Le 40? anniversaire de la Société des Eaux de Marseille (SEM) chargée par un contrat de régie intéressée, signé en 1943, de la gestion et de la rénovation du service des eaux de Marseille, a coïncidé avec la mise en service des nouveaux aménagements de l'usine de Vallon Dol dont nous parlerons plus loin. Pour mesurer le chemin parcouru pendant ces quarante années et les transformations réalisées dans l'alimentation en eau de la Ville de Marseille, il est indispensable de faire un bref retour en arrière.
J.-P. LESBROSSociété des Eaux de Marseille
1943-1983 - Les grandes étapes de l’alimentationen eau de la Ville de Marseille
Le 40ᵉ anniversaire de la Société des Eaux deMarseille (SEM) chargée par un contrat de régie intéressée, signé en 1943, de la gestion et de la rénovationdu service des eaux de Marseille, a coïncidé avec lamise en service des nouveaux aménagements del'usine de Vallon Dol dont nous parlerons plus loin.Pour mesurer le chemin parcouru pendant ces quarante années et les transformations réalisées dans l'alimentation en eau de la Ville de Marseille, il est indispensable de faire un bref retour en arrière.
Dès 1847, le canal de Marseille avait mis fin à dessiècles de pénurie d’eau de la ville. La décision de réaliser ce canal, dérivé de la Durance, avait été prise par lemaire de l'époque, Maximilien Consolat, après uneredoutable épidémie de choléra survenue en 1834, quiéprouva cruellement la population.
En 1943, date de la création de la SEM, ce canal estl’unique source d'eau dont dispose l’agglomérationmarseillaise et il alimente une seule usine de traitement, Sainte-Marthe, construite en 1937, dont le fonctionnement est défectueux et qui ne dessert que lecentre-ville ; le reste de l'agglomération est alimentésoit par un mélange d'eau filtrée et d’eau brute, soit parde l’eau brute javellisée, soit par de l'eau brute sansaucun traitement. Les réseaux de distribution, palmés,sans liaison entre eux, ne peuvent se prêter aucunsecours. Les conduites posées à de faibles profondeurssont (pour une part importante) en très mauvais état etles pressions insuffisantes, notamment en cas d'incendie. Il n’y a aucun réservoir permettant l’alimentationde la population pendant les chômages du canal.
La mortalité due à l'endémie typhique est très élevée(plusieurs centaines de cas en 1943) et une des premières tâches de la SEM a été d’installer 63 postes dechloration disséminés sur le parcours du canal en têtedes petits réseaux d’eau brute, lesquels seront supprimés au fur et à mesure de l’extension du réseau d'eaufiltrée.
En 1947, l’usine de Saint-Barnabé (100 000 m³/j)est mise en service, améliorant ainsi la distributiondans une partie non négligeable de l’agglomération.Parallèlement l’effort de rénovation de Sainte-Marthe,en vue de porter sa capacité à 420 000 m³/j, est poursuivi. La structure du réseau de distribution est profondément remaniée : plusieurs centaines de kilomètresde conduites seront posées ou rénovées, le réseau dedéfense contre l’incendie est entièrement repris, laconstruction de nombreux réservoirs dans la périphériede l'agglomération est entreprise et l’on songe également au secours du canal de Marseille par la réalisation d’une deuxième adduction, celle de MarseilleNord, dérivée du canal de Provence. Cette branchesera opérationnelle en 1971, et en 1974 elle aboutiradans la réserve de Vallon Dol, d’une capacité de 3 millions de m³, située bien au-dessus de l’agglomérationmarseillaise, à la cote 251 NGF.
Par ailleurs, en 1960, le contrat de régie a été transformé en contrat de concession d’une durée de 33 ans.
