ÉVOLUTION DES BESOINS L'urbanisation des banlieues de Paris constituant la grande couronne a connu une croissance rapide peu de temps après la fin de la dernière guerre mondiale. Depuis, de nombreux villages se sont transformés en villes et dans les champs ont été édifiées des cités entièrement nouvelles.
C'est ainsi que la région desservie par la Société Lyonnaise des Eaux, au sud et à l'ouest de Paris, compte actuellement une population d’environ 1 200 000 habitants. Les besoins en eau sont passés en vingt ans de 65 à 165 millions de mètres cubes par an, ce qui laisse supposer un effort d’investissement considérable.
RESSOURCES EN EAU
Région Parisienne Sud
Jusqu’en 1950, l'alimentation en eau de ce secteur était assurée essentiellement à partir d'eau profonde prélevée :
- — dans la nappe du calcaire de Champigny, sur la rive droite de la Seine, aux usines du Val d'Yerres ;
- — dans les nappes de l'Albien, du Sparnacien et des alluvions, sur la rive gauche, à l'usine de Viry-Châtillon.
L'eau de Seine n’était alors utilisée qu’en faible appoint pour fournir les débits nécessaires à la pointe ; elle était traitée assez sommairement sur des filtres semi-lents à l'usine de Vigneux. Devant l'augmentation de la consommation, les nappes profondes, d'une puissance limitée, se sont révélées insuffisantes pour couvrir les besoins. Il a donc fallu faire appel d'une façon permanente à l'eau de Seine et une station de traitement a été réalisée à Viry-Châtillon ; celle de Vigneux a été modernisée et enfin celle de Morsang-sur-Seine est apparue en 1970.
Toutes ces stations sont situées à l'amont de Paris et en particulier celle de Morsang bénéficie d'une eau brute habituellement assez peu polluée. Les filières de traitement reposent toutes sur une floculation-décantation suivie d'une filtration rapide et sont dotées, en outre, de techniques mises récemment au point telle que l'association de l'ozonation et de la filtration sur charbon actif en grain. Une recherche constante pour l'amélioration de ces filières a permis d'obtenir en permanence une eau de qualité qui rivalise aisément avec celle des nappes souterraines.
Actuellement, la capacité de production de la Région Parisienne Sud est de l’ordre de 400 000 m³ par jour et c'est la Seine qui constitue le principal de la ressource en assurant les trois-quarts de cette capacité.
Région Parisienne Ouest
Il y a plus d’un siècle, le service des eaux du Vésinet a commencé par élever de l'eau de Seine, mais cette région située à l'aval des pollutions de l'agglomération parisienne a dû rapidement abandonner la Seine pour satisfaire ses besoins en eau potable. La majeure partie de son eau provient aujourd'hui de forages établis au cours des années 1930 dans les régions du Pecq, Croissy, Villeneuve-la-Garenne, et d'Aubergenville en 1961. La plupart de ces forages atteignent la nappe de la craie sénonienne mais recueillent des eaux de provenance très variée : à celles de la craie, s’ajoutent les
eaux d’infiltration, les eaux des alluvions de la Seine, les eaux des nappes artésiennes du calcaire grossier et du sparnacien. Bien que d'origine profonde, cette eau nécessite un traitement très complet comprenant utilisation du charbon actif en poudre, décantation, aération, déferrisation, et une nitrification destinée à éliminer l'ammoniaque en solution.
Les volumes prélevés ont augmenté progressivement alors que l'alimentation de cette nappe n'a cessé de diminuer. Son niveau a ainsi baissé d’une façon inquiétante en même temps que la qualité de l'eau se dégradait. Grâce à la technique de réalimentation artificielle des nappes mise en place depuis plus de vingt ans à Croissy et étendue plus récemment au site d'Aubergenville, il est maintenant possible d’assurer aussi bien le maintien de la capacité de production des ouvrages de captage, que la qualité de l'eau de la nappe de la craie qui les alimente.
