La dégradation des réseaux d'assainissement par l'hydrogène sulfuré (H?S) est un problème qui préoccupe les exploitants depuis plusieurs années. D'après des enquêtes récentes, 40 à 50 % des postes de relèvement seraient concernés. En milieu rural, ce pourcentage peut atteindre 70 %.
L’extension des désordres constatés semble liée à une augmentation des temps de séjour des eaux usées dans les collecteurs. Plusieurs explications de ce phénomène sont envisageables :
- — tendance à la suppression des petites stations d’épuration, et, par conséquent, transport des eaux sur de grandes distances pour traitement dans des unités plus importantes ;
- — assainissement des zones rurales par des canalisations de Ø 100 pour un petit nombre de personnes raccordées ;
- — mise en place de réseaux surdimensionnés dans les zones urbanisées en extension (par exemple, lotissements).
L'action destructrice de l'H₂S sur les bétons est progressive et insidieuse. Les premiers effets sont trompeurs et peuvent être assimilés à un dépôt graisseux ; le béton devient ensuite friable, poreux et tombe en poussière. La formation d'H₂S a lieu essentiellement dans les canalisations de refoulement en charge mais elle a été constatée également sur des réseaux gravitaires et sous vide.
Pour lutter contre ces problèmes, deux actions sont à entreprendre :
- — stopper les dégradations sur les réseaux existants ;
- — concevoir et dimensionner les réseaux neufs de façon à éviter les temps de séjour trop élevés.
Les réseaux produisant de l'H₂S peuvent être traités par voie chimique (sulfate ferreux essentiellement, et eau oxygénée ou oxygène). Ces traitements sont coûteux (plusieurs dizaines de centimes par m³ traités). On ne sait pas les « optimiser », notamment pour asservir le taux de réactifs aux variations de temps de contact et de qualité d’eau.
L'objectif est donc de mettre au point un modèle permettant :
- — de prévoir et de quantifier la production d'H₂S au stade de la conception d'un réseau neuf ;
- — de réguler le traitement curatif par voie chimique, si celui-ci s’avère nécessaire.
Cet article présente les premiers résultats et réflexions obtenus sur deux sites expérimentaux. Il les compare aux principaux modèles existant dans la bibliographie. L’étude a été réalisée par la Lyonnaise des Eaux, sur deux sites de la Communauté urbaine de Bordeaux. Elle sera complétée ultérieurement par des résultats provenant d'autres sites (notamment en région parisienne nord).
Mesures expérimentales effectuées sur les sites de la CUB
Les sites de mesures
Parmi les canalisations de refoulement où la formation d'H₂S a été constatée, deux sites ont été retenus (« Caupian » et « Les Saules »), qui correspondent bien au schéma « classique » de formation d'H₂S (figure 1).
Toutefois, les régimes hydrauliques y sont très différents (figure 2).
- — sur le refoulement de Caupian, les temps de séjour de l’eau varient, suivant les tranches horaires, de 2 h à 10 h 30. Le rapport MES/DBO₅ est de 1 et la DBO₅ moyenne journalière voisine de 550 mg·l⁻¹ ;
- — sur le refoulement Les Saules, les temps de séjour de l'eau sont moins variables dans la journée (9 h à 14 h). L’eau brute est diluée, la proportion de matières en suspension faible (MES/DBO₅ = 0,6) et la DBO₅ moyenne (230 mg·l⁻¹).
Dans les deux cas, on a affaire à des canalisations de refoulement de 200 mm de diamètre. La vitesse instantanée de l'eau est comprise entre 0,62 m·s⁻¹ et 0,7 m·s⁻¹.
Protocole de prélèvements et de mesures
Sur chacun des sites, deux prélèveurs d’échantillons ont été asservis au fonctionnement de la pompe de refoulement. À chaque pompage, l'eau de la bâche de pompage et celle à la sortie de la canalisation ont été analysées. Les pH et potentiels d’oxydo-réduction ont été mesurés en continu sur ces deux points.
Avec une fréquence d’échantillonnage très fine (de l'ordre d'une demi-heure à une heure), nous avons pu ainsi :
- — déterminer les charges entrées en DBO₅, DCO et MES, les sulfures et les charges sorties correspondantes ;
- — établir les correspondances entrées-sorties en fonction des temps de séjour et calculer la quantité de sulfure produite.
Chaque période de mesure est de 24 heures. Les sulfures totaux sont dosés par la méthode iodométrique (Analyse de l'eau, J. Rodier, 7ᵉ édition, 1984, p. 632). Les échantillons sont conditionnés dès leur prélèvement par l'acétate de zinc, à 4 ml de soude permettant de bloquer l'action des bactéries sulfato-réductrices.
Premiers résultats :analyse et tendance
Les figures 3, 4 et 5 représentent : — la concentration en sulfure (S²⁻) (en mg · l⁻¹) dans les eaux de sortie, — les temps de séjour calculés en heure, — les taux d’H₂S dans l’air, mesurés dans le regard de sortie, en ppm, en fonction des heures de prélèvements.
Ces figures sont assez représentatives des différentes mesures réalisées sur 24 heures. Nous pouvons en tirer les premiers commentaires suivants :
● Les « deux régimes »
La production de sulfures, qui se traduit par une augmentation de la concentration de sortie (figure 3), se fait schématiquement suivant deux régimes : — un régime de nuit, où la production est assez régulière, — un régime de jour, où la production est beaucoup plus variable et aléatoire.
En première analyse, on peut donc penser que l’on pourra mettre en évidence une corrélation avec les « temps de séjour » pour les régimes de nuit pendant lesquels la conduite se comporte comme un énorme réacteur rempli d’une eau pratiquement immobile. Mais le problème se complique beaucoup pour les régimes de jour, où il faudra tenir compte : — de la dynamique hydraulique du système (phénomènes de dépôts et de remise en suspension à chaque pompage), — de la qualité variable de l’eau d’entrée : essentiellement MES, DBO, DCO, dans notre cas, puisque les autres paramètres (S²⁻, EH) varient peu.
● Le raisonnement en flux
Un observateur placé au niveau du regard de sortie de conduite de refoulement voit apparaître deux pics de production d’H₂S dans l’air : — l’un en début de matinée, dû à la remise en route des pompages et au lessivage des sulfures accumulés au cours de la nuit, — l’autre en fin de journée, dû sans doute à une augmentation de la pollution moyenne et à des rejets plus importants en volume.
Cela montre qu’il va falloir raisonner en flux [Q × (S²⁻)]. On pourra obtenir un même résultat, soit avec un faible débit, mais avec une grosse production de sulfure, soit avec un gros débit, mais une faible production de sulfure.
● Transfert liquide-gaz
La concentration en H₂S dans l’air du regard est un paramètre donné à titre indicatif parce que facile à mesurer, mais difficile à interpréter ; en effet, la fonction de transfert liquide-gaz est forcément très complexe et dépend au moins des paramètres suivants : — flux de sulfure en phase liquide passant devant le regard, — vitesse de passage du fluide, — ventilation du regard et de la conduite gravitaire en aval, — géométrie du regard, — équations classiques de transfert liquide-gaz à la surface d’échange (pression, température), etc.
C’est pourquoi il nous paraît difficile d’utiliser ce paramètre pour piloter une régulation d’injection de sulfate ferreux (comme nous avions envisagé de le faire initialement). Avec un taux d’H₂S dans l’air égal à zéro, l’efficacité du traitement est assurée, mais ce traitement n’est pas pour autant optimisé.
● Les difficultés de la régulation d’un traitement curatif
Les quelques constatations ci-dessus montrent la complexité du phénomène et les difficultés que l’on rencontre pour piloter efficacement un traitement curatif. Nous avons donc essayé dans une deuxième phase d’établir des corrélations au « lissage » qui pourraient être utiles à l’exploitant et de bâtir un « modèle » qui pourrait nous aider dans notre analyse.
Corrélations et lissages
La température
Les données bibliographiques (7 % d’augmentation de production de sulfure par degré Celsius) sont vérifiées dans notre domaine d’expérimentation (t = 10 °C en hiver et 16 °C en été).
Le « temps de séjour »
Comme nous l’avons exposé ci-dessus, il est difficile d’établir des corrélations directes avec le seul paramètre « temps de séjour », notamment pour les régimes du « type jour ».
À partir de nos expériences, nous ne pouvons donner, et encore avec prudence, que quelques notions quantitatives : — la production de sulfures croît avec le temps de séjour ; la loi n’est certainement pas proportionnelle, mais plutôt du type « temps de séjour » à la puissance 1/2 ou 1/3, — sur différents sites urbains, il apparaît les ordres de grandeurs portés sur le tableau I.
