[Photo : La FINLANDE : plus de 55 000 lacs.]
LA QUALITÉ DES EAUX
— À l'état naturel.
Les eaux sont douces, peu minéralisées et peu tamponnées. Leur couleur brune est due à l'abondance de matières humiques associées à des quantités variables de fer. La productivité primaire y est faible. Dans ces lacs peu profonds les sédiments participent intensément à la dynamique des sels nutritifs susceptibles de parvenir à la zone trophogène et sont facilement colonisés par les macrophytes. Durant une grande partie de l'année la couverture de glace s'oppose à une bénéfique oxygénation des eaux.
Ces diverses caractéristiques rendent les lacs extrêmement sensibles à la pollution et à l'eutrophisation même sous une faible charge de polluants ou de nutriments.
— L'influence humaine.
L'intensification et la diversification des activités humaines au cours de ces dernières décennies ont particulièrement détérioré la qualité des eaux : on estime à 15 % (4 700 km²) la surface de lacs ainsi touchée. Les responsables de cette situation sont surtout :
- — l'industrie de la pâte à papier,
- — les eaux usées domestiques.
La distribution géographique du malaise est inégale ; c'est en effet dans les territoires du sud et du sud-ouest où vit 40 % de la population totale que la situation est particulièrement critique tant sur le plan de la quantité que de la qualité de l'eau.
LES PROBLÈMES
Les principales utilisations de l'eau qui souffrent de la pollution et de l'eutrophisation sont :
— L'alimentation en eau potable :
Du fait de la rareté des eaux de nappe (2 % des ressources totales) l'alimentation des villes en eau potable est assurée de plus en plus fréquemment par les eaux de surface. La protection et la restauration de la qualité des eaux lacustres dans les zones peuplées sont des préoccupations d'ordre essentiellement économique et sanitaire.
— La pêche professionnelle :
À temps plein ou partiel ce type d'activité n'est pas très important sur les lacs, l'essentiel du poisson consommé provenant de la mer. Cependant, la pêche peut être un facteur de
fixation des populations dans les zones dépeuplées et à ce titre il est essentiel de protéger le principal instrument de travail que sont les lacs.
— le cadre de vie et la santé publique :
L'eau fait partie de la vie du Finlandais. Il est très sensible à la détérioration de sa qualité, détérioration qui porte une atteinte certaine à la qualité du cadre de vie et en particulier à la santé publique en raison de l'action combinée de l’eutrophisation et de la pollution bactérienne.
LES SOLUTIONS
Brusquement confrontés aux problèmes de la détérioration de la qualité des eaux, les Finlandais ont pris un certain nombre de mesures législatives, administratives et technologiques efficaces car judicieuses, rapides et coordonnées.
— Loi, justice, administration.
La Finlande a adopté le principe scandinave de la propriété privée des eaux, le propriétaire pouvant être un particulier, une commune ou l'État. Un certain nombre de lois réglementent les droits et les devoirs du propriétaire. Depuis 1962 l’arsenal des actes et décrets s'est étoffé concernant l'utilisation et l'administration de l’eau d'une part, la prévention de la pollution d'autre part.
La mise en œuvre de ces lois s'appuie sur un appareil judiciaire spécial :
- 3 Water Courts (se partageant le pays),
- 1 Superior Water Court (Division « Eau » de la Cour d’appel de Vaasa),
- 1 Supreme Administrative Court pour l'eau,
- 1 Supreme Judicial Court pour l'eau.
À ces différentes cours coopèrent hommes de loi, juges et ingénieurs.
L'administration de l’eau est confiée :
- — à l’échelon national au National Board of Water (NBW) qui dépend du Ministère de l'Agriculture et des Forêts ;
- — à l'échelon régional à 13 Water Offices opérant dans des Water districts ;
- — à l’échelon local à des Water Boards qui siègent dans chaque municipalité.
Cette administration a pour charge de suggérer les lois à l'appareil judiciaire et d'en vérifier la bonne application. Elle s'oppose parfois à ce dernier, la conservation du bien public étant la raison suprême (le NBW peut aller contre la décision d'un Water Court). Cet appareil administratif utilise les compétences d'administrateurs et d'ingénieurs.
RECHERCHE, ENSEIGNEMENT
Créé en 1970, le National Board of Waters joue également un rôle important dans le domaine de la recherche. Il dispose pour cela d'un Institut de Recherche sur l'eau employant plus de 100 personnes dont 40 de grade universitaire. Cent autres personnes sont également affectées à la recherche dans les divers districts. Trois grands axes constituent l'essentiel des recherches :
- – l'hydrologie,
- – la qualité des eaux,
- – le traitement des eaux.
Les activités de recherche concernent :
- — la collecte des données selon un réseau de stations représentatives d'un point précis (sur une rivière, dans un lac...) ou d'un bassin versant expérimental ;
- — la recherche proprement dite.
D'autres recherches, de caractère particulier ou d'intérêt local, sont réalisées dans les universités et dans l'industrie privée.
Pour travailler dans l’administration, dans la recherche, en collaboration avec les hommes de loi, il est nécessaire de disposer de spécialistes compétents. Ceux-ci sont formés principalement dans les universités en fonction des besoins : c'est ainsi que chaque année 40 limnologues sont formés par le département de limnologie de l’Université d'Helsinki.
