Conférence de M. le Docteur Karlheinz TROBISCH à la Conférence de presse internationale le 26 avril 1978 à Frankfurt/Höchst (R.F.A.)
L'INDUSTRIE CHIMIQUE ET L'ENVIRONNEMENT
Conférence de M. le Docteurà la Conférence de presse internationale le 26 avril 1978 à Frankfurt/Höchst (R.F.A.)
L'organisme humain se compose en majeure partie d'eau. Plus précisément, de 65 à 80 % d'eau, selon l'âge et la constitution. Ses besoins journaliers en eau sont d'environ un litre. Sans eau, la vie humaine est limitée à quelques jours seulement. Aussi, les services d'aménagement des eaux ont-ils pour tâche principale d'assurer l'approvisionnement en eau potable.
Certes, les réserves en eau ne manquent pas sur terre. Cependant, plus de 97 % de ces réserves sont constituées d'eaux marines salées. Celles-ci peuvent évidemment être transformées en eau potable, mais ce traitement est onéreux et demande la mise en œuvre d'énergies considérables. La majeure partie de l'eau douce, par contre, se trouve accumulée en des endroits éloignés et peu accessibles, à savoir dans les calottes glaciaires. Pour la production d'eau potable, nous ne disposons en tout et pour tout que de 0,015 % des réserves en eau qu’offre notre planète, notamment en provenance de la nappe aquifère, des cours d'eau et des lacs.
De surplus, l'eau potable est également employée à d'autres fins dans les ménages ainsi que pour le jardinage. En R.F.A., les besoins en eau par habitant sont de l'ordre de 150 à 200 litres par jour. À cela s'ajoute la consommation agricole et industrielle.
Les usines de distribution d’eau se voient ainsi dans l'obligation de prélever de l'eau fluviale pour satisfaire aux besoins des grandes agglomérations urbaines. Telle est l'origine du problème.
Deux solutions sont possibles qui, à l’heure actuelle, sont appliquées parallèlement : l'épuration des eaux usées dans des installations modernes et l'amélioration des méthodes de traitement pour la production d'eau potable.
LES RÉALISATIONS DU GROUPE HOECHST DANS LE MONDE
De nos jours, même l'eau du Bas-Main permet d’obtenir une bonne eau pour préparer le thé. Notre nouvelle usine d'eau de Höchst fournit 5 millions de m³/an d'eau de consommation potable, à partir des eaux du Main, soit un tiers de l'ensemble des besoins en eau potable de notre usine-mère. Le procédé employé consiste en un traitement en plusieurs étapes, mis au point par nos soins, en coopération avec la société Messer-Griesheim.
Nous sommes encore plus sollicités par la mise au point de procédés d’épuration des eaux usées. Pour le traitement ou pour l'élimination des rejets provenant de nos ateliers de production, nous exploitons à l'heure actuelle 30 installations industrielles dans le monde entier.
Chacune de ces installations a dû être réalisée « sur mesure », car les eaux usées des ateliers chimiques sont de nature et de composition très différentes. De plus, les fluctuations dans le temps sont très importantes.
Lorsque nous entreprîmes, au début des années 1960, la réalisation d'un vaste programme d’assainissement des effluents, personne n’était vraiment convaincu de sa réussite. Aujourd'hui, l'inauguration d'une station d’épuration des eaux
usées provenant de fabrications chimiques est presque chose courante. Le profane ne saurait apprécier l'importance du travail à fournir pour réaliser une telle installation. Son bon fonctionnement est un de ces miracles inattendus de la technique.
L'ÉPURATION PAR VOIE BIOLOGIQUE
Ces remarques sont valables surtout pour les stations d'épuration employant des procédés biologiques, qui, en ce qui nous concerne, sont au nombre de 16 sur 30 installations. En RFA, nous exploitons des installations de traitement biologique des eaux usées dans nos usines de Hoechst, Kelsterbach, Knapsack, Hürth, Gendorf, Gersthofen, Münchsmünster, chez Kalle et chez Ticona. Notre plus grande installation à l'étranger a été inaugurée en janvier dernier à l'usine de Lamotte (Oise) de Hoechst-France. Trois autres stations d'épuration sont en service aux États-Unis et une respectivement en Italie, au Japon et en Australie.
Le principe de l'épuration par voie biologique s'inspire de la nature : les bactéries dévorent les impuretés organiques contenues dans les eaux usées et les transforment soit en eau et en acide carbonique par oxydation, soit en substances propres à leur organisme.
