Exporec, salon juvénile et audacieux et à la fois, reflète les soucis d’époque. Exporec, salon international du recyclage, nouvelle formule, nous invitait, durant les premiers jours d’avril, à exploiter les différentes filières industrielles de réinsertion rationnelles des déchets-matières, métal, plastique, verre, papier, carton.
L’idéologie du recyclage (2)
Pourquoi le recyclage est-il devenu mot d’ordre ? En 1992, on voudrait établir pour notre société à économie libérale un écosystème industriel calqué sur l’écosystème biologique (3). En d’autres termes, on souhaiterait que notre stock de ressources premières ne diminue pas, ou le moins possible, mais participe à une aimable ronde « premier usage – récupération – remodelage – second usage »…, de sorte que la même tonne d’acier serve, par exemple, un an à l’emboutissage de boîtes de conserve, l’année suivante à la découpe d’une carrosserie automobile, et dix ans plus tard, une fois le véhicule devenu épave, à l’armature d’un béton pour immeuble. Dans ce concept, les industries d’extraction et d’affinage réduiraient leurs activités à la compensation stricte des pertes du cycle ; par contre, les industries de reconversion se multiplieraient pour satisfaire les besoins accrus d’une population plus nombreuse et plus « écologique ». La voie royale du recyclage consommerait, certes, de l’énergie (figure 1) et engendrerait des déchets et des rejets nuisibles incoercibles, inéluctables, des déchets « ultimes », mais en bien moindre quantité qu’aujourd’hui. Ainsi, à l’instar des organismes vivants formant un écosystème biologique efficace dans sa chaîne de solidarité, les unités de transformation individuelles contribueront au fonctionnement de l’ensemble qui restera performant si les conversions engendrent aussi peu que possible de déchets non recyclables et n’occasionnent que des consommations réduites de denrées rares et d’énergie « in put ».
(1) 5ᵉ quartier : le Groupe Elf-Aquitaine appelle ainsi, par analogie avec la terminologie des abattoirs, l’ensemble de ses déchets de production qu’il entend valoriser (B. Tramier, Dr Environnement, Elf-Aquitaine).
(2) Il s’agit de mettre en exergue quelques mots clefs.
Les spécialistes considèrent que le terme général qui recouvre la collecte, le transport, le stockage, le tri et le traitement de certains déchets ou composants de déchets est le mot « récupération ». Selon la destination du produit récupéré, on convient de faire une distinction entre réemploi, réutilisation et recyclage.
Le réemploi est le nouvel emploi, en l’état, d’un produit ou d’un matériau récupéré pour un usage analogue à son premier emploi (cas des bouteilles consignées par exemple).
Introduction d’un matériau récupéré dans un autre cycle de production que celui dont il est issu est la réutilisation (cas des poudrettes de vieux caoutchoucs réutilisés comme matériaux d’isolation phonique, thermique, d’étanchéité, de revêtement des sols industriels et sportifs, des couches de chaussées…) ou la reconversion. Le recyclage s’applique au déchet repris dans le même cycle de production.
(3) En gros, c’est simple, l’écosystème biologique : des végétaux verts photosynthétisent des substances nutritives qui alimentent les animaux herbivores, lesquels sont appréciés par les animaux carnivores dont les déchets organiques retournent à la terre et vont améliorer, par le jeu des microorganismes minéralisateurs, la fertilité des sols cultivés. Et c’est bouclé (mais cette simplification frise la désinvolture, s’indigneront les biologistes).
