Une technologie originale et efficace pour le traitement des ordures ménagères
Trois facteurs étroitement liés entre eux : le développement du ramassage des ordures ménagères, l’engorgement des décharges et enfin, la préparation d’une législation plus contraignante sur les déchets, sont à l'origine de la croissance des usines d’incinération de petite et de moyenne importance, intervenue vers la fin des années 1960 et pendant les années 1970. C’est dans ce contexte que, face au marché prometteur de « l'environnement » et du traitement des déchets et des pollutions, s’est développé un système original destiné à répondre aux besoins des petites installations d’incinération des ordures ménagères qui manquaient de produits spécifiquement adaptés.
En effet, jusqu’alors, les usines d’incinération étaient le plus souvent installées pour desservir les grandes agglomérations qui, les premières, avaient été conduites à étendre le ramassage, la collecte et le transport des ordures, et ce sont plutôt des incinérateurs de grande capacité qui avaient été construits. C’est donc pour répondre aux besoins nouveaux et au développement du marché que certains constructeurs s’orientèrent vers la « miniaturisation » de leurs incinérateurs, mais souvent sans grand succès car si la taille de l'incinérateur était réduite, en revanche, celle des ordures restait la même et n’était plus compatible avec le système. En effet, un sac de résidus de jardin, traversant sans problèmes un incinérateur d'une capacité de 5 t/h, sur une grille de grande largeur, risque fort de gêner considérablement un incinérateur de dimensions réduites ne traitant que 1 t/h d’ordures. On comprend donc qu'il fallait développer des technologies nouvelles, adaptées spécifiquement aux problèmes des petites installations.
Sté T.E.S.
Les éléments principaux d’un incinérateur sont les suivants :
— le système de réception, de stockage, de manutention et de chargement des ordures, qui fait partie des équipements auxiliaires ;
— le système d’alimentation ;
— le système de transport des ordures à travers le four ;
— le système d’allumage des ordures, de maintien de la combustion et d’alimentation en air de combustion ;
— le système de brassage des ordures, nécessaire généralement pour parfaire la combustion ;
— le système d’extraction et d’évacuation des cendres ;
— enfin, le système d’évacuation des fumées, ou gaz de la combustion.
Parmi ces éléments et fonctions, le dispositif de transport des ordures à travers l'incinérateur est peut-être le plus significatif. En effet, en dehors des incinérateurs statiques de très faible débit (moins de 500 kg/h), il est indispensable de recourir à un moyen de transport des ordures, à l'intérieur de l'appareil, depuis la sortie de la trémie d’alimentation jusqu’au puits d’évacuation des cendres. Les équipements que l’on utilisait dans les années 1960, et dont certains sont toujours en service, sont représentés sur la figure 1.
On y trouve, en particulier, les fours à grilles inclinées munies de barreaux mobiles ou de gradins à mouvement alternatif (figure 1.1) qui activent et contrôlent la glissade des déchets vers le puits de décendrage. Il en existe de nombreuses versions :
— les fours à tapis continus, ou à grilles sans fin (1.2) ;
— les fours à grilles à rouleaux (1.3) ;
— les fours rotatifs à axe horizontal ou légèrement incliné (1.4).
Les trois premiers sont en fait dérivés des grilles de chaudières à charbon et combustibles solides, tandis que le dernier est dérivé des fours de cimenterie.
Le système original de la sole tournante, que nous présentons ici, fut développé pour l’incinération des ordures ménagères au début des années 1970. Il est, en fait, dérivé des fours à sole tournante utilisés en métallurgie et il a aussi quelques traits communs avec certains fours utilisés jadis pour l’incinération des boues, ou encore avec certains types de gazogènes.
Le système de la sole tournante est représenté sur la figure 2 à laquelle se rapportent les repères de la description qui suit.
L’âme de l’incinérateur est constituée par la sole tournante (1), plateau cylindrique dont le diamètre extérieur sera voisin
de 4 m pour un appareil de bas de gamme. Cette sole est contenue dans une enceinte cylindrique garnie de béton réfractaire (2) et elle repose sur un fût porteur (8) par l'intermédiaire d'une couronne à roulements, semblable à celles qui équipent les grues à tour ; enfin, elle est entraînée périodiquement en rotation par un groupe motoréducteur (7).
Les déchets (3) sont déposés au moyen d'un système à pont roulant et grappin, dans la trémie d'alimentation munie à sa base d'une porte coulissante (4) normalement fermée. En marche normale, la sole va tourner d'une fraction de tour à intervalles réguliers, par exemple d'un douzième de tour, soit 30°, toutes les dix minutes, et une charge de déchets y tombera depuis la trémie, immédiatement après chaque rotation, afin de maintenir une couche régulière d'ordures sur la sole.
La surface de la sole, sur laquelle reposent les déchets, est perforée de trous à travers lesquels est soufflé l'air provenant du ventilateur (11), ce qui entretient la combustion. Ainsi donc, en régime continu, après l'allumage initial avec un brûleur à mazout qui sera rapidement éteint, la combustion restera entretenue par l'air soufflé sous la couche de déchets ainsi que par le rayonnement des parois en béton réfractaire de l'enceinte, enfin par l'action de convection et de rayonnement des gaz produits par la combustion, qui circulent au-dessus des déchets avant de s'échapper du foyer. Les ordures brûlent donc, ainsi portées par la sole tournante ; elles y font un séjour de plus d'une heure et demie, dont la durée est rigoureusement contrôlée puisque l'angle de rotation, le temps de rotation et l'intervalle des rotations sont réglables. Les cendres qui résultent de la combustion sont évacuées hors du foyer à l'endroit où elles rencontrent, en fin de parcours, une lame fixe ou soc (5). Les cendres tombent alors dans un bac empli d'eau, qui assure leur extinction tout en formant un joint d'étanchéité du foyer. Un système original, semblable à une drague d'extraction de sable, assure enfin le transfert des cendres vers une benne de ramassage.
Un autre facteur d'importance caractérisant un incinérateur, parmi ceux rappelés dans notre entrée en matière, est le brassage des ordures, nécessaire, le plus souvent, pour parfaire la combustion. Dans les années 1960 on prévoyait généralement que l'évolution du marché des producteurs et des consommateurs se traduirait par une augmentation sensible de la teneur en matériaux à grand pouvoir calorifique, tels que papiers, cartons et plastiques, accompagnée d'une diminution relative des matériaux pauvres et difficiles à brûler, tels que les déchets végétaux et organiques. On pouvait donc penser que la combustion des ordures ménagères deviendrait plus aisée et c'est dans cet esprit que furent conçus le prototype de l'incinérateur à sole tournante ainsi que les premières réalisations, mais on constata rapidement qu'il fallait y ajouter un brassage pour parfaire la combustion. Le système adopté est inspiré du simple tisonnier employé pour activer le feu dans un poêle ; l'appareil, appelé ringard, est composé de barres d'acier assemblées comme les tiges d'une fourche. Entre deux rotations de la sole ces barres pénètrent horizontalement dans les déchets, juste au-dessus de la sole, puis elles les soulèvent et enfin se retirent, provoquant le renversement et le brassage des ordures. Suivant la taille de l'incinérateur, on installe un seul ou deux de ces ensembles, un système de motorisation rendant le fonctionnement entièrement automatique et asservi à celui de la sole. La combustion est ainsi assurée de façon parfaite.
Les avantages principaux de l'incinérateur à sole tournante sont nombreux :
— suppression du tri préalable des ordures ;
— fonctionnement en marche continue et sans combustible d'appoint ;
— sole lisse, évitant les adhérences et les coincements ;
— long temps de séjour des ordures, rigoureusement contrôlé (voisin de 1 h 30), assurant une combustion complète ;
— excellente combustion, facilitée par la grande surface de sole et la faible épaisseur de la couche d'ordures ;
— dispositif de ringardage simple et efficace ;
— diminution de l'entraînement de poussières dans les gaz de combustion, d'où un dépoussiérage limité ;
— très grande facilité d'entretien de la grille (dont un secteur est toujours accessible pendant le fonctionnement) ;
— mécanique de conception simple et robuste, à l'abri des températures élevées.
CONCLUSION
Plus de quinze ans après la mise en service du prototype, bon nombre d'installations ont été réalisées, tant en France qu'à l'étranger où elles donnent toute satisfaction. Citons, entre autres, celle réalisée à Pascagoula (Mississipi, U.S.A.) équipée de deux fours de capacité unitaire 2,8 t/h pour déchets de pouvoir calorifique inférieur (P.C.I. de 2 200 kcal/kg équivalant à une capacité de 4 t/h pour les ordures ménagères que nous trouvons en France) et qui est représentée sur les figures 3 et 4.
Cette unité, qui fonctionne en service continu, incinère chaque jour près de 100 t d'ordures, et produit quotidiennement 200 t de vapeur livrées à une usine chimique locale. Cette réalisation a reçu la distinction « Award for energy motivation ».