Hydreka fournit depuis bientôt 20 ans des appareils de mesure et des services pour le diagnostic des réseaux d'eau potable et d'assainissement. De la conception de la chaîne de mesure à l'exploitation des données en passant par la maintenance des appareils, l'entreprise assiste, conseille et forme les exploitants en élargissant sans cesse sa gamme de produits et de services disponibles. Avec un souci : assister les exploitants dans leur course à l'optimisation des réseaux. Rencontre avec Alain Soulié, directeur général et cofondateur d'Hydreka.
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L’EAU, L’INDUSTRIE, LES NUISANCES : Vous êtes aujourd’hui dirigeant et cofondateur de la société Hydreka. Dans quelles circonstances avez-vous créé cette entreprise ?
Alain Soulié : Hydreka a été créée en 1989 par Gilles Sénégas et moi-même. Nous étions tous deux issus du domaine de l’analyse des bruits et vibrations. Nous étions alors salariés d’une société qui s’appelait Métravib Instruments au sein de laquelle nous avions développé un détecteur de fuites par corrélation acoustique temps réel, extrêmement innovant pour l’époque. Cet appareil, le premier de ce type apparu sur le marché mondial, a immédiatement emporté un grand succès. Malheureusement, ce succès ne s’est pas inscrit dans le cadre d’une logique industrielle, si bien que Métravib Instruments n’a profité ni de la dynamique, ni de la notoriété qu’aurait dû entraîner cette innovation.
Nous avons donc décidé de créer Hydreka et de centrer son activité sur l’instrumentation située en amont et en aval de la détection des fuites.
E.I.N. : Quels étaient alors les produits et services proposés par Hydreka ?
A.S. : À l’époque, le marché de la détection des fuites était encore en gestation. Les produits qui manquaient sur ce marché émergent, que nous avons pu identifier, étaient nombreux et variés. Les besoins étaient là et la demande importante. Nous nous sommes très vite orientés vers la recherche de systèmes d’enregistrement de données – les dataloggers – qui permettent de faire de la sectorisation de réseaux. Aujourd’hui, la sectorisation est une pratique courante et banalisée mais à l’époque, cela n’était pas le cas. Nous nous sommes investis dans ce challenge qui consistait à proposer des appareils susceptibles d’être implantés sur des réseaux existants, capables de mesurer les débits les plus faibles possibles et réunissant tous les critères d’exploitation des outils de terrain, notamment l’autonomie et l’étanchéité.
E.I.N. : Comment le marché a-t-il accueilli ces innovations ?
A.S. : Nos produits ont été très bien accueillis car les solutions qui existaient à l’époque étaient peu connues, peu utilisées et ne donnaient pas vraiment satisfaction en termes de performances. Après avoir exploré la possibilité de commercialiser des débitmètres à moulinets, historiquement très utilisés par les Anglo-Saxons, nous nous sommes intéressés à la débitmétrie électromagnétique par insertion. Nous avons convaincu un grand fabricant anglais de développer un débitmètre électromagnétique en imposant nos propres spécifications concernant le produit, la méthodologie et l’utilisation. C’est important, car le produit est une chose, mais la manière de l’utiliser et d’en exploiter les résultats l’est tout autant.
nous permettent de fédérer tous nosd’un seul et même système »
données en est une autre. Sur cette application, la conjonction des compétences d’un grand groupe industriel et d'une société pointue et motivée comme la nôtre a permis d’aboutir à un produit qui a finalement été commercialisé partout dans le monde dans le sillage de nos grands fermiers nationaux. Nous nous sommes appuyés sur ce succès pour développer de nombreux autres périphériques très innovants autour des enregistreurs de données.
E.I.N. : Quelles ont été les grandes étapes de la croissance de l’entreprise ?
A.S. : La croissance d’Hydreka a été rythmée par une succession de choix stratégiques qui ont fait de nous des pionniers puis, en quelques années seulement, le leader du marché. Le plus important de ces choix a sans doute été celui par lequel nous avons choisi de nous impliquer totalement dans l’applicatif. En face de nous, il existait quelques fabricants d’appareils qui développaient une instrumentation faite par des ingénieurs pour des ingénieurs. Nous nous sommes investis dans l’ingénierie de systèmes en partant du développement du produit, du conditionnement du matériel de mesure, de sa mise en œuvre et de l’exploitation des données. Nous sommes donc intervenus aux différents stades d’élaboration du produit par la rédaction de cahiers des charges, par la participation au développement réel de l'appareil de mesure aussi bien en termes d’ergonomie que de fiabilité, de solidité, de mise en œuvre sans oublier les logiciels qui vont permettre de programmer, de lire et d’exploiter les données. Nous sommes donc peu à peu passés d’une instrumentation de négoce à une instrumentation propriétaire dont nous possédons la technologie et le savoir-faire. Bref, nous sommes devenus concepteurs et constructeurs de matériels.
E.I.N. : Quelle place occupez-vous aujourd’hui sur le marché ?
A.S. : Une place tout à fait centrale puisqu’en quelques années, nous sommes passés d’une société où l’on faisait de l’ingénierie à partir d’appareils existants sur le marché à une société qui s’est approprié les technologies et est devenue constructeur. Depuis 2000, Hydreka fait partie du holding anglais Halma plc qui possède une cinquantaine d’entreprises parmi lesquelles cinq sont directement liées à notre domaine de compétence comme par exemple Palmer Environmental Ltd qui est certainement le leader mondial en détection de fuites. Cet adossement nous a permis d’élargir nos domaines de compétences et notre offre. Il nous a également permis de prendre de solides positions sur le marché anglais, le premier au monde en volume et en valeur. Un contrat moyen en Grande-Bretagne représente couramment deux années d’activités sur le marché français.
