Your browser does not support JavaScript!

L'incinération des déchets industriels : les solutions récentes

28 decembre 1983 Paru dans le N°79 à la page 29 ( mots)
Rédigé par : R. JOFFRE

La présente étude a pour objet de passer en revue les divers procédés opérationnels d’incinération de déchets industriels existant sur le marché ainsi que les matériels correspondants. Nous examinerons au préalable comment les déchets se distinguent entre eux.

Déchets ou résidus industriels :

en fait un « déchet » veut dire « ce qui n’a pu être utilisé, ce que l’on doit éliminer », tandis qu’un « résidu » est la conséquence d’une action d’agents chimiques, partie que l’on doit également éliminer ; ces deux termes seront employés indifféremment.

Ils peuvent être solides, liquides ou gazeux :

— solides

C’est d’abord le cas des résidus urbains (ou ordures ménagères) qui ne nous concernent pas ici.

Les solides de l’industrie peuvent revêtir deux formes, selon que leur point de fusion est supérieur ou inférieur à la température de combustion. Dans le premier cas (celui des O.M. et de nombreux déchets industriels), les produits de combustion sont des gaz (CO2 - H2O - etc.) et des cendres solides, à éliminer. Dans le second cas, les produits à incinérer fondent avant combustion, quand ils ne se contentent pas d’un ramollissement. Si l’on ne prend pas de précautions, il peut se produire des colmatages (cendres fondues).

Des précautions semblables peuvent être à prendre avec des déchets pâteux, c’est-à-dire déjà ramollis à température ambiante.

— liquides

On distingue :

— les liquides à faible PCI qui peuvent être incinérés à relativement basses températures, mais qui exigent souvent un appoint en combustible. C’est le cas des boues d’épuration d’eaux résiduaires qui ne seront pas traitées ici,

— les liquides à haut PCI (cas de nombreux solvants), qui sont en général autocombustibles et même peuvent servir de combustibles d’appoint ; ils nécessitent néanmoins certaines précautions et certaines sécurités et proviennent souvent de laboratoires : par exemple, les solvants.

— gazeux

Les gaz contiennent souvent des particules liquides ou solides en suspension. Il y a lieu de distinguer :

— ceux contenant des matières nuisibles pour l’environnement, principalement des sels contenant du chlore, du fluor, du soufre, du phosphore, etc. Dans ce cas, la combustion thermique conduira à des gaz résiduaires nuisibles qu’il faudra éliminer,

— ceux qui ne contiennent pas de telles matières et dont la combustion s’avère plus aisée.

Ils peuvent contenir des produits toxiques, substances qu’il serait dangereux ou nuisible d’incinérer directement.

Un prétraitement chimique est nécessaire pour éliminer ces toxiques et permettre ensuite l’incinération normale des résidus.

Doit-on récupérer ou incinérer les déchets ?

Les décharges sauvages (incontrôlées) sont interdites et les décharges « contrôlées » seront de plus en plus limitées (place perdue, risque de pollution aérienne et phréatique, etc.). Dans ces conditions que peut-on faire des déchets ? Il faut alors, soit les récupérer, soit les incinérer :

— les récupérer... pour cela, il existe de nombreuses possibilités que nous ne pouvons exposer ici ; par exemple, pour certains gaz, il peut être intéressant de récupérer des solvants au moyen de charbon actif, mais les cas de récupération sont évidemment limités à la rentabilité de l’opération,

— les incinérer... ceci constitue le moyen le plus simple de s’en débarrasser, sans oublier néanmoins que les problèmes suivants subsisteront : se débarrasser des cendres produites (question que nous n’évoquerons pas ici), épurer les gaz de combustion, ce que nous verrons plus loin, récupérer une partie de la chaleur latente des gaz résiduaires, ce que nous traiterons également.

Nous examinerons successivement : les matériels employés dans les techniques de l’incinération, et les procédés.

1 - LES MATÉRIELS

LES FOURS D’INCINÉRATION

Ils se classent en trois groupes :

— les fours « à grilles » :

Il s’agit de fours dérivés des foyers de chaudières à combustibles solides ; ils ne sont pas utilisables pour les déchets industriels mais constituent l’ensemble des fours d’incinération des résidus urbains.

