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L'évolution des techniques de pose de canalisations sans ouverture de tranchée

29 octobre 1993 Paru dans le N°167 à la page 48 ( mots)
Rédigé par : Dominique BOUILLOT, Olivier PASCAL et Laurence-de LISLE

La pose de canalisations est l'un des volets de la mission des distributeurs d'eau ; confrontés aux exigences de la vie urbaine et soucieux de la notion de service, ils s'efforcent de limiter les nuisances causées par leurs travaux et ont été amenés à développer le recours aux techniques de pose sans ouverture de tranchée. Initialement mises en ?uvre pour la réalisation des chantiers sensibles (traversées de voie de chemin de fer, de chaussées à forte circulation...), ces techniques sont maintenant utilisées de plus en plus fréquemment pour des interventions plus classiques, au même titre que les techniques traditionnelles. Le bilan de l'expérience de la Compagnie Générale des Eaux et de sa filiale de travaux hydrauliques, la SADE, pionnières dans l'utilisation de procédés nouveaux, confirme la percée encourageante de ces techniques de pose, promises à un bel avenir.

La Compagnie Générale des Eaux s'est toujours attachée à prendre en considération les sujétions créées par les différents travaux d'entretien, de pose ou de renouvellement de canalisations et à apporter un soin tout particulier au respect de l'environnement dans la réalisation de ses chantiers. C'est notamment dans le cadre de l'exploitation du réseau qui lui est confié par le Syndicat des Eaux d'Île-de-France, qui comprend plus de 8 500 km de canalisations, situées principalement en zone urbaine, que des efforts particuliers ont été réalisés pour tenter de limiter les nuisances causées à l'environnement en réduisant l'importance des interventions.

Dans ce contexte où chacun s'attache à rechercher des solutions, le développement du polyéthylène, à la fois souple et résistant, a beaucoup contribué à l'essor de nouvelles techniques de pose « sans tranchée ». En effet, depuis maintenant une trentaine d'années, ce matériau a progressivement remplacé le plomb qui constituait les branchements de petit diamètre ; il est également mis en œuvre depuis environ dix ans pour la réalisation de canalisations de petits diamètres. Son conditionnement, en couronnes ou sur tourets (jusqu'au diamètre de 125 mm) le rend particulièrement adapté aux techniques de pose sans tranchée, et il a permis de mettre au point plusieurs techniques de cette nature, aujourd'hui largement répandues.

Différentes expériences concrètes ont donc été menées ces dernières années dans la banlieue de Paris ; plusieurs techniques existantes ont été testées, des procédés nouveaux ont été élaborés et mis au point, et de nombreux chantiers expérimentaux ont été réalisés. Un certain nombre de ces techniques sont aujourd'hui considérées comme prometteuses et font de plus en plus partie des solutions communément retenues pour la réalisation des chantiers. Celles-ci concernent les canalisations, mais également les branchements, la réalisation d'un branchement d'abonné pouvant en

[Photo : Procédé de pose de canalisations sans terrassement par forage directionnel par hydrojet.]
[Photo : Mise en place du forage dirigé.]
[Photo : Schéma du dispositif d'extraction d'une conduite en fonte grise.]

effet nécessiter l'ouverture d'une tranchée transversale interrompant totalement la circulation dès lors que les conduites de distribution se trouvent de l'autre côté de la voie.

Pose d'ouvrages neufs

Ce sont les plus anciennes techniques expérimentées et mises en œuvre sur le territoire de la Banlieue de Paris. Elles nécessitent une bonne connaissance de la nature du sous-sol, et surtout de son encombrement, les réseaux des autres concessionnaires pouvant constituer des obstacles délicats à franchir...

Elles sont de natures diverses.

Le forage horizontal par compactage ou “fusée”

Ce procédé, maintenant très répandu, est mis en œuvre depuis déjà environ quinze ans sur le réseau de la Banlieue, notamment pour la réalisation des branchements de petits diamètres. Il s’agit d’un forage par compactage du terrain, réalisé par l’intermédiaire d’un fonceur pneumatique qui crée le passage. La direction d’envoi de la fusée est réalisée au démarrage, à l’aide d’une lunette de visée placée dans la fouille de départ et d’un jalon gradué placé dans la fouille d’arrivée. À l’issue du fonçage, un tube en polyéthylène est introduit, soit directement dans le passage réalisé par la fusée, soit, lorsque le terrain est boulant, à l’intérieur d’un fourreau tracté à la suite de la tête du fonceur.

Environ 20 à 25 km de polyéthylène sont posés chaque année par ce procédé, dans des diamètres qui varient de 25 à 125 mm.