Le « raisonnement en flux »
Les figures 6 et 7, établies à partir des raisonnements en « flux », représentent : — en ordonnée, les charges cumulées en sulfures mesurées en sortie de canalisation et exprimées en grammes de S²⁻, soit : concentrations en sulfures (g × m⁻³) × volume pompé (m³) ; — en abscisse, les volumes cumulés (m³), tels que pourraient les compter un observateur placé sur le regard de sortie.
Ces courbes font apparaître : — qu’une relation quasi linéaire s’est établie entre la quantité cumulée en sulfure à la sortie et le volume (m³) d’eau passé ; — que le coefficient de proportionnalité est différent d’un site à l’autre : k = 3,8 g · m⁻³ sur la conduite de « Caupian », k = 16,6 g · m⁻³ sur la conduite des « Saules ».
Les paramètres, vraiment différents d’une expérience à l’autre, sont donnés dans le tableau II.
Les hypothèses qui peuvent être avancées pour expliquer cet écart sont : — accentuation du phénomène, au-delà d’un temps de séjour moyen de 10 h, — effets importants des dépôts.
Tableau I.
Temps de séjour | Production de sulfuresexprimés par l’augmentation de la concentration en S | Observations |
---|---|---|
Ts < 2 heures | [S²-] < 5 mg·l⁻¹ | Peu de problèmes d’exploitation. |
2 h < Ts < 10 h | 5 mg·l⁻¹ < [S²-] < 20 mg·l⁻¹ | Début des problèmes d’exploitation. |
Ts > 10 h | [S²-] > 20 mg·l⁻¹ | Problèmes d’exploitation assurés. Apparition en général des phénomènes de dépôts permanents. |
Tableau II.
Paramètres | Caupian | Les Saules |
---|---|---|
Temps de séjour moyen sur 24 h | 4 heures | 12 heures |
MES (mg·l⁻¹) | 622 | 145 |
DBO₅ (mg·l⁻¹) | 556 | 200-250 |
Quoi qu’il en soit, l’existence de cette loi quasi linéaire, qui n’était pas évidente à l’examen des résultats bruts, nous paraît intéressante. Sur les sites où elle peut être validée et calée, elle permet d’envisager une régulation du traitement curatif uniquement en fonction du volume passé, paramètre facilement accessible à l’exploitant.
Nous continuerons à travailler sur ce coefficient k.
Mesures expérimentales et modèles existants dans la littérature
Les modèles
L’étude bibliographique et l’analyse de ces modèles ont été rapportées dans une étude de l’Agence de Bassin Rhône-Méditerranée-Corse, réalisée par l’IRH de Nancy en 1987, Étude inter-agences de bassins : « Formation de l’H₂S dans les réseaux d’assainissement = conséquences et remèdes » (synthèse bibliographique – mai 1987).
Toutefois, il est important de rappeler l’hypothèse commune à la plupart de ces modèles : la production de sulfure a lieu essentiellement au sein du biofilm qui se développe sur les parois de la canalisation.
En 1977, Pomeroy établit une relation tenant compte de la production de sulfures dans l’effluent lui-même. L’IRH donne dans son étude les équations ainsi établies :
ds/dt = 0,5 × 10⁻⁸ (DBO₅)⁰·⁶⁴ (SO₄)¹·¹³⁹ T⁻¹ (Thistlethwayte) ds/dt = Mₓ (DCO) 1,077² r⁻¹ (1 + 0,37 D) (Boon et Lister) ds/dt = Mₚ (DBO₅) 1,077² r⁻¹ (1 + 0,37 D) (Pomeroy)
dS/dt : variation de la concentration en sulfure dans l’effluent exprimée en mg·l⁻¹·h⁻¹ Vₘ : vitesse moyenne d’écoulement en m·s⁻¹, (DBO₅), (DCO) et (SO₄) : exprimées en mg·l⁻¹, T : température de l’effluent en °C, D : diamètre de la conduite en mètres, r : rayon hydraulique en mètres (pour une conduite en charge, r = D/4) Mₓ et Mₚ : constantes des modèles.
Ces formulations sont de même nature et elles donnent des résultats du même ordre de grandeur. Ceci a été vérifié par Holder et ses collaborateurs cités dans l’étude IRH.
Nous avons décidé d’appliquer la formule de Pomeroy à nos exemples particuliers, car c’est la plus fréquemment rencontrée. Pour chaque unité de temps (dt), nous avons calculé la production de sulfure (dS). Nous avons pris la constante Mₚ égale à 10⁻⁵ en accord avec Pomeroy (1974-1977).
Corrélation des mesures expérimentales avec le modèle de Pomeroy
Les résultats expérimentaux et les valeurs données par le modèle sont reportés sur les courbes des figures 6 et 7.
© Cas du site de « Caupian »
Le flux journalier est largement surestimé par le modèle (facteur 6). En outre, aucune corrélation n’apparaît entre les flux horaires calculés et les flux horaires mesurés.
® Cas du site des « Saules »
Malgré la régularité des temps de séjour de l’eau dans la canalisation et des concentrations en sulfures, le modèle ne permet pas de retrouver les mesures expérimentales. Il fait apparaître deux pentes distinctes, fonction de la concentration en DBO₅ de l’eau d’entrée. Pour cet exemple, la seule corrélation DBO₅-production de sulfures n’est pas satisfaisante (flux journalier calculé/flux journalier mesuré = 2).
Prise en compte des dépôts dans la production des sulfures
Modèle de C. Fayoux (Laboratoire Central de la Lyonnaise des Eaux)
Principe
C. Fayoux part de l’hypothèse (qui semble confirmée sur le terrain) que la production d’H₂S par le biofilm est marginale, et qu’il faut tenir compte d’une production dans les dépôts ; ainsi, un refoulement produisant de l’H₂S a été traité par du sulfate de fer en quantité suffisante pour obtenir une concentration nulle en sulfure en sortie de canalisation, et ce durant plusieurs mois. Lorsque le traitement a été arrêté, la présence d’H₂S non complexé a été détectée de nouveau une semaine après. Le temps de séjour moyen de l’eau était seulement de 16 heures. Si le biofilm était responsable de la formation d’H₂S, la détection de ce dernier aurait dû être faite environ 16 heures après l’arrêt du traitement.
Pour ces raisons, l’hypothèse du modèle « C. Fayoux » est basée sur la décantation des matières en suspension de l’eau brute dans le collecteur. L’importance du dépôt ainsi formé est fonction des conditions hydrauliques dans la canalisation. Cette dernière est donc assimilée à un décanteur primaire où les boues présentent toutes les conditions favorables à la formation d’H₂S. Le modèle prend donc en compte :
- — d’une part, le temps de séjour probable des matières en suspension, l’H₂S étant produit par ce dépôt selon une vitesse mesurée expérimentalement,
- — d’autre part, la connaissance des bactéries sulfatoréductrices responsables de la formation d’H₂S. Ces dernières sont des micro-organismes anaérobies stricts ne pouvant se reproduire qu’en absence d’oxygène, de nitrates et sous certaines conditions de potentiel d’oxydo-réduction.
Pour la production d’H₂S, les conditions préalables doivent être atteintes à l’intérieur du dépôt. Le temps nécessaire pour atteindre les conditions favorables est appelé temps de latence. Il dépend de la caractéristique des effluents bruts (en particulier du potentiel d’oxydo-réduction) et des matières en suspension qu’ils contiennent.
La formation du dépôt
La formation du dépôt est fonction de la vitesse de l’eau brute dans la canalisation. Les hypothèses de base sont les suivantes :
- — si la vitesse moyenne sur 24 heures (volume journalier/diamètre de la canalisation) est supérieure à 0,6 m·s⁻¹, il n’y a pas de
dépôt, toutes les particules sont déplacées en piston. Bien entendu, si elle est inférieure à 0,6 m·s⁻¹, il y a dépôt ;
- — si la vitesse instantanée (débit de la pompe/diamètre de la canalisation) est supérieure à 1,5 m·s⁻¹, et si le temps d’application de la vitesse est supérieur à une minute, le dépôt est remis en suspension et se redépose éventuellement plus loin. Il est défini ainsi une zone de dépôt renouvelable générateur d’H₂S ;
- — Si la vitesse instantanée est supérieure à 1 m·s⁻¹ et si le temps d’application est maintenu pendant une minute, les boues sont partiellement remises en suspension ;
- — si la vitesse instantanée est inférieure à 1 m·s⁻¹, rien ne se passe au niveau du dépôt.
Lorsque le dépôt n’est jamais remis en suspension, la zone de dépôt est dite permanente ; son activité est alors très faible. L’importance des dépôts est fonction des concentrations et de la nature des matières en suspension de l’eau brute pompée dans la bâche.
Influence de la température
Pomeroy intègre l’influence de la température dans son modèle et estime l’augmentation de la production de H₂S à 7 % par degré Celsius.
C. Fayoux a mis en évidence, par des essais en pilote discontinus, une influence non linéaire de la température sur la formation de l’H₂S. Elle est exprimée de la façon suivante :
C u-% T : température en °C C : constante due à la température
Le modèle
Le flux journalier exprimé en kg d’H₂S·j⁻¹ fait intervenir les paramètres définis en figure 8. Le modèle s’écrit sous la forme suivante :
[H₂S] = K × [MES] × (B – A)^* × (1 – exp \
où [H₂S] est le flux journalier en kg·j⁻¹, K est une constante de production de H₂S, [MES] la concentration en matières de suspension de l’eau brute, B – A : le temps durant lequel il y a production d’H₂S, i ih la cinétique de production d’H₂S par rapport au temps.
Corrélation avec les résultats expérimentaux
Les résultats obtenus avec ce modèle sur les deux sites étudiés sont reportés sur les courbes des figures 6 et 7. Ils permettent de prévoir la quantité de sulfures avec des erreurs (par défaut) de 7 % sur le site de « Caupian », et 43 % sur « Les Saules ».
Si le résultat est correct sur Caupian, il est nettement inférieur sur Les Saules. Ce résultat par défaut peut s’expliquer par des fréquences de pompage très faibles entraînant une décantation des matières en suspension plus légères. Le dépôt renouvelable devient plus important que le prévoit le modèle, et la production d’H₂S sur le site plus élevée. Il est à remarquer d’autre part que l’effluent pompé sur la station « Les Saules » est déséquilibré dans son rapport DBO₅/MES.
Le modèle de C. Fayoux, qui néglige la production d’H₂S dans le biofilm, est plus proche de la réalité que celui de Pomeroy bien qu’il ne permette pas de calculer les flux horaires. Il reste toutefois à préciser le domaine de validité de certains paramètres par des études en petits pilotes, en réacteur discontinu et sur le terrain, et plus particulièrement :
- — le potentiel d’oxydo-réduction « seuil » à partir duquel la sulfato-réduction n’est plus inhibée,
- — l’influence de la température sur la cinétique de formation de l’H₂S au-delà de 20 °C,
- — l’influence du régime hydraulique sur la formation des dépôts,
- — la vitesse limite de transformation du soufre organique en H₂S,
- — ainsi que la possibilité de formation de H₂S à partir de l’ion SO₄.
Conclusion
Les observations théoriques ou expérimentales sur sites réels, décrites ci-dessus, montrent la complexité du phénomène.
Se fonder sur des raisonnements a priori, plus ou moins vérifiés, et parfois contradictoires, pour la conception et la gestion des installations, conduit à des échecs, comme l’ont montré de nombreuses expériences récentes.
Nos recherches nous conduisent à poursuivre suivant deux axes complémentaires : — la mise au point et le calage du modèle prédictif de production d’H₂S (modèle C. Fayoux), tenant compte des dépôts en canalisations, — la validation des domaines d’application de la loi quasi linéaire existant entre la production des sulfures et le volume pompé, qui permettrait d’envisager une régulation optimisée des traitements curatifs.
Ces travaux se poursuivront en 1989, avec l’aide financière de l’Agence de Bassin Adour-Garonne.
Dans l’immédiat, nous ne pouvons que conseiller aux concepteurs d’installations de refoulement :
- — de limiter les temps de séjour dans la canalisation de refoulement à des valeurs de l’ordre de deux heures,
- — de vérifier qu’ils ont bien affaire à des effluents urbains et de se méfier des effluents de type industriel, qui peuvent apporter des augmentations importantes de DBO, MES, de soufre, ou de température ; ce dernier paramètre est trop souvent négligé : nous rappelons qu’une augmentation de 10 °C conduit à doubler la production de sulfures...