— les fours « de grillage » :

Dans cette catégorie, on trouve les trois types dérivés des fours métallurgiques de grillage des minerais sulfurés, destinés à éliminer le soufre et à produire des oxydes, utilisés pour la fabrication des métaux non ferreux.

Le plus ancien est le four tubulaire rotatif qui est celui possédant le plus mauvais rendement thermique mais d’une grande souplesse, capable d’incinérer la plus grande partie des résidus solides et même des liquides. Nous verrons qu’il constitue le type le plus courant, utilisé pour les résidus industriels. Il sera décrit au chapitre II.

Le four vertical à étages, ou à « soles tournantes », est, par contre, celui qui possède le meilleur échange thermique. Malheureusement, sa complexité ne lui permet d’absorber ni des solides massifs de l’industrie, ni des liquides. Il faut y introduire des boues assez épaisses ; c’est un appareil idéal pour incinérer les boues d’épuration provenant des stations de traitement d’eaux urbaines et quelquefois industrielles, à condition qu’elles ne renferment aucun produit explosif. Il s’agit de résidus que nous ne traiterons pas ici.

Le four à lit fluidisé, ou « à turbulence », est le plus moderne ; son rendement thermique est moins bon que celui du four à étages, mais il est plus simple et permet d’accepter des boues à risque explosif. Toutefois, il ne peut être chargé qu’avec des boues parfaitement pompables (cas des boues d’épuration de station de traitement d’eaux, principalement industrielles) et qui ne nous occupent pas dans cet article.

— les fours à combustion thermique

Cette expression n’est pas un pléonasme ; ce type de four est ainsi désigné pour le distinguer des fours à combustion « catalytique ». On appelle couramment ceux-ci des « chambres de combustion ».

Les fours à combustion thermique sont particulièrement bien adaptés aux résidus industriels liquides et gazeux ; ils seront décrits plus loin.

Les chambres de combustion sont de deux types :

  • — horizontales, lorsque les résidus ne contiennent pas de sels,
  • — verticales, lorsque ceux-ci contiennent des matières solides et surtout des sels.

LES DISPOSITIFS D’ÉPURATION DES GAZ DE COMBUSTION

Incinérer les déchets signifie lutter en faveur de l’environnement ; mais il ne s’agit pas d’éliminer cette pollution en en créant d’autres : les cendres et les gaz résiduaires.

Les cendres ne comportant plus de matières volatiles ou organiques peuvent avoir diverses applications (épandage par exemple).

Par contre, les gaz contiennent en général des poussières en suspension, sans compter des composés gazeux nocifs, en général oxydes de soufre, acides chlorhydrique, fluorhydrique, NOx, etc., et leur épuration apparaît donc indispensable.

Les séparateurs à sec

Les dépoussiéreurs existant sur le marché et qui travaillent avec des gaz secs et chauds, à savoir : séparateurs mécaniques (cyclones, multicyclones, etc.), séparateurs à couches filtrantes (filtres à manches, à graviers, etc.) et dépoussiéreurs électriques ne peuvent résoudre que le problème du dépoussiérage et non pas celui des composés gazeux nocifs. Ils seront donc utilisés chaque fois que ces derniers seront inexistants ou en faible quantité.

Les séparateurs mécaniques, compte tenu de leur faible efficacité, ont un rôle souvent limité à celui de prédépoussiéreur, pour décharger l’appareil principal ; ils ne sont pas adaptés aux déchets industriels. Les séparateurs à couches filtrantes, très efficaces, sont malheureusement très sensibles aux variations de température des gaz et leur emploi est également déconseillé avec des résidus industriels. Seuls les électrofiltres sont d’une utilisation possible sur les gaz résiduaires de fours d’incinération, à condition que les déchets mis en jeu justifient une dépense élevée d’investissement. Par conséquent, on les rencontre davantage derrière des fours d’incinération de résidus urbains ou de boues d’épuration d’eaux communales ou industrielles que sur ceux des résidus industriels qui nous occupent ici. Nous nous dispenserons donc de décrire ce matériel.