Si l’on veut conserver une bonne précision quant à la cote d’arrivée, il convient de limiter les tronçons à une longueur de 10 m, qui peut atteindre 40 m, en utilisant une sonde de positionnement qui permet de connaître le cheminement de la fusée.

Avec la diminution des linéaires réalisés en terrain privé, due à l’apparition des “bornes de façade” et des regards en limite de propriété, le coût de réalisation des chantiers devient sensiblement identique à celui d’une pose en tranchée, avec l’avantage d’éviter certaines interruptions de la circulation et de limiter les nuisances sur la voie publique ainsi que chez les abonnés.

Le forage dirigé par hydrojets

Cette technique est mise en œuvre par la SADE depuis plus de trois ans sur le réseau de la Banlieue. La pose d’une canalisation par forage dirigé est réalisée en deux étapes. Dans un premier temps, une tête de forage munie de buses d’injection de bentonite, et actionnée par un train de tiges, réalise un premier tracé de faible diamètre (50 mm), par rotation et jets à haute pression de bentonite. C’est une sonde, associée à un récepteur d’ondes, placée sur la tête de forage qui permet de connaître sa position exacte et donc de diriger le forage. Lorsque la tête de forage atteint la fouille d’arrivée, elle est remplacée par une tête d’alésage dont le diamètre dépend de la conduite à installer, et qui réalise en retour le passage définitif, tout en tractant la conduite en polyéthylène.

Cette technique du forage dirigé est actuellement adaptée à la pose de tubes de polyéthylène de 50 à 180 mm de diamètre, par tronçons de 50 à 60 m. Environ 6 km sont réalisés chaque année par ce procédé.

L’économie réalisée varie selon les conditions du chantier, parmi lesquelles la nature du revêtement de sol, la longueur du tracé et le diamètre du polyéthylène posé ; elle peut atteindre 15 % dans certaines configurations.

Les autres procédés : micro-tunnelier, pousse-tube, tarière

D’autres techniques de fonçage ou de forage ont également été expérimentées et sont mises en œuvre ponctuellement pour effectuer la pose de canalisations d’eau potable – ou de fourreaux en acier ou béton – sur le réseau de la Banlieue. Le pousse-tube, le micro-tunnelier et la tarière sont notamment utilisés dans des diamètres de 150 à 1200 mm, mais leur avenir concerne davantage la réalisation de certains chantiers exceptionnels où le creusement...

d’une tranchée est tout à fait exclu (traversée de routes importantes, de voies ferrées...). Il est donc difficile de comparer leur coût à ceux des techniques traditionnelles.

Remplacement place pour place

Parmi les différentes techniques mises en œuvre aujourd’hui, celles dites de remplacement « place pour place », qui présentent un intérêt tout particulier, auront sans doute tendance à prendre une importance accrue dans les prochaines années chez les concessionnaires procédant au renouvellement de leur réseau. En effet, en zone urbaine, l’encombrement du sous-sol est tel qu’il est parfois difficile d’implanter de nouvelles canalisations qui soient compatibles avec les tracés des concessionnaires déjà présents dans le sol, le développement de nouveaux réseaux (chauffage urbain, câble,...) accentuant encore cette tendance. Par ailleurs, les collectivités locales, à l’instar de ce qui se fait en Allemagne, incitent parfois les concessionnaires à ne pas laisser en terre une conduite abandonnée, afin précisément de limiter l’encombrement du sous-sol. On comprend bien dans ce contexte que les techniques de remplacement place pour place, dont certaines autorisent même le renouvellement par des conduites de plus gros diamètres, soient prometteuses.

L’extraction de conduites en fonte grise

Expérimentée pour la première fois en 1991, cette technique est de plus en plus fréquemment mise en œuvre dans la région parisienne par la SADE. Elle consiste à extraire par rétro-tirage une conduite en fonte grise, en appliquant une force à son extrémité, transmise par l’intermédiaire de câbles en acier, et à tirer simultanément un tube en polyéthylène pour la remplacer (figures 3 et 4).

[Photo : Extraction d'une conduite en fonte grise.]

Au fur et à mesure de son extraction, la conduite en fonte grise (par nature cassante) est morcelée dans les fouilles intermédiaires à l’aide d’un couteau d’éclatement spécialement adapté. Actuellement, cette technique permet d’extraire des conduites de 40 à 150 mm par tronçons de 20 m environ. Une douzaine de chantiers, représentant un linéaire de plus de 1 500 m, ont déjà été réalisés.

