La robinetterie d’adduction d’eau potable couvre les applications de toute la chaîne du transport de l'eau, depuis le captage jusqu'à son utilisation directe dans l'habitat, en passant par les installations de traitement, de stockage et de distribution. Le présent article, qui a pour objet de passer en revue les montages habituellement utilisés pour faciliter l'emploi des robinets à papillon dans ces applications, comporte en introduction un rappel de l'évolution technologique de la robinetterie telle qu'elle est intervenue au fil des ans.
LES PRINCIPAUX TYPES DE ROBINETS
Dans le passé on mettait en œuvre trois sortes de matériels :
- — les robinets à tournant conique, dans les diamètres de 50 à 250 mm ;
- — les robinets-vannes dits « à opercule », dans les diamètres de 150 à 200 mm ;
- — les modèles à tournant sphérique, utilisation nouvelle mais qui restera limitée.
Les deux premiers sont employés depuis une vingtaine d’années pour les branchements d'abonnés (robinets à tournant de 20 à 40 mm et robinets-vannes de 60 mm) ; dans les diamètres de 32 à 300 mm on fait appel le plus souvent aux robinets à papillon.
LES ROBINETS À TOURNANT CONIQUE
Leur mécanique est robuste mais, basée sur l'ajustage de deux cônes, elle conduisait à un grippage suscitant des difficultés de manœuvre ; le fontainier ajustait sa clef sur le carré, frappait pour dégager et entraîner la partie tournante, mais l'effort à produire atteignait sa limite lorsque le robinet comportait un diamètre supérieur à 150 mm. Il se manœuvrait difficilement par suite de la présence de particules de sable véhiculées par l'eau, et les rayures du mécanisme qui en résultaient lui faisaient perdre rapidement son étanchéité. L'entretien était délicat, important et onéreux ; important, car il comportait dépose obligatoire du robinet, démontage, réusinage, rodage, etc. et aussi la nécessité de constituer un stock de pièces important.
Souvent réalisé en matériaux nobles tout en assurant un service moyen, ce type de robinet se révélait très élevé à l'achat et en maintenance.
LES ROBINETS-VANNES
Leur conception remonte certainement à l'Antiquité, avec bien sûr des améliorations, mais c'est foncièrement un robinet à problèmes...
Parmi ses inconvénients on peut relever les suivants :
- — masse et encombrement très importants ;
- — manœuvre difficile nécessitant, dans les diamètres moyens (300 à 400 mm), l'intervention de deux fontainiers (voire de quatre pour les diamètres supérieurs à un mètre) ;
- — défauts d’étanchéité, d’une part à la tige de manœuvre (avec fuites vers l’extérieur et interventions pour le remplacement de la garniture) et d’autre part au droit de l'opercule, en raison d’amas de sable, de gravier ou autres éléments qui entraînaient la rayure des portées de joints. La technique utilisée était l'opercule à coin, avec les mêmes difficultés à l'ouverture que les robinets à tournant conique ;
- — mise en place très coûteuse : nécessité d'un ancrage et de support, chambre à vanne très profonde (pour éviter les risques de gel) ;
- — pour les robinets réalisés en fonte ordinaire, des précautions particulières sont à prendre au montage, l'alignement parfait des tuyaux adjacents étant nécessaire pour éviter des efforts anormaux sur les brides entraînant la rupture de l'ensemble ;
- — sensibilité au gel, l'eau prisonnière ne pouvant se dilater librement.
Il faut ajouter que le raccordement sur les brides par joint nécessite un soin tout particulier et qu’il n'est pas rare de constater qu’à cet emplacement des fuites apparaissent après quelques années de fonctionnement ; quelles solutions apporter lorsque les robinets sont enterrés ? soit laisser faire et donc accepter des pertes d'eau, soit intervenir, en resserrant le joint ou en utilisant des mastics ou autres systèmes d’étanchéité, mais il faut alors interrompre la distribution... En fait, ces techniques très onéreuses ne constituent que des palliatifs.