Les séparateurs humides

Ce sont les épurateurs plus communément désignés sous le nom de « laveurs de gaz ». Ils présentent divers avantages et inconvénients :

  • — si l’on désire un dépoussiérage efficace, il faut augmenter la perte de charge, d’où une plus grande exigence énergétique qu’un dépoussiéreur électrique,
  • — par ailleurs, les poussières sont recueillies sous forme d’eau boueuse qu’il faut retraiter,
  • — le gros avantage par rapport aux procédés secs est la possibilité de traiter des gaz chargés de polluants basiques ou acides, l’eau de lavage pouvant contenir un liquide de neutralisation. C’est ainsi en particulier que les acides sulfureux (SO₂), chlorhydrique (HCl), phosphorique (P₂O₅) peuvent être piégés dans un laveur.

— les laveurs à tube « Venturi »

Dans ce type de laveur (figure 1), la fumée chargée de poussières est accélérée dans le cône d’entrée du Venturi et atteint sa plus grande vitesse dans la section étroite (le col), où elle ren-

[Photo : Laveur à « Venturi »]

contre le liquide de lavage pulvérisé en gouttelettes fines. Grâce à ce contact poussières-gouttelettes, les particules sont humidifiées.

L'effet de lavage augmente avec la perte de charge croissante, laquelle entraîne une turbulence plus grande dans la zone de lavage, ceci parce qu'un vortex intensif s'établit entre les gouttes de liquide et le gaz contenant la poussière. Les gouttelettes, entraînées après le laveur par le courant gazeux, sont précipitées par la force centrifuge dans un séparateur ou dans un cyclone humide de telle façon que le gaz épuré quitte l'installation de lavage sans entraîner de gouttes d’eau.

Pour une efficacité de dépoussiérage de 99 %, la consommation d’énergie est d’environ 1 kWh/1 000 Nm³ de fumées. Le débit du liquide de lavage nécessaire s'élève à environ 0,8 l/m³ de fumée.

— les laveurs à « courant radial » (dits à haut rendement)

Avec ces laveurs il est possible, sans difficultés, d’accepter des fumées à une température d’entrée de 1 000 °C et plus, de les refroidir et de les laver. Dans la partie supérieure du laveur (figure 2), appelée zone de « quench », les fumées sont refroidies spontanément en dessous du point de rosée, grâce à la pulvérisation d'une quantité d’eau déterminée et sont introduites dans la zone suivante, dite de lavage.

[Photo : Laveur à courant radial]

La figure 3 représente le principe de fonctionnement de cette zone qui est constituée d’une chambre annulaire entre deux plateaux inclinés en sens contraire, et d’aubes directrices à l’extrémité des plateaux. Les gaz sont intimement mélangés à l’eau de lavage, et les particules de poussières, incorporées aux gouttelettes de liquide, sont précipitées grâce au mouvement cyclonal provoqué par les aubes directrices ; le gaz épuré est collecté sous le laveur.

[Photo : Zone de lavage du laveur à courant radial]

Le débit d’eau pulvérisée est plus élevé que dans le laveur Venturi (1,0 à 1,5 l/Nm³ de fumées) et la perte de charge peut être très élevée, si l’on désire une grande efficacité.

L’avantage essentiel des laveurs à haut rendement, par rapport aux laveurs Venturi, repose sur le fait qu’ils sont réglables en fonction du débit du gaz à traiter. Le réglage s’effectue dans la zone de lavage de la façon suivante : le fond, qui supporte le plateau inférieur, est relevé ou abaissé, de telle façon que la section de passage est soit diminuée, soit augmentée. Le réglage de la section de passage est assuré par un système électrique basé sur la pression différentielle du gaz, et actionné par pression d’huile. Dans le laveur à courant radial, on dépasse facilement une efficacité de dépoussiérage de 99 %.

Comme les fumées provenant d’incinérateurs de boues ou de déchets contiennent des matières corrosives qui, avec l'eau, attaquent la matière constituant le laveur, il est nécessaire d’étudier particulièrement le choix de celle-ci. Dans ce but, les petites installations de lavage, comme les équipements situés en aval, sont construits en acier spécial anticorrosif. Dans les unités plus grandes, on utilise en général de l'acier ordinaire avec revêtement (par exemple ébonitage). On ajoute souvent une eau alcaline à la solution de lavage, ce qui présente l’avantage de neutraliser les fumées tout en réduisant les risques de corrosion. Les hautes températures d’entrée obligent à prévoir un garnissage réfractaire dans la partie chaude du laveur (zone de quench).

