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L'évolution de l'analyse automatisée des ions dans l'industrie européenne de l'eau

30 octobre 1990 Paru dans le N°140 à la page 88 ( mots)
Rédigé par : Mike DAY et Jean-louis LAFORESTE

L’industrie européenne de l’eau est entrée dans une longue période de changements due, au début, à la politique communautaire d’harmonisation de la qualité des eaux, incluant les directives à propos des niveaux de chaque polluant, et un peu plus tard à la pression populaire en faveur de l’environnement. Il est certain que nous allons vers une augmentation globale de la quantité des contrôles ainsi qu’à une meilleure connaissance des coûts de laboratoire, affinée jusqu’au niveau du test élémentaire.

Ce qui est moins certain, c’est l’évolution de la répartition des charges de travail de chaque laboratoire en termes de nombres et types d’échantillons, ainsi qu’en importance relative des différents paramètres. Il est donc vraisemblable que les laboratoires rechercheront avant tout un matériel d’analyse adaptable à leur future mais imprévisible charge de travail ; cependant, comme le montre l’examen d’un domaine important : l’analyse des ions par colorimétrie, l’évolution du matériel a suivi et continuera de suivre les besoins changeants de l’industrie.

Historique et évolution

Les premiers systèmes utilisés pour la détermination automatisée de paramètres tels que ammonium, nitrate/nitrite, phosphates, furent les « Auto-analyseurs » de première génération à la fin des années 60, et de seconde génération dans les années 70. Ils sont conçus selon le principe de l’analyse en flux segmenté (SFA) où échantillons et réactifs sont mélangés, les réactions sont menées à bien et la détection colorimétrique a lieu, dans un flux où l’on introduit des bulles d’air pour maintenir l’intégrité des échantillons et minimiser le recouvrement entre le pic d’un échantillon et le suivant. À la fin des années 70, un autre principe, celui de l’analyse discontinue, promit, puis finalement donna, des analyses sélectives à cadence élevée, en travaillant selon un principe entièrement différent du SFA, avec une combinaison de seringues et pistons utilisés pour doser et mélanger les réactifs avant de les amener dans le module de colorimétrie, ce qui implique une complexité mécanique nettement supérieure à celle des systèmes SFA.

Les deux technologies ont poursuivi leur développement au cours des années 80, principalement par une informatisation croissante du contrôle et de la manipulation des données. Cependant de tels systèmes ne sont pas la panacée universelle, et leurs inconvénients deviendront plus apparents au fur et à mesure que les besoins de changement des laboratoires seront plus affirmés. La principale limite de ces types de technologie provient des instruments originels dont les analyseurs d’eau découlent.

Ces deux familles d’appareils résultent des investissements très lourds réalisés pour la mise au point d’analyseurs médicaux, dont le cahier des charges est presque le contraire de celui des analyseurs d’eau. Un analyseur médical travaille en effet sur de longues séries avec une même matrice (sérum), une faible plage de mesure (normalement moins d’une décade) et avec des concentrations élevées ; pour un tel analyseur, la vitesse d’analyse importe davantage que le recouvrement, et l’on sacrifie sensibilité et linéarité des détecteurs pour abaisser les coûts de production, sous la pression du marché concurrentiel.

Depuis que les laboratoires médicaux traitent de longues séries d’échantillons avec des matrices similaires, la possibilité de changer de paramètre analysé ou de matrice n’est pas une priorité dans la conception du matériel. Inversement, les laboratoires des eaux rencontrent différentes matrices d’échantillon (eau potable, rivières, saumures, eaux usées), des concentrations très variables (3 décades est habituel, 5 n’est pas exceptionnel), et des niveaux d’analyse relativement bas. Donc, absence de recouvrement des pics, sensibilité et linéarité élevées, ainsi que flexibilité, pour traiter de petites séries avec des matrices différentes, sont les principaux besoins d’un laboratoire d’analyse d’eaux.

Les fabricants de systèmes SFA ont cherché à corriger les inconvénients en cause en développant des algorithmes sophistiqués de déconvolution des recouvrements et en informatisant la mise en route du système, mais cela a augmenté les coûts et la complexité tout en diminuant encore la flexibilité. De même, il est courant avec les analyseurs discontinus de dédier deux voies ou davantage aux différentes concentrations d’un même paramètre, ce qui implique un matériel redondant.

Les utilisateurs des laboratoires des eaux se sont adaptés à ces contraintes avec une louable ingéniosité, souvent par une présélection des échantillons en lots de concentrations similaires, ce qui implique un supplément de travail pour le personnel qui réceptionne les échantillons.

