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L'incinération des boues avec les ordures ménagères : une solution qui arrive à point

30 janvier 1992 Paru dans le N°151 à la page 56 ( mots)
Rédigé par : Luc DELONS

Améliorer la qualité de notre environnement impose la construction de nouvelles installations d’épuration des effluents, ce qui conduit à l’augmentation du volume des boues à éliminer.

Cet accroissement engendre des problèmes d’ordres économique et écologique ; en effet, selon une étude réalisée par le Ministère de l’Environnement, l’élimination des boues peut représenter jusqu’à 50 % du total des dépenses d’épuration !

Pour résoudre ce problème, on ne dispose actuellement que de trois filières d’élimination :

  • - la mise en décharge ne constitue plus une solution satisfaisante, ce qui est marqué par la fermeture de nombreuses décharges. On en est amené à conclure que cette filière est partiellement condamnée ;
  • - la valorisation agricole serait la solution idéale, mais elle n’est pas toujours
[Photo : Module d’injection.]
[Photo : Un des injecteurs en place à la Principauté de Monaco.]

possible en raison des particularités agronomiques des terrains et de la nature des boues ;

  • l'incinération, filière extrême pour de grosses productions, qui entraîne des coûts élevés.

Ces considérations, qu’elles soient d’ordre économique, écologique ou pratique, ouvrent la voie à une solution innovatrice : l'incinération d’un mélange boues-ordures ménagères.

Le principe d’incinération de boues mélangées à des ordures ménagères n’est pas nouveau ; toutefois aucune des techniques expérimentées à ce jour n’avait permis d’incinérer ensemble ces deux déchets, de façon fiable et économique. Il a fallu attendre l'année 1989 pour mettre au point une technique satisfaisante dans ce domaine, au moment où la Société Monégasque d’Assainissement (SMA) a doté son usine d’incinération d’ordures ménagères d’un injecteur de boues IC 850 (incinération combinée à 850 °C) dans le but d’incinérer les boues de la station voisine.

Aujourd’hui cette technique a fait ses preuves, et elle peut être appliquée à la majorité des installations de cette nature.

Réalisé par les exploitants eux-mêmes, le procédé IC 850 répond parfaitement à leurs besoins, comme on le voit ci-après.

Principe

IC 850 est un dispositif qui permet de réaliser l'injection des boues dans la chambre de combustion d’un four d’ordures ménagères.

Il comporte un ensemble d’injecteurs de petit diamètre (~ 22 mm) traversant les moyens de protection thermique de la chambre de combustion ou des écrans de fours-chaudières. Chaque injecteur est constitué d’un tube de forme cylindrique, comportant un embout de forme conique, en fonte réfractaire au chrome, qui recouvre l'extrémité de la tubulure d’injection.

Les boues arrivent dans le corps d’injection par pompage sous une pression de quelques bars (en fonction de la nature et de la quantité de boue à incinérer) et se répartissent dans les différents injecteurs (figure 1). Une chaîne de régulation de pression (capteur, régulateur, enregistreur) et une chaîne de régulation de température (sonde, convertisseur, régulateur) ont été mises en place pour éviter tous les cas de malfonctionnement.

L'automatisation complète du système d'injection permet de mesurer la pression dans la chambre de distribution. On lui attribue trois grands rôles :

  • maintenir la pression appropriée à l'intérieur de la chambre de distribution, grâce au pilotage de la pompe d’amenée des boues ;
  • assurer le débouchage ou le lavage d'un injecteur en cas de surpression ou stopper l’arrivée des boues ;
  • programmer des cycles de lavage et ringardage de tous les injecteurs.

Le débouchage et le ringardage se font par l'intermédiaire de tiges rétractiles incolmatables ; quant au lavage, il est assuré par de l'eau, de l’air ou éventuellement par un produit désinfectant. La régulation thermique de chaque injecteur est réalisée par l'intermédiaire d’un circuit de refroidissement, de manière à obtenir un gradient de température linéaire tout au long de l’injecteur, en calibrant ainsi un cylindre de boue comportant une croûte superficielle dans la zone proche de la chambre de combustion.

