L'accroissement démographique, les progrès techniques et leurs conséquences polluantes — qu'il s'agisse des eaux de surface ou des eaux souterraines — les retards apportés (souvent pour des raisons financières) à la réalisation de travaux urgents trop longtemps différés, donnent aux problèmes d’assainissement une importance désormais primordiale.
Où en sommes-nous en 1978 ?
A peine plus de 50 % de la population française bénéficie des possibilités du raccordement à un réseau d’égouts, 25 % à peine dispose de stations d'épuration d'eaux usées, sur lesquelles la moitié ne fonctionne pas selon les normes définies par le Conseil Supérieur d'Hygiène.
On comprend que les problèmes qui découlent de ces insuffisances et retards préoccupent de plus en plus les responsables des SERVICES TECHNIQUES, les Ingénieurs des SERVICES DE L'EQUIPEMENT et les Ingénieurs du GENIE RURAL qui ont à faire face au développement des réseaux, à la création ou à la modernisation des stations d’épuration, et à un entretien de plus en plus difficile et onéreux des réseaux existants, souvent très anciens.
C'est ainsi par exemple qu'à MONACO les premiers tronçons datent de 1890, qu’au Mans certains tronçons ont plus de cent ans, et qu’à La Rochelle près de 200 km d’égouts ont été construits entre 1920 et 1940.
En règle générale, étant donné qu'il s'agit dans la majorité des cas de collecteurs non visitables, il est difficile de se faire une opinion précise quant à leur état ; les joints sont-ils défectueux ? les éléments sont-ils fissurés ?
Les canalisations anciennes (en général en ciment) enfouies dans le sol subissent constamment des déformations dues à des tassements différentiels des remblais et à l'action des charges roulantes. Du fait de leur rigidité, les mouvements du sol et du sous-sol se traduisent pour ces canalisations soit par une ouverture au droit des joints — ce qui est le cas le plus fréquent — soit encore par une fissuration des éléments eux-mêmes.
C'est ainsi que les collecteurs deviennent perméables au droit des joints et des fissures. S'ils se trouvent placés sous la nappe, ils drainent le terrain, créant une surcharge de la station d’épuration ou des postes de pompage. Dans le cas contraire, par infiltrations au droit des joints ou des cassures, les effluents iront polluer les réserves naturelles.
Oui, quel est l'état général du réseau ? La réponse à une telle question ne peut être que très vague et souvent subjective. Par contre, sous réserve d'inspections, il est possible d’y répondre pour telle ou telle canalisation prise isolément, et ceci est très important.
En effet, la permanence des infiltrations ou des exfiltrations, les variations du niveau de la nappe ou encore des travaux locaux ont pu provoquer par des mouvements du terrain le déboîtement de certains joints, l'affaissement de certains tronçons et parfois des effondrements.
Il en résulte alors, outre les inconvénients dus aux pollutions signalées plus haut, des contre-pentes préjudiciables au bon écoulement des effluents et à la qualité des nettoyages. Et, ce qui n'est pas à négliger : des risques d'accidents.
Parfois les collecteurs sont partiellement obstrués par des racines qui pénètrent par des points apparemment en bon état. Leur développement entraîne alors un ralentissement de l'écoulement des effluents et un accroissement des risques d'obturation.
Ce mauvais écoulement n'est pas sans conséquence : outre les risques de refoulement accidentels, il a été constaté qu'un écoulement trop lent des effluents dans un collecteur pouvait entraîner une corrosion importante des bétons. Par oxydation de l'hydrogène sulfuré et sa transformation progressive en acide sulfurique, il se forme à la surface une croûte friable, tandis que la zone sous-jacente, par la formation de sulfoaluminate de calcium (sels de Candlor), prend un aspect pâteux très caractéristique. Cette désagrégation progressive des parois affaiblit de façon notable la résistance de l’ouvrage.