II — LES PROCÉDÉS

On dispose donc essentiellement, pour l’incinération des déchets de l'industrie, du four rotatif et du four à combustion thermique (ou chambre de combustion). Les deux fours sont en général associés pour le traitement des déchets solides ou

solides-liquides traités simultanément ; par contre le four à combustion thermique sera réservé à l'incinération des résidus liquides et gazeux.

Nous traiterons ces deux cas dans les lignes qui suivent.

L'INCINÉRATION AU MOYEN DU FOUR ROTATIF

On a vu que le bon vieux four tubulaire rotatif, au mauvais rendement thermique, était le type « avale tout » et qu’il constituait le type le plus adapté à l'incinération des déchets de toute nature.

Dans l'industrie chimique, on peut être amené à traiter :

a) des déchets liquides à haut PCI (supérieur à 3 th/kg),

b) des déchets solides, qui se présentent sous les formes les plus variées et quelquefois dans des fûts (principalement pour les « pâteux »).

Dans le cas de la combustion en four rotatif, les variations de températures sont importantes (800 à 1 000 °C) : elles s’expliquent par la discontinuité de l’alimentation en déchets ; d’autre part, la combustion n’est pas toujours parfaite, comportant des risques d’agglomération (granulation) des produits. Pour ces raisons il est, presque dans chaque cas, nécessaire d’installer en aval du four une chambre de post-combustion du modèle de celle que nous décrirons, équipée de brûleurs à régulation automatique ; suivant le produit à incinérer, la température varie de 900 à 1 200 °C.

Tandis que les déchets solides et des résidus liquides à bas PCI sont introduits dans le four, les liquides à haut PCI, introduits dans la chambre de post-combustion, lui permettent en général de fonctionner sans addition de combustible. Le four s’inscrit dans une installation d’ensemble que nous décrirons ci-après.

Le four rotatif

Les déchets sont introduits par une trémie, à une extrémité du four, légèrement incliné et en rotation lente : celle-ci est commandée par moto-réducteur entraînant une couronne dentée. Le four possède des anneaux porteurs reposant sur des galets de roulement.

[Photo : Schéma d'un four rotatif. 1. Alimentation. — 2. Four rotatif. — 3. Anneau. — 4. Galets. — 5. Support de galets. — 6. Galets. — 7. Sortie poussières. — 8. Couronne dentée. — 9. Pignon avec supports. — 10. Motoréducteur. — 11. Moteur. — 12. Embrayage. — 13. Tête de sortie. — 14. Raccordement brûleur. — 15. Sortie cendres. — 16. Sortie gaz. — 17. Entrée déchets.]

L'air de combustion et les déchets cheminent vers l’autre extrémité du four : échange thermique équi-courant. Les cendres et les gaz sortent en tête du four.

En raison de la composition hétérogène des déchets, il faut porter une grande attention au choix du réfractaire, considéré souvent comme « pièce d’usure ». Seule l'expérience acquise sur de nombreuses installations permet de cerner les problèmes de corrosion, d’érosion et de chocs thermiques.

L'unité globale d’incinération

Les déchets solides sont repris par le grappin dans la trémie d’alimentation et dosés par un sas afin d’assurer une alimentation homogène et régulière.

[Photo : Unité globale d’incinération.]

Les déchets liquides sont transférés par pompes doseuses à partir du bac de stockage, à des brûleurs spéciaux qui permettent de brûler à la fois des produits à haut et bas pouvoir calorifique. Ces brûleurs sont situés à l'entrée du tambour rotatif et dans la chambre de post-combustion.

Les solides, grâce à la rotation lente du tambour, sont malaxés et brûlés. Les fumées sont portées à 1 100 °C dans la chambre de post-combustion pour assurer une combustion complète des particules organiques. L’humidificateur de cendres réalise l’étanchéité de l’ensemble et le refroidissement des scories. Sur le schéma, on remarquera que les fumées d’incinération de boues provenant d'un four à lit fluidisé sont mélangées aux gaz dans la chambre de combustion. Ceux-ci traversent ensuite soit un réchauffeur d’air de combustion, soit une chaudière de récupération pour production de vapeur, en vue de valoriser le procédé et d’économiser notre énergie si précieuse.

