Your browser does not support JavaScript!

L'I.N.R.A. et le domaine des eaux résiduaires

28 mai 1976 Paru dans le N°7 à la page 32 ( mots)
Rédigé par : Christian BONNET

« …L'une de nos chances, c'est la terre et les hommes qui en vivent, à condition d'en valoriser tous les éléments. Cette valorisation implique à mes yeux un effort considérable de recherche scientifique et de formation des hommes… … permettre à la recherche, au cours des prochaines années, de rendre notre agriculture moins vulnérable dans ses approvisionnements et moins polluante pour notre environnement, et d'accroître sa contribution à l'équilibre de notre balance des paiements. »

, (Débats sur l'Agriculture à l'Assemblée Nationale)]

L'Institut National de la Recherche Agronomique (I.N.R.A.) est un établissement public national à caractère administratif, placé sous l'autorité du Ministre de l'Agriculture. Créé par la loi du 18 mai 1946, il regroupait, à l’origine, différents laboratoires dont l’activité était antérieure à la guerre. Des décrets successifs et des décisions ministérielles ont élargi son domaine d'activités et modifié son organisation. Sa structure actuelle a été déterminée par le décret du 16 janvier 1964.

L’organisation complexe de l'I.N.R.A. reflète bien sa pluridisciplinarité. Environ 7 000 agents (1 700 scientifiques et ingénieurs, 4 900 techniciens, 700 agents administratifs) travaillent dans 300 services de l’INRA (Stations, Laboratoires ou Services expérimentaux) répartis dans tout le territoire de l'hexagone et des départements d’outre-mer.

Schématiquement, l'organisation de l'INRA apparaît sous une triple structure :

  • ● 23 départements de recherche,
  • ● 17 centres de recherche,
  • ● des commissions spécialisées.

POURQUOI L'INRA SE PRÉOCCUPE-T-IL DES PROBLÈMES D'EAUX RÉSIDUAIRES ?

Parmi les raisons expliquant pourquoi l'I.N.R.A. se préoccupe des problèmes d’eaux résiduaires, les plus évidentes tiennent à la vocation à la fois biologique et agronomique de l'Institut et de fait :

  • — l'agriculture et l'élevage peuvent être des activités polluantes,
  • — les activités situées en aval de l'agriculture, notamment les industries agricoles, produisent une importante pollution biodégradable qu'il leur faut éliminer,
  • — l'espace rural reçoit les eaux usées de l'ensemble du pays.

Il n'est dès lors pas étonnant que l'I.N.R.A. ait à se préoccuper des problèmes aussi variés que ceux des lisiers de porcherie, du traitement des eaux résiduaires des industries agricoles ou de l'utilisation du sol comme système épurateur. Et, dans ce domaine, l'I.N.R.A. a souvent devancé les préoccupations des autorités responsables et l'on peut citer à cet égard l'exemple des eaux résiduaires de sucrerie qui ont été étudiées dès 1962.

Les autres raisons expliquant les interventions de l'I.N.R.A. sur ce sujet tiennent à des possibilités scientifiques et techniques. En effet, l'I.N.R.A. est structuré en départements de recherches dont les activités sont complémentaires et vont de la production à la transformation des produits agricoles. Il a, depuis sa création, accumulé un potentiel important de compétences aussi bien théoriques qu'appliquées en matière de microbiologie, de technologie agricole et de sciences du sol. Or, chaque problème d’eaux résiduaires est un ensemble qu'il convient de prendre totalement en charge, et pour les secteurs cités précédemment, l'I.N.R.A. est pratiquement le seul organisme de recherches ayant l’éventail de spécialistes nécessaires.

COMMENT L'I.N.R.A. INTERVIENT-IL POUR RÉSOUDRE LES PROBLÈMES POSÉS PAR LES EAUX RÉSIDUAIRES ?

Il est important de savoir comment l'I.N.R.A. aborde ces problèmes et, à ce sujet, il est utile de rappeler qu’en matière d’eaux résiduaires, chaque cas est un cas particulier et, si l'objectif final de l'I.N.R.A. reste la lutte contre la pollution, il n’en reste pas moins que les moyens à mettre en œuvre sont très variés.

Pour une activité polluante donnée, il s’agira avant tout d’évaluer la charge des effluents, de la réduire à la source, éventuellement en récupérant des sous-produits et de résoudre le problème du traitement des eaux résiduaires. En fait, l'action de l'I.N.R.A. est, très schématiquement, de fournir des éléments techniques permettant de choisir entre plusieurs possibilités de traitement, par exemple de choisir entre l'auto-épuration, le traitement en station et l'utilisation du sol comme système épurateur. Les quelques exemples qui suivent, tirés d'études en cours, vont servir d’illustration.

Le problème des vinasses de distilleries vinicoles a été abordé en relation avec les Agences de bassin et les professionnels concernés. Une étude détaillée de la pollution émise a permis

de proposer la récupération des levures contenues dans les vinasses, ce qui, outre une diminution substantielle de la charge polluante, permet de produire des protéines qui pourront être utilisées en alimentation du bétail. Parallèlement plusieurs procédés d'épuration sont expérimentés et conduiront à résoudre cet important problème.

Le problème des eaux résiduaires de sucreries et de distilleries de betteraves a été abordé selon un schéma voisin, mais dans ce cas, l'étude détaillée de la pollution émise a conduit à des économies d'eau et à un recyclage poussé diminuant le flux polluant. Simultanément les possibilités de traitement par lagunage, par boues activées et par épandage sont étudiées, ces travaux étant effectués en relation étroite avec les professionnels.

