Le District urbain de Nancy s’est doté d’un important système de gestion centralisée de ses réseaux d’eau et d’assainissement.
À partir de cet équipement comprenant notamment un poste central informatisé et plus de soixante automates programmables disposés dans des centres principaux et secondaires, le Service des eaux du District a développé un certain nombre de logiciels pour l’optimisation du fonctionnement de ses pompages, parmi lesquels figurent le cas d’une station simple, refoulant dans un seul réservoir et celui, plus complexe, d’une station refoulant dans plusieurs réservoirs séparés.
ASSERVISSEMENT DU FONCTIONNEMENT D’UN POMPAGE AU NIVEAU D’UN RÉSERVOIR PAR LA MÉTHODE DITE DE « LA COURBE CONSIGNE »
La plupart des stations de refoulement qui fonctionnent automatiquement en France sont asservies simplement à un niveau d’eau dans le réservoir qui reçoit l’eau pompée, par un dispositif provoquant l’arrêt du pompage lorsque le réservoir est plein (niveau haut atteint), et imposant le démarrage des pompes lorsque celui-ci est vide (niveau bas atteint). Ce dispositif a quelquefois été amélioré, et ce fut le cas au District urbain de Nancy, par la coupure du fonctionnement des pompes pendant les heures de pointe EDF, chaque fois que cela était possible. Pour y parvenir, il suffisait d’imposer un démarrage des pompes, une ou deux heures avant le démarrage de la période « heures de pointe », de façon à ce que le réservoir soit suffisamment alimenté pour passer celle-ci sans que le niveau bas du réservoir soit atteint. Ce système était limité par le coût et la complexité du matériel électromécanique classique disponible.
L’apparition des premiers automates programmables a apporté un premier progrès, puisqu’il a été possible (c’est aussi ce que le Service des eaux du District a fait), d’obtenir un début d’optimisation en prévoyant plusieurs niveaux d’asservissement, la plupart du temps au nombre de quatre :
- — niveau très haut (imposé de nuit),
- — niveau haut (imposé pour la journée),
- — niveau bas (imposé de nuit),
- — niveau très bas (imposé dans la journée).
Ce faisant, le pompage de nuit était un peu privilégié par rapport au pompage de jour, ce qui était déjà un progrès pour son coût en énergie.
Le très rapide développement de la capacité des automates programmables permet maintenant d’aller beaucoup plus loin.
C’est ainsi que dans le cas du District urbain de Nancy, un niveau haut et un niveau bas sont fixés toutes les 30 minutes, et par pompe, ce qui représente donc 48 consignes par jour pour un pompage à une pompe, ou 96 consignes pour un pompage à deux pompes. L’objectif fixé est de disposer d’un réservoir plein le matin à 6 heures (à la fin de la période EDF « heures creuses »), et vide (au volume nécessaire pour la sécurité près), le soir à 22 heures (début de la période EDF « heures creuses »). Entre-temps, dans la journée, le pompage doit être évité si cela est possible en « heures de pointe », et reporté si nécessaire à la période EDF « heures pleines ». L’ensemble des courbes formées par ces consignes de pompage a été dénommé « Courbe consigne ».
Compte tenu du nombre de stations de pompage concernées à Nancy, où l’on dispose de 33 réservoirs de distribution, et des multiples cas de figures possibles (immobilisation d’une partie du réservoir pour travaux ou pour nettoyage, variation saisonnière de la consommation due à de gros abonnés industriels...), le P.C. Informatique du District a mis au point un programme informatique permettant de tracer automatiquement la courbe consigne et d’indiquer les périodes les plus favorables pour le pompage. Les données à introduire sont de trois sortes :
Des paramètres liés à l’installation
- — volume des réservoirs ;
- — volume minimum compte tenu de la réserve incendie ;
- — débit des pompes en fonctionnement isolé ou simultané ;
- — puissances correspondantes.
Les périodes d'arrêt des pompes (une seule pompe ou la totalité du pompage).
La courbe de débit de consommation établie d'après statistiques sur une période de mesure.
Naturellement, le ratio intéressant pour l’optimisation d’un pompage est celui constitué par le rapport entre le volume du réservoir et la consommation moyenne horaire. Ce rapport doit au moins être de 2 pour que l’optimisation puisse apporter une économie.
Nous prendrons quatre exemples :
Alimentation du réservoir « Chapelle des Pauvres » à partir de la station de Bellevue.
La consommation relevée (qui dans ce cas est très « classique ») obéit à la courbe de la figure 1.
L'application du logiciel « Courbe consigne » donne les résultats portés sur la figure 2.
Ce cas est très simple, car le réservoir permet de stocker une journée de consommation, mais il n’en est pas toujours ainsi.
Alimentation du réservoir de Beauregard à partir de la station de pompage de Boudonville.
La courbe de consommation est sensiblement la même.
L'application du logiciel « Courbe consigne » donne la configuration que l’on voit sur la figure 3.
On remarquera que le pompage est bien optimisé, avec coupure pendant la période « heures de pointe » et réduction maximale de celui-ci pendant la période « heures pleines ».
Alimentation du réservoir « Haut de Chavre » à partir de la station de pompage de Boudonville.
La courbe de consommation est très différente des précédentes (présence d'un industriel gros consommateur) (figure 4).
L’application du logiciel « courbe consigne » donne à cette station qui fonctionne avec deux pompes, la configuration portée sur la figure 5.
* Les données de base relatives aux figures 2, 3, 5, 7, 10 sont reportées en fin d’article.
Alimentation du réservoir du « Haut du Lièvre » à partir de la station de pompage de Boudonville
La courbe de consommation de ce réservoir, qui alimente une grosse station de surpression, est très particulière (figure 6).
La « courbe consigne » donnée par le logiciel est portée sur la figure 7.
CHOIX DE LA MEILLEURE TARIFICATION EDF — OPTIMISATION DU COÛT ÉNERGÉTIQUE DE FONCTIONNEMENT D’UNE STATION À POMPAGES MULTIPLES
La tarification EDF
Confronté au problème de la tarification des consommations, le service P.C. Informatique du District a mis au point un logiciel « Tarification EDF », permettant de simuler successivement chacun des tarifs possibles, et de choisir le mieux adapté.
La souscription d’un tarif « moyenne tension » peut se faire selon quatre formules principales, qui sont les suivantes :
- — très longues utilisations (T.L.U.) : à partir de 17 heures/jour,
- — longues utilisations (L.U.) : entre 10 et 18 heures/jour,
- — général : entre 5 et 10 heures/jour,
- — courtes utilisations (C.U.) : moins de 5 heures/jour.
Le coût de l’énergie facturée par EDF comprend :
- — une prime fixe importante pour le T.L.U. (elle peut atteindre 30 % de la facture) et de moins en moins forte pour les autres contrats (moins de 5 % de la facture pour le C.U.) et proportionnelle à la puissance souscrite ;
- — la facturation des kWh consommés à un prix unitaire variable selon la période de la journée, selon la saison (été ou hiver) et selon le tarif retenu : très important en C.U. et nettement plus avantageux en T.L.U. Le coût du kWh s’échelonnait ainsi en 1984, de 145,37 c/kWh à 9,14 c/kWh.
L’optimisation du coût du pompage nécessite de prendre quelques précautions dans le choix des puissances souscrites selon les périodes tarifaires, en intégrant notamment un coefficient de sécurité qui peut être important si ce pompage n’est pas surveillé en permanence, directement ou par télétransmission, ou réduit dans le cas contraire. De même, il convient de déterminer, le plus précisément possible par des mesures, dans le cas où le pompage peut être effectué par une ou plusieurs pompes, s’il est préférable, par exemple, de pomper avec plusieurs pompes de nuit plutôt que de pomper avec une seule pompe, de façon quasi-permanente. Il faut donc déterminer les pertes de charge dans la conduite de refoulement avec une ou plusieurs pompes, et mesurer le rendement de ces pompes dans ces différents cas de figure.
D’une façon générale, et si notamment la conduite de refoulement a été calibrée
…et que la courbe de fonctionnement des pompes utilisées n’est pas trop tombante, il sera préférable de pomper le maximum de nuit, le prix du kWh y étant, selon les tarifs, de 30 % à 55 % moins cher qu’en heures pleines de jour ; toutefois, et surtout si la conduite de refoulement est de faible diamètre, il est bon de procéder à toutes les simulations de modes de fonctionnement et de tarifs.
Optimisation du coût énergétique de fonctionnement d’une station à pompages multiples
Il est évident que là, le problème se complique. En effet, avec un pompage simple :
- — la puissance souscrite (qui détermine la valeur de la prime fixe) est celle nécessaire pour faire face au mode de pompage retenu (une ou plusieurs pompes) et pendant les périodes choisies (heures creuses, heures pleines et peut-être, heures de pointe),
- — les kWh consommés peuvent être évalués en fonction des périodes tarifaires (hiver, été, heures de pointe, pleines et creuses), et le tarif retenu sera donc celui qui convient le mieux pour l’usage choisi, c’est-à-dire en fait, le nombre d’heures de fonctionnement par jour calculé.
Avec une station à pompages multiples, pouvant regrouper jusqu’à 4 ou 5 pompages différents, le nombre de combinaisons possibles se multiplie. Dans les installations disposant d’automatismes locaux classiques, la partie électrique de la station de pompage était conçue pour permettre le fonctionnement simultané de toutes les pompes, ce qui entraînait un surdimensionnement de ces installations, et surtout la souscription de puissances très importantes. Avec des automates programmables pour faire fonctionner ce type de stations, il est possible, soit d’éviter ce surdimensionnement (mais leur coût n’est en général pas très élevé par rapport au coût total de la station et également par rapport au montant de l’énergie consommée), soit surtout de souscrire des puissances moindres, en évitant des fonctionnements simultanés.