Plusieurs principes de l’écosystème industriel se dégagent :
- • la complémentarité des maillons industriels, le déchet de l’un servant de source de matières premières à l’autre. C’est le cas du sulfate de fer résiduaire provenant du décapage sulfurique des tôles d’acier et des minerais, dont l’heptahydrate purifié est revendu pour la floculation des effluents et la fabrication des bandes magnétiques. C’est le cas des boues carbonatées issues des opérations d’adoucissement d’eau réutilisées pour le conditionnement basique des effluents et l’amendement calcique des terres cultivées par l’épandage. C’est le cas des catalyseurs usés repris en industrie chimique quand ils sont à support d’alumine et en industrie cimentière quand ils sont à support de silice ;
- • le choix du procédé « rudogène » (4), un procédé de fabrication qui génère beaucoup de déchets réutilisables dans un circuit de reprise avéré fiable, peut être préféré à un autre procédé, sans doute moins rudogène, mais se soldant par de petites quantités de déchets atypiques, étrangers aux filières de régénération ou de reconversion habituelles ; on privilégiera encore plus volontiers le procédé rudogène (hier, procédé
(4) La rudologie, « science du déchet », expose les propriétés et comportements des déchets (déchets en phases solide, liquide ou gazeuse, pollution des milieux : atmosphère, eaux, sols et sous-sols, combustibilité, toxicité et biodégradabilité…), ainsi que leurs traitements (collecte, recyclage, destruction…), sous leurs aspects techniques (productiques, préventiques) et socio-économiques. Rudologie, du latin rudus, ruderis : décombres (exemple : plantes rudérales, plantes qui croissent dans les décombres) selon le Petit Larousse Illustré. Le premier Institut de Rudologie a ouvert ses portes au Mans à l’automne 1991 (J. Gouhier, directeur de l’Institut de rudologie, Université du Maine, Le Mans). L’Institut dispense un programme de DESS : Gestion des déchets et collectivités territoriales et de formation continue.
Dans un système isolé, la matière comme l’énergie se conservent quantitativement mais se dégradent qualitativement (usure, détérioration, désagrégation pour la première, rayonnement calorifique, agitation brownienne pour la seconde). Car, pas plus que l’on ne peut transgresser les lois économiques sans perte d’argent, on ne peut lutter contre les lois de la thermodynamique sans perte d’énergie. Le seul moyen de ralentir cette évolution inéluctable est d’injecter dans le système soit de l’énergie externe (thermies, photons...), soit de l’information (bits).
Si le recyclage offre le double attrait d’économiser les matières premières et de réduire la pollution engendrée, il ne peut être total car il y a impossibilité théorique à travailler en circuit complètement fermé et il ne peut être gratuit car il y a dépense énergétique de réinsertion. Au sens thermodynamique, bien recycler équivaut à ralentir l’entropie du système, le facteur-limite de l’opération étant l’accumulation de déchets ultimes et la consommation d’énergie input. La récupération de matières brutes d’un système à haute entropie implique une dépense énergétique excessive.
- — dans la mesure où le procédé alternatif entraîne la dissémination de déchets toxiques (R. Frosch, N. Gallopoulos « Des stratégies industrielles viables », revue PLS, n° 145, novembre 1989) ;
- — l’intégration en amont : la réglementation plus contraignante et l’adoption des technologies propres font que les déchets seront traités de plus en plus en amont des filières par les grands producteurs de matériaux et qu’il ne subsistera de métier du recyclage pour les PME que des créneaux étroits pour des matériaux bien spécifiques et à risques (B. Heintz, Ecobilan, revue EP n° 105, septembre 1991).
