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L'épuration par stripping des eaux souterraines destinées à la consommation

30 mars 1986 Paru dans le N°99 à la page 33 ( mots)
Rédigé par : Y. RICHARD et B.-r. FRICK

La pollution des eaux souterraines par les hydrocarbures chlorés (solvants chlorés), constatée pour la première fois en RFA à la fin de la précédente décennie, a conduit quelques distributeurs d’eau potable, soit à interrompre les prélèvements, soit à traiter l'eau avant distribution. Cette situation, qui paraissait spécifique à la RFA, s’est par la suite étendue à d'autres pays européens ainsi qu’aux États-Unis.

En RFA, la concentration maximale admissible des solvants chlorés dans l'eau potable est de 25 µg/l. Ce taux peut être atteint en traitant l'eau brute polluée, en faisant usage de deux techniques : le stripping par air et l’adsorption sur charbon actif en grains.

Cette dernière est assurément la plus complète, car elle permet également d’éliminer les substances non volatiles qui accompagnent souvent les solvants, mais elle peut atteindre un coût élevé, en particulier si les concentrations dépassent 100 µg/l. Par contre, le stripping par l'air est plus économique pour autant qu’il s’agit d’éliminer les produits volatils. Lorsqu’un traitement secondaire sur CAG peut s’avérer nécessaire, le stripping préalable contribue à le rendre moins onéreux.

Nous décrirons ci-après les principes du procédé de stripping par aération intense et nous présenterons ensuite deux applications industrielles du procédé telles qu’elles ont été réalisées récemment en RFA.

Le stripping par aération intense

L'élimination par l'air de substances volatiles dissoutes dans l'eau s'effectue dans des tours où l’eau ruisselle sur des lits garnis de matériaux qui ont pour but de réaliser une importante surface de contact entre l'eau et l'air. Il existe deux types de procédés, l'un à co-courant, où l'eau et l'air sont ajoutés à la tête de la tour, et l'autre à contre-courant, où l'air est insufflé à la base de la colonne.

Les équations nécessaires au calcul du dimensionnement d'une installation figurent au tableau 1. Elles font entrer en jeu la combinaison de l'équilibre de la distribution.

Tableau 1 : Calcul du dimensionnement d'une colonne de stripping

V(colonne) = NTU · V(eau) / βL · a

S = H · V(air) / (P · V(eau)) · 1/1244

C = [τ(sortie) – τ(équil.)] / [τ(entrée) – τ(équil.)]

Modèle à contre-courant :  
NTU = [S / (1 – C)] · ln[(1 – C)/C] · [(S + 1)/S] (S ≠ 1)

Modèle à co-courant :  
NTU = [S / (S + 1)] · ln{[1/C · (S + 1) – 1] / (S + 1)}

NTU = Nombre d'unités de transfert  
C = Concentration du gaz dans le liquide  
V(colonne) = Volume du garnissage (m³)  
βL · a = Coefficient cinétique (h⁻¹)  
V(eau) = Débit d'eau (m³/h)  
V(air) = Débit d'air (m³/h)  
H = Constante de Henry (bars)  
P = Pression totale (bars)  
τ(équil.) = Concentration de la substance dans l'eau en équilibre avec sa concentration dans l'air

Tableau 2 : Valeurs de la constante de Henry (bars) pour des températures de 10 °C et 15 °C

Dichlorométhane : 61 (10 °C) – 89 (15 °C)
1,1,1-Trichloréthane : 225 – 298
Trichloréthylène : 338 – 431
Tétrachloréthylène : 569 – 771
Tétrachlorure de carbone : 727 – 969

bution entre l'eau et l'air, le bilan de masse et le modèle cinétique — ce procédé très usité en « mass-transfer operations » est décrit dans la littérature (1) (2) — elles sont assemblées suivant le type de traitement envisagé (CD ou Contre-courant). La constante de Henry (constante d’absorption) qui entre dans les formules est fonction de la température. Ses valeurs sont données par le tableau 2 pour la plupart des hydrocarbures chlorés rencontrés dans les eaux souterraines et pour deux températures (10 et 15 °C) ; de même le coefficient cinétique β₁ est dépendant du genre de garnissage et du type des installations intérieures ainsi que des conditions hydrauliques : la figure 1 en donne quelques valeurs en fonction des débits d’eau brute pour un garnissage de 6 cm de granulométrie, en se référant à l'air comme médium de stripping et au CO₂ comme substance à éliminer.

[Photo : Fig. 1 - Graphique des valeurs du coefficient cinétique en fonction du débit spécifique de l'eau (garnissage Noc-pac 2 - élimination du CO₂).]

Pourquoi utiliser le CO₂ comme indicateur, alors que l'on veut éliminer des solvants ? C’est en raison du fait que, jusqu’à présent, le procédé était surtout employé pour son élimination et que l'on dispose ainsi de résultats détaillés concernant le procédé ; or, à la suite de nombreuses analyses dont les résultats ont été publiés par Baldauf (3) (4), on a trouvé une relation entre les coefficients cinétiques intéressant le CO₂ et les hydrocarbures chlorés. Il en découle qu’à partir des diagrammes et des résultats existants, il est facile de calculer

Tableau 3 : Valeurs des facteurs de conversion des coefficients cinétiques des solvants par rapport à celui du CO₂, d'après (4).

