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L'épandage en route vers la qualité et la traçabilité

29 decembre 2000 Paru dans le N°237 à la page 39 ( mots)
Rédigé par : Anne LOMBARD

L'épandage n'est pas mort mais va devoir changer, dans le sillage de l'accord national sur l'épandage des boues de station d'épuration qui devrait aboutir, on l'espère, à la fin de l'année 2000. Autrement dit, sous certaines conditions, notamment de qualité et de contrôle, et par la création d'un système d'assurances, les boues de Step devraient être considérées par tous comme un excellent produit de fertilisation ou d'amendement.

[Photo : Andains (Photo Sede Environnement)]

L'exigence de qualité et de traçabilité n'a pas attendu l'accord national imminent sur l'épandage des boues de station d'épuration. Elles sont déjà encadrées par les textes réglementaires. Depuis l'arrêté du 8 janvier 1998, en effet, le recyclage agricole doit faire l'objet d'un plan d'épandage. Une étude préalable détermine si la composition des boues est adaptée au sol (contexte pédologique) et aux cultures, quelles quantités peuvent être utilisées, et si, bien sûr, la nappe phréatique ou les cours d'eau peuvent supporter cette fumure. Elle prévoit les stockages. Enfin, la traçabilité des boues doit être assurée dix ans (caractéristiques, parcelles et cultures concernées).

Traçabilité totale

Autour de ces grandes lignes, les pratiques des sociétés spécialisées dans le traitement et l'élimination des boues se rapprochent progressivement des démarches qualité. L'identification intégrale de la chaîne est le maître mot de la filière. Tout commence à la réception des boues. Elles sont immédiatement enregistrées en lots, puis stockées en quarantaine jusqu'à l'obtention des résultats d'analyse. « Un lot, explique Robert Giron, directeur général de Valbé, dont l'entreprise est certifiée ISO 9001, c'est une quantité de …

[Photo : Allotement (Photo Sede Environnement)]

produit qui a les mêmes caractéristiques physico-chimiques. Il est identifié par un numéro et par sa période de production.

Depuis 1999, sur la filière de boues séchées d'Achères (un peu plus de 400 agriculteurs), gérée par la société Sede Environnement, à chaque lot est affecté un double étiquetage – orange en attente des résultats d’analyse, vert lorsque les analyses sont bonnes. « Chaque agriculteur recevra l’analyse des boues », précise Frédéric Cartegnie, ingénieur à la direction commerciale de Sede Environnement. Le lot porte par ailleurs un numéro d’identification produit, qui renvoie à sa date de production et à ses caractéristiques physico-chimiques. Ces renseignements sont croisés avec l’identité du destinataire, le numéro de la parcelle, l’identité du transporteur, le numéro et la date du bon de livraison, la quantité livrée. « Lorsque les boues sont livrées à un agriculteur, nous savons exactement quel trajet elles ont suivi depuis la station d’épuration ». Le tout est incorporé au logiciel d’exploitation, mis au point par Sede Environnement, « Suivra ». « Nous y intégrons les exigences réglementaires environnementales (taux de métaux lourds, Hap, Pcb), nous y associons les caractéristiques des sols, les dosages demandés et préconisés, les fréquences d’apport, les rotations d’assolement, les conseils agronomiques délivrés, etc. » Associé à un logiciel de visualisation et à un système d’information géographique (SIG), il permet de corréler toutes ces données. « À tout instant nous avons un historique complet et une information en temps réel depuis l’origine des boues jusqu’aux quantités reçues par la parcelle ». Le contrôle et le suivi sont ainsi assurés de façon permanente. Le SIG et la visualisation permettent également très rapidement d’accepter une demande d’agriculteur ou de la refuser : « Nous appelons le cadastre à l’écran, et nous savons si la zone est sensible : le logiciel nous donne l’information géographique, pédologique et hydrologique immédiatement ». Ce type de gestion rassure les agriculteurs sur le « produit ». Philippe Cartier pratique la polyculture en Seine-et-Marne et prend à Sede Environnement 10 à 12 tonnes de boues séchées par hectare tous les six ans depuis plus de dix ans. Il confirme : « Je sais ce qui sort de la Step, les analyses sont transparentes, le mode de traitement par séchage thermique est une garantie d’hygiène et l’intérêt agronomique est égal à celui d’un engrais ». Seules hésitations de l’agriculteur : « S’il fallait payer plus que les 17 F demandés par Sede Environnement, j’hésiterais ».