Etude « Déchets »
La circulaire du 28 décembre 1990 du Ministère de l’Environnement, spécifiant l’obligation de réaliser une étude « Déchets » (avec description de la situation existante, étude technico-économique des solutions alternatives et justification des filières retenues) s’applique à 1 748 entreprises, avec pour objectif de réduire de 5 % par an notre production nationale de déchets industriels. Ce taux de décroissance appliqué sur dix ans affectera 5 000 sites expérimentaux dans les secteurs de production : agro-alimentaire pour 4 %, bois-papier-carton pour 4,9 %, chimie-pétrole pour 25,8 %, métallurgie-traitement de surface pour 46 % et divers pour 19,3 %. Ces études « Déchets » entrent dans le cadre de la détermination de bilans écologiques plus complets, du type « Ecobilans » (5), qui se révèlent bénéfiques pour la vie de l’entreprise, car peu d’industriels connaissent précisément :
- — les quantités et qualités de déchets générés par leurs activités de production (rebuts, découpes d’emboutissage, chutes, ratés de fabrication, produits hors normes, déchets de premier et second choix qui sont souvent revendus en l’état, ne créent pas de difficultés d’élimination et au contraire occasionnent une facturation positive), et leurs activités de gestion (emballages papier-carton-plastique-bois-verre, palettes de stockage, films plastiques, cartonnages, listings informatiques, déchets domestiques), et leurs activités d’entretien (poussières des cyclones, médias filtrants saturés, balayures des machines, boues de décantation, cendres et mâchefers, matériaux pollués et produits contaminés dont l’évacuation est d’autant plus onéreuse que les déchets sont toxiques),
- — le coût intégral de leur élimination dont la facturation complète doit mentionner les frais de dépotage, d’enlèvement, de conditionnement in situ (variables selon la consistance des produits, leur maniabilité, les précautions à prendre en hygiène et sécurité du travail vis-à-vis des risques encourus), les frais kilométriques de transport et de transfert, les frais d’intervention commerciale (bureaux de coordination, de dispatching qui aiguillent, pilotent le convoyage de déchets et organisent l’évacuation), les frais de prélèvement et d’analyse pour conformité aux listes agréées de déchets admissibles, les coûts spécifiques d’élimination, soit en décharge ou en centre collectif (variables selon la nature et l’importance des tonnages, la régularité des déchargements) (figure 2).
Deux grands principes se dégagent du nouveau concept de dévolution des déchets industriels :
- — principe n° 1 : un résidu industriel, coproduit ou sous-produit de fabrication, ne deviendra un déchet et ne pourra être éliminé par les voies habituelles de destruction (incinération, détoxication, mise en décharge...) que dans la mesure où il est démontré que ce résidu n’est ni recyclable ni valorisable dans des conditions économiquement acceptables,
- — principe n° 2 : un déchet ne pourra être admis en décharge ou dans un stockage souterrain, de gestion interne ou externe, qu’à la condition de ne pouvoir être ni recyclé, ni valorisé, ni détoxiqué, ni incinéré à un coût économiquement supportable (P. Rocard, SEI, Ministère de l’Environnement, Assises Nationales des Déchets Industriels, septembre 1991) (figure 3).
Seconde approche pour l’objectif « réduction du flux national de déchets » : le label Ecoproduit défini par le rapport Brune (6).
(5) Rapport Destot (juin 1991), député de l’Isère, qui suggère aux entreprises de se livrer à des « Ecobilans », bilans écologiques annuels, visant à limiter la production générale de déchets, mais souhaite qu’une seule classe de décharge, le CET (Centre d’Enfouissement Technique), de classe 1, reste en exercice, alors que l’Association des Maires de France insiste pour le maintien des décharges de classe 2 (P. Herisson, AMF, septembre 1991).
(6) Rapport Brune (avril 1990), député du Jura, sur l’opportunité de créer un label attestant de la qualité écologique des produits par analyse multi-critères, évaluation écologique prenant en compte plusieurs paramètres appréciés par des comités normatifs :
- — le coût énergétique (analogue au BET, bilan énergétique des opérations qualité/prix), demande en énergie consommée de l’extraction à l’élimination finale,
- — les pollutions engendrées, pollution atmosphérique (y compris celle des transports et de la destruction en fin de vie), pollution des eaux (notamment celle des eaux de lavage des produits et d’épuration des fumées de combustion), pollution des sols,
- — les quantités et qualités de déchets produits,
- — impact en nuisances sonores, olfactives et répercussions sur les écosystèmes biologiques. (Voir « Echo Vert : Ecolabel, Ecobilan, Ecoprocédés », L’eau, l’industrie, les Nuisances, n° 152, février 1992.)