LES ROBINETS À TOURNANT SPHÉRIQUE
Ces robinets, qui ont fait leur apparition sur le marché vers 1965, sont utilisés dans l'industrie, surtout lorsque les pressions de service atteignent 50 à 100 bars et plus. Beaucoup plus maniables que les robinets à tournant conique ils conservent une partie de leurs inconvénients :
- — fragilité des joints en présence de sable et cailloux, fréquents en adduction d'eau ;
- — dépôts à l’intérieur de la sphère et du corps en position de fermeture ;
- — fort encombrement et poids élevé (à partir des diamètres de 80 mm) ;
- — prix onéreux si l'on veut éviter les risques de corrosion par l'emploi de matériaux spécifiques.
LES ROBINETS À PAPILLON
Le plus ancien des robinets est celui dont l’axe de pivotement de l’obturateur est situé en dehors de l’axe du corps, technique primitive qui comportait deux variantes : l’une avec un joint souple (en général de faible section) fixé sur le corps, et l’autre avec un joint également souple, rapporté par divers procédés sur la tranche de l’obturateur. Dans les deux cas, l’étanchéité interne-externe était réalisée par un presse-étoupe classique. Il est inutile ici de démontrer que ces systèmes d’étanchéité amont-aval présentaient des risques certains de fragilité et de destruction pendant les manœuvres.
L’arrivée sur le marché, vers 1955, d’une gamme d’élastomères synthétiques facilement moulables présentant une bonne tenue au vieillissement, et d’un prix abordable, a permis de revoir complètement le principe de ce robinet, notamment sur le plan de la lutte contre la corrosion et contre les dépôts de matières organiques ou minérales dus, soit au fluide lui-même, soit à la dégradation des canalisations et nuisant à l’étanchéité.
La corrosion
Le doublage de l’intérieur du corps de robinet par une matière épaisse et souple, appelée manchette, répond totalement aux besoins et élimine les risques précités :
— la manchette réalisée en caoutchouc synthétique approprié protège entièrement l’intérieur du corps et l’arbre aux endroits critiques. Insensible aux dépôts incrustants (notamment calcaires) et à la corrosion (puisque non métallique) elle résiste également à l’abrasion, les particules solides rebondissant sans l’attaquer (cette technologie a connu de nombreuses applications dans le transport pneumatique des pulvérulents abrasifs) ;
— l’obturateur, de forme lenticulaire, centré dans le corps du robinet, protège l’arbre ; il est généralement massif et réalisé dans un métal insensible à la corrosion.
Cette nouvelle conception a donc ramené à deux pièces (la manchette et l’obturateur ou papillon) les parties en contact avec l’eau, ce qui maintient l’arbre, les coussinets et le corps parfaitement à l’abri des risques de corrosion, de grippage et d’usure.
On peut constater d’autre part, sur une vue en coupe du robinet (figure 1), que dans le cas d’un papillon centré, les pièces importantes ne peuvent être soumises à des efforts importants. Dans le cas d’un papillon excentré, par contre, l’arbre déjà soumis aux attaques des liquides transportés, supporte en outre une corrosion électrolytique due aux différences de potentiel qui s’établissent avec les moyens de liaison arbre-obturateur et aussi avec le corps du robinet. De même, les coussinets, qui assurent une fonction purement mécanique et qui sont immergés dans le liquide, y sont soumis à grippage et à corrosion. Ces défauts, préjudiciables à la pérennité du matériel, doivent tout particulièrement attirer l’attention des responsables d’exploitation...