E.I.N. : Quelle analyse faites-vous du marché de la détection des fuites en France ?
A.S. : Le marché de la détection de fuites est cyclique. Toutes les innovations dans ce domaine sont issues soit anciennement de Métravib pour le corrélateur temps réel, soit de Palmer ou Reten, sociétés du groupe auquel appartient Hydreka. Des exemples ? Le MetraScan, le Permalog*, qui est le premier prélocalisateur de fuite intelligent, le Soundsens*, premier corrélateur multi-capteurs du marché, le DigiCALL*, premier vrai corrélateur entièrement numérique. Ceci pour dire qu’Hydreka occupe depuis toujours le devant de la scène par ses innovations. Aujourd’hui, il existe une dizaine de suiveurs avec lesquels il faut partager un marché très étroit. De plus, ce marché est atomisé par des entrants qui pratiquent des surenchères à la baisse, sans véritablement contribuer à l’amélioration des performances et la qualité des produits. Tout ceci ne va pas dans le sens de la compétence, de la qualité et de l’efficacité. Mais je suis confiant, de nombreux exploitants et utilisateurs se rendent compte qu’avec les matériels bon marché ils ont du mal à faire progresser leur rendement. Ils reviennent vers des produits et des méthodologies plus performants. Cette évolution montre bien que la qualité et le service ont un prix.
ENTREPRISE DU MOIS
Alain Soulié : « Nos acquis technologiques nous permettent de fédérer tous nos produits communicants autour d’un seul et même système »
E.I.N. : D’ici là, comment vous positionnez-vous sur le marché ?
A.S. : Sur le marché français nous occupons une place à part avec beaucoup de savoir-faire et une grande technicité. Nous progressons régulièrement sur le marché notamment grâce à l’activité location que nous avons développée dès 1995 qui nous permet de faire connaître nos produits sur le marché et de les faire apprécier à une clientèle loyale et fidélisée.
Cette activité location, l’une des plus importantes en Europe, constitue aujourd’hui une part importante de notre chiffre d’affaires : 2,7 sur 7 M€ de chiffre d’affaires.
Elle nous permet de travailler avec la quasi-totalité des bureaux d’études qui interviennent sur le marché, des distributeurs d’eau et des exploitants de réseaux d’eau potable et d’assainissement sans oublier des laboratoires proposant des prestations dans l’industrie.
Elle nous permet également de travailler sur une gamme très large de matériels ce qui contribue à capitaliser une expertise diversifiée.
E.I.N. : Qu’est-ce qui fait la force d’Hydreka sur le marché ?
A.S. : Ce qui fait la force d’Hydreka, c’est cette ingénierie de savoir-faire et de solutions clés en main qui est tout à fait unique. Plus généralement, ce qui nous différencie de nos concurrents, c’est sans aucun doute le fait d’avoir su offrir une instrumentation qui s’adresse aussi bien à l’assainissement qu’à l’eau potable et qui est fédérée autour d’un seul et unique logiciel WinFluid®. Il est ainsi possible d’exploiter les débitmètres électromagnétiques, les enregistreurs de données, les débitmètres à ultrasons et de faire tous types de mesures sur un réseau avec un seul logiciel dont nous garantissons la compatibilité ascendante. Nous sommes capables d’assembler tous nos produits communicants autour d’un même et simple système.
C’est-à-dire de faire aussi bien de la relève de compteurs que de la surveillance de déversoirs d’orage, d’utiliser des débitmètres à insertion ou de la détection de fuite permanente autour d’un système de communication unique. Nos acquis technologiques et ceux des sociétés du groupe nous permettent de réaliser cela. J’ajoute que nous fournissons de gros efforts pour apporter à nos clients une qualité de service irréprochable. Hydreka s’est par exemple équipée de deux bancs hydrauliques équipés de débitmètres électromagnétiques étalonnés selon des procédures Cofrac/Namas. Une conduite en écoulement à surface libre permet la vérification des capteurs Doppler. Deux conduites en charge permettent la calibration des débitmètres électromagnétiques à insertion et la vérification des débitmètres à sondes externes. Tous nos appareils loués ou vendus sont systématiquement passés sur ces bancs. C’est une garantie de qualité.
Dans un autre ordre d’idée, nous sommes aussi Centre de formation reconnu par l’État. Dans ce domaine également, nous sommes allés au bout de la démarche en nous dotant d’un outil pédagogique pour apprendre au client à exploiter au mieux les appareils.
E.I.N. : Quelles sont vos perspectives de développement pour les années à venir ?
A.S. : Nous avons deux priorités. Hydreka va continuer à s’approprier de nouvelles technologies en veillant à en acquérir à chaque fois une parfaite maîtrise. La télérelève des compteurs associée à la détection permanente des fuites fait par exemple partie des technologies à notre portée. Notre seconde priorité est de projeter notre business model à l’exportation. Aujourd’hui, nous sommes déjà très présents en Grande-Bretagne, notamment chez les grands distributeurs d’eau. Là-bas, notre expertise a été très bien accueillie chez des clients tels que Thames Water, Severn Trent ou Bournemouth Water qui ont été séduits par notre approche et nos produits tels que le ChronoFLO® et la sonde Hydra dont les performances les conduisent même à remettre en cause l’intérêt technico-économique de la manchette électromagnétique. La Grande-Bretagne est une destination privilégiée compte tenu des volumes que l’on peut réaliser dans ce pays. Nous avons des projets sur bien d’autres pays et régions du monde dans le cadre d’un regroupement des forces de vente de différentes sociétés du groupe auquel nous appartenons.