UN PROGRÈS ET UNE SÉCURITÉ : L'INSPECTION PAR CAMÉRA DE TÉLÉVISION
De tout ceci il ressort qu'il est indispensable de procéder à un bon entretien des réseaux et pour cela avant tout de bien les connaître. Si les collecteurs visitables sont bien connus, les égouts non visitables ne le sont en général que par les incidents dont ils sont la cause.
Mais il est possible dorénavant, grâce à des équipements de télévision en circuit fermé spécialement adaptés pour ce genre de travail, de se rendre compte de l'état d'un réseau.
Une utilisation rationnelle d'un tel matériel et avec un personnel averti permet en effet de révéler la position exacte et la nature des défectuosités telles que :
- — raccords, joints et branchements défectueux ;
- — infiltrations, exfiltrations ;
- — intrusion de racines, accumulation de débris ;
- — zones corrodées ou d’effondrement possible,
prévenant ainsi les dommages aux chaussées, le coût toujours très élevé des réparations en « catastrophe » et enfin, étant donné que les réseaux anciens se trouvent en règle générale dans des secteurs à fort trafic, d’éviter les perturbations dans la circulation.
La première réaction sera souvent de différer une telle opération étant donné son prix de revient. N'est-ce pas un mauvais calcul ?
Quelques exemples le prouvent :
- 1°) Dans telle ville du Midi, il est prévu un budget de 200 000 F pour le remplacement d'un collecteur de 50 mm. Les repérages effectués lors d'une inspection T.V. ont permis de localiser avec précision les tronçons en mauvais état et de procéder aux réparations nécessaires. Par suite, le projet initial de remplacement complet du collecteur a été abandonné et une économie de près de 90 % a pu être réalisée.
- 2°) Lors du percement d'un tunnel, des désordres importants sont apparus dans un lotissement voisin. Outre la reconstruction de plusieurs villas, il était prévu une réfection complète du réseau d'assainissement et des chaussées. Trois journées d'inspection, soit une dépense à l’époque de l'ordre de 7 000 F environ, ont permis de repérer avec précision cinq tronçons en très mauvais état qui purent être immédiatement réparés. L’économie dans ce cas était encore très importante.
3°) Le Directeur des Services Techniques d'une ville de Normandie réclamait depuis plusieurs années, mais en vain, des crédits pour la remise en état d'un collecteur important de 700 mm ; la communication aux autorités administratives du rapport d'inspection qui mettait en lumière l'éventualité d'accidents graves permit de dégager très vite les crédits nécessaires aux travaux.
4°) Dans la région du Nord, deux collecteurs de 600 mm avaient été gravement endommagés par des effluents agressifs. Le coût de leur remplacement était évalué à 1 500 000 francs. L'inspection T.V. permit de juger l'étendue exacte des dégâts et de définir une méthode de réparation sans ouverture des chaussées. L'économie réalisée fut de l'ordre de 1 000 000 francs.
Il y a lieu de noter que « l'inspection T.V. » ne se limite pas aux réseaux anciens et qu'elle trouve efficacement son emploi pour l'examen de travaux neufs.
Si de telles visites avant réception ne sont pas encore en France d'application courante, elles le sont à l'étranger et nous pouvons citer ci-dessous le texte de l'article 24 du cahier des charges imposé aux constructeurs canadiens :
« Lorsque les travaux seront terminés, la cité de... inspectera, à ses frais, à l'aide d'une caméra en circuit fermé, toutes les conduites d'égouts sanitaires et de drainage des eaux de surface ayant un diamètre de 30” et moins qui auront été posées au cours du présent contrat. L'entrepreneur pourra déléguer un de ses représentants pour assister à cette inspection. Tous les manques dans les conduites, joints, raccordements, nettoyages, etc. seront localisés, photographiés et l'entrepreneur pourra consulter ces photographies et rapports au bureau de l'ingénieur de la cité.
