Les eaux que transportent les collecteurs d'un réseau d’assainissement, qu’elles proviennent d’un usage domestique (eaux dites « usées ») ou de précipitations atmosphériques (eaux « pluviales ») sont toutes plus ou moins chargées en matières en suspension. Malgré toutes les précautions que l'on peut prendre pour les arrêter et les enlever (fosses de décantation, pièges à sable...), ou au contraire les maintenir en suspension (diamètres des collecteurs calculés pour que la vitesse d’écoulement soit toujours supérieure à la vitesse dite d’autocurage), on ne peut empêcher des dépôts de se former le long du parcours, particulièrement par temps sec ou en fin d’événement pluvieux.
Ces dépôts, si faibles soient-ils, s’accumulent au fil des jours, diminuent alors la section de passage des ouvrages et, partant, leur débitance, c’est-à-dire le débit maximal théorique qui peut être évacué. Il convient donc de nettoyer les collecteurs pour les maintenir dans un état de rendement optimal, mais les opérations de nettoyage mettent en œuvre du matériel important, nécessitent beaucoup de temps, et sont d'un poids non négligeable dans le compte d’exploitation. Ainsi nettoyer trop souvent est onéreux et peut s'avérer inutile ; par contre, négliger le curage peut provoquer la mise en charge des collecteurs et perturber le fonctionnement du réseau.
Il n'est cependant pas nécessaire de faire de l’entretien systématique car les tout premiers dépôts n’ont qu’une incidence minime sur le débit évacué ; de plus, ils ne se forment pas de façon régulière et certaines zones y sont plus sensibles que d'autres. Il faut par contre entreprendre des campagnes de visites systématiques ; se pose alors la question principale, la clé de toute bonne gestion de réseaux : sur quels critères déclencher une opération de nettoyage, comment utiliser les résultats de visite ? Dans les lignes qui vont suivre, nous allons tenter de donner aux exploitants de réseaux d’assainissement des éléments leur permettant de fixer le seuil de démarrage d'une action d'entretien.
Un peu de théorie
Soit un collecteur circulaire de rayon R et de pente J dans lequel (figure 1) il y a :
- — une hauteur de dépôt h,
- — une hauteur d’effluent H.
Le débit dans un collecteur à surface libre est donné par la formule :
Q = U · S = k × J^1/2 × Rh^2/3 × S
dans laquelle Rh, rayon hydraulique, est égal à S/P (P étant le périmètre mouillé), k représente la rugosité (que l'on admettra constante, par mesure de simplification).
Dans le cas présent, nous avons :
1) sans dépôt :
S = (α − sin α) · R²/2
P = Rα
et, en faisant grâce des calculs intermédiaires, on obtient :
Q = kJ^1/2 × (α − sin α)^(5/3) / α^(2/3) × R^(8/3)
soit :
Q = k × (α − sin α)^(5/3) / α^(2/3) × R^(8/3) (1)
2) avec dépôt :
S' = [(α − sin α) − (α' − sin α')] · R²/2
[Photo : Figure 1]
P' = R [ (α − α') + 2 sin (α'/2) ] (1)
Q' = k × (α − α') − (sin α − sin α')^(5/3) × R^(8/3)
------------------------------------------------------------- (2)
(α − α' + 2 sin (α'/2))^(2/3)
La perte de débitance peut alors s'exprimer par la formule :
Δ = (Q − Q') / Q = 1 − Q'/Q (3)
ce qui donne :
Δ = 1 − [ (α − α') − (sin α − sin α')^(5/3) × α'^(2/3) ]
---------------------------------------------------------- (4)
(α − α' + 2 sin (α'/2))^(2/3)
Remarques
La première remarque, fondamentale, est que la perte de débitance est indépendante de R et de J, c'est-à-dire de la taille du collecteur et de sa pente (de sa nature aussi puisque k ne figure plus dans (4) :
Δ = f (α, α')
α est directement lié au pourcentage de remplissage du collecteur puisque ces deux valeurs sont liées par la formule :
H = R (1 − cos α) / 2 (5)
soit :
cos α = 1 − H / 2R
De même, α' est directement lié au pourcentage de dépôt dans le collecteur :
cos α' = 1 − h / 2R (6)
Conclusion
Deux cas se présentent :
- le collecteur est amené à débiter à pleine section (cas d'un pluvial) ;
- le collecteur débite en régime normal à section partielle (cas d'un unitaire ou d'un « eaux usées »).