Les poussières, l’acide chlorhydrique, l'anhydride sulfureux, ainsi que les aérosols sont piégés dans un laveur à haut rendement. Les fumées refroidies sont reprises par un ventilateur et renvoyées dans l'atmosphère par l’intermédiaire d'un séparateur de gouttelettes et d'une cheminée. Une telle installation assure une destruction complète des matières organiques, tout en étant conforme aux normes antipollution les plus sévères.

Récupération de chaleur

Celle-ci peut revêtir deux aspects : réchauffage de l’air de combustion et/ou production de vapeur d'eau pour usages externes.

Étant donné la nature très hétéroclite des déchets, il y a lieu d’éviter deux embûches :

- les risques d’encrassement des échangeurs,

- les risques de corrosion aux points froids.

La « chaudière » adoptée est en général du type à trois passages (figure 6).

[Photo : Figure 6.]

Le premier passage, vertical à parois tubulaires, ne comprend aucun organe interne s'opposant au passage des gaz, constitue ainsi une chambre de détente et comporte une trémie à sa partie inférieure.

Lors du passage des fumées et du fait de leur refroidissement, une partie des cendres vient se piéger soit sur les parois (nettoyage par soufflage ou martelage-grenaillage), soit dans la trémie (extraction par sas en inox haute température, avec vis sans fin).

Les deux autres passages, comprennent les échangeurs de chaleur les plus sensibles à la corrosion, entre autres le réchauffeur d’air et l’économiseur ; l'air de combustion peut être ainsi préchauffé en deux étages jusqu’à 300 °C environ, ce qui constitue une économie d'énergie non négligeable.

Quant à l’économiseur, il permet de réchauffer jusqu’à plus de 190 °C l'eau d’alimentation de la chaudière (bâche alimentaire). Pour éviter les risques de corrosion sur ce circuit, on préchauffe cette eau jusqu’à 130 °C par exemple par passage dans le ballon de la chaudière et on maintient constante la température des fumées de 220 °C à la sortie, en réglant la température de l'eau à l'entrée de l’économiseur au moyen d'une vanne de régulation à trois voies.

Épuration des gaz résiduaires

La chambre verticale de post-combustion constitue une sorte de chambre de détente permettant de piéger une partie des impuretés physiques des fumées en même temps que des scories provenant du four, d'où un prédépoussiérage soulageant les échangeurs de chaleur qui suivent. On a vu que ceux-ci (chaudière) comportaient une première chambre verticale où une autre partie des matières en suspension est précipitée, ce qui soulage à nouveau le dépoussiéreur proprement dit.

Le laveur à haut rendement (à courant radial) est tout particulièrement adapté à l’épuration de ce type de fumées. En effet, la possibilité de réglage de la pression différentielle (perte de charge) en continu permet de régler l'efficacité de l’épuration à la valeur désirée.

L'eau de lavage aura un pH ajusté en fonction du pH des gaz, la plupart du temps « acide ». On utilise quelquefois du lait de chaux (bon marché mais peu agréable à manipuler) ou mieux de la soude caustique.

Un dépoussiérage à sec (électrofiltre par exemple) serait adapté à la seule captation des poussières, mais ne permettrait pas d’éliminer les gaz toxiques (acides). Il faudrait alors ajouter un laveur en série.

Bilan thermique

À titre d’exemple, le bilan thermique d'une installation réalisée à Saint-Vulbas (Ain) s’établit comme indiqué au tableau 1.

L’équilibre thermique peut être atteint par auto-combustion, ce qui constitue les meilleures conditions de marche ; toutefois, le four tournant qui fonctionne avec un très fort excès d’air (parfois supérieur à 100 %), est rarement autothermique et un apport calorifique complémentaire (fioul en général) est souvent nécessaire, au démarrage par exemple.

La chaleur latente des fumées représente 44 % des pertes caloriques, ce qui justifie pleinement la récupération partielle de chaleur étudiée ci-avant au présent chapitre.