L’un des intérêts de cette technique est de permettre d’augmenter sensiblement le diamètre nominal de la conduite en place, puisque le diamètre des tulipes de l’ancienne conduite en fonte grise agrandit le passage et autorise le tirage simultané d’un tube en polyéthylène ayant une section utile plus importante que celle de l’ancienne conduite. Une conduite d’un diamètre nominal de 40 mm peut par exemple être remplacée par un tube en polyéthylène de 125 mm de diamètre.

Cette technique vient de franchir une phase d’exploitation prometteuse. Par ailleurs, l’extension du domaine d’utilisation est à l’étude : l’extraction de tuyaux en fonte de 200 mm de diamètre ainsi que la pose de tubes en polyéthylène de 180 mm et plus, préalablement assemblés par des soudures au miroir, doivent notamment être expérimentés prochainement.

Le coût des chantiers est très légèrement inférieur à celui des techniques traditionnelles. Une économie de 10 à 15 % peut même être enregistrée dans le cas où la pose d’un communicateur pour assurer l’alimentation des abonnés peut être évitée.

L’extraction des branchements en plomb

Le parc de branchements existants est constitué pour une large partie en plomb, matériau dont des considérations sanitaires amènent à accélérer le remplacement. La mise au point d’une technique de remplacement place pour place constituait donc pour les distributeurs d’eau un objectif tout à fait capital et prioritaire. Un tel procédé a été mis au point et breveté par la SADE en 1992, pour le renouvellement des branchements en plomb de diamètre 15 et 20 mm ; il s’agit également d’une technique de remplacement place pour place par extraction avec tirage simultané d’un tube de polyéthylène. C’est le dernier né des procédés sans tranchée mis en œuvre dans la banlieue (figure 5).

[Photo : Extraction d'un branchement en plomb.]

C’est par un procédé astucieux, à l’aide d’un câble sur lequel sont fixés des cônes en acier, que l’effort de traction est réparti sur toute la longueur du branchement. Avec une puissance de tirage limitée, le plomb peut donc être décollé du terrain sans être déchiré ou écrasé, puis enroulé sur le tambour d’un treuil ; cette technique a ainsi l’avantage de pouvoir être mise en œuvre avec un matériel léger car de faible puissance.

Après une phase expérimentale satisfaisante, ce procédé est maintenant opérationnel sur l’ensemble du territoire du Syndicat des Eaux d’Île-de-France. La mise au point d’un matériel plus puissant est à l’étude.

Réhabilitation

Le tubage adhérent ou swage-lining

La technique du swage-lining consiste à introduire dans une canalisation à rénover un tuyau continu en polyéthylène, d’un diamètre extérieur égal ou légèrement supérieur au diamètre intérieur de l’ancienne conduite, après l’avoir préalablement comprimé dans une filière. Cette technique utilise les propriétés élastiques du polyéthylène ainsi traité qui, une fois mis en place, tend à reprendre son diamètre initial et donc à se plaquer contre la conduite à rénover (figure 6).

[Photo : Le swage-lining.]

La société Temare, filiale de la SADE, s’est trouvée en position de promouvoir l’exploitation de ce procédé en France, par ailleurs largement répandu en Angleterre pour rénover les conduites de gaz. Dans la banlieue de Paris, 1 300 m de canalisations d’eau potable ont déjà été rénovés selon

[Photo : Evolution du % des conduites en PEhd de diamètre 125 mm posées sans tranchées.]

cette technique qui a été jusqu'à présent uniquement mise en œuvre sur des conduites de diamètre 200 mm, ramenées à 165 mm. En province, ces chantiers ont été réalisés en différents diamètres, jusqu'à 600 mm. L'épaisseur du polyéthylène diminue la section utile de la conduite à rénover mais le gain de perte de charge dû au remplacement d'une fonte entartrée par du polyéthylène permet souvent de conserver les caractéristiques hydrauliques de la conduite. Par ailleurs, un gros avantage par rapport au chemisage dont nous allons parler plus loin est d'avoir exécuté les raccordements, prises en charge et autres manipulations sur un matériau bien connu, le polyéthylène à haute densité. Par comparaison aux matériaux traditionnels, une économie de 5 à 15 % peut être réalisée avec cette technique, selon la nature des réfections de sol.

Le chemisage par gaine souple

Le principe consiste à introduire une gaine enduite de résine à l'intérieur de la conduite à rénover. Cette gaine, préalablement mise en forme par gonflage, durcit par polymérisation et reconstitue une nouvelle conduite. Plusieurs types de chemisage ont été étudiés, leur différence résidant principalement dans la composition de la gaine et dans son mode d'introduction, par réversion ou par traction.