L’usine de Vallon Dol
Les deux usines de Sainte-Marthe et de Saint-Barnabé (qui seront respectivement équipées d’une station d’ozonation en 1980 et en 1982) ont été saturées en 1974, et la Ville avait alors besoin d’une troisième usine de traitement pour satisfaire la demande de la population. Cette troisième usine a été construite à proximité de la réserve de Vallon Dol qui l’alimente gravitairement. Elle est prévue pour une capacité de 520 000 m³/j, à atteindre en six étapes correspondant à des tranches de production de 86 400 m³/j ; une première tranche fonctionne depuis 1976.
La deuxième tranche mise en service en 1983 nous permet de disposer, avec l’usine de Sainte-Marthe, d’un véritable complexe de production d’eau filtrée avec une double adduction canal de Marseille/canal de Provence, et un double départ d’eau filtrée à des cotes différentes.
L’eau décantée transite par une conduite Ø 1 800 mm (son doublement est prévu après la 3ᵉ tranche) par l’intermédiaire d’une vanne de régulation d’eau brute associée à un débitmètre, le débit admis sur l’usine devant être maintenu constant, quelle que soit la hauteur de l’eau dans la réserve. Au-dessous d’une certaine cote, l’eau est reprise par un groupe d’exhaure à vitesse variable (système Jisflow de Jeumont-Schneider).
On trouve ensuite 12 filtres à sable quartzique de 110 m² de surface unitaire, décolmatés de façon classique par double courant d’air et d’eau sous pression. Ils sont régulés par le système polyhydra qui, rappelons-le, a été mis au point par son inventeur à Sainte-Marthe en 1960.
L’ozonation se situe à la fin de cette filière. L’eau ozonée est stockée dans deux citernes de 3 600 m³ de capacité unitaire. Elle reçoit ensuite une légère dose de chlore (0,20 g/m³) avant son départ dans les réseaux.
Une pompe à chaleur récupère les calories de l’eau de refroidissement des ozoneurs, afin d’assurer la climatisation du bâtiment de commande et de la salle d’ordinateur. Cette eau produite à la cote 243 est stockée dans des réservoirs de distribution situés à la cote 200 ; l’énergie est dissipée dans une turbine couplée à une génératrice asynchrone de 850 kW qui fournit du courant au réseau EDF, installée au lieu-dit « La Batarelle ».
Télécontrôle de l’usine
Une caractéristique originale de cette usine est le fait qu’elle a été conçue pour être télégérée et télécommandée depuis l’usine de Sainte-Marthe où se trouve du personnel posté.
Le dispositif informatisé de surveillance comporte une structure hiérarchisée, composée d’un mini-calculateur pour le traitement des données installé dans l’usine supervisant trois automates (dont un déporté à la Batarelle) pour l’acquisition des données et le traitement des automatismes. Les fonctions à assurer sont :
- A) la régulation de l’eau brute à débit constant ;
- B) l’automatisme de fonctionnement des filtres ;
- C) la gestion de l’usine.
Le calculateur (Solar 16-40-192 K mots – 1 unité disque – 10 méga-octets – 1 dérouleur de bande – 2 postes de contrôle [visu couleur + imprimante] dont un déporté à Sainte-Marthe, relié par ligne PTT) supporte un progiciel de contrôle industriel qui permet la transcription en clair, sur écran ou imprimante, des informations à contrôler en constituant ainsi une aide au personnel de conduite et en se substituant aux tableaux des postes de commande traditionnels.
A. Régulation de l’eau brute à débit constant
Un automate BK-210 entrées logiques – 180 sorties logiques – 80 entrées analogiques – 4 sorties analo-
… réalise les différentes boucles de régulation telles que la régulation d'eau brute, d'eau filtrée, les pré- et post-chlorations, l’ozonation ainsi que la surveillance de niveaux des réserves d'eau filtrée et des réservoirs de distribution.
En outre, un ensemble composé d’un analyseur automatique de type ampérométrique indiquant le taux de chlore résiduel en sortie des filtres et d’une vanne modulante assure la régulation de la pré-chloration. En fonction d’une valeur de consigne passée par l’opérateur, l’automate agit sur l’ouverture ou la fermeture de la vanne dont la position est proportionnelle au débit du chlore injecté à l’entrée des filtres.