« Tous les ouvrages qui seront jugés à refaire ou à réparer devront l'être aux frais de l'entrepreneur avant que l'ingénieur fasse ses recommandations d'acceptation et de paiement final des travaux. »
Si, au début, les entrepreneurs canadiens avaient tendance à discuter l'intérêt et même à s'opposer parfois à une telle délégation, ils en apprécient actuellement toute la portée pratique quant à la bonne fin de leurs chantiers.
LA MISE EN ŒUVRE DU PROCÉDÉ
L'inspection d'un réseau s'effectue en général section par section, chaque section étant comprise entre deux regards de visite. Toutefois, dans le cas où plusieurs sections de longueur moyenne se trouvent alignées, elles peuvent être inspectées au cours de la même opération.
L’équipement (schéma ci-contre) comprend :
- Une caméra étanche transistorisée, de faible dimension, susceptible de se déplacer dans des canalisations dont le diamètre est compris entre 150 et 900 mm.
- Un dispositif d’éclairage fixé en tête de la caméra et adapté au diamètre de la conduite à inspecter.
- Un câble de 300 m qui relie la caméra à l’écran et au groupe de contrôle et de réglage placé à l'intérieur de la camionnette-laboratoire.
- À la sortie du treuil d’enroulement du câble, un système de roues-guides relié à un compteur de distances permet un repérage précis des constatations faites.
- Deux treuils à main placés à chaque extrémité du tronçon à inspecter permettent les déplacements de la caméra. Le treuil le plus éloigné de la camionnette-laboratoire en assure la traction. Celui placé au-dessus du regard de départ permet le retour en arrière des appareils dans le cas d'un obstacle infranchissable.
Le chef opérateur dirige de la cabine l'ensemble des opérations. Il est relié pour cela par un interphone aux hommes chargés de la manœuvre des treuils.
L’énergie électrique est en général fournie par un groupe électrogène.
Un équipement photographique permet les prises de vue des observations les plus caractéristiques, les photos constituant l'un des éléments importants du rapport.
Il y a lieu de noter que, dans certains cas, notamment dans le cadre d'une expertise, l'inspection peut être intégralement enregistrée sur bandes magnétiques.
[Schéma : Inspection de canalisation. 1 - camionnette-laboratoire 2 - groupe électrogène 3 - câble caméra 4 - compteur de distances 5 - caméra sur skis 6 - éclairage 7 - écran-récepteur 8 - groupe de contrôle 9 - poste de commande 10 - câble de traction 11 - treuil de traction 12 - câble de rappel 13 - treuil de rappel 14 - appareil photographique 15 - interphone 16 - poulies de renvoi]Pendant l'inspection, en règle générale, l'égout n'est pas mis hors service. Toutefois lorsque le niveau des effluents est trop important (supérieur à 1/4 du diamètre des tuyaux) il est nécessaire de réduire le débit, soit à l'aide d'obturateurs, soit encore par pompage et dérivation.
Le rendement et la qualité de l'inspection étant conditionnés par l'état de propreté des canalisations, il est donc nécessaire avant toute intervention de procéder à un nettoyage soigné de préférence à l'aide de cureuses hydro-dynamiques.
Dans un prochain article nous traiterons de la réparation des égouts en mauvais état et en particulier de l'étanchement des joints défectueux dans les collecteurs non visitables.
J. SION.
Le cycle des « CANALISATIONS » dans L'EAU ET L'INDUSTRIE
1) Quelques réflexions sur le transit à distance de l'eau potable, par J. Colliot - n° 9 - p. 69.
2) Les tuyaux « grands-diamètres » en amiante-ciment. Le fonçage horizontal, par F. Delasalle - n° 10 - p. 88.
3) Retour au grès pour les canalisations d'assainissement, par D. X. Marret - n° 12 - p. 32.
4) Corrosion et protection cathodique, par J. Changarnier - n° 15 - p. 25.
5) Les canalisations en P.V.C. rigide et leurs applications dans l'adduction d'eau et l'assainissement, par G. Montel - n° 16 - p. 43.
6) L'inspection des réseaux d'assainissement par caméras de télévision, par J. Sion - n° 23.