Vers la certification de la filière

Tous les opérateurs n’en sont pas là, mais ces pratiques se développent. D’autant que le Syndicat des professionnels du recyclage en agriculture (Syprea), qui a déjà créé une charte de qualité, veut labelliser la filière. Une certification est en cours avec Qualicert et le financement de l’Ademe. « Ce sera une

[Encart : Normes code de bonnes pratiques - Normes CEN en cours : Européenne – travaux TC 308 depuis 92 – harmoniser les méthodes d’analyse, harmoniser pour établir la traçabilité ; codes de bonnes pratiques - Analyses : Paramètres physiques des boues : publiées ; - Avenir fin 2000, 2001 : Métaux, Peb, Hap, Pathogènes : en cours (2001) - Code Bonnes pratiques sur la production des boues et leurs utilisations (2001) - Norme NF MFITE Compost : à paraître en 2001-2002 : plus sévère que la réglementation sur l’épandage, elle redonnerait le statut de produit aux boues si elle devient d’application obligatoire.]
[Photo : Granulat bibag (Photo Sede Environnement)]
[Encart : Compost chez Vivadour : Une démarche tirée par l’aval La coopérative Vivadour, dans le Gers, réunit 4000 adhérents sur 4 départements du Sud-Est. Sa vocation : la collecte et la distribution de céréales, de canards gras et de poulets du Gers. Devant l’érosion massive des sols due à la culture intensive, et sachant que la matière organique est très chère en grande culture, les agriculteurs ont monté leur propre projet, avec un ingénieur stagiaire et des ingénieurs de l’eau. Le résultat est un compost formulé sur mesure. Il incorpore à des boues biologiques riches en azote, phosphate et chaux un coproduit à portée de main : les sous-produits agricoles locaux (rafles de maïs, marc de raisin, etc.). Une procédure d’agrément très stricte gère l’acceptation des boues, avec visite des steps, analyse du réseau de collecte, traçabilité des lots. Rayon d’épandage : 80 km. Les investissements s’élèvent environ 10 MF. Une filiale exploitante, Vivanat, a été créée qui fonctionne depuis un an. Tout le monde en redemande. La coopérative guette la norme sur les composts qui permettrait la commercialisation.]
[Photo : Principe de compostage de la réception jusqu’au criblage]

Protection des riverains et du public. Le coût ? Encore incertain. « Mais, précise Robert Giron, la certification ne devrait pas, dans un premier temps, concerner les petites step. »

Une démarche produit

Toutefois, les boues souffrent du statut de déchet qui leur est assigné par la réglementation et de la lenteur des procédures réglementaires qui durent de six mois à un an. L’exutoire s’en trouve fragilisé. Échapper à ces lenteurs ne peut se faire qu’en obtenant l’homologation par le ministère de l’Agriculture selon une procédure de certification de service, multipartenaires, pour la filière agricole, explique Robert Giron, membre du Syprea. Le certificateur sera Qualicert car l’industrie agro-alimentaire veut être intéressée au contrôle.

Une dizaine de filières pilotes démarreront en 2001. Au programme : respect des réglementations, contrôles, qualité, traçabilité, bonnes pratiques, identification des acteurs et amélioration, notamment du côté de la step, de la collecte des effluents. Un volet communication est prévu en direction des riverains. Tout est décrit. Mais il faut être assuré d’un produit homogène, de qualité constante. Difficile. Le traitement par compostage offre de ce point de vue une solution alternative.

[Photo : Schéma de procédé « ABS » : compostage en couloirs avec ventilation et retournements (Source Sita)]

D'autant qu'une norme est aujourd'hui en préparation qui permettrait, si elle devient d'application obligatoire, de donner au compost le statut de matière fertilisante donc de produit commercialisable.

De fait l'on assiste actuellement à une montée en flèche des solutions compostage, qui feront sortir de la logique déchet. Il n'est pas un spécialiste du traitement des boues qui n'ait dans sa manche une solution compost. Plusieurs collectivités, à l'heure de la remise à plat de leurs filières sur les deux dernières années, ont appuyé le compostage comme filière principale ou complémentaire : Castelnaudary – qui produit le seul compost homologué –, le District de Lens Liévin, Toulouse, Bury (Oise)… S'il exige des boues de très bonne qualité, si sa fabrication est chère, en revanche le compost a de nombreux atouts. Issu de la fermentation de la boue – à laquelle est mélangé un co-produit du type déchet vert, sciure de bois, écorce – il ressemble à de l'humus.