LE PRÉTRAITEMENT
Le problème consiste à rendre ces impuretés appétissantes. À cet effet, de nombreuses installations de prétraitement sont nécessaires en fonction de la nature des rejets. Dans nos usines allemandes, elles sont au nombre de 415. En font partie, les bassins de décantation où l'on sépare les solvants et les boues. Les installations d'oxydation sont destinées avant tout à la destruction de matières colorantes dont les molécules sont d'une taille telle qu'elles ne sauraient être digérées par les bactéries. Dans les installations de neutralisation, les acides sont transformés en sels inoffensifs pour les bactéries. Les matières finement dispersées et insolubles dans l'eau qui ne se déposent pas dans les bassins de décantation sont précipitées par floculation chimique.
Le stripping permet d'éliminer les substances volatiles par entraînement à l'azote ou à l'air comprimé. Les colonnes de distillation exploitent les différents points d'ébullition de l'eau et des impuretés. Les eaux usées contenant des germes pathogènes doivent être stérilisées avant leur arrivée à la station centrale. Dans d'autres installations enfin, les impuretés sont adsorbées sur du charbon actif, extraites à l'aide de liquides insolubles dans l'eau ou encore par filtration. Cette énumération des principaux procédés de prétraitement des différentes eaux de fabrication n'est nullement exhaustive.
Les eaux ainsi prétraitées sont ensuite réunies sous une forme aussi concentrée que possible, afin d'obtenir un effet d'épuration élevé dans les bassins d'épuration biologique. Pour ce faire, il est nécessaire de séparer surtout l'eau de refroidissement qui représente entre 80 et 90 % de la consommation totale d'eau d'une usine chimique. Dans la plupart de nos usines, nous avons construit un réseau de canalisations séparées pour les eaux destinées à l'épuration par voie biologique. Ici, à l'usine-mère, où les débuts de la production datent d'il y a plus de cent ans, il a été particulièrement difficile d'en fixer le tracé ou de le rendre accessible. Pour ne pas perturber la circulation à l'intérieur de l'usine, ces canalisations ont dû être réalisées, dans la plupart des cas, en construction souterraine. La pose des tuyaux, d'une longueur totale de 12 km, a coûté 35 millions de DM. Il s'agit de tuyaux d'un diamètre de 1,20 m en Hostalen résistant à la corrosion. Cette matière plastique fait partie de notre gamme de production.
LES CINQ ÉTAPES DU TRAITEMENT PROPREMENT DIT
Une station d'épuration par voie biologique des eaux provenant d'une fabrication chimique comporte généralement cinq étapes successives. Après neutralisation par traitement chimique, l'eau usée brute est additionnée d'agents de floculation. Les solides ainsi formés ou se trouvant auparavant dans l'eau usée sont ensuite éliminés par un prétraitement mécanique. La dégradation biologique proprement dite intervient ensuite dans les bassins d'activation de notre propre station. Sous introduction simultanée d'oxygène (air), les eaux sont mélangées à des boues de bactéries appelées « boues activées » par les spécialistes. Contrairement aux eaux communales, les eaux usées des ateliers chimiques présentent un déficit en phosphates. D'où la nécessité d'une addition de sels nutritifs contenant des phosphates afin de permettre aux bactéries de synthétiser leurs propres protéines dont le phosphore est un des éléments constitutifs. La quatrième étape est constituée par un post-traitement permettant de séparer les boues activées de l'eau épurée.
Enfin, une cinquième opération est nécessaire pour épaissir et déshydrater les boues formées. En effet, on obtient des boues d'une part lors du prétraitement, et d'autre part aussi, durant le post-traitement, où l'on est obligé de soutirer continuellement une certaine quantité de boue activée étant donné que les bactéries se multiplient en dévorant les impuretés. La boue déshydratée peut être mise à la décharge sans aucun risque. C'est ce que nous pratiquons d'ailleurs dans la plupart des cas. À Wiesbaden, nous avons cependant choisi une autre voie, en compostant les boues mélangées à des ordures ménagères broyées. À Gersthofen, les boues sont incinérées. Certains sous-produits de la purification des cires, à valeur calorifique élevée, y sont employés comme combustibles.
Nos différentes mises au point dans le domaine de l'épuration biologique des eaux usées provenant d'installations chimiques concernent d'une part l'amélioration des équipements mécaniques, tels les racles pour l'évacuation des boues, les agitateurs et les dispositifs de déshydratation et de stockage des boues, mais aussi et surtout la conception de l'étape biologique. Lors de l'extension de nos installations d'épuration à l'usine-mère, nous avons renoncé pour la première fois aux bassins peu profonds, usuels auparavant, et équipés d'aérateurs insufflant l'air par le haut. Le manque de place et le souci d'éviter toute pollution par l'odeur ou par le bruit sont les principales raisons de ce changement dont nous reparlerons plus tard de façon détaillée. Nous étudions actuellement la mise au point de bioréacteurs à encombrement encore plus réduit, en mettant à profit l'expérience que nous avons acquise dans le domaine de la fermentation.