Substances β₁·a(solvant)/β₁·a(CO₂) Nombre d'analyses
1.1.1-Trichloréthane ............ 0,87 27
Trichloréthylène ................. 0,51 171
Tétrachloréthylène ............. 0,55 155
Tétrachlorure de carbone ... 0,81 6

ces valeurs pour chaque solvant en fonction des divers garnissages utilisés. Les facteurs de conversion se rapportant aux principaux polluants sont indiqués dans le tableau 3. Tous ces éléments permettent ainsi de calculer le dimensionnement des tours de stripping avec une bonne approximation.

Technique des colonnes de stripping

En concevant une station de stripping, il faut avoir le souci de faciliter les opérations de maintenance, tant au niveau des réparations qu’à celui de l’entretien. À cet effet, il faut prévoir des garnissages compacts, qui peuvent être aisément démontés, notamment pour l’élimination des dépôts.

C’est ainsi que ceux utilisés dans nos colonnes « Necor » sont assemblés en blocs de matière plastique de 600 x 600 x 1200 mm (figure 2), ce qui conduit, pour optimiser leur pose, à réaliser les colonnes d’aérations suivant un quadrilatère à trame de 600 mm, avec une surface proportionnelle au débit spécifique demandé. L’épaisseur du garnissage et la quantité d'air à admettre déterminent de même le rendement à obtenir. Les blocs sont fabriqués en polypropylène, polyéthylène ou inox.

[Photo : Fig. 2 — Un bloc Necor de garnissage des colonnes de stripping.]

Les réalisations

La première station industrielle (figure 3) a été construite en 1983 par la société Philipp Müller à Sauerland (RFA), avec une capacité de traitement de 210 m³/h.

La colonne de 7 m de hauteur est du type « Necor contre-courant » avec les caractéristiques suivantes :

  • — surface de la colonne d’aération : 0,72 m² ;
  • — épaisseur du garnissage : 4,80 m.

L’enveloppe de la colonne a été réalisée en polyéthylène de couleur noire pour former écran au rayonnement ultraviolet.

Dans un premier temps la teneur de l’eau brute en tri et tétrachloréthylène s’élevait à 60-80 μg/l et le traitement permettait d’éliminer 80 % de cette pollution ; par la suite, et pour une raison inexplicable, cette teneur est heureusement tombée à 8-10 μg/l, ce qui a ramené à moins de 2 μg/l cette concentration dans l’eau traitée.

Une autre station a été réalisée en 1984 dans la ville voisine, suivant le schéma donné sur la figure 4, en vue de traiter un débit de 160 m³/h. L’installation de stripping comporte deux colonnes de 5,60 m de hauteur fonctionnant à contre-courant, d’une surface unitaire de 0,72 m² avec un garnissage de 3,60 m d’épaisseur. La quantité d’air employée dans chaque tour s’élève à 1 600 m³ par heure.

Des concentrations inférieures à 100 μg/l peuvent être traitées en parallèle sur les deux tours, avec un rendement de 80 % et une concentration finale inférieure à 20 μg/l. En mettant les deux colonnes en série, il est possible d’agir sur des pollutions atteignant 200 μg/l avec un rendement de 90 %, le débit étant alors limité à 160 m³/h.

[Photo : Vue de la station de Sauerland (RFA). Au premier plan : installation de filtration de l’air et le ventilateur.]
[Photo : Schéma d'une installation de stripping comportant deux colonnes de traitement.]

Conclusion

Le dégazage (ou stripping) est la méthode la plus économique de traitement des eaux souterraines polluées par des solvants. S’il s’agit de produits volatils, il est possible d’appliquer cette technique sans traitement secondaire.

À défaut, une combinaison de stripping et d’adsorption sur charbon actif est à conseiller.

Les expériences menées sur ces deux stations industrielles en service depuis deux années se sont révélées satisfaisantes. Il y a lieu de souligner que la maintenance s’est limitée au nettoyage du système de répartition de l’eau et du garnissage, à raison d’une fois par an.

Bibliographie

1. TREYBAL R. — Mass-Transfer Operations, Mc Graw Hill, 2ᵉ éd., New York, 1968.

2. PERRY — Chemical Engineers Handbook, Mc Graw Hill, New York, 1973.

3. BALDAUF G. — Einige Versuchsergebnisse zur Stoffübertragung bei der Wasserbelüftung en : Verfahrenstechnische Grundlagen für Anlagen zur Entfernung von Halogenkohlenwasserstoffen aus Grundwassern, ZGW-Verlag, Frankfurt, 1983.

4. BALDAUF G. — Removal of volatile halogenated hydrocarbons by stripping and/or activated carbon adsorption.

5. HABERER K., SCHREDELSEKER F. — Zur Entfernung organischer Verbindungen aus dem Wasser durch Belüften Jahrbuch vom Wasser, Bd. 62, 1984. — Water Supply, vol. 3, Pergamon Press Ltd, 1985.

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