L'INCINÉRATION AU MOYEN DU FOUR À COMBUSTION THERMIQUE

Qu’il s’agisse d’eaux résiduaires, difficiles à épurer par traitement biologique, de résidus liquides comme des solvants par exemple et en trop faible quantité pour être récupérables ou de gaz résiduaires pollués, nous avons à notre disposition le type d'incinérateur à combustion thermique, évoqué au chapitre I. Nous étudierons le cas des divers résidus qui, suivant leur nature sont traités soit dans une chambre horizontale, soit dans une chambre verticale.

Résidus ne contenant ni sels ni matières solides

Ils sont incinérés dans une chambre de combustion horizontale à

TABLEAU 1Bilan thermique de la station d’incinération de Saint-Vulbas (en th/h)
Four Chambre Total
- Apport de chaleur
Par les résidus................. 1 820 8 110 9 930
— Pertes
— Rayonnement ........... 280 620 900
— Cendres ................. 20 80 100
— Fumées * vers chambre 4 510 4 510
— Air de combustion ..... 740 3 680 4 420
TOTAL ....................... 1 040 8 890 9 930
[Photo : Fig. 7 – Schéma de procédé d’un incinérateur de résidus combustibles liquides ou aqueux. a résidus aqueux (eaux résiduaires) b résidus combustibles liquides c agent d’atomisation (vapeur ou air comprimé) d air de combustion e air secondaire f eau alimentation g vapeur h gaz épuré E chambre de combustion F chaudière de récupération G ventilateur d’air de combustion]

Deux étages, mise au point par nos soins, il y a plus de dix ans, et dont le schéma est reproduit sur la figure 7.

Les déchets liquides et les gaz résiduaires à pouvoir calorifique élevé sont brûlés ensemble avec le combustible d’appoint dans la chambre à flamme A. L’incinération s’effectue à des températures élevées et pendant des temps de séjour courts ; presque toute l’énergie est libérée dans cette chambre.

L’incinération peut s’effectuer avec excès ou manque d’air, suivant les cas. La présence de composés organiques azotés est, par exemple, un cas typique pour l’incinération en défaut d’air afin d’éviter la formation de vapeurs nitreuses.

Les fumées chaudes venant de la chambre A sont dirigées vers la chambre de réaction B et sont à ce stade mélangées à de l’air secondaire, si nécessaire. Les résidus aqueux y sont pulvérisés par une lance, et s’évaporent spontanément en fines gouttelettes. En traversant la chambre B, les composés organiques aqueux brûlent à une température de 800 à 1 000 °C, avec une durée de séjour des fumées de 1 à 2 secondes, et une teneur en oxygène de 1 à 2 % (en volume).

Un combustible d’appoint est nécessaire, d’abord pour l’incinération de résidus liquides à faible pouvoir calorifique et ensuite, d’autant plus que la température de réaction, l’excès d’oxygène et la perte calorifique sont élevés.

Composition des effluents

Le tableau 2 indique une composition-type de l’effluent à incinérer (eaux résiduaires et effluent gazeux). L’analyse des fumées montre que celles-ci peuvent être évacuées sans épuration.

À titre d’exemple, la composition des résidus d’une unité d’acrylonitrile peut être la suivante :

  • acide cyanhydrique résiduaire (liquide ou gazeux) : 1 600 kg/h
  • eaux résiduaires : 19 000 kg/h
  • gaz résiduaires : 56 000 Nm³/h

Le débit de fumée à la cheminée est alors au maximum de 155 000 Nm³/h et l’on obtient une production de vapeur (40 bars, 350 °C) qui peut atteindre 44 t/h.

L’acide cyanhydrique résiduaire, à pouvoir calorifique élevé, est brûlé à très haute température avec le combustible d’appoint dans la cheminée à flamme A.

L’eau résiduaire, à faible pouvoir calorifique, est injectée par lances dans la chambre de réaction B. Les gaz résiduaires, à faible pouvoir calorifique, sont injectés par un canal circulaire plus avant dans la chambre de réaction, dans laquelle les impuretés sont brûlées à 900 °C environ.

