La Provence, patrie des cigales et du soleil, mais aussi règne de la sécheresse et du manque d'eau... Le soleil c'est aussi l’arrivée brutale des estivants.
La Compagnie Méditerranéenne d’Exploitation des Services d’Eau est confrontée chaque année à deux contraintes :
Comment approvisionner en eau cet afflux de population au moment même où il fait le plus chaud ?
Comment intervenir efficacement sur les installations en panne ?
Du massif des Maures à celui de l’Estérel, ou, en d'autres termes, de Rayol Canadel (près de Cavalaire) à Agay, en passant par Sainte-Maxime, Plan de la Tour, Cogolin, Saint-Tropez, Fréjus, Bagnols-en-Forêt et Saint-Raphaël, la CMESE assure la distribution de l'eau potable et le traitement des eaux usées dans seize communes varoises.
Les ressources en eau limitées, l’accroissement constant des abonnés et la dispersion des points de consommation qui a entraîné la complexité des réseaux, ont conduit la CMESE à concevoir un système informatisé de surveillance et d'optimisation de l'ensemble des ouvrages dont elle a la charge, aussi bien dans le domaine de la production et la distribution d’eaux potables que dans celui du transport et de l’épuration des eaux usées, la sécurité étant le maître-mot du distributeur d’eau.
L'architecture du système a été conçue avec ce concept présent à l’esprit, ce qui a amené la CMESE à installer des automatismes au plus près des récepteurs tels que les pompes, vannes, surpresseurs, etc...
Définition de l’architecture
Production et distribution d'eau potable
L’étude réalisée au niveau de l’avant-projet qui a été effectuée en collaboration avec la société Instrumentation Service a permis de mettre en évidence la nécessité d’une architecture à la fois multiprotocoles (protocole Modbus pour les automates et protocole de construction des postes satellites Sofrel) et multi-accès : liaisons avec un « poste central usine » d’une part et avec « un poste central de secteur ». Cette architecture est basée sur l’utilisation de frontaux concentrateurs de données situés au niveau de chaque poste central.
Les principales caractéristiques du dispositif comportent le découpage du projet en sous-ensembles d’exploitation : une usine de traitement avec ses réservoirs principaux et une zone de distribution associée (stations de pompage et réservoirs secondaires), et une architecture hiérarchisée qui comprend les éléments suivants :
- - sur les sites, des satellites de transmission installés dans les réservoirs et stations de pompage, capables de réaliser d’une façon autonome des asservissements et automatismes simples de fonctionnement en « tout ou rien » ;
- - dans les stations, d’une part, des automates programmables installés dans la station de traitement d’eau potable et dans les stations de pompage importantes incluses dans sa zone d’influence et, d’autre part, une concentration des données avec supervision et conduite des installations d'une zone, à partir d’un poste central implanté dans l'usine de traitement.
Épuration des eaux usées
L'architecture est identique à celle retenue pour l’eau potable ; seule la gestion des flux est différente : en effet, pour l'eau potable, les flux vont de la station vers l’abonné ; dans les réseaux d’eaux usées, au contraire, les flux vont des abonnés vers l'usine d’épuration.
Dans un premier temps, la CMESE a souhaité installer un système axé principalement sur la télésurveillance des
postes de relèvement d'eaux usées situés sur le littoral, le support de transmission des informations étant le réseau auto-commuté.
Dans l'avenir, certaines informations de chaque poste seront transmises à l'usine d'épuration réceptrice des effluents pour en gérer les débits.
Sur les sites, des satellites de transmission installés dans les postes de relèvement sont capables de réaliser d'une façon autonome des asservissements et automatismes simples de fonctionnement en « tout ou rien ».
Le calculateur
Au bureau de chaque secteur, un calculateur reçoit toutes les informations en provenance des postes centraux de gestion de l'eau potable et des satellites de télétransmission affectés à l'eau usée ; il traite les informations émanant de tous les ouvrages qui lui sont rattachés, en se chargeant de deux tâches distinctes : la télésurveillance et la gestion.
La télésurveillance
Tous les défauts sont analysés automatiquement et, suivant leur nature, le jour et l'heure d'apparition, le calculateur signale l'incident à l'agent d'astreinte concerné. Celui-ci, du bureau ou de son domicile, peut interroger le calculateur, qui lui indiquera le type de panne, son heure d'apparition, les conséquences sur les autres ouvrages et l'historique des derniers événements survenus avant l'apparition de ce défaut.
La gestion
Le traitement des données archivées permettra de connaître les réactions du réseau et leurs conséquences sur les réservoirs et les stations de pompage, sur les stations de traitement pour l'eau potable et sur les postes de relèvement d'eaux usées, à chaque période de l'année. Il sera alors possible d'établir avec certitude une prévision à court et moyen terme des actions de renforcement ou de remplacement des ouvrages les plus sollicités.
Le calculateur pourra, grâce à sa force de calcul, anticiper la mise en marche du nombre de pompes d'un poste en fonction de la demande instantanée. Sa fonction archivage lui permettra de détecter une anomalie de fonctionnement ou, éventuellement, une rupture de canalisation.
La mise au point de ce système permettra d'assurer à la population un service des plus performants sur les principaux points suivants : sécurité, gestion des flux, prévision de consommation.
Il s'agit là d'un programme ambitieux dont l'achèvement ne sera terminé que dans cinq ou six ans. La réalisation d'un tel projet nécessite en effet des applications de haut niveau dans plusieurs domaines tels que : l'informatique, les calculs statistiques, les automatismes, l'hydraulique, etc., ainsi que la mise en place de nouvelles méthodes de travail.
La CMESE a souhaité entamer la réalisation de ce projet par l'installation de deux architectures identiques, mais avec des objectifs différents, l'une concernant les installations d'eau potable du secteur des Maures et l'autre celles se rapportant aux eaux usées du secteur de l'Esterel.
Secteur des Maures
La CMESE a décidé d'équiper, en première phase, l'usine de La Verne (figure 1) et cinq réservoirs parmi ceux qui lui sont rattachés, Le Canadel, Le Jas, Thalassa, Le Parin, La Louve et sa station de pompage.
La société Instrumentation Service a pris en charge la réalisation du projet ainsi que le pilotage des fournisseurs et de l'installation (figure 2).
Cette première installation a servi d'installation-pilote pour valider l'architecture retenue (figure 3).
Les satellites
Le réservoir du Parin est équipé d'un télétransmetteur Sofrel S15 et d'un modem pour transmission sur ligne spécialisée des informations regroupées par une ligne-pilote, raccordée aux réservoirs de Thalassa, Le Jas et Canadel.
Le réservoir et la station de La Louve, quant à eux, sont dotés d'un télétransmetteur Sofrel S10 sur réseau auto-commuté.
La station de traitement de La Verne
Elle comporte : un frontal de communication Sofrel, type CS100 pour le couplage avec les
satellites, capacité maximum de 245 satellites (télétransmetteurs ou automates) ;
— un microprocesseur 16 bits 512 KO RAM, 512 KO EPROM ;
— un micro-Compaq 386 S mod 40, 16 MHz, 2 MO de RAM (figures 4 et 5) ;
— un disque dur de 40 MO ;
— un écran couleur VGA 13 ;
— une imprimante NEC P6 PLUS, 24 aiguilles, 80 caractères/ligne ;
— un automate programmable AEG Modicon (type 984) équipé de 256 entrées/sorties « tout ou rien » et de 32 entrées/sorties analogiques (figure 6) ;
— les modems associés à la transmission des informations.
Le micro-Compaq est pourvu d’un logiciel PCVUE dont les fonctions principales sont les suivantes :
— signalisation et acquittement des alarmes,
— animations de synoptiques avec affichage de valeurs, bargraphes, etc.,
— visualisation des variables logiques et analogiques sur pages écran spécialisées,
— affichage des courbes de tendance,
— envoi de commandes et de modifications de consignes aux satellites,
— création et envoi de recettes,
— éditions de journaux de bord et « fil de l'eau »,
— archivage local, ou déporté sur un serveur.
Le secteur
Son équipement comprend :
— un frontal de communication Sofrel type CS100 pour le couplage de La Verne,
— un micro-Compaq 386 25E 25 MHz, 32 bits, 4 MO de RAM,
— un disque dur de 120 MO,
— un coprocesseur mathématique,
— un écran couleur VGA 21,
— une imprimante NEC P7 24 aiguilles, 136 caractères/ligne.
Le logiciel Lerne mis au point par la Compagnie Générale des Eaux pour la gestion des astreintes, des alarmes et de supervision de l'ensemble du secteur est installé dans le micro-Compaq. Il permettra, à terme, d’assurer l’optimisation de l'ensemble des réseaux du secteur.
Secteur de l’Esterel
En matière d’assainissement, il existe deux préoccupations majeures pour la population : les débordements des postes de relèvement (notamment ceux situés en bordure de plage) et le problème des odeurs dégagées par les réseaux et les postes de relèvement. La période estivale provoque en effet une surcharge très importante des réseaux d’égout, et c’est à ce moment qu’une panne sur une pompe ou un défaut d’alimentation d’un poste deviennent cruciaux ; c’est aussi la période des gros orages et, donc, des disjonctions du réseau EDF et d’une sollicitation accrue des groupes électrogènes ; tous ces facteurs se conjuguent pour que l’on constate à cette époque des débordements plus fréquents.
Le système mis en place pour remédier à cet état de choses est essentiellement basé sur la télésurveillance des postes de relèvement. Les pannes ne pourront évidemment pas être évitées mais la
détection immédiate d’une pompe en défaut, la non-reprise en secours de la tension d’alimentation par le groupe électrogène, ou le niveau anormalement trop haut du poste permettent l’intervention de nos équipes de dépannage avant tout débordement sur la plage. Il serait irréaliste de penser qu’un système informatisé quel qu’il soit permette d’éviter tous les problèmes liés aux écoulements des eaux usées ; toutefois, il est possible d’envisager de diminuer la production d’hydrogène sulfuré ou de méthane dans les réseaux d’égout en accélérant le transit des eaux usées entre les branchements aux réseaux et la station d’épuration. L’optimisation du régime de pompage en fonction du débit, du nombre de pompes et de leur débit nominal sera étudiée au niveau de chaque point sensible.
La deuxième installation mise en place, qui concerne la gestion informatisée de 32 ouvrages d’assainissement pour le compte du SIVOM de Fréjus - Saint-Raphaël, fut réalisée dans le même esprit avec une architecture conforme au schéma de la figure 7 et un organigramme de réalisation des travaux calqué sur la première réalisation, laquelle avait donné entière satisfaction (figure 8).
Les postes de relèvement
Les postes de relèvement sont pourvus d’un automate programmable (figure 9) industriel, ou d’un télétransmetteur qui assure, à l’échelon le plus bas, l’automatisme qui permet la vidange du poste. Ils transmettent les informations au secteur (figure 10) dont il dépend. Une panne sur la liaison poste/secteur n’aura aucun effet sur le fonctionnement car l’automatisme « tout ou rien » est assuré par l’automate de manière indépendante à tout ordre extérieur ; par contre, les informations sont stockées en mémoire jusqu’au rétablissement de la liaison avec le secteur.
Le matériel
Tous les matériels communs aux satellites tels que frontaux de communication, superviseur, calculateurs sont dimensionnés pour la phase finale (figure 11).
Les 32 postes sont équipés chacun d’un télétransmetteur Sofrel S 10 ou S 15 ou d’un petit automate AEG Modicon, suivant importance du poste, ainsi que des modems nécessaires à la transmission par réseau auto-commuté vers le PC du secteur. D’autre part, le matériel installé au secteur de l’Esterel est en tous points identique à celui installé au secteur des Maures.
Les hommes
Installer un système informatique exploitable et accepté par un personnel qui s’étend des agents d’usine jusqu’aux chefs des services de production et de distribution pour l’eau potable et de l’agent d’assainissement jusqu’au chef de service n’est pas une mince affaire.
L’étude du projet a commencé en 1986. Dans un premier temps l’analyse de l’existant s’est effectuée au travers de réunions avec le personnel de terrain ; la deuxième phase de l’étude a été consacrée à l’analyse des besoins de chaque strate de la hiérarchie ; la synthèse de ces études a ensuite permis de présenter au chefs de secteur et au chef de centre un projet complet qui, après mise au point, a servi de base à la consultation restreinte d’entreprises spécialisées.
L’informatique ? On ne connaît pas ! Un effort tout particulier a été et sera porté auprès de chaque agent concerné par ce système qui remet en cause l’organisation, les habitudes de travail et le niveau des connaissances.
Cet accompagnement dans la connaissance de nouveaux matériels est assez difficile à gérer, car le dialogue qui engendre la participation de tous engendre aussi une demande expresse de formation, et le niveau de stage doit être adapté à l’évolution des installations et au niveau des agents. Au cours de la progression des connaissances acquises il faut ainsi être attentif aux dérives individuelles, car chaque agent assimile de façon différente, ce qui conduit au cours des stages à des distorsions qu’il faut rattraper ; c’est aussi une entreprise qu’il faut poursuivre dans le temps.
L’objectif, très ambitieux en matière d’eau potable, était et est toujours de « mettre la goutte d’eau au bon endroit et au bon moment ».
Dans un automatisme classique, lorsque le niveau monte dans un réservoir, le pompage « considère » que le réservoir est vide jusqu’au moment où le niveau haut est atteint, et à partir de là le pompage « considère » le réservoir plein jusqu’à ce que l’eau soit descendue au niveau bas.
Or, la demande en eau n’est pas constante et ses fluctuations ne sont pas identiques jour après jour. Le but du projet est donc d’alimenter le réservoir avec la quantité d’eau juste nécessaire à chaque instant (tout au moins par tranches d’heures), en d’autres termes de lier son remplissage à la demande en eau.
Le marnage des réservoirs, la réserve incendie, et bien sûr l’optimisation des consommations électriques ne sont pas oubliés.
Une étude menée à l’usine du Fournel située au secteur de l’Estérel (figure 12) est réalisée dans ce sens par la société Prolog Ingénierie. La mise en service du logiciel correspondant est prévue pour cette année.