Deux autres techniques, remontant à la fin des années 70, sont très prometteuses : il s’agit de la chromatographie ionique et de l’injection en flux continu (FIA). La chromatographie ionique a trouvé un débouché important avec l’analyse des anions dans

* Texte anglais traduit et complété par Jean-Louis LAFORESTE (Techmation).

[Photo : Fig. 1 : La configuration complète de l'analyseur d'ions.]

l'eau potable ; cependant son utilisation plus large avec d'autres types de matrices est moins développée. La nécessité de travailler sur un échantillon propre et la relative lenteur d’analyse ont empêché la chromatographie ionique de devenir la technologie principale du laboratoire, et la FIA, objet de nombreux articles scientifiques couvrant de larges domaines d’analyse, n’a pas obtenu pour les analyseurs de routine la position dominante que l'on pouvait attendre. Cela est plutôt surprenant car la plage de mesure supérieure, la plus grande facilité d’utilisation, le démarrage et l’arrêt rapides, l’absence de recouvrement sont à comparer aux faiblesses des analyseurs d’ions SFA, mais la conception des systèmes FIA disponibles jusqu'à présent a été trop orientée vers les petits laboratoires et les universitaires ; ainsi ces systèmes n’ont pas pu proposer d’analyses multicanal, tandis que le traitement des données n’a pas atteint le niveau requis par les laboratoires routiniers plus grands et plus exigeants.

Cependant, après le lancement en Europe d’un nouveau système, le QuikChem AE de Lachat, cette situation a changé.

L’analyseur d’ions automatisé,Lachat QuikChem AE

Ce système est issu du précédent QuikChem System IV, qui prit une part importante du marché aux USA, entre 1981 et 1989. Très récemment, le QuikChem AE était retenu dans la majorité des laboratoires commerciaux d’analyses américains qui recherchent les différentes caractéristiques énoncées plus haut : grande productivité (malgré des échantillons « inconnus » très variés), temps de démarrage court, changement de méthode aisé et rapide, plage de mesure étendue et facilité d'utilisation. Il comporte plusieurs nouvelles et importantes caractéristiques :

  • • passeur d’échantillon XYZ à accès direct,
  • • dilution automatisée,
  • • possibilité d’avoir jusqu’à 7 canaux,
  • • logiciel statistique amélioré.

La figure 1 présente une configuration de travail complète avec, de gauche à droite : le diluteur (optionnel), le passeur d’échantillons XYZ, la pompe péristaltique, le QuikChem AE proprement dit, le micro-ordinateur de l’utilisateur et son imprimante. Ce dernier permet la saisie des paramètres de définition des méthodes, leur téléchargement sur le QuikChem par une liaison RS 232, l'acquisition et la sauvegarde en temps quasi réel des résultats, l'édition des rapports d’analyses ainsi que divers calculs statistiques. Le logiciel fourni par Lachat est multitâches : cela signifie qu'il peut utiliser le micro-ordinateur avec des logiciels bureautiques (traitement de texte, tableur…), alors que simultanément, en tâche de fond, il reçoit les résultats envoyés par le QuikChem AE.

L’électronique de cet appareil comporte l'équivalent d'un PC-XT qui reçoit les paramètres de la méthode, renvoie les mesures et surtout assure le pilotage en temps réel de l'analyseur. L’écran visualise les pics et permet donc à l’opérateur de détecter immédiatement un incident chimique ou hydraulique et d’y remédier sans attendre le listing des résultats.

Cela nous amène à parler de la colorimétrie proprement dite. Un ou plusieurs réactifs et tampons vont se colorer en présence de l’espèce ionique à doser. Ils viennent de flacons (cachés par le passeur d’échantillons sur la photo), sont entraînés par la pompe péristaltique et arrivent dans le module de réaction en téflon ; là, ils rejoignent un courant « porteur » d’eau désionisée, se mélangent et atteignent le détecteur colorimétrique, ce qui donne une ligne de base particulièrement stable. Lors d'une injection, une faible quantité d’échantillon remplace l'eau dans ce courant ; il y a réaction et le détecteur travaillant sur la couleur du composé formé donne un pic d’absorption dont la surface varie avec la concentration de l'ion dosé (car la quantité injectée est très reproductible). Cela explique la meilleure précision de la FIA par rapport aux systèmes SFA, qui ne peuvent mesurer que la hauteur moyenne du plateau supérieur d'un pic plutôt rectangulaire.