L'utilisation du sol comme système épurateur offre des possibilités intéressant aussi bien les industries agricoles que l'assainissement privé. Le sol peut en effet être considéré comme une usine d'épuration capable de « digérer » bien des choses et l'utilisation intensive qui en est faite actuellement, quoique très empirique, démontre l'intérêt du procédé. Des recherches visant à définir une utilisation raisonnée et optimale du pouvoir épurateur du sol sont en cours, elles ont comme objectif de proposer un procédé d'épuration généralement moins coûteux que les procédés traditionnels tout en respectant les nappes phréatiques.

Par ailleurs ces études débouchent à long terme sur une utilisation plus raisonnée des ressources en eau adaptant la qualité de l'eau utilisée aux besoins réels des utilisateurs, par exemple en utilisant des eaux résiduaires épurées partiellement en irrigation. L'accumulation de données dans ce domaine permettra ainsi de limiter les pertes d'éléments eutrophisants et contribuera à la lutte contre la pollution des eaux de surface.

Le sol, système épurateur

par R. GRAS, G. CATROUX, Ph. GRAFFIN, A. MORISOT (*)

1. – INTRODUCTION

Les eaux usées contenant, entre autres, des éléments nutritifs pour les plantes, il est tentant de les apporter sur les sols utilisés par l'agriculture. Cet apport a été réalisé depuis longtemps pour des effluents urbains et pour des eaux résiduaires d'industries saisonnières.

De plus, comme dès 1911 MUNTZ et LAINE ont montré que les eaux d'égout étaient purifiées après leur passage à travers le sol, il est possible de considérer le sol comme un système épurateur.

Cette utilisation du sol comme système épurateur connaît un regain d'intérêt du fait qu'on a peu à peu pris conscience des problèmes particuliers que pose l'épuration des eaux résiduaires lorsque leur volume est faible ou que leur rejet se fait pendant une période relativement courte. Les volumes d'eaux résiduaires sont faibles dans le cas d'habitations individuelles, ou de petites agglomérations rurales munies d'un réseau de collecte.

Pour les concentrations urbaines temporaires (stations balnéaires, de villégiature), il y a de grandes fluctuations dans les volumes rejetés. Enfin, les industries agricoles telles que les sucreries, les distilleries, les conserveries de légumes fonctionnent pendant une partie de l'année seulement. Dans toutes les situations précédentes l'utilisation d'une station d'épuration présente, du moins dans l'état actuel de nos connaissances, des inconvénients tant du point de vue de leur efficacité que de leur rentabilité.

Compte tenu des données techniques et économiques du problème, il faut faire un choix selon les situations entre :

  • — le pouvoir épurateur des cours d'eau : rejet direct. Ceci suppose que des conditions strictes soient remplies quant à la composition des effluents et au rapport entre le débit de la rivière et le débit rejeté, rapport susceptible de variations saisonnières,
  • — la station d'épuration qui utilise de façon intensive le pouvoir épurateur de la flore microbienne. Elle présente de ce fait une certaine inertie pour s'adapter aux variations de charge dans le temps. Les stations rejettent aussi en général des déchets, les boues ;
  • — le pouvoir épurateur du sol, qui consiste à utiliser pour l'épuration, conjointement avec l'agriculture, une partie de l'espace rural sur laquelle les eaux usées sont épandues ; c'est la technique de l'épandage.

Parler de choix ne signifie pas forcément choisir de façon exclusive l'une ou l'autre des solutions proposées. On peut par exemple procéder à un rejet direct en rivière pendant la période de hautes eaux et à un épandage pendant l'époque où l'apport d'eau est plus particulièrement utile à l'agriculture. En effet, les situations réelles sont très variées et on doit utiliser la souplesse résultant de l'emploi de plusieurs solutions.

Le sol est également capable de « digérer » les déchets solides organiques dont le volume produit ne cesse de s'accroître. Enfin, certains pesticides se dégradent au contact du sol.

Pour permettre aux responsables de faire ces choix dans les meilleures conditions, il faut augmenter nos connaissances dans le domaine des dispositifs permettant l'épuration des eaux et la digestion des déchets solides. Il est également urgent de mieux connaître le devenir des herbicides dans le sol. Après avoir examiné les propriétés du sol qui lui permettent de jouer un rôle épurateur, nous indiquerons les études nécessaires et les contributions de l'I.N.R.A. dans ce domaine.

2. – LES PROPRIÉTÉS DU SOL INTERVENANT DANS L'ÉPURATION

Le sol est un matériau poreux qui a une grande capacité d'absorption pour les liquides et qui peut fixer les éléments minéraux. De plus, il a une grande aptitude à décomposer la matière organique. Nous indiquons succinctement les divers rôles du sol.

2.1. – Rôle de filtre

Certains effluents contiennent en grande quantité des déchets solides. Par exemple dans les eaux résiduaires de sucrerie, de distillerie, de féculerie... se trouve la terre résultant du lavage des racines ou des tubercules.

L'apport de ces effluents sur le sol permet de séparer la phase solide qui reste à la surface du terrain de la phase liquide qui s'infiltre ; le sol se comporte un peu comme une toile de filtre-presse. Cette filtration s'accompagne d'une augmentation de l'épaisseur du sol, lorsque les déchets solides sont inertes.

2.2. – Rétention et transmission de l'eau

Le sol est un système poreux dont les pores ont des diamètres différents, les pores étroits constituant la microporosité et les pores larges la macroporosité.

Lorsqu'on apporte de l'eau sur le sol, il y a circulation de l'eau par gravité dans l'ensemble des pores, l'eau circulant plus

(*) R. GRAS, A. MORISOT, Ph. GRAFFIN, Station d'Agronomie de Versailles. — G. CATROUX, Directeur du Laboratoire de microbiologie des sols de Dijon.

Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements