Du côté « feu » cela a été réalisé par la gestion de l'apport de combustible, de la puissance de chauffe, l'installation de capteurs de températures multiples et l'intégration des comptages des débits de vapeur et d'eau pressurisée.
Du côté « eau » les postes de pré-traitement (adoucissement, déminéralisation) sont largement automatisés, mais le conditionnement chimique des eaux de chaudières à vapeur ou eau pressurisée reste en retrait dans cette évolution s'il continue à faire appel aux techniques habituelles stœchiométriques. Ces techniques mettent en œuvre des associations de produits (en deux ou plusieurs formulations) antitartres, dispersants, alcalinisants, antiprimants, réducteurs d'oxygène, neutralisants du CO₂ des condensats, qui interviennent essentiellement de manière stœchiométrique, mole à mole.
L'application et le suivi de ces produits s'avèrent délicats dans le cas d'une exploitation hautement automatisée, même si l'on réalise l'association en un seul « emballage » de plusieurs produits. En effet, la variation de qualité de l'eau d'alimentation ne pourra être compensée quantitativement par l'élément correcteur de la formule de conditionnement de l'eau de la chaudière. Par exemple, une défaillance du dégazeur thermique augmentera la teneur en O₂ dissous (facteur de corrosion) et devra être compensée proportionnellement par l'ajout d'un réducteur d'oxygène déclenché par un capteur d'oxygène (s'il existe et qu'il est fiable, ce qui est loin d'être sûr). Mais si ce réducteur d'oxygène est formulé avec d'autres produits, ceux-ci seront dans ce cas surdosés et le réglage deviendra oscillant car tous les paramètres seront déréglés...
On voit ainsi que le conditionnement chimique traditionnel conduit soit à l'ajout séparé de chacun des constituants pour intervenir sur chaque facteur (mais cela est coûteux et dépendant de la fiabilité de capteurs délicats), soit à surdoser certains produits et ainsi à déséquilibrer le réglage initial. Si cela s’effectue sans intervention humaine il y aura alerte et intervention à prévoir. Or le but de l'automatisation est précisément de réduire ce genre d'incident tout en assumant une fiabilité de fonctionnement des installations.
Nous avons apporté depuis des années une solution à cette question avant qu'elle ne devienne d'actualité :
- — l'automatisation du traitement s’effectue par une pompe doseuse injectant un produit unique proportionnellement au débit d'eau d'appoint (asservissement de la pompe doseuse au compteur d'eau), de préférence dans la bâche, afin de protéger l'ensemble du réseau ;
- — l'extraction de l'eau de la chaudière est réalisée par une purge automatique réglée sur sa conductivité.
Le produit unique de conditionnement des eaux de chaudières répond parfaitement au problème car son application revient à traiter d'abord les surfaces par effet filmogène (parois des chaudières et des circuits de vapeur et de condensat) et ensuite les eaux de la chaudière et des condensats. En effet, si le film absorbé, tant en ballon de chaudière qu'en réseau de condensats, doit être renouvelé et donc nécessite un traitement continu, il est assez résistant pour tolérer des écarts et interruptions de dosage et n’est pas le résultat d’une action chimiquement stœchiométrique. La qualité de l'eau d’appoint et ses variations n'interviennent pas sur la formation de cette barrière protectrice. Bien entendu, le produit unique ne peut se substituer à un adoucisseur ou un déminéralisateur défectueux même s'il pos-
sède des propriétés d’effet de seuil qui retardent la précipitation de sels incrustants.
Le conditionnement appliqué est la combinaison d'une protection filmogène des surfaces et d'une mise aux conditions de pH optimales de l'eau d'alimentation, de l'eau de chaudière et des condensats.
Les produits employés sont donc composés comme suit :
— polyamines grasses aliphatiques à haut poids moléculaire ;
— amines alcalinisantes.
Action spécifique de chaque constituant
Les polyamines grasses
Les polyamines choisies pour entrer dans la composition des inhibiteurs de corrosion sont de la famille des octadécyl amines de poids moléculaire supérieur ou égal à 320.
Elles sont représentées par la formule générale :
NH₂
R | NH (CH₂)ₙ NH₂
où R est une chaîne grasse linéaire hydrocarbonée à 18 atomes de carbone (chaîne octadécyl) et où n représente un nombre entier généralement compris entre 1 et 7.