Enfin, en amont de l'injection, nous trouvons le passeur à accès direct et le diluteur automatique. Ils permettent des gains importants de productivité à l’opérateur, qui ne doit plus perdre son temps à diluer les échantillons trop concentrés. D’autre part, l’automation implique l'augmentation des autocontrôles de l'appareil (car l'opérateur, déchargé du travail, ne restera pas pour surveiller le bon fonctionnement). C’est pourquoi le système repasse des « témoins » et vérifie la répétabilité des résultats. Avec l'ancienne génération de passeurs séquentiels cela signifiait une ou plusieurs minutes perdues en attendant que le plateau ait fait le tour complet. Avec le passeur XYZ, l’accès à n’importe quel échantillon est rapide.

La dilution manuelle d’échantillons avant l’analyse est l'une des plus grandes limites à la productivité des laboratoires d’analyse d'eau. Cette difficulté est dépassée de trois façons par le système AE.

Premièrement, la FIA a pour caractéristique un excellent rinçage entre les échantillons, dû au volume beaucoup plus faible injecté et au temps de résidence plus court que dans un SFA. Cela permet de travailler habituellement sur trois décades, et par exemple on traite ensemble des échantillons à 0,02 mg/l et 20 mg/l. L'un des principaux avantages de l'absence de recouvrement et du retour complet à la ligne de base entre les échantillons est la possibilité de sortir les résultats en temps réel, ce qui est à comparer avec les systèmes SFA où l'on doit normalement finir la série, puis faire les corrections de contamination avant de connaître les résultats.

Deuxièmement, on peut réaliser une dilution optique en rajoutant une seconde cellule en série dont le chemin optique est le dixième de celui de la cellule standard. Cela augmente la plage de mesure d'une décade supplémentaire, jusqu'à 200 mg/l dans notre exemple.

Enfin, pour les laboratoires avec une plage de mesure encore plus large, le diluteur numérique associé au passeur d’échantillons XYZ permet d’obtenir deux autres décades.

La productivité doit s’entendre pour la totalité du traitement analytique, entre la réception des échantillons et l'édition des résultats. Le système dispose d'une liste très élaborée d’options de traitement des données qui donnent à l'utilisateur une grande flexibilité d’interfaçage avec l’équipement préexistant du laboratoire.

Il est complet et se suffit à lui-même, mais on peut aussi l'interfacer avec un LIMS (Laboratory Information Management System), avec deux voies de communication pour l’échange des données.

La qualité des données n’est pas non plus négligée et la part du système consacrée à ce contrôle est vraiment importante. Toutes les opérations sont surveillées par l'ordinateur et les caractéristiques hydrauliques du système sont comparées en permanence avec les valeurs typiques. Toute variation au-delà des limites fixées par l'utilisateur est notée et une option permet la recalibration puis un nouveau passage des échantillons dont la valeur est douteuse ; cela est grandement facilité par l'utilisation du passeur XYZ, qui dispose d’une zone dédiée au contrôle qualité avec des quantités importantes de témoins, blancs et autres étalons de vérification. Elle évite à l'opérateur d’avoir à remplir constamment de tels godets.

Chaque fois qu'il faut repasser le jeu d’échantillons qualité, soit par routine, soit suite à une alerte, le passeur XYZ retourne directement vers la zone adéquate du plateau.

Le système AE offre d’origine une grande flexibilité à l'utilisateur dont la charge de travail croît mais qui ne peut prévoir avec certitude, ni les matrices à analyser, ni les ions à chercher dans quelques années. Avec, par exemple, une charge de quarante échantillons quotidiens et six paramètres, il peut facilement travailler avec un système à deux canaux en changeant de méthode en quelques minutes. Dès que sa charge de travail augmente, il peut ajouter d'autres canaux de façon simple et économique. Que ce soit le type d’échantillons ou les paramètres à déterminer qui changent, l’adaptation est aussi facile. La possibilité d’ajouter un ou plusieurs canaux de chromatographie (IC) pour inventorier les anions et les cations d'une eau potable est unique sur le marché.

Les technologies FIA et IC ont beaucoup de points communs qui permettent une combinaison pratique, efficace et relativement bon marché.

À l'autre extrémité de la fourchette des charges de travail, un QuikChem AE avec sept canaux dédiés peut traiter plus de 500 échantillons quotidiens, sur une plage de trois décades ou plus, avec un traitement complet des données et l’édition des résultats.

Ce système a donc, sous une forme ou une autre, sa place dans chacun des laboratoires européens d’analyse des eaux. Les premières mises en service viennent d’ailleurs d'avoir lieu au Royaume-Uni, en Belgique et au Danemark.

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