CONDUITE D'INTERCONNEXION
Objet
À l'aide des installations décrites sommairement ci-dessus, les deux banlieues sud et ouest étaient alimentées en eau avec une marge raisonnable de sécurité ; c'est ainsi, notamment en 1976, que cette marge a permis d’assurer la fourniture de toute l'eau nécessaire sans restrictions et ceci malgré les conditions exceptionnelles liées à la sécheresse.
Il peut cependant se faire que l'une des installations se trouve dans l'impossibilité de remplir son rôle, soit qu'une pollution accidentelle du fleuve ou de la nappe la prive de sa matière première, soit qu’un incident mécanique ou électrique la paralyse. D’où l'apparition, dans les années 1970, de l'idée d'une jonction entre les usines maîtresses de chacun de ces secteurs, qui permette un transfert de ressources entre les banlieues sud et ouest et évite aux populations de manquer d'eau. Cette idée, partagée par la Direction Régionale de l'Équipement et par l’Agence Financière de Bassin Seine-Normandie a été reprise dans l'élaboration du Schéma Directeur de la Région Parisienne.
Schéma de l'interconnexion
La conduite d'interconnexion d'une longueur d’environ 75 km est constituée de deux adductions différentes aboutissant chacune à la Ville Nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines :
- — l'adduction d’Aubergenville et sa dérivation de Sainte-Appoline,
- — l'adduction de Morsang.
L'adduction d'Aubergenville, depuis les bassins de compensation des Alluets jusqu'à l'embranchement de la conduite de dérivation de Sainte-Appoline et cette dernière, présente une longueur de 25 km et comporte les caractéristiques suivantes :
- — 1 400 mm de diamètre des Alluets à Feucherolles, départ de la dérivation de Sainte-Appoline : longueur 6 km ;
- — 800 mm de Feucherolles à Saint-Quentin-en-Yvelines : longueur 19 km.
L'adduction de Morsang, longue de près de 50 km, comprend trois tronçons de diamètres différents suivant les débits à transporter :
- — 1 200 mm de l'usine de Morsang à la Ville Nouvelle d’Evry pour un débit de 150 000 m³/jour : longueur 6,6 km ;
- — 1 000 mm d’Evry au réservoir de Linas pour un débit de 100 000 m³/jour : longueur 15,3 km ;
- — 800 mm du relais de surélévation de Linas jusqu'à Saint-Quentin-en-Yvelines : longueur 27,3 km.
L'ADDUCTION D’AUBERGENVILLE
Nous ne nous étendrons pas sur cette adduction dont la mise en service remonte à 1961 : une canalisation de 33 km achemine l'eau jusqu'à Buzenval aux portes de Paris ; sur le parcours, deux réservoirs permettent de stocker un volume de 13 000 m³. Ils sont implantés sur un des points hauts de la région au plateau des Alluets.
Une partie des mètres cubes disponibles a été dérivée plus récemment vers le sud pour assurer l'alimentation de l'agglomération de Plaisir-les-Clayes ainsi que celle de la Ville Nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines. La conduite de dérivation de
800 mm de diamètre dite de Sainte-Appoline a été dimensionnée pour lui permettre d'assurer, en outre, le rôle d'interconnexion régionale avec des zones normalement alimentées par l'usine de Morsang.
L'ADDUCTION DE MORSANG
Les premiers éléments de cette conduite ont été mis en place en 1969 ; le bouclage sur la dérivation de Sainte-Appoline de l'adduction d'Aubergenville a eu lieu au cours de l'été dernier.
Ainsi, un délai d'un peu plus de dix ans a été nécessaire à la réalisation de cette adduction.
Tracé
Dès sa sortie de l'usine de Morsang, la tuyauterie de 1 200 mm de diamètre s'est affrontée à la Seine qu'elle traverse en siphon sur une longueur de 150 mètres. Immédiatement après, elle a dû franchir la voie ferrée de Paris à Melun qui longe la rive gauche du fleuve, puis attaquer la montée du coteau particulièrement abrupt pour passer ensuite sous la nationale 7. Elle se dirige ensuite vers la Ville Nouvelle d'Évry en longeant l'autoroute A 6.
