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L'évaporation : la technique efficace

26 février 1988 Paru dans le N°116 à la page 29 ( mots)
Rédigé par : S. MAUDET et N.j. WESTBROOCK

L’évaporation est un procédé de concentration très largement utilisé pour la séparation de composés miscibles en solution. Grâce à un transfert thermique entre une source de chaleur et la solution à concentrer, le mélange est vaporisé et les vapeurs émises, condensées. La concentration des produits dissous ou en suspension dans la solution augmente en conséquence.

Cette technique est employée dans de nombreux secteurs d’activité comme l'agro-alimentaire, le nucléaire ou l’industrie chimique.

Nous en citerons quelques exemples :

  • — réduction de volume des produits corrosifs ou polluants dans les industries nucléaire, agro-alimentaire, chimique, papetière...
  • — purification ou distillation : eau stérile apyrogène, eau potable, récupération de solvants.
  • — régénération : traitement des solutions de l'industrie des traitements de surfaces, huiles polluées...

Les évaporateurs utilisés pour ces diverses applications peuvent être de différents types, distincts les uns des autres par :

  • — le type de surface permettant le transfert thermique (surface tubulaire ou plane),
  • — la façon dont circule le produit à concentrer dans l’évaporateur, par exemple à l'intérieur des tubes ou à l’extérieur dans le cas d’un échangeur tubulaire, en film de produit tombant le long du tube ou en tube noyé,
  • — la source de chaleur : vapeur vive, vapeur recomprimée par un thermocompresseur ou un compresseur mécanique, eau chaude...,
  • — le niveau de pression auquel l’évaporation est réalisée (elle peut se faire à pression atmosphérique ou sous vide pour diminuer la température d’ébullition du produit).

Le choix entre les diverses techniques dépend des produits à concentrer, des quantités à traiter et d’impératifs économiques tels que coûts d’investissement et coûts d’exploitation. Le type d’évaporateur rencontré varie donc fortement d’une industrie à une autre. Nous donnons, à titre d‘exemple, les solutions qui ont été étudiées pour résoudre les problèmes de l'industrie des traitements de surfaces.

Depuis quelques années, le caractère fortement polluant des effluents des industries de traitements de surfaces a conduit à reconsidérer les techniques disponibles pour éliminer ces rejets : le contrôle de la pollution peut être réalisé par stabilisation chimique des éléments polluants qu’ils contiennent ; une autre solution, préférable, consiste à récupérer les éléments qui seraient normalement rejetés.

En effet, la neutralisation chimique des solutions utilisées en électrodéposition ne permet pas la récupération des produits traités et entraîne la formation de boues qui peuvent nécessiter des traitements complémentaires.

Plusieurs procédés sont utilisés pour la récupération des éléments contenus dans les effluents. L’osmose inverse, par exemple, donne des résultats intéressants mais, malheureusement, elle ne permet pas d’atteindre les hautes concentrations nécessaires au recyclage des produits vers les bains d’électrodéposition ; de plus, elle n’élimine pas complètement les impuretés contenues dans l’effluent. Les échangeurs d’ions, pour leur part, présentent le désavantage majeur de nécessiter des régénérations régulières qui produisent, à leur tour, des solutions polluées.

La technique de l’évaporation, par contre, s’est révélée parfaitement adaptée à la concentration et à la récupération de la plupart des solutions couramment utilisées.

Jusqu’à une période récente, deux types d’évaporateurs étaient généralement employés dans l’industrie des traitements de surfaces, leur conception s’appuyant, soit sur la technique du film ruisselant ou grimpant, soit sur celle utilisant un faisceau de tubes immergés dans la solution à concentrer. Bien que reconnue efficace, cette technique avait, jusqu’à présent, le désavantage d’être coûteuse : une installation à simple effet consomme environ 1,1 kilogramme de vapeur par kilogramme d'eau évaporée. Pour diminuer ce coût énergétique, une installation multi-effets peut être conçue, mais l'investissement nécessaire devient rapidement prohibitif.

Une autre méthode permettant de diminuer la consommation d’énergie consiste à utiliser la compression mécanique de vapeur. Un compresseur mécanique augmente la pression, donc la température de la vapeur d’eau obtenue par évaporation. Cette vapeur recomprimée est alors utilisée comme source d’énergie pour évaporer la solution à concentrer. L’utilisation de ce procédé a néanmoins été limitée à des applications particulières, l’entraînement de vapeurs corrosives pouvant provoquer de graves problèmes de corrosion du compresseur.

Reconnue comme techniquement intéressante, l'évaporation nécessitait cependant, pour être vraiment attractive, un certain nombre d’améliorations, dont les principales étaient :

  • — obtenir des coefficients d’échange élevés, de façon à diminuer les surfaces d’échanges nécessaires. Les coûts des matériaux spéciaux, tel le titane, résistant à l'action corrosive des solutions à concentrer, sont très élevés ; en conséquence, toute diminution de la surface d’échange conduit à une diminution importante des coûts d’investissement ;
  • — obtenir des vapeurs aussi pures que possible pour éliminer les risques de corrosion et permettre l’utilisation de la compression mécanique de vapeur.