Cette technique, déjà largement mise en œuvre dans le domaine de l'assainissement, nécessite encore quelques perfectionnements pour être étendue au domaine de l'eau potable, où les pressions de service peuvent être fortes, et plus particulièrement sur les conduites de distribution qui peuvent comporter de nombreux branchements à raccorder ainsi que de nombreuses pièces spéciales telles que coudes, tés, cônes, etc.

Dans la région parisienne, l'expérience est actuellement limitée au chemisage d'une longueur de 200 m d'une conduite de diamètre 300 mm, par le procédé Paltem. Dans l'état actuel des recherches, l'extension du domaine d'application semble concerner davantage les gros diamètres, aussi bien sur le plan technique que sur le plan économique.

Quels freins à un développement plus rapide ?

Si les efforts effectués en termes de recherche et de développement, ainsi que les nombreuses expériences concrètes décrites ci-dessus témoignent d'une réelle volonté de recourir aux techniques de pose sans tranchée, cependant différents obstacles, variant bien entendu selon les techniques, constituent encore des freins à la vulgarisation de certains procédés.

Tout d'abord, le nombre élevé de branchements amène parfois à renoncer à la mise en œuvre d'une technique sans tranchée. En effet, des fouilles supplémentaires ou des interventions spécifiques sont souvent nécessaires au report des branchements de distribution, ce qui peut dans certains cas accentuer sensiblement le coût des chantiers et compromettre l'avantage économique dont ces techniques sont en général porteuses.

Par ailleurs, certaines techniques ne sont compatibles qu'avec un tracé relativement rectiligne, le passage de coudes ou de chevalets pouvant également nécessiter des aménagements particuliers.

Enfin, la méconnaissance de la position exacte des réseaux enterrés oblige, pour les différents types de forage notamment, à procéder à différents sondages. L'encombrement du sous-sol amène également à exclure certaines techniques de forage dont le guidage est aléatoire.

D'une manière générale, le chantier doit satisfaire à un certain nombre de conditions parfois difficiles à réunir. Les différentes contraintes propres à chaque chantier peuvent alors augmenter sensiblement le coût de la mise en œuvre et être de nature à exclure le recours aux techniques de pose sans tranchée. Il faut par ailleurs préciser que, contrairement aux techniques traditionnelles, les techniques de pose sans tranchée ne permettent pas toujours de garantir du premier coup le résultat souhaité (terrain trop dur, encombrement du sous-sol...).

Quelles sont les perspectives de développement des procédés de pose sans tranchée ?

Malgré ces différents obstacles, le linéaire posé chaque année par des techniques de pose sans tranchée ne cesse de croître, et différents facteurs laissent présager la poursuite de ces tendances (figure 7).

Le développement du polyéthylène, à la fois souple et résistant, a déjà beaucoup contribué à faire évoluer les techniques de pose ou de renouvellement sans tranchée, et il est probable qu'il continuera à en être ainsi ; en effet, ces dernières années, les perfectionnements apportés aux résines utilisées dans la fabrication de tubes en polyéthylène ont permis d'augmenter ses performances et donc son domaine d'utilisation, et il est certain que les nouvelles améliorations encore attendues dans ce domaine, notamment l'utilisation de la résine PE 100, permettront d'accroître encore un peu plus le champ d'application des techniques de pose sans tranchée. Pouvoir disposer d'une épaisseur de polyéthylène plus faible, à pression de service identique, permettra par exemple de limiter la réduction de section utile imposée par la technique du swage-lining. Cela pourra éventuellement autoriser le conditionnement du diamètre 180 mm en tourets, et ainsi ouvrir certains chantiers, aujourd'hui incompatibles avec l'encombrement nécessaire pour la réalisation des soudures « au miroir ».

D'une façon générale, l'extension des diamètres d'utilisation est toujours à l'ordre du jour pour développer chacune des techniques, ce qui laisse présager une augmentation du linéaire posé. Il est par exemple prévu de réaliser des extractions de branchements de 40 mm, d'extraire des conduites de 150 mm en posant un polyéthylène de 180 mm...

Par ailleurs, il est vraisemblable que les progrès dans la reconnaissance du sous-sol seront également de nature à faciliter certaines interventions et à favoriser le recours aux techniques de pose sans tranchée.

Enfin, certaines techniques sont encore relativement récentes, notamment l'extraction. Leur généralisation en cours et l'accroissement de la maîtrise de ces techniques devraient contribuer à mieux faire connaître leurs possibilités et donc conduire à l'augmentation du linéaire posé. Les différents succès rencontrés, l'économie souvent réalisée, incitent donc de plus en plus à faire le choix d'une pose sans tranchée.

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