L’économie d'énergie joue également un rôle important dans ce contexte. Les installations d'épuration par voie biologique exigent une consommation relativement importante d'énergie électrique. La puissance installée de notre station de Hoechst est de 9,3 MW (éclairage déduit). L'épuration par voie biologique de toutes les eaux usées communales et industrielles rejetées en République Fédérale d’Allemagne exigerait approximativement 1000 MW, puissance qui est de l'ordre de celle d'une grande centrale nucléaire.
Nous examinons d’autre part les possibilités d'utilisation des boues biologiques excédentaires. En principe, ces boues conviennent à l’amélioration des sols. Cependant, les importantes quantités d’énergie que réclame leur séchage excluent une telle utilisation. Leur teneur en protéines de haute qualité suggère d'autre part leur emploi comme adjuvant aux aliments pour bétail. Les sévères exigences en matière de pureté de ce genre de produits constituent, jusqu’à présent, un obstacle insurmontable.
L'ÉPURATION PAR VOIE THERMIQUE
Pour les eaux usées particulièrement chargées, on peut aussi faire appel aux procédés d'épuration par voie thermique. Hoechst AG a mis au point un tel procédé d'incinération des eaux usées provenant des ateliers de fabrication de la matière première utilisée pour la production de sa fibre polyester Trevira. Après évaporation de l'eau, les impuretés organiques sont incinérées à une température voisine de 900 °C dans une chambre de combustion en mélange avec les gaz chauds d'un brûleur à fuel. On obtient ainsi du gaz carbonique et de l'eau. La chaleur résiduelle est utilisée dans une chaudière pour la production de vapeur. Les difficultés techniques du procédé résidaient dans la nécessité d'assurer une exploitation optimale de la chaleur. Il fallut en outre résoudre les problèmes de corrosion posés par la présence d’acide formique dans les eaux. De telles installations ont été construites par nos soins dans nos usines de Gersthofen et d'Offenbach, à Vlissingen (Pays-Bas) et à Spartanburg (USA).
Par ailleurs, nous exploitons quatre grandes installations d'épuration par voie thermique fonctionnant suivant d'autres procédés. À Griesheim, des résidus d'acide sulfurique aqueux provenant de la production de produits intermédiaires sont traités par distillation. L'acide concentré obtenu est recyclé. Les sept unités de distillation de cette installation ont une capacité annuelle de 60 000 t d'acide sulfurique.
À Kelheim, les lessives résiduelles fortement chargées provenant de la production de fibranne sont évaporées et incinérées en utilisant du fuel.
À Münchsmünster, nous disposons d'un four d'incinération permettant d’éliminer les effluents de la production d’acrylonitrile, fortement chargés de matières organiques, avec d'autres résidus liquides ou gazeux. Les eaux provenant de la production de polypropylène sont également fortement concentrées. Elles sont traitées par distillation dans une installation de Hoechst AG située en France.
Outre les installations d’épuration par voie biologique ou thermique, il convient de citer les stations centrales d'épuration associant des procédés mécaniques et chimiques, installations qui revêtent également une certaine importance. De telles installations sont en service dans nos usines d'Offenbach et de Hambourg, en Italie, aux Pays-Bas, en Suède et aux États-Unis.
Le diagramme ci-contre indique la capacité de nos installations d’épuration en République Fédérale d’Allemagne. Cette capacité est exprimée en demande biologique d’oxygène DBO₅, ce qui correspond approximativement à la consommation d’oxygène qui se produirait dans les cours d'eau, si les eaux usées étaient déversées à l'état non traité. La courbe illustre les efforts consentis par Hoechst AG ces dernières années dans le domaine de l'épuration des eaux usées.
UN EFFORT DE RÉALISATION QUI SERA POURSUIVI
Et cependant, tout n'est pas encore parfait. En RFA, nos usines de Griesheim et de Kelheim ne disposent toujours pas d'une installation d’épuration centrale. Les études sont achevées, les demandes d'autorisation introduites depuis un certain temps, si bien que la construction pourra commencer prochainement.
Par contre, des difficultés subsistent en ce qui concerne la station d’épuration commune de notre usine d’Offenbach et de Cassella. Quoique les discussions et négociations soient en cours depuis des années, il n'a pas été possible jusqu'ici de trouver un site d'implantation. Nous regrettons de devoir constater qu'un accord entre les villes d'Offenbach et de Francfort ne semble pas en vue. Aussi, nous efforçons-nous de trouver des solutions techniques permettant la réalisation de cette installation sur notre propre terrain. Des essais en cours depuis décembre 1977 avec un bioréacteur, essais qui ont déjà coûté un million de DM, commencent à se révéler prometteurs. Le chemin menant à la réalisation de ce projet demeure long et épineux. De plus, la construction d'une installation d'épuration dans un espace réduit ne saurait être la meilleure des solutions. Quoi qu'il en soit, elle demeure toujours préférable à rien du tout…
Dr K. TROBISCH.