Chemin faisant, elle traverse la voie ferrée de Corbeil à Montargis, puis saute au-dessus de l'Essonne. Plusieurs raccordements ont été laissés en attente sur la conduite dans le but d'apporter l'eau nécessaire à l'agglomération d'Évry qui commençait à sortir de terre au moment de la pose de ce premier tronçon.
Elle passe ensuite sous l'autoroute A 6 alors avec un diamètre réduit à 1 000 mm, puis se dirige vers le nord-ouest entre Lisses et Courcouronnes. Elle croise les aqueducs de la Vanne, du Loing et du Lunain pour ensuite suivre un tracé voisin de celui de la future autoroute F 6.
Après avoir traversé la ZAC de la Croix-Blanche à Sainte-Geneviève-des-Bois, elle est appelée à franchir d'abord la tranchée de la ligne de chemin de fer de Paris à Orléans qui, à cet endroit, est profonde d'environ 8 mètres ; puis la Vallée de l'Orge. Ensuite, au sud de la tour de Montlhéry, elle traverse la R.N. 20 pour aboutir à un réservoir de stockage de 20 000 m³ construit sur les contreforts de la butte de l'autodrome de Linas-Montlhéry, réservoir auquel a été adjointe une station-relais.
Au-delà, la conduite se poursuit avec un diamètre de 800 mm et quitte le tracé de F 6 quand elle franchit l'autoroute A 10 pour s’élever rapidement sur le plateau de Saint-Jean-de-Beauregard (à quelques kilomètres de la Ville Nouvelle des Ulis) ; puis elle se dirige vers Chevry II, la Vallée de l’Yvette, Saint-Rémy-lès-Chevreuse et la Vallée de la Mérantaise pour aboutir à la Ville Nouvelle de
Saint-Quentin-en-Yvelines avec son château d’eau des quatre Pavés du Roy.
Après quelques centaines de mètres parcourus le long de la voie S.N.C.F. de Trappes, elle se raccorde sur la conduite d’Aubergenville (ou plus exactement sur la dérivation de Sainte-Appoline).
Nature de la canalisation
La plus grande partie de la canalisation, soit 33 km, a été réalisée en tuyaux de fonte GS à revêtement de ciment.
À l’exception des tuyaux de 1 000 mm de diamètre de la première tranche mis en place en 1970, qui ont été reliés par joints Express, l’ensemble des tuyaux, tant en 1 000 mm qu’en 800 mm de diamètre, étaient assemblés avec des joints automatiques.
Pour la traversée de la Vallée de la Mérantaise, les joints automatiques ont été verrouillés selon la technique Pont-à-Mousson sur quelques centaines de mètres.
Par ailleurs, seize kilomètres de tubes d’acier assemblés par soudure ont été utilisés, d’une part pour la totalité du premier tronçon de 1 200 mm de diamètre, et d’autre part pour la traversée des vallées de l’Orge et de l’Yvette, de même que pour le tronçon situé dans la vallée de la Sallemouille après la station-relais de Linas. Une telle tuyauterie autobutée s’adapte facilement aux irrégularités du tracé rencontrées en ces différentes sections.
Le revêtement « C » qui protège extérieurement les tubes d’acier comprend une couche primaire de Carbolac et un enrobage constitué par un complexe de soie de verre et de carboplast. Intérieurement, le revêtement protecteur de la conduite était réalisé tout d’abord à l’aide d’un produit bitumeux, l’Endoplast (1re à 3e tranche).
Un revêtement Endokote, à base de résines époxydes, d’une épaisseur de 350 microns (qui constitue un véritable vernis) a été préféré au revêtement Endoplast pour les dernières tranches.
