux poreux diffusant l’oxygène ozoné, lesquels sont balayés par un courant d’eau de « giclage », qui arrache les bulles dès leur formation à leur surface.

Ce courant de giclage élargit le panache d’ozone et réduit la taille des bulles (200 à 300 microns) ; il améliore sensiblement le transfert de l’ozone dans l’eau. Par ailleurs, la finesse des bulles favorise leur entraînement par l’eau dans le compartiment de flottation.

La remontée des bulles piège une partie des matières en suspension et la plus grande part des algues. Les matières flottantes, accumulées dans la partie supérieure du compartiment de flottation, sont périodiquement dirigées vers un canal d’évacuation, par élévation du plan d’eau et balayage de la surface par un courant d’eau transversal.

Cette technique présente plusieurs avantages déterminants :

  • — le transfert d’ozone est considérablement amélioré : il atteint 99,5 % à l’usine de La Pape ;
  • — le pouvoir colmatant de l’eau peut être diminué de 50 à 75 %, permettant ainsi un allongement important des cycles de filtration. À l’usine de La Pape, l’ozoflottation permet un accroissement de 40 % de la durée des cycles par rapport à un microtamisage à la maille de 25 microns ;
  • — l’abattement des algues, variable selon les types rencontrés, peut atteindre 98 % (pour Euglena) et la réduction de valeur de chlorophylle 80 % ;
  • — outre l’amélioration de la saveur de l’eau traitée (propre à toute ozonation), l’ozoflottation présente une excellente aptitude à l’élimination des hydrocarbures. C’est ainsi que, lors d’une pollution simulée au fuel domestique à la dose de 3,5 mg/l, les hydrocarbures n’étaient plus détectables ni analytiquement, ni à la dégustation, à la sortie de la filière de traitement.

L’ouvrage d’ozoflottation, réalisé en béton armé, mesure 25 m de long, 26 m de large et 6 m de haut. Il est divisé en 2 files capables chacune de traiter 3300 m³/h. La diffusion de l’ozone est assurée par l’intermédiaire de 288 diffuseurs poreux circulaires plans. Le taux de traitement appliqué habituellement est de 1 g d’ozone par m³ d’eau.

[Photo : Schéma de la filière de traitement.]
[Photo : Schéma de principe de l’ozoflottation.]

Les filtres bicouches

L’étape suivante de filtration est assurée par une batterie de neuf filtres bicouches d’une surface unitaire de 100 m² environ, dont le lit filtrant est constitué par 60 cm d’anthracite et 60 cm de sable.

La vitesse de filtration s’établit à 7,7 m/h en régime permanent et passe à 8,6 m/h pendant le lavage d’une cellule. La régulation assurant à la fois l’équipartition du débit et la compensation du colmatage est réalisée par des régulateurs Varibar®.

Le lavage des filtres s’effectue automatiquement à partir de la détection des pertes de charge individuelles.

Désinfection

La désinfection finale est réalisée à l’ozone, au taux maximal de 3 g/m³, dans une colonne de contact classique à contre-courant, suivie de co-courant présentant un temps de séjour de 7 minutes dans laquelle sont réalisées les conditions virulicides.

Les pertes d’ozone à l’évent sont de l’ordre de 1,5 à 2 %. L’ozone résiduel est détruit avant décharge à l’atmosphère dans un four électrique.

Traitement des boues

Les boues provenant de l’ozoflottation et du lavage des filtres sont traitées selon la filière suivante : coagulation au chlorure ferrique et polyélectrolyte, séparation et épaississement dans un ouvrage lamellé, déshydratation mécanique par filtre à bande.

Les boues déshydratées présentent une siccité supérieure à 30 % et sont évacuées en décharge.

[Photo : Dispositif de diffusion de l’ozone.]

Particularités

La conception de l’usine a dû prendre en compte le caractère occasionnel de son fonctionnement : en effet, en dehors des tests effectués quatre fois par semaine, cette usine demeure à l’arrêt. Cependant, le cahier des charges imposait qu’elle soit capable de produire son débit nominal moins de 15 minutes après la décision de mise en service. Des dispositions particulières et inhabituelles ont donc été prises pour respecter cette contrainte et aussi pour éviter le gel à l’arrêt des installations en période de froid rigoureux.

C’est ainsi qu’ont été réalisées :

  • — une recirculation permanente d’eau refoulée en tête d’usine à partir de la bâche d’eau traitée,
  • — un balayage continu à l’air des poreux de l’ozoflottateur,
  • — une chloration intermittente de la conduite d’eau brute se déclenchant avant chaque arrêt de l’usine,
  • — une séquence automatique de lavage de l’ensemble des filtres intervenant à la fin de chaque période de fonctionnement.

Par ailleurs, la faible fréquence du fonctionnement de l’usine a conduit à des choix de matériel favorisant le coût d’investissement aux dépens du coût d’exploitation. En particulier, il a été décidé de produire l’ozone nécessaire à l’ozoflottation et à la désinfection à partir d’oxygène pur, pour réduire l’importance des générateurs.

Une approche globale de la sécurité

Réalisée par la Compagnie Générale des Eaux dans le cadre d’un contrat de concession et mise en service en janvier 1990, l’usine de La Pape constitue la pièce maîtresse du dispositif de diversification de la ressource en eau de l’agglomération lyonnaise. La conception de la filière et la réalisation des équipements ont été assurées par OTV.

L’usine s’inscrit dans une réflexion globale sur la sécurité de l’alimentation en eau qui a intégré :

  • — l’identification des risques de pollution du Rhône : menée en collaboration avec les industriels, elle a abouti à un inventaire aussi exhaustif que possible des sites et de la nature des polluants potentiels ;
  • — l’étude des conditions de propagation des pollutions : à partir d’une campagne de traçage, un modèle de courantologie a permis la création d’un logiciel de simulation des pollutions, logiciel qui permettra, en cas de sinistre, d’orienter les campagnes d’analyses et d’aider aux prises de décisions ;
  • — le contrôle de la qualité de l’eau du Rhône : complétant les dispositifs officiels d’alerte, une station automatique d’analyse en continu de la qualité des eaux du Rhône a en effet été implantée à 15 km en amont de Lyon.
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