Par ce processus, l’incinération s’effectue en étapes ; les températures de réaction décroissent et les temps de séjour augmentent. La récupération de la chaleur sous forme…

TABLEAU 2

Résidus liquides à incinérer

Débit d’eaux résiduaires2,2 m³/h
Pollution des eaux résiduairesaldéhydes, acides organiques, concentration : env. 40 g C/l
Pouvoir calorifique de l’eau résiduaireenv. 320 kcal/kg
Débit des effluents gazeux6 000 – 8 000 Nm³/h
Pollution des effluents gazeuxhydrocarbures, CO, concentration : env. 46 g C/Nm³
Pouvoir calorifique des effluents gazeuxenv. 650 kcal/Nm³
Durée de séjour1 à 1,2 s
Charge de la zone de combustionenv. 0,3 million kcal/m³/h

Analyse des fumées

Température dans la chambre de combustion (°C)830830920
CO (vol.-ppm)7501 000100
C org. (mg/Nm³)< 10< 10< 10
HCHO (mg/Nm³)< 1< 1< 1
NOₓ (vol.-ppm)5510
O₂ (% vol.)2,01,21,75
[Photo : Incinération avec production de vapeur.]

La ligne de production de vapeur peut être réalisée sans difficultés puisque les résidus sont presque dépourvus de matières solides minérales et qu’au cours de l’incinération aucun composé corrosif ne se forme dans les fumées.

L’épuration des fumées ne s’avère pas nécessaire puisque les gaz résiduaires sont dépourvus de particules solides.

Signalons que, dans certains cas, on peut être amené à associer un four rotatif (déchets solides et liquides à bas PCI) avec une chambre de post-combustion (déchets à haut PCI) et une chambre de combustion verticale (élimination de sels), y compris récupération de chaleur et lavage de gaz (figure 11).

Résidus contenant des hydrocarbures chlorés

De tels problèmes peuvent se rencontrer, par exemple, dans les effluents liquides ou gazeux des unités de chlorure de vinyle.

Dans ce cas, on utilise encore la chambre de combustion horizontale en deux étages. Dans le premier compartiment A sont incinérés les résidus liquides à haut PCI, tandis que les effluents gazeux à plus bas PCI sont envoyés dans la zone B de post-combustion. Dans ce cas, si les gaz sont dépourvus de poussières, ils contiennent néanmoins une quantité importante d’acide chlorhydrique qu’il est nécessaire de récupérer.

À cet effet et après passage dans une chaudière de récupération de chaleur, le gaz refroidi à 300 °C est saturé dans un compartiment de lavage pour pénétrer dans une colonne d’absorption de HCl. L’acide chlorhydrique à 18 % est récupéré et le gaz résiduaire, débarrassé des traces de chlore, peut être évacué sans autre épuration à l’atmosphère.

Résidus contenant des sels ou des matières solides

Nous avons conservé ce cas, le plus complexe, pour la fin. Le type de résidus à éliminer peut provenir d’usines de fabrication de produits chimiques tels que glycols, polyols, amines, agents de tension superficielle, détergents, dérivés de cellulose, etc. Quelques résidus de production contiennent de fortes concentrations en matières solides minérales, comme par exemple du NaCl et du Kieselguhr. La séparation des sels provoque de grandes difficultés. Ils possèdent, à la température de réaction, une certaine pression de vapeur et forment, lors du refroidissement des fumées, de fines particules (aérosols) d’un diamètre inférieur à un micron.

Les recherches ont montré qu’il est plus opérant de séparer ces aérosols par voie humide (laveurs à haute performance). Bien que des pertes de charge relativement élevées soient nécessaires pour une séparation intensive, ce type de laveurs est préférable en raison de sa sécurité de marche.

Le diagramme de la figure 8 présente des résultats de mesures typiques pour ce genre de laveurs. Ils sont valables pour la séparation de NaCl sous forme d’aérosols à partir des fumées d’une installation d’incinération d’eaux résiduaires. Les concentrations à l’entrée sont de 3 à 10 g de NaCl/Nm³. Suivant le débit d’eau, une perte de charge de 70 à 80 mbar est nécessaire pour obtenir une séparation des sels sous forme d’aérosols jusqu’à une valeur inférieure à 100 mg/Nm³.

[Photo : Diagramme de NaCl dans un laveur.]

Ils sont traités dans une chambre de combustion verticale dont le schéma est présenté sur la figure 9.