1. Tarifs des Agences de l'eau en fonction du traitement appliqué.
Coûts-plafonds des traitements en 1992 de deux agences de bassin
Traitements | Rhin-Meuse | Seine-Normandie |
---|---|---|
Déchromatation | 890 F/t | 1 460 F/t |
Décyanuration | 1 500 F/t | 1 910 F/t |
Précipitation, neutralisation, décantation | 850 F/t | 1 070 F/t |
Régénération de résines échangeuses d’ions | 13,3 F/t | 20 F/t |
Déshydratation mécanique des boues | 500 F/t | 450 F/t |
Solidification | — | 590 F/t |
Cassage d’émulsion et séparation de phases | 260 F/t | — |
Cassage d’émulsion, séparation de phases et épuration biologique | 480 F/t | 470 F/t |
Incinération à haute température (T > 1 200 °C) | 4 450 F/t | 5 250 F/t |
Décontamination d’huiles souillées par PCB (< 1 %) | — | 1 070 F/t |
Incinération d’organohalogénés (> 1 %) | 2 200 F/t | 3 700 F/t |
Evapo-incinération | 500 F/t | 470 F/t |
Incinération de déchets à sujétions particulières | 1 520 F/t | 1 520 F/t |
Incinération de déchets liquides, pâteux ou solides à PCI < 6 000 kcal/kg | 980 F/t | — |
Incinération en cimenterie au capot de chauffe de déchets à PCI < 6 000 kcal/kg | — | 440 F/t |
Incinération en cimenterie filière pâte | — | 280 F/t |
Reconditionnement et enfouissement en mine de sel | 2 780 F/t | 3 810 F/t |
Produits toxiques divers en petits conditionnements (< 100 litres) | 20 F/kg | — |
Stations biologiques | 90 F/m³ | — |
Subventions au traitement et au transport des déchets
Agences de l’eau | Taux de subvention (1992-1997) | Observations |
---|---|---|
Adour-Garonne | 40 à 10 % | dégressif par tranche de dépense retenue |
Artois-Picardie | 30 à 80 % | dégressif en fonction du tonnage |
Loire-Bretagne | 30 à 60 % | dégressif en fonction du tonnage |
Rhin-Meuse | 40 à 0 % | dégressif en fonction du tonnage par groupe de filières |
Rhône-Médit.-Corse | 25 ou 10 % | pas de plafond pour la tranche > 500 kF |
Seine-Normandie | 30 % |
L’aide au transport est calculée d’après les formules Cₛ = 112 F/t + (0,53 F/t/km·D) ou Cᵢ = 5 [112 F/m³ + (0,53 F/m³/km·D)]. D représente la distance en kilomètres. L’aide est valable pour toutes les agences. Attention, elle ne s’applique pas à toutes les filières.
2. Tableau comparatif des données France-RFA.
D. Drom, B. de l’Epinois, « Le poids des déchets dans les politiques industrielles », École Nationale Supérieure des Mines de Paris, 1989.
Production, investissement
en France | en RFA | |
---|---|---|
Capacité d’incinération 1988 | ||
production « déchets spéciaux » | 18 000 kt | 25 000 kt |
production « déchets toxiques » | 2 à 3 000 kt | 5 à 6 000 kt |
Capacité totale | 900 à 1 000 kt | 600 kt |
Traitement collectif | 700 kt | 130 kt |
Investissements moyens engagés (équipements 1986) :
en France | en RFA | |
---|---|---|
— Gros incinérateurs | 150 MF | 100 MDM |
— Décharges de 1 Mm³ | 10 à 12 MF | 15 à 25 MDM |
Fig. 2 : Tarifs de traitement de déchets industriels.