Dans la première hypothèse, il est possible de calculer l'épaisseur de dépôt à partir de laquelle il faut entreprendre le nettoyage d'un collecteur quand on accepte une perte de débit fixée à l'avance. Nous avons tracé la courbe correspondante en portant en abscisse le pourcentage de dépôt par rapport au diamètre du collecteur et en ordonnée la perte du débit en pourcentage du débit initial.
[Photo : Figure 2]
Nous constatons par exemple que, si l'on peut accepter une perte de débit de 10 %, cela conduit à tolérer une hauteur de dépôt de 12 % du diamètre nominal.
Cela correspond, pour avoir quelques ordres de grandeur, au tableau suivant :
Ø (mm) |
Pente (mm/m) |
Rugosité Manning |
Q (l/s) |
Perte de débit (l/s) |
Dépôt (cm) |
300 5 68 60 6 4 |
600 3 68 300 30 7 |
1 000 1 68 700 7 12 |
Inversement, si l'on tolère un certain dépôt dans un collecteur, il est intéressant de connaître à quelle perte de débit on s'expose.
Pour reprendre les collecteurs de l'exemple ci-dessus, on obtient le tableau suivant :
Ø (mm) |
Q (l/s) |
Dépôt (cm) |
Perte de débit (l/s) |
300 60 5 10 |
10 (soit Ø/3) 24 (soit Q/2,5) |
600 300 10 50 |
20 120 |
1 000 700 20 140 |
33 280 |
Ainsi, pour une hauteur de dépôt correspondant à 1/3 du diamètre, on perd 40 % du débit.
Dans l'hypothèse d'un collecteur qui n'est pas utilisé en temps normal à pleine section, il est intéressant de connaître l'épaisseur de dépôt à partir de laquelle son
[Photo : Figure 3]
[Photo : Figure 4]
Le débit habituel de transit va la saturer, car c’est elle qui, la plupart du temps, va déclencher les opérations de nettoyage.
Pour cela, nous avons tracé sur le graphique précédent la courbe des pourcentages de débit par rapport au débit à pleine section (à ne pas confondre avec la débitance qui est le débit maximal que peut transiter le collecteur) en fonction du pourcentage de remplissage du collecteur par rapport au diamètre nominal, soit avec les mêmes échelles pour les deux courbes afin de simplifier l'exploitation des graphiques.
Ainsi, connaissant le degré de remplissage du collecteur et son débit à pleine section, la courbe 2 donne le pourcentage de débit que cela représente.
Si l'on veut faire passer ce même débit à pleine section, cela veut dire que l’on admet une perte de débit qui, en pourcentage, est le complément de la valeur précédente. Ce complément, reporté sur la courbe « 1 » donne l'épaisseur de dépôt qui sature le collecteur.
Nous avons matérialisé sur le graphique la marche à suivre à partir d’un exemple.
ANNEXE
Le cas des ovoïdes
Nous avons procédé à une approche similaire dans le cas d’un collecteur ovoïde, mais ici le problème est beaucoup plus complexe car il n’existe pas d’expressions mathématiques simples pour calculer les sections et les périmètres mouillés.
Nous avons cependant étudié deux cas particuliers d’ovoïdes normalisés que l’on rencontre couramment, à l’aide d’un micro-ordinateur de marque Epson, et nous livrons telles quelles et sans commentaires les courbes auxquelles nous avons abouti (figures 3 et 4).
L’étude d’un collecteur
Lorsque l’on veut déterminer le diamètre d’un collecteur à poser, il peut être intéressant d’utiliser les courbes précédentes pour majorer la valeur calculée par les méthodes traditionnelles d’une quantité qui permette d’accepter une hauteur de dépôt fixée à l’avance sans descendre au-dessous du débit nominal à transiter.
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