Le principe de l’incinération en deux étages y est maintenu. Les résidus exempts de matières solides, à pouvoir calorifique élevé, sont brûlés avec le combustible d’appoint dans la chambre à flamme. Ceux à faible pouvoir calorifique (eaux résiduaires) sont injectés dans la chambre de réaction et brûlés à des températures plus basses et avec des temps de séjour relativement longs.

Du fait de la teneur en matières solides des résidus, on obtient

Élimination des déchets

[Photo : Incinération de résidus salins avec épuration des fumées (Fig. 9)]

… des sels en fusion dans cette chambre de réaction qui, étant verticale, avec sortie des fumées au sol, permet leur écoulement continu.

En raison des grandes contraintes provenant des vapeurs salines et des sels en fusion, la chambre est calorifugée en céramique afin d’éviter les pertes de chaleur. À la suite de nombreux essais en laboratoire, on a pu déterminer un matériau de revêtement satisfaisant à ces exigences.

La teneur élevée en matières solides des résidus a conduit à renoncer souvent à une récupération de chaleur. Par contre, ces matières solides rendent nécessaire l’épuration des fumées.

Refroidissement et lavage des fumées

Le refroidissement nécessaire des fumées sortant à 1 000 °C environ est combiné en pratique avec leur lavage. Les gaz chauds saturés en vapeurs salines, contenant les sels en fusion, passent de la chambre de combustion dans un refroidisseur par évaporation ; celui-ci est utilisé sans équipement de pulvérisation, comme « déversoir ». L’eau circule en circuit fermé après conditionnement. Les fumées sont alors refroidies à 90 °C environ par évaporation directe de l’eau et, en même temps, les particules solides plus grosses y sont séparées. Les aérosols salins sont ensuite traités dans un laveur à courant radial au moyen de l’eau provenant de l’étape de réfrigération.

Récupération de chaleur

Compte tenu des températures de sortie des gaz, on peut être amené à désirer une récupération de la chaleur latente de ceux-ci malgré la présence de matières solides minérales. Dans ce cas, la chambre de combustion un peu spéciale est représentée sur la figure 10.

[Photo : Chambre de combustion des résidus salins (Fig. 10)]

Les particules liquides contenues dans les fumées (pour la plupart des sels) sont séparées dans cette chambre et non entraînées avec les fumées. La masse en fusion produite est collectée dans le cône de la partie inférieure de la chambre. Elle s’écoule par une ouverture d’extraction et s’introduit dans un réservoir immergé à circulation d’eau. Les fumées chaudes de l’installation d’incinération sont dirigées par un canal latéral vers une chaudière de récupération.

Précautions à prendre dans l’emploi des fours à combustion thermique

Étant donné la nature particulière des produits incinérés dans ces chambres de combustion, un certain nombre de précautions sont à prendre, non seulement au niveau du four lui-même mais également à celui de la chaudière de récupération, précautions dont nous donnons un exemple concernant le traitement des résidus chlorés qui nécessitent :

  • — un excès d’eau dans les fumées (pour limiter la formation de chlore naissant),
  • — une température en sortie de chaudière située aux alentours de 300 °C maximum,
  • — une température de combustion voisine de 1 100 °C (pour favoriser la formation d’HCl),
  • — la limitation de la teneur en chlore (pour éviter la formation de NaOCl au moment du lavage),
  • — le calorifugeage de la chambre de combustion (pour maintenir une température de l’acier aux alentours de 300 °C),
  • — l’utilisation de matériaux réfractaires exempts de fer (pour éviter le risque de formation de FeCl₂ au contact des fumées),
  • — un bon ringardage des faisceaux tubulaires de l’échangeur de chaleur.

Il y a intérêt, en particulier, à procéder au préalable à des essais en laboratoire.

Le traitement des déchets est une industrie jeune puisqu’il y a une dizaine d’années, rares étaient les industries qui s’en préoccupaient ; en effet, compte tenu des frais qui en résultaient, elles préféraient en général les enfouir ou les remettre à une entreprise de collecte qui les transférait en décharge (plus ou moins contrôlée…).

Le souci du respect de l’environnement, de la protection des eaux et de la santé publique a porté ce problème au premier plan de l’actualité. Les solutions existent, comme nous venons de le montrer, et il n’est pas douteux qu’elles vont recevoir des applications de plus en plus nombreuses.

Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements