L’élimination de l’oxygène de l’eau dans le cadre d’une installation de traitement d’eau industrielle s’effectue aujourd’hui presque exclusivement par dégazage sous vide, ce qui nécessite un investissement important en matériel. Le rendement du dispositif de réaction du vide est très faible et la consommation d’énergie importante.
Un procédé élégant et très économique consiste à réduire l’oxygène dissous dans l’eau ou dans une solution aqueuse par de l’hydrogène également dissous dans l’eau. Une condition essentielle et bien connue au déroulement suffisamment rapide de cette réaction à la température ambiante est l’annihilation de la force de liaison intramoléculaire de l’hydrogène ; cette condition est remplie par contact direct avec un catalyseur. La conversion de l’oxygène et de l’hydrogène se déroule alors d’après les réactions suivantes :
O₂ + 2H⁺ + 2e⁻ → H₂O₂ H₂O₂ + 2H⁺ + 2e⁻ → 2H₂O O₂ + 4H⁺ + 4e⁻ → 2H₂O
La réaction est fortement exothermique, mais une augmentation sensible de la température de l’eau n’est cependant pas observable ; en effet, la solubilité de l’oxygène de l’air dans l’eau sous un bar absolu et à 25 °C (conditions régnantes dans un éliminateur de CO₂) n’est que de 8 mg/l environ.
Des métaux tels que le nickel, le rhodium, le palladium et le platine, entre autres, peuvent être utilisés comme catalyseur. Ils appartiennent tous au 8ᵉ groupe de la classification périodique des éléments.
Le palladium s’est révélé être le matériau le plus économique car de petites quantités de ce métal possèdent à température ambiante une activité catalytique suffisamment importante. Un échangeur anionique fortement basique a été choisi comme support de catalyseur pour les tests décrits ci-après.
Les échangeurs d’ions sont connus sous forme de granulés sphériques d’une granulométrie bien définie. Utilisés en lits, ils assurent une répartition uniforme du catalyseur, une distribution hydraulique régulière et, simultanément, une grande surface de contact. Le palladium est pour sa plus grande partie déposé sur la périphérie du grain d’échangeur d’ions.
La réduction catalytique a déjà été présentée par Kurapkat en 1967 aux « Journées des eaux d’alimentation de chaudière » du V.G.B. [1]. Il fut débattu à l’époque des résultats d’essais sur un appareil d’un débit d’eau de 200 l/h et sous une pression de 0,3 bar. L’installation était pourvue d’un espace de rétention de gaz au-dessus du niveau de l’eau, si bien que l’hydrogène pouvait s’y dissoudre en suivant la loi des pressions partielles de Henry. Le procédé décrit par la brochure 35.15 du bureau d’ingénieurs conseils Bischoff [2] est très comparable. Dans ce cas, cependant, les réservoirs d’introduction de l’hydrogène et le réacteur sont réalisés en unités séparées. Des appareils de réduction de l’oxygène des circuits de refroidissement des grands turboalternateurs sont construits depuis longtemps par la société Bischoff.
Comme une quantité suffisante d’hydrogène est déjà dissoute dans l’eau de refroidissement de ces générateurs, il n’est pas besoin de réservoir de dissolution du gaz. Pour être complet, il convient de mentionner un autre procédé dont l’exploitation est quelque peu différente de celui décrit plus haut.
[Photo : Réduction catalytique de l’oxygène d’après [1]]Dans ce cas, l’oxygène est entraîné hors de l'eau par de l’azote. Il est ensuite réduit, en phase gazeuse. Ce procédé est employé au stade industriel depuis des années par la société « Chemische Werke Hüls ».
Les essais décrits ci-après ont d'abord été effectués à l’échelle du laboratoire à un débit maximal de 300 l/h, puis plus tard dans une installation industrielle débitant jusqu’à 450 m³/h. Les meilleures variantes de catalyseur et la conception optimale de l’unité ont été déterminées au laboratoire.
Dans l'installation représentée sur la figure 3, l'eau saturée d’oxygène (environ 8 mg/l) est envoyée à la partie inférieure d'une colonne de mélange remplie sur une hauteur de 1300 mm par des corps de remplissage. L’hydrogène gazeux est simultanément distribué par le bas. La réduction de l’oxygène a lieu dans le réacteur branché en aval. Une surpression d’environ 0,8 bar peut être maintenue dans le système grâce à une boucle. L’appareil fut exploité à un débit maximal de 300 l/h à 25 °C avec un litre de catalyseur et la teneur résiduelle d’oxygène s’établit à 0,025 mg/l pour une addition stœchiométrique d’hydrogène. Aucune variation de cette concentration résiduelle ne fut constatée avec des apports d'hydrogène supérieurs à la stœchiométrie. Quelques bulles de gaz furent observées à la sortie de la colonne de mélange pendant toute la durée des essais. Le réacteur dut donc être purgé en permanence.
L'appareillage mis en œuvre paraissait encore trop compliqué pour une éventuelle installation industrielle. Le schéma fut donc modifié comme indiqué sur la figure 4. Le réservoir de mélange, très onéreux et dont le volume était environ dix fois plus grand que celui du réacteur, fut remplacé par une trompe à eau.
Les résultats furent également satisfaisants avec ce montage et l'on obtint une teneur résiduelle d’oxygène de 0,015 mg/l à une charge spécifique de 120 volumes/h. Des résines présentant divers dosages de catalyseur furent alors testées dans ce système. Les résultats de cette série de tests sont donnés sur la figure 5. À l’examen de ces courbes, on peut prédire que les échangeurs 4, 5 et 6 montreront une certaine efficacité, mais qu’ils ne seront plus intéressants si l'on prend en compte des critères économiques. L’échangeur 2 conduisit certes à la plus faible concentration résiduelle d’oxygène, mais se distingue de l'échangeur 3 par une dose en palladium six fois plus élevée et donc par un coût exorbitant. L’examen des résines restantes 1 et 3 montre que la résine 1 livre une teneur résiduelle en oxygène inférieure à celle obtenue par la résine 3. Mais elle contient encore trois fois plus de palladium que cette dernière. L’échantillon 3 est donc à considérer comme la solution la plus économique, à cause du coût élevé des métaux nobles.
Un catalyseur sélectionné au cours de ces essais, l’échangeur d'ions Lewatit OC 1045, est utilisé dans l'installation industrielle décrite ci-dessous. La conception de l’installation, représentée sur la figure 6, est également basée sur les résultats de ces essais. La tour de contact présente un diamètre de 3000 mm et une hauteur de 3000 mm ; elle contient 3400 l de ce catalyseur. Servant primitivement d’adoucisseur, elle ne doit pas être considérée comme présentant une géométrie optimale pour cette application. L’hydrogène est dosé directement dans la tuyauterie d’admission du réacteur. Dans ce but, cette tuyauterie dut être détournée vers l’extérieur du bâtiment.
Pour les mêmes raisons de sécurité, les tuyauteries d’amenée d’hydrogène, l'appareil de régulation et
La purge du réacteur fut installée à l'extérieur du bâtiment, sur le toit plus précisément. Le réacteur est purgé en permanence afin d’éviter la formation des bulles de gaz observées au cours des tests. Il ne serait pas possible d’éviter que l'eau ne se sature bien au-delà de la quantité stœchiométrique, en présence d’une zone gazeuse dans le réacteur : en effet, l'hydrogène se solubiliserait suivant la loi de Henry à une concentration correspondant à la pression de l'installation, à savoir 5 bars à 25 °C.
Au cours des premiers essais, nous avons constaté un large excès d’hydrogène en aval du réacteur, bien que la quantité ajoutée soit strictement stœchiométrique de la quantité d’oxygène saturant l'eau en aval d'un dégazeur atmosphérique. Les teneurs résiduelles en oxygène étaient voisines de 0,015 mg/l. Une mesure de la concentration d’oxygène de l'eau dans le réacteur avant contact avec le catalyseur confirma l’hypothèse émise au sujet de cet excès d’hydrogène : une partie de l’oxygène est éliminée de l'eau au cours de l'introduction de l'hydrogène dans la tuyauterie. La saturation de l'eau en oxygène et en hydrogène, selon la loi d’absorption déjà citée, n’était cependant pas encore atteinte.
Les concentrations d’oxygène mesurées dans la colonne de contact, avant le catalyseur, étaient en moyenne de 5 mg/l. L’addition d’hydrogène fut alors réglée en fonction de cette quantité. Depuis lors, les teneurs résiduelles d’oxygène oscillèrent continuellement autour des valeurs indiquées sur la figure 7. Une diminution de l’addition d’hydrogène avait pour conséquence immédiate une élévation correspondante de la concentration résiduelle d’oxygène.
Il fut même possible de fonctionner avec des teneurs résiduelles assez élevées, comme le montre la figure 8.
L'introduction d’oxygène s’effectue proportionnellement au débit d'eau grâce à un système de régulation. Aucune trace d’hydrogène n’était détectable en aval de l'installation, que la quantité d’hydrogène ajoutée soit stœchiométrique ou substœchiométrique. Lorsque les quantités surstœchiométriques d’hydrogène étaient ajoutées à l'eau, on les retrouvait dans la même proportion en aval du réacteur. Elles étaient cependant largement éliminées dans le stockage sous vide de 30 mbars, correspondant à 24 °C, disposé en aval de l'installation de réduction d’oxygène. Avec un excès de 0,200 mg/l d’hydrogène par exemple, on ne retrouvait plus que 0,004 mg/l après le stockage sous vide.
En raison de la faible hauteur de couche de catalyseur, des contre-lavages épisodiques furent nécessaires pour égaliser son niveau (il conviendrait de choisir un réacteur d'une géométrie plus adaptée pour une construction nouvelle).
CONCLUSION
Notre expérience peut être résumée de la façon suivante :
- - l'installation de réduction est en service depuis 6 000 heures sans interruption significative ;
- - la construction étonnamment simple de l'installation a donné des résultats absolument satisfaisants ;
- - ce procédé offre la possibilité d’obtenir des concentrations résiduelles d’oxygène plus élevées par ajustement de la dose d’hydrogène ;
- - la réduction se déroule suffisamment vite, même à température ambiante ;
- - le catalyseur s’est avéré stable pendant toute la durée de l’essai.
450 m³ d'eau par litre de catalyseur ont été traités jusqu’à présent sans qu'un vieillissement puisse être constaté.
BIBLIOGRAPHIE
[1] Kurapkat, H. : La réduction catalytique de l'oxygène dans les solutions aqueuses. Tiré à part de VGB Speisewassertagung 1967, p. 53-58.
[2] Brochure 35-15 n° 1 du cabinet d'ingénieurs conseils Bischoff : Un nouveau procédé d'élimination de l'oxygène à froid, d'après le brevet allemand DP 1201262.
[3] Brochure 35-15 du cabinet d'ingénieurs conseils Bischoff : La mise en œuvre du procédé de réduction de l'oxygène, d'après le brevet allemand DP 12011262, dans le refroidissement des générateurs.