C'est une matière homogène et équilibrée. Il est sec, n'a pas d'odeur. Il se stocke comme un engrais. Son acceptabilité est donc très grande.

Du côté sanitaire, le processus assure l'hygiénisation, puisque la fermentation crée une température supérieure à 60 °C. Il a par ailleurs d'excellentes qualités agronomiques : « Le compost possède des propriétés anti-érosives, et une grande capacité de rétention d'eau. Sa vocation principale est de restructurer les sols et d'empêcher le lessivage. Il peut également, sous certaines conditions, jouer le rôle d'un engrais », ajoute Jacques Wiart, à la direction agriculture et bioénergies de l'Ademe. Ses applications préférentielles : la viticulture, l'arboriculture. Ses débouchés complémentaires : la revégétalisation, l'horticulture.

[Photo : Sede Environnement]

Pour le District de Lens Liévin (Pas-de-Calais), le compostage a apporté, dans cette région de grande culture industrielle, à la fois un amendement d'excellente qualité aux sols lessivés, et la solution à un problème local aigu en 1997 : l'administration, la gendarmerie et les 57 agriculteurs n'appréciaient plus le stockage en bord de champ des boues chaulées.

Les trois stations d'épuration envoient leurs 22 000 t de boues à 20 % de MS, déshydratées sur site et évacuées quotidiennement vers l'usine d'Artois Compost, filiale de Sede Environnement à Graincourt. Le District évacue également par ce biais ses déchets verts qui entrent dans la composition du compost. Sur le plan financier, la collectivité n'a pas eu à investir. En revanche le coût de sa filière d'élimination a doublé. Les coûts du compostage ont en effet tendance à se rapprocher de ceux de l'incinération. La fourchette de prix annoncée par les exploitants des usines de compostage varie de 300 F à 400 F la tonne. « De ce point de vue, si le compostage est possible dès 15 000 EqH, il devient intéressant dès 50 000 Hab. », estime Patrice Coconnier de chez Degrémont. La vente du produit, s'il est homologué, n'est pas, pour l'instant, un argument à prendre en compte dans l'évaluation financière, les agriculteurs n'étant pas prêts à payer. En revanche, meilleur sera le produit final, mieux il répondra au besoin agronomique ou cultural, plus il aura de chances d'être demandé.

Une autre raison plaide pour le compost : « Il est plus facile de fabriquer une unité de compostage qu'un incinérateur : acceptation locale » commente Christophe Chassande.

[Encart : L'accord national sur les boues L'accord national sur l'épandage agricole des boues de stations d'épuration des collectivités locales résulte des travaux du comité national du même nom (CNB), créé en 1998 (1). S'il est effectivement signé en 2000, il mettra fin aux réticences vis-à-vis de l'épandage, mis sévèrement en cause, en 1998, par les agriculteurs eux-mêmes sous la pression des industries agroalimentaire et de la grande distribution. « Les agriculteurs ne pourront plus dire que “l'aval ne veut pas de boues”, commente Christophe Chassande, chef du bureau Lutte contre la pollution, direction de l'eau au ministère de l'Aménagement du territoire et de l'environnement et pilote du CNB. D'un autre côté les producteurs devront respecter leur engagement sur la qualité des boues et la police des réseaux ». Les termes de l'accord sont : la reconnaissance du bien-fondé de l'épandage, l'application stricte de la réglementation, la maîtrise des rejets industriels, l'information des citoyens, la transparence, la non-discrimination du côté de l'agro-alimentaire, la recherche sur les aspects sanitaires et environnementaux. En outre, les agriculteurs auront des garanties en cas de dommages. Ce point encore en discussion consiste à créer un système d'assurance pour les risques de court et moyen termes, souscrite par les producteurs de boues. Pour les risques du très long terme, l'État propose une couverture sous forme d'avances financières, remboursables par les responsables. Ceci ne fait pas l'affaire des élus qui préféreraient la création d'un fonds national de solidarité. Les propriétaires fonciers, par ailleurs, veulent un droit de regard sur les produits épandus, ce qui remet en cause l'indépendance des métayers. La grande distribution, enfin, ne s'est pas encore absolument engagée à ne pas utiliser la culture sur terrains exempts de boues comme argument concurrentiel. (1) Le CNB : - ministères concernés et le secrétariat du CORPEN - pour l'agroalimentaire et la distribution : ANIA et la FCD - consommateurs - l'association de protection de l'environnement FNE - experts]
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