Compte tenu du taux résiduel d’ozone donné par deux analyseurs placés dans chaque cuve de contact et d’une valeur de consigne, la régulation d’ozone se fait par injection d’air préalablement séché et refroidi, agissant ainsi sur la puissance de l’ozoneur. Le test du point de rosée est primordial. Un analyseur du point de rosée placé en bout d’une chaîne constituée par un appareil frigorifique et un dessicateur analyse le degré d’humidité et la température de l’air à injecter et permet l’arrêt de l’ozoneur si la valeur d’un de ces paramètres n’est pas satisfaisante.
Enfin, un analyseur d’oxydant situé en sortie de l’usine au départ du réseau de distribution permet la régulation de la chloration finale.
Par ailleurs, un automate, situé à un kilomètre, à la station de la Batarelle, transmet les informations acquises pour permettre la gestion du turbinage de celle-ci.
B. L’automatisme de fonctionnement des filtres
L’automate de filtration (PB 600 de MG – 8 K – 144 entrées logiques – 112 sorties logiques – 12 entrées analogiques) gère deux tranches de filtration (6 filtres par tranche) et assure les procédures de mise en service, ventousage, lavage et arrêt des filtres.
Pour un filtre en service, par appel de l'image détaillée d'un filtre à l'écran, l'opérateur connaît à tout moment les niveaux d’alerte (haut/bas) du filtre fournis par deux électrodes, le niveau haut du polhydra donné par une électrode et le degré de colmatage du filtre fourni par un colmatomètre qui mesure la dépression dans le polhydra (dans le cas d'un filtre propre, la dépression est très faible).
L'ordre de lavage peut être déclenché de façon automatique par le calculateur, en fonction de la perte de charge d’un filtre ou par décision de l’opérateur. Dans ce cas, comme pour le ventousage (procédure exceptionnelle utilisée pour reculer dans le temps le décolmatage complet), l’automate donne l’ordre de fermeture des vannes de sortie d’eau filtrée, l’ouverture des vannes d’eau de lavage, la mise en marche des surpresseurs, des pompes d'eau de lavage et l’ouverture de la vanne d’arrivée d’air surpressé, permettant ainsi l'envoi simultané d'eau et d'air dans le sous-filtre. Au cours de ces séquences, tous défauts ou signalisations (tels que mise en marche ou arrêt des surpresseurs et des pompes, défaut d’amorçage du polhydra, défauts d’ouverture et fermeture des vannes…) sont édités sur les imprimantes des postes opérateurs et peuvent être accompagnés d'une alarme sonore que l’opérateur doit acquitter. Par ailleurs, un historique du colmatage des filtres permet de déterminer les ordres de lavage de façon automatique.
C. La gestion de l’usine
Le calculateur interroge toutes les dix secondes chaque automate pour la réception des informations et l'envoi de commandes ou de consignes. Le déroulement de ces échanges est surveillé et le dialogue entre le calculateur et l’automate est inhibé au bout de trois échanges défectueux. Des alarmes visuelles et sonores sont déportées pour signaler ces défauts.
À partir des informations transmises par les automates, le calculateur effectue des suivis (niveaux de réservoirs, paramètres de traitement), des bilans d’exploitation journaliers et mensuels : débit et volume d’eau brute, d'eau filtrée, d'eau de lavage, temps de fonctionnement des pompes et des surpresseurs, des ozoneurs… (d'une manière générale de toutes les machines tournantes afin de déclencher les opérations d'entretien préventif), une gestion du stock des produits tels que : chlore, chlorure ferrique, bisulfite de soude… Enfin, des calculs statistiques sont effectués pour optimisation de la gestion de l’usine.
Conclusion
Nous souhaitons que cet exposé, volontairement abrégé, donne au lecteur une idée de l’œuvre accomplie par la SEM depuis plus de quarante années. Cette action soutenue n’a pu être accomplie qu’avec la confiance de la Ville de Marseille, dont l’effort financier mérite d’être souligné.