L’attribution du label Ecoproduit est particulièrement instructive puisque ce label entend garantir au produit le respect de l’environnement « du berceau jusqu’à la tombe ». Mais comment parvenir à une bonne interprétation des paramètres de la grille multi-critères ? Qui prime, de la pollution de l’air, de l’eau, du sol, des nuisances ou de la radiogenèse ? Vaut-il mieux, dans l’Ecobilan :
- incinérer, au risque d’éjecter, et même de donner naissance, à des produits de combustion et de pyrolyse, éventuellement toxiques, disséminables dans l’atmosphère,
- biodégrader, au risque de contaminer le milieu exutoire par des métabolites rémanents, cumulatifs et des métaux résiduaires qui restaient chélatés, insolubles au pH initial, avant l’attaque microbienne,
- stocker, au risque d’entreposer un déchet dangereux, explosible, diffusible (crainte du « bubon », de la « bombe à retardement ») et de geler un territoire (« mise au tombeau » des déchets ultimes stabilisés ou inertés),
- recycler, au risque d’introduire sur le marché des produits mineurs aux qualités médiocres, peu rentables et d’emploi limité, qui rejoindront finalement la décharge ou l’incinérateur, au prix d’efforts démesurés (figure 4).
Les choix pourraient s’établir sur les valeurs prises par les paramètres suivants : toxicité (tests TLV, DL₅₀, Equitox, virulence…), dangerosité (point d’éclair, limites d’explosivité…), économie (coût du traitement F/t, débouché commercial…). Il faudrait aussi tenir compte de la composition chimique du produit soumis à l’Ecobilan : certains éléments du tableau de la classification périodique de Mendéléiev apportent des contraintes écologiques telles qu’une limitation d’emploi, voire un bannissement, risquent de leur être infligés (Cl, As, Hg, Cd, Pb…).
Automobiles délétères
La politique volontariste d’Outre-Rhin sur les déchets, assortie d’un train de mesures très coercitives (« Faites-en moins… pas de décharge… reprenez tous vos emballages et vos vieux clous… vous êtes responsable devant la Loi… »), s’est d’abord attaquée au problème des épaves automobiles. Car l’allégement progressif du véhicule complique singulièrement la tâche du récupérateur. Le poids de l’automobile a diminué de plus de 400 kg depuis 1975, ce qui lui fait moins consommer d’essence. En revanche, comme cet allégement est en partie dû au remplacement de l’acier par des polymères, de l’aluminium, des matériaux composites et des alliages à haute ténacité, le recyclage de l’épave s’avère plus difficile car l’allégement se traduit, à côté de l’économie de carburant, par une augmentation de la quantité de déchets permanents nouveaux et de matériaux consommés. Pourquoi des grandes firmes comme BMW et Mercedes entreprennent-elles de construire et de mettre sur le marché des voitures démontables ? Parce qu’après usage, les voitures devenues épaves transformées en trois poubelles, verre, métaux et plastiques, ne sont plus des « monstres » mais des gisements de matériaux dont la prise en charge incombe à leurs producteurs.
Le Groupe PSA, Peugeot-Citroën, évalue à 950 kt/an le tonnage total de ces résidus de fabrication, dont 60 % sont revalorisés et 10 % recyclés. Il reste malgré tout l’évacuation.
Le recyclage et l’incinération sont complémentaires :
— parce que le PCI est stable ou augmente dans tous les cas de recyclage multimatériau ; en effet, on recycle autant de matériaux non combustibles que de matériaux combustibles. Le rendement de la combustion est même meilleur car il est inutile de chauffer du verre et des métaux avec le pouvoir calorifique des autres composants, pour les refroidir ensuite ;
— parce que la quantité de mâchefers est significativement réduite par le recyclage du verre et des métaux ;
— parce que la quantité de chaleur produite ne diminue que de 12 % après un tri à la source généralisé, tel qu’il peut voir le jour prochainement en France.
Un recyclage de 60 % paraît difficile à atteindre, nous le prendrons comme maximum.
Les conditions de l'incinération sont modifiées profondément :
Verre 80 % Papiers cartons 60 % Métaux 60 % Plastiques 60 %
Avant | Après | % | |
---|---|---|---|
Chaleur | 2 127 | 1 153 | – 46 |
PCI | 2 127 | 1 836 | – 14 |
Poids | 1 000 | 628 | – 37 |
Mâchefers | 0,33 | 0,16 | – 52 |
— le changement n'est pas sur le plan technique car une diminution de PCI de 14 % est mineure et n'affecte pas vraiment le fonctionnement des fours ;
— le changement est économique car la quantité de résidus produite serait réduite de moitié.