Des études approfondies réalisées récemment ont conduit à la mise au point d’un nouveau type d’échangeur répondant à ces objectifs. L’innovation principale porte sur l’utilisation de tubes à baïonnettes comme surface d’échange. Comme le montre la figure 1, la vapeur recomprimée circule dans l’espace annulaire formé par le tube interne et le tube externe placé en contact avec le produit. La vapeur en cours de condensation refoule les incondensables en bout de tube d’où ils sont extraits par le tube interne, lui-même en communication avec le système de mise sous vide. Cette solution permet d’éviter

[Photo : Evaporateur à compression mécanique de vapeur pour concentration d’effluent d’osmose inverse]
[Photo : Échangeur de chaleur avec tubes à baïonnettes.]

La création de poches d’air, et donc la réduction locale du coefficient d’échange. D’autre part, le faisceau de tubes est installé avec une légère pente, de façon à favoriser la purge des condensats de chaque tube. L’échangeur de chaleur fonctionnant sous vide et, par conséquent, à basse température, permet l’usage de matériaux comme le CPCV ou les fibres de verre renforcées pour la fabrication de l’enveloppe externe et des tubes siphons. Les tubes en contact avec le produit sont, quant à eux, en titane. Le choix de ces matériaux pour la réalisation des échangeurs à tubes à baïonnettes permet d’obtenir des coefficients d’échange élevés et une excellente résistance à la corrosion contre les produits couramment rencontrés en électrodéposition. Associé à un séparateur de vapeur à trois étages de séparation, ce nouveau type d’échangeur permet d’utiliser un compresseur de façon efficace et sans risques de corrosion.

De nombreuses installations utilisant la technique décrite précédemment, associée à un rinçage en cascade, sont actuellement en fonctionnement. Elles permettent de résoudre de façon économique le problème des effluents. Les coûts de traitement obtenus ont été comparés à ceux des méthodes classiques de neutralisation chimique. À titre d’exemple, la figure 2 représente le schéma de fonctionnement d’un évaporateur concentrant l’effluent d’une ligne de chromage dur. Les figures 3a et 3b représentent, quant à elles, l’implantation, dans l’atelier d’électrodéposition, de cet évaporateur avec ou sans échangeur d’ions. Les coûts d’exploitation de cet atelier, en considérant les diverses méthodes de dépollution, sont rassemblés dans le tableau suivant.

Coût d’exploitation d’un atelier d’électrodéposition en fonction de la méthode de traitement utilisée.

Métal de remplacement (1,7 F/kg) : 61 345 F (méthode chimique) 600 F (évaporateur classique) 600 F (évaporateur à compression mécanique de vapeur)
Dioxyde de soufre (6,75 F/kg) : 48 500 F (méthode chimique)
Acide sulfurique (1,20 F/kg) : 25 680 F (méthode chimique)
Hydroxyde de calcium (1,00 F/kg) : 32 976 F (méthode chimique)
Coût d’élimination : 85 530 F 2 400 F 2 400 F
Électricité (0,30 F/kWh) : 4 950 F 11 875 F 23 760 F
Fioul (1,60 F/litre) : 0 F 170 280 F 8 514 F
Coût d’exploitation annuel : 258 981 F 185 155 F 35 274 F
Coût d’investissement pour évaporateur et échangeur d’ions : 0 F 390 000 F 570 000 F
Coût d’investissement pour système de destruction de déchets : 360 000 F 0 F 0 F
Système de séchage : 120 000 F 0 F 0 F
Valeur actuelle (15 % sur une période de 5 ans) : 1 351 420 F 1 018 596 F 704 160 F
Économie réalisée en 5 ans en utilisant la technique de l’évaporation : 0 F 332 830 F 647 260 F

Les comparaisons ont été faites en considérant une période de fonctionnement de l’atelier de 6 600 heures par an et un entraînement vers le système de rinçage de 2,3 litres par heure d’acide chromique à 240 g/l.

L’analyse ne tient pas compte des coûts de personnel ni de maintenance ; néanmoins, il est certain que l’évaporation demandera beaucoup moins de suivi que la méthode utilisant la neutralisation chimique. Il ressort de cet exemple que, sur une période de 5 ans, l’évaporateur à compression mécanique de vapeur permettra d’économiser plus de 647 000 francs par rapport à la méthode classique de neutralisation chimique. Cette économie peut également être comparée à celle qui serait réalisée avec un évaporateur classique, laquelle ne s’élèverait qu’à 332 000 francs.

Les études faites sur les nouveaux évaporateurs capables de concentrer les effluents des ateliers de traitements de surfaces ont confirmé les avantages de cette technique, tant d’un point de vue financier que pratique.

[Photo : Concentration des effluents de chromage par évaporation.]
[Photo : Implantation d’un évaporateur dans un atelier d’électrodéposition.]
[Photo : Évaporateur avec pompe à chaleur pour eau apyrogène.]

La technique d’évaporation est, de plus, très attractive de par la facilité avec laquelle elle peut être mise en œuvre ; un évaporateur peut, en effet, être mis en route et suivi par un personnel non spécialisé, déjà assigné à d’autres tâches. Elle représente une solution intéressante à tout problème d’élimination de déchets liquides dans une gamme de débits très large et pour des produits de natures très diverses.

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