Franchissements spéciaux
Traversée de la Seine :
Elle s’effectue en siphon immergé dans une fouille de 4 mètres de profondeur creusée à travers le lit du fleuve. Afin d’éviter les difficultés d’un doublement ultérieur, le siphon comporte deux canalisations de 1 200 mm mises en place simultanément. Après assemblage sur la rive droite de la Seine, l’ensemble du siphon a été transporté puis immergé par un groupe de quatre pontons-bigues d’une puissance totale de 320 tonnes. La manœuvre, entreprise à l’aube, a été terminée avant la fin de la matinée, de telle sorte que la durée de l’interruption de la navigation fut inférieure à la demi-journée.
Autres ouvrages :
Le franchissement des voies ferrées, autoroutes et routes à grande circulation évoquées précédemment, a été réalisé en tube d’acier sous fourreaux béton. Ceux-ci ont été mis en place par la méthode du pousse-tube, évitant ainsi toute interruption du trafic.
Seul, l’aqueduc de la Vanne a été franchi avec des tuyaux de fonte posés en galerie maçonnée.
Quant aux cours d'eau, ils ont été traversés par des siphons immergés en acier, à l'exception de l'Essonne qui a été franchie en canalisation aérienne posée sur portique.
Planning de réalisation
Les tranches successives décrites ci-dessous ont permis de satisfaire de manière continue la demande de la région Sud de Paris, tout en étalant les investissements. On pourra constater que la troisième tranche constitue un tronçon isolé de la conduite ; celui-ci a été raccordé à des conduites préexistantes du réseau de distribution et en a renforcé le potentiel.
1ʳᵉ tranche - 1969/1970 : 6 600 mètres de Ø 1 200 mm de Morsang à la Ville Nouvelle d'Évry et 7 200 mètres de Ø 1 000 mm de la Ville Nouvelle d'Évry à Plessis-Pâté.
2ᵉ tranche - 1972 : 3 600 mètres de Ø 1 000 mm de Plessis-Pâté à l'Orge (Brétigny-sur-Orge).
3ᵉ tranche - 1973/1974 puis 1977 : 12 600 mètres de Ø 800 mm du raccordement au réservoir de Courtabœuf (Saint-Jean-de-Beauregard), Châteaufort.
4ᵉ tranche - 1977 : 4 500 mètres de Ø 1 000 mm de l'Orge (Brétigny-sur-Orge) au réservoir de Linas, et 7 100 mètres de Ø 800 mm du réservoir de Linas au raccordement réservoir de Courtabœuf (Saint-Jean-de-Beauregard).
5ᵉ tranche - 1979 : 2 000 mètres de Ø 800 mm de Châteaufort à Voisins-le-Bretonneux.
6ᵉ tranche - 1980/1981 : 5 600 mètres de Ø 800 mm de Voisins-le-Bretonneux au raccordement sur la dérivation de Sainte-Appoline (Saint-Quentin-en-Yvelines).
CONCLUSION
Rappelons qu'il a fallu quelque dix années pour mener à bien la jonction des usines de Morsang et d'Aubergenville. L'opération a nécessité un effort financier considérable de la part de la Société Lyonnaise des Eaux dont le souci a été de l'étaler dans le temps, au fur et à mesure des nécessités du vaste réseau de distribution d'eau qu'elle est chargée de gérer.
Cette importante interconnexion, d'un diamètre variant de 1 400 mm à 800 mm, chemine sur 75 km et son coût, en valeur 1980, est de l'ordre de 150 millions de francs.
Si la Lyonnaise des Eaux en a financé la plus grande part, une participation qui avoisine le cinquième du coût de l'opération a été apportée par l'Agence Financière de Bassin Seine-Normandie.
Alors que la mise en service de la liaison de Morsang-Aubergenville vient tout juste d'avoir lieu, une autre est actuellement en cours de pose entre Morsang et Créteil. Celle-ci reliera les usines de Morsang, du Val d'Yerres et de Vigneux, en même temps qu'elle assurera une intercommunication importante avec la conduite de 1 250 mm du Syndicat de la Banlieue de Paris qui traverse la ville de Créteil. De plus, un nouveau champ captant dans le calcaire de Champigny, à l'est de Melun-Sénart, sera appelé ultérieurement à s'y raccorder.