Ces polyamines introduites en bâche alimentaire possèdent la propriété de recouvrir les surfaces et les protéger de la corrosion, et cela pour plusieurs raisons :
• Elles stabilisent la formation de la magnétite :
À haute température, la magnétite se forme selon la réaction :
3 Fe + 4 H₂O → Fe₃O₄ + 4 H₂ ↑
Cette couche de magnétite, dans une chaudière non traitée, ne cesse de s'accroître en épaisseur ; or, seule la couche profonde, sur une épaisseur d'environ 10 µ, est protectrice ; le surplus est préjudiciable et doit donc être éliminé périodiquement par un nettoyage chimique. Des essais de mesure de l'hydrogène dans les incondensables et des inspections de chaudières ont montré que les amines grasses diminuent très sensiblement la progression de la couche de magnétite.
• Le film est adsorbé sur toute la surface suivant deux mécanismes :
— adsorption chimique entre les atomes de la surface électronégative et l'amine ; la surface est donneuse d'électrons et l'amine grasse accepteuse d'électrons. Ce mécanisme régit l'adsorption de la couche profonde du film ;
— adsorption physique due aux forces de Van der Waals pour les couches superficielles du film. Ce film, en dehors de la stabilisation de la couche de magnétite, empêche également la diffusion vers les surfaces de l'oxygène et de l'hydrogène naissants. Cet aspect a également été mis en évidence lors des essais de mesure de l'hydrogène dans les incondensables.
• Les polyamines grasses ont une action sur la précipitation du carbonate de calcium due à la présence résiduelle de dureté
Cette action se traduit par :
— un retard de la précipitation ;
— le blocage de la croissance cristalline résultant de l'adsorption des polyamines ;
— une précipitation non adhérente due au film-forming des polyamines.
Cette action dispersante se traduit également sur les matières en suspension (oxydes en particulier). Par ailleurs, on constate un effet tensio-actif réducteur du primage.
Les amines alcalinisantes
Introduites en bâche alimentaire conjointement aux amines grasses, elles placent l'eau au pH favorable à la passivation des matériaux. Cette action est particulièrement sensible dans les chaudières alimentées en eau décarbonatée/adoucie ou déminéralisée.
Également appelées amines neutralisantes, elles neutralisent le CO₂ présent naturellement dans l'eau d'appoint ou provenant de la décomposition du bicarbonate de sodium. En raison du dégazage de CO₂ en chaudière, cette neutralisation s'effectue principalement au niveau des réseaux de condensats.
Dans les formulations commerciales, les amines alcalinisantes sont au nombre de deux et diffèrent principalement par leur coefficient de partage (rapport entre la concentration en phase vapeur et la concentration dans la phase liquide, qui varie avec la pression). Une amine a un coefficient de partage faible et se condense avec l’eau dans la première zone de condensation, alors que l'autre a un coefficient de partage élevé et se condense dans les zones terminales de condensation. La protection réalisée est donc relativement uniforme sur l'ensemble du réseau de condensats et elle est améliorée par le passage d’amines grasses en phase vapeur.
Avantages économiques et pratiques annexes du procédé
Les avantages annexes du procédé sont appréciables :
Les formulations n’augmentent pas la salinité de l'eau en chaudière ; après une période de transition du traitement traditionnel au conditionnement UCIO, il est donc possible de réduire les purges. Le taux de concentration est alors simplement limité par la salinité totale de l’eau d’appoint et la limite de salinité totale en chaudière donnée par le constructeur. En raison de la très faible influence de l’opération sur la salinité totale, les phénomènes de primage chimique sont également amoindris ou supprimés.
La protection des réseaux de condensats est améliorée du fait de l’effet filmogène des amines grasses (avec, d'après certaines recherches, un effet positif contre l'érosion-corrosion) et de la présence de deux amines alcalinisantes à coefficient de partage différent.
Les amines grasses et les amines alcalinisantes, étant des composés volatils, ne peuvent pas se concentrer localement dans les générateurs de vapeur et donner des phénomènes de séquestration.
Lorsque les polyamines entraînées en phase vapeur se recondensent avec l'eau, elles favorisent la condensation en gouttes en s’adsorbant sur les surfaces. L'eau se condense alors non plus sous la forme d’un film mais sous la forme de gouttes qui roulent et se détachent de la paroi, ce qui a pour effet d’augmenter sensiblement le rendement des condenseurs.
Les amines grasses et les amines alcalinisantes utilisées ne sont pas corrosives vis-à-vis du cuivre, contrairement à l'ammoniac.