L’étanchéité
L’examen d’une vue en coupe, ou du robinet lui-même, montre à l’évidence la fragilité extrême du petit joint amont-aval monté sur le corps ou sur l’opercule. Ce type de joint est surtout utilisé dans des enceintes exemptes de particules (exemple : le joint de vérin). Il est bon de rappeler que dans un tuyau, (même en prenant toutes les précautions d’usage lors de la mise en service), des particules solides sont entraînées dans les circuits (grains de sable, particules de ciment des réservoirs, etc.) et ont un effet destructeur sur un tel joint ; en effet, les pièces qui le retiennent, sont dans la majorité des cas, bloquées par la corrosion parce qu’elles sont corrodées, ou parce que le support lui-même est dégradé ; le remplacement du joint est alors quasi impossible et le robinet doit être prématurément remplacé. L’utilisation d’une manchette permet d’éviter tous ces inconvénients.
L’étanchéité vers l’extérieur, second point à surveiller, peut, sur les robinets à papillon, être assurée de deux façons :
— dans le cas du robinet à papillon excentré, l’étanchéité est réalisée par un presse-étoupe classique : le fluide est alors en contact permanent avec corps, arbre et coussinets, et les particules minérales parviennent jusqu’au joint ;
— dans le cas du robinet à papillon centré, une double barrière est généralement prévue : une portée sphérique (manchette-papillon), et une collerette de manchette qui renforce, si nécessaire, la précédente, puisque l’arbre présente un état de surface de même nature que l’élastomère, ce qui entraîne un contact intime sans conduire à une usure prématurée...
Les applications
Pour parvenir à sa destination finale, c’est-à-dire sur le lieu de consommation, l’eau emprunte un long circuit qui s’étend de la source, ou de la rivière, jusqu’à l’arrivée au lieu d’utilisation.
Nous examinerons les conditions d’emploi des robinets tout au long de ce parcours, en fonction de ses diverses étapes.
Le captage
Le moyen le plus simple pour capter l’eau consiste à effectuer le prélèvement dans un cours d’eau ; il faut parfois aussi pomper cette eau dans la nappe ou dans des barrages.
L’eau des cours d’eau présente quelques inconvénients du fait qu’elle entraîne des matières en suspension (feuilles — morceaux de bois — déchets en plastique — terre, etc.). Son traitement initial comporte donc habituellement un passage gravitaire à travers une grille puis un filtre mécanique à tambour, afin d’éliminer le maximum d’impuretés en suspension. Dans cette section, on doit nécessairement placer un obturateur étanche afin, le cas échéant, d’accéder au filtre pour effectuer les opérations de nettoyage et d’entretien. Le robinet à papillon présente alors plusieurs avantages :
— l’étanchéité amont-aval, assurée par la manchette, est durable parce que les dépôts organiques et les mollusques n’adhèrent pas sur le caoutchouc synthétique ; de plus, la rotation de l’obturateur-papillon chasse toutes ces impuretés. Des robinets de ce type sont en service depuis 25 ans, sans aucune intervention d’entretien, et assurent toujours une étanchéité parfaite ;
— le fonctionnement d’un tel robinet ne présente aucune difficulté, qu’il soit
manœuvré par cardan, clef de fontainier, actionneur hydraulique immergeable, commande locale ou à distance ;
— le montage sur une cloison est réalisé en l’insérant entre deux éléments à brides, sans travaux de maçonnerie compliqués et précis. Certains types de robinets à papillon sont prévus dès l'origine pour fonctionner immergés, sans que leur fiabilité en souffre.
La profession se doit d’utiliser cette technique sûre qui a fait ses preuves depuis vingt ans dans les autres industries, notamment en construction navale où les robinets et les actionneurs hydrauliques sont alternativement immergés dans de l’eau de mer et le pétrole brut ; les jonctions entre les divers éléments y sont statiques : corps du robinet - vérin et tube d’alimentation d’énergie motrice, les risques de corrosion interne étant nuls.
Le traitement
On trouve des robinets à papillon centré à plusieurs étapes du traitement de l'eau, en particulier au niveau des ozoneurs. Dans cette utilisation, le seul composant du robinet qui doit retenir l’attention est l’obturateur, dont la fabrication requiert l’emploi d’acier inoxydable ; la manchette, de composition identique aux précédentes (en éthylène propylène), reste neutre en présence de l'ozone.
Au stade de la filtration, les opérations de nettoiement du silex et du sable sont en général réalisées par passage à contre-courant d'un flux d’air surpressé. Les robinets placés sur ce circuit d’air doivent être étanches, car dans le cas contraire, la couche de filtrat serait agitée en permanence et aucune filtration efficace ne pourrait être réalisée. Dans le cas de filtration sur charbon actif, l’utilisation généralisée de robinets à papillon apporte de multiples avantages parmi lesquels on note :
— l’absence d’emplacements où le charbon pourrait bloquer un système à glissière,
— l’absence de zones mortes et de cavités que comportent certains systèmes d’arrêt, où se déposent les fragments de charbon. Ici comme précédemment, le papillon joue le rôle d’un racleur ; la poudre de charbon se compare d’ailleurs facilement aux autres produits tels que : ciment, farine, traversant eux aussi avec succès les robinets à papillon. La manchette y tient lieu d’amortisseur lorsque le transport s’effectue par voie pneumatique. Dans le cas où le charbon a des difficultés à descendre (d'une trémie par exemple) l’obturateur facilite sa progression. La faible largeur du corps permet de placer le robinet à papillon à manchette là où d'autres types de robinets nécessiteraient une place plus importante.
L’équipement des réservoirs
Lorsque l'on sait que pour obtenir un bon écoulement d’un liquide, il est préférable de ménager une distance convenable entre la bride d’entrée ou de sortie de la pompe, il vaut mieux y insérer un robinet à papillon : il est plus facile à installer, plus léger, moins encombrant et compte tenu du coût des ouvrages de génie civil, l’économie n’est pas négligeable. Dans ce cas, comme précédemment, toutes les commandes à distance sont facilement réalisables, même par la suite si les nécessités d’exploitation l’exigent : la plupart des robinets sont conçus pour recevoir après coup d’autres types d’appareils de manœuvre et quelques constructeurs de robinets présentent dans leur fabrication propre une gamme complète d’appareils de commande.
Le transport et la distribution
Les canalisations, qu’elles soient en béton, en acier, en amiante-ciment ou en PVC, permettent un raccordement des robinets au moyen de brides. Elles sont généralement enterrées, de même que les robinets, lesquels, suivant l’importance des ouvrages, peuvent être placés en chambre, précaution qui peut être rendue nécessaire pour les contrôler et les entretenir. La manœuvre s’effectue généralement à l’aide d’un volant entraînant un démultiplicateur.
Les robinets à papillon sont posés entre brides et adaptateurs, éléments de canalisation permettant un réglage de longueur entre les faces des brides, pour faciliter la pose et la dépose éventuelles. À noter qu’aux États-Unis, des adaptateurs sont systématiquement accolés à un robinet, quels que soient son type et son diamètre.
Les robinets à papillon sont posés sous une bouche à clef, l’arbre de manœuvre étant entraîné par un carré de fontainier ou un manchon (dans le cas d’une rallonge). La pose en terre des modèles à papillon centré est grandement facilitée par un poids et un encombrement réduits, ce qui supprime la nécessité d’un support, le robinet faisant corps avec la canalisation. Rappelons qu’en période de gel, les robinets à papillon à manchette présentent un autre avantage important ; pendant les travaux de réfection, la manchette permet la dilatation de l’eau sans dommages pour le corps ni le papillon.
L’exposé ci-dessus a permis de démontrer la fiabilité du robinet à papillon centré, fiabilité due à la simplicité de sa conception, au faible nombre de pièces qui le composent, à sa robustesse (en raison de sa compacité) et à la suppression de toute maintenance préventive.
Outre ces avantages, et compte tenu de son prix unitaire et de sa facilité d’installation à diamètre comparable, son utilisation est plus économique que celle des autres matériels.