Il faut ici rappeler que la puissance réduite souscrite, qui détermine la valeur de la prime fixe, se calcule de la façon suivante :
PR = P1 × 100 % + P2 × a + P3 × b + P4 × c + P5 × d
avec :
- — P1 = P. souscrite en heures de pointe,
- — P2 = P. souscrite supplémentaire en heures pleines d’hiver,
- — P3 = P. souscrite supplémentaire en heures creuses d’hiver,
- — P4 = P. souscrite supplémentaire en heures pleines d’été,
- — P5 = P. souscrite supplémentaire en heures creuses d’été.
a, b, c, d sont des coefficients minorateurs, variables selon les tarifs utilisés :
- — a : variant de 0,70 (T.L.U.) à 0,52 (général),
- — b : variant de 0,33 (C.U.) à 0,17 (général),
- — c : variant de 0,24 (C.U.) à 0,66 (T.L.U.),
- — d : variant de 0,01 (général et C.U.) à 0,00 (T.L.U. et C.U.).
Si donc, sur 4 ou 5 pompages, il est possible de limiter à 2 le nombre de pompages simultanés, et que ces pompages aient des puissances voisines, la puissance souscrite sera donc réduite de moitié et... la prime fixe aussi.
Naturellement, les efforts porteront sur les heures de pointe et les heures pleines d'hiver ; au-delà, les coefficients minorateurs sont très importants. Le choix du mode tarifaire, dans le cas de station à pompages multiples, n’est pas évident, puisque l’on en arrive à regrouper des pompages qui fonctionnent pendant quelques heures de nuit (fort stockage par rapport à la consommation journalière) avec des pompages à débit quasiment constant (stockage faible par rapport à la consommation journalière). Séparés, ces pompages feraient l’objet de contrats respectifs « courtes utilisations » et « très longues utilisations » ; regroupés, quel sera le meilleur tarif ? et quelle stratégie faudra-t-il adopter ?
Les simulations étudiées à partir du logiciel Tarification EDF permettent d’opter pour le fonctionnement réparti des pompages de la station et d’étudier chaque pompage en détail à l’aide du logiciel « Courbe consigne ».
Prenons l’exemple de la station de pompage de Boudonville. Cette importante station (1 000 kVA) refoule de l’eau dans trois directions qui sont respectivement : Beauregard, Haut de Chèvre et Haut du Lièvre.
Si l'on superposait directement ces trois pompages, on obtiendrait des résultats satisfaisants, mais que l'on peut encore améliorer, en essayant de diminuer la puissance souscrite pendant la période EDF « heures pleines ».
La courbe consigne de Beauregard est modifiée, comme on le voit sur la figure 8.
On trouve, de même, la nouvelle courbe consigne du Haut du Lièvre, sur la figure 9.
On remarquera que le pompage à deux pompes qui avait lieu, outre de nuit, de 15 h 30 à 17 h 30, est supprimé.
La courbe consigne du Haut de Chèvre est également modifiée (figure 10).
On remarquera que le pompage se fait de nuit à deux pompes et en période d’heures pleines à une seule pompe, grâce à un meilleur étalement dans le temps.
Les puissances que l’on aurait dû souscrire pour la station de Boudonville par simple application du logiciel « Courbe consigne » auraient été les suivantes :
- — en période « heures de pointe » : 0 kWh ;
- — en période « heures pleines d’hiver », « heures creuses d’hiver », « heures pleines d’été », « heures creuses d’été » : 750 kWh.
Après introduction des nouvelles courbes consignes dans les automates programmables, ces puissances deviennent les suivantes :
- — en période « heures de pointe » : 0 kWh ;
- — en période « heures pleines d’hiver », « heures pleines d’été », « heures creuses d’hiver », « heures creuses d’été » : 750 kWh.
Le logiciel calcule alors automatiquement les nouvelles puissances réduites selon les différents tarifs et le coût énergétique annuel.
Les résultats obtenus à la station de Boudonville figurent sur le tableau des consommations que nous produisons à l’appui du présent article.
CONCLUSION
Le gain obtenu par la mise en place des « Courbes consignes » dans les automates avec un pompage maximum pendant la période EDF « heures creuses », a été, pour le District urbain de Nancy, d’environ 15 % (cas de Boudonville). C’est la principale source d’économie et elle permet de rentabiliser rapidement le coût de mise en place des automates programmables.
Le gain obtenu par la modification dans le contrat EDF des puissances souscrites est d’environ 5 % (6,6 % dans le cas de Boudonville). Ce gain ne peut malheureusement avoir lieu qu’à l’occasion de la modification du contrat, ce qui n’est pas toujours immédiat.
Quoi qu’il en soit, l’ensemble de ces logiciels qui tournent sur APPLE II, et dont le District envisage la commercialisation, permet d’obtenir des résultats non négligeables...
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