Le tout a été conçu dans un souci de simplicité dans l’exploitation, ce qui réduit du même coup les interventions du personnel à de simples contrôles pendant les rondes.

Quant au coût d’exploitation du procédé pendant l’injection, il se limite à la consommation électrique de l'installation de pompage, des automates de l’armoire et à la consommation d’air comprimé pendant l’action des vérins pneumatiques.

Caractéristiques

L’appareil d’injection se présente sous forme de modules standards de 4, 6 ou 8 injecteurs, dont le couplage permet de répartir sur toute la largeur du foyer les embouchures d’injection.

L’emplacement ménagé entre les deux conduits d’injection dépend du type d'incinérateur sur lequel l'appareil est installé : ainsi sur un four-chaudière, si les tubes d’injection doivent traverser un écran, l’espacement est égal au pas de l’écran, et pour un four sans récupération ou sur un incinérateur sans écran, l’espacement est de 100 mm ou plus. L’évaluation du nombre et de l’implantation des injecteurs s’effectue par rapport au débit maximum de boues à incinérer ainsi que selon le taux de MS contenues dans les boues et suivant le PCI des ordures ménagères.

[Photo : Fig. 3 – Les deux solutions de stockage des boues à l’entrée de la station d’incinération.]

La quantité de boues que l’on peut incinérer dans un four d’ordures ménagères dépend de la nature du four, de la quantité et de la qualité des ordures et de la siccité des boues. Les quantités que l’on peut généralement annoncer figurent sur le tableau I.

Tableau I

Rapport en poids boues/OM

Siccité des boues PCI des OM 1 600 nb/t PCI des OM 2 000 nb/t
20 % 20 % ± 2 20 % ± 2
25 % 18 % ± 2 23 % ± 2
30 % 20 % ± 2 25 % ± 2

Performances

Le système accepte les boues pâteuses de 12 à 40 % de siccité, extraites soit des filtres à bandes, soit par des centrifugeuses, solution appréciable pour les stations qui ne souhaitent pas déshydrater leurs boues d’une façon poussée.

Le procédé IC 850 n’étant pas sensible aux changements de qualité des boues à incinérer, plusieurs stations peuvent se raccorder à la filière ; dans ce cas, deux solutions sont proposées. Dans la première (figure 3) l’installation est fixe.

Les analyses effectuées sur les mâchefers et sur les fumées montrent que l’incinération des boues provenant du traitement d’eaux résiduaires urbaines n’entraîne aucune répercussion sur la qualité des résidus ; en particulier, le bilan thermique subit peu de changements et la récupération d’énergie reste pratiquement identique.

Le stockage des boues s’effectuant dans une fosse de réception commune, une pompe à débit variable permet d’alimenter le système en fonction des besoins de l’unité d’incinération ; la deuxième (solution en benne) (figure 3) offre l’avantage de prendre peu de place sur le site de destruction, le transport des boues des différents centres de production se réalisant par l’intermédiaire de bennes entièrement conçues pour le transport des boues de 10 à 40 % de siccité, et un simple raccord assurant l’alimentation de la pompe.

Sur la majorité des fours, l’adaptation de l'injecteur se fait sans difficultés, grâce à son faible encombrement (1 m × 0,7 m × 0,8 m pour un ensemble de huit injecteurs) et à sa conception en « module », qui permet une incinération optimum des boues en fonction des dimensions de chaque four.

Cette nouvelle solution est neutre. Que l'on incinère des ordures ménagères seules ou mélangées avec les boues, la conduite du four n’en est pas affectée et, comme indiqué ci-dessus, la récupération d’énergie reste inchangée dans les deux cas.

Le procédé IC 850 apparaît donc comme la solution idéale pour les boues non valorisables et sans égale comme technique complémentaire (voire suppléante) aux autres procédés.

Ce nouveau procédé arrive à point pour répondre aux besoins des stations d’épuration et pour rentabiliser les fours d'incinération d’ordures ménagères, et cela tout en améliorant la protection de l'environnement.

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