TECHNOLOGIE
Les mesures faisant appel à la technologie sont de deux types :
Mesures préventives
La DBO₅ en provenance de l'industrie de la pâte à papier et le phosphore en provenance des effluents urbains sont les deux principales charges nuisantes visées. Le programme d'abattement commencé en 1970 est le suivant :
Tonnes/jour | |||
---|---|---|---|
1972 | 1980 | 1985 | |
Poids total (effluents urbains) : | 6 | 3 | 2,5 |
DBO₅ (industrie de pâte à papier) : | 1 100 | 650 | 400 |
Quoique ambitieux, ce programme est suivi grâce au support législatif, judiciaire et administratif précédemment évoqué mais également à un gros effort technologique dont :
- — le déchiquetage des fibres du bois utilisant l'air à la place de l'eau ;
- — l'élimination physico-chimique du phosphore des effluents urbains (à la fin de 1975, 50 % des 500 stations d’épuration fonctionnaient ainsi).
Mesures curatives
Si les mesures préventives suffisent à préserver et à améliorer la qualité de certaines eaux, courantes ou peu touchées, ce type de mesures est insuffisant dans le cas d'un grand nombre de lacs souffrant des deux principales nuisances dues à l'eutrophisation : l'envahissement par les macrophytes et la désoxygénation hivernale.
Dispositif de pompage et d’oxydation
Eau hypolimnique désoxygénée
Eau oxydée
L’HEDIXOR finlandais.
Les projets et les réalisations en matière de restauration de lacs sont sous le contrôle du NBW en la personne de M. P. Seppänen. Cinq cents lacs sont actuellement susceptibles d’être traités ; 34 le sont déjà et 20 sont en projet.
Dans le domaine de l’aération hypolimnique (1), la recherche privée finlandaise a mis au point au cours de ces dernières années un appareil fonctionnant sur le principe des U-tube de Speece : l’HEDIXOR (2). À la suite des échecs du modèle présenté au Symposium de Madison en 1974, le modèle 1975 (voir fig.), compact et modulaire, comporte :
- — un système de dégazage des eaux pompées composé d’un vibreur et d’une pompe à mousses, ce qui évite le désamorçage de l’appareil et diminue la consommation de l’agent oxydant ;
- — un système d’injection de l’agent oxydant capable de fournir des microbulles par microatomisation mécanique (fig. 4) (accélération des échanges gazeux) (figure ci-dessous).
(1) Aération hypolimnique : aération sans destratification des eaux profondes d’un lac stratifié.
(2) HEDIXOR : appareil de la firme Hydisier, inventé par M. P. Isteri.
- — Arrivée de l’eau hypolimnique
Eau oxydée
- 1 - Tube d’aspiration de l’eau hypolimnique (Ø 80 cm).
- 2 - Tête du vibreur.
- 3 - Moteur du vibreur.
- 4 - Pompe à mousses.
- 5 - Sortie de la pompe à mousses.
- 6 - Moteur d’entraînement de la pompe à hélice (1 430 t/mn de 7 1/2 à 11 kW).
- 7 - Hélice de la pompe à hélice (Ø = 35 cm).
- 8 - Arrivée du gaz oxydant (air ou oxygène).
- 9 - Dispositif d’injection du gaz oxydant (cylindre perforé).
- 10 - Tuyau de prélèvement d’eau ou d’injection de réactif annexe.
- 11 - Tuyère d’éjection (Ø 35 à 80 cm).
- 12 - Chicane à bulles.
- 13 - Tuyau de récupération des bulles.
- 14 - Microbulles (schéma ci-contre).
En 1978 sera commercialisé un appareil plus compact en rendant coaxiaux les tubes d’aspiration et d’éjection de l’eau.
CONCLUSION
Moins célèbre que l'expérience suédoise, l'expérience finlandaise dans le domaine de la protection des eaux mérite cependant d'être connue surtout comme exemple de ce qu'une civilisation de l'eau peut faire pour l’eau sans nuire apparemment à son bien-être économique et social. Bien au contraire.
G. BARROIN.
Le cycle « Les lacs et leurs problèmes » dans L'EAU ET L'INDUSTRIE
- — Réoxygénation des lacs suédois par bulles d'air comprimé suivant la technique ATLAS-COPCO - L'appareil LIMNO pour les lacs profonds par C. LAPORTE - n° 9 - page 57.
- — La régulation hydrochimique du système fluvio-lacustre de l'altiplano bolivien (Lac Titicaca) par J.-P. CARMOUZE (Congrès A.F.L. 77) - n° 17 - page 77.
- — Étude des lacs vosgiens de Gérardmer et Longemer (Congrès A.F.L. 7) par P. BALLAND - G. VARET - J. MOUILLE - A. PALISSON - n° 17 - p. 78.
- — Ville de Zurich boit l'eau de son Lac : l'usine de traitement de l'eau de lac de LENGG (Suisse) Documentation M. SCHALEKAMP - n° 18 - p. 49.
- — Influence d'une longue période d’isothermie sur les caractéristiques des eaux d'un lac peu profond : le lac de COMABBIO (Lombardie, Italie) par D. ANNONI - O. RAVERA - n° 19 - page 53.
- — Réoxygénation du Lac de NANTUA avec l'oxygénateur TURBOXAL de LIQUIDE L'AIR LIQUIDE par J.-P. TORRES et B. JAMONET - n° 21 - p. 57.
- — L’eutrophisation des lacs : un aperçu de l'expérience finlandaise par G. BARROIN, n° 23.