… éventuelle en décharge de 60 kt de déchets banals (dont 12 kt d’emballages de cartons perdus sont maintenant économisés par la mise à disposition de bacs en polyéthylène chez les 600 fournisseurs de PSA), et de 190 kt de sables des fonderies intégrées du Groupe (mais le recyclage est possible après régénération thermo-mécanique des sables usés, leur valorisation est envisageable en technique routière en sous-couche de roulement ou en cimenterie et dans le bâtiment en fabrication de tuiles et parpaings, pratique améliorable par le procédé « lost foam »).
Le CPM centre de production Peugeot de Mulhouse du Groupe PSA, mène de son côté, pour le concept « usine propre », une action exemplaire (7). Le taux de recyclage-valorisation du CPM est actuellement de 93 % ; après tri-incinération des déchets banals (5 kt/an) et revalorisation des déchets de process (5 kt/an également), ce taux passera à 98,5 % (J.-J. Caron, CPM et M. Millet, DRIRE Alsace, Assises « Déchets Industriels » septembre 1991).
Mais le pourcentage escompté dans un futur proche, qui tend vers 100, ce dont nul ne disconvient, peut faire illusion sur l’accessibilité du recyclage intégral, car :
- • le pourcentage calculé est élevé, la charge initiale en déchets bruts étant très forte (135 kt/an) et les résidus ultimes y figurant en faible proportion (1,75 kt/an de boues de prétraitement mises en décharge + 0,50 kt/an de résidus d’incinération),
- • le calcul ne retient pas les problèmes d’après-vente, par exemple ni la récupération des véhicules hors d’usage (18 kt/an de refus de broyage automobile en Alsace) ni de régénération des huiles-moteur (4,4 kt/an d’huiles usagées en Alsace) que cette activité nécessite.
Bienfaisante utopie !
Ce constat souligne l’utopie, sans doute féconde, d'une entreprise humaine sans déchets : société zéro-déchets, salle zéro-poussière (8), atelier à recyclage intégral, usine zéro-décharge et autre hypothèse d’école.
Actuellement, les filières de recyclage de déchets ne paraissent pas en mesure de réduire de plus des 2/3 le flux primaire produit :
- • incinération des OM générant 230 kg/t de mâchefers (recyclables en technique routière) + 30 kg/t de cendres volantes + 5 kg/t de résidus de déchloration,
- • biodégradation des eaux usées urbaines dont la DBO₅, sous forme de 51 kg MS/hb/an, conduit à des boues totales excédentaires, à raison de 16 kg MS/hb/an minimum, (incinérables ou épandables),
- • régénération des huiles-moteur produisant 18-26 % de non régénérables + 3 % de média filtrants saturés + 5 % de goudrons sulfuriques (incinérables),
- • régénération des solvants usés se soldant par 30 % de culots de distillation (incinérables),
- • démantèlement des carcasses automobiles aboutissant à 28 % de « stériles » (recyclables)...
Il y a comme un butoir technologique lorsque l'on atteint 30 % de déchets du déchet. « L’expérience montre que la société sans déchet si l’on peut et doit y tendre, demeure fondamentalement un mythe » (rapport d’activité 1989, STPD, Ministère de l’Environnement).
Élaborons tout de même : dans des périodes complexes comme celle que nous vivons maintenant, l’imagination, disait Einstein, est plus importante que la connaissance. Il faut savoir reposer crayon, calculette, téléphone, véhicule, pour rêver convenablement. « Le monde évolue si vite que ses changements déroutent notre paresse d’esprit, bouleversent nos idées acquises. Plus la réalité inflige de démentis aux certitudes du technocrate, à la superbe du planificateur, plus il paraît urgent d’en appeler à la liberté d’invention de l'individu » (F. Mayor, revue « Le Courrier de l'Unesco » février 1991). « Seuls, ceux qui voient l'invisible peuvent réaliser l’impossible », concluait B. Lown, prix Nobel de la Paix 1985.
(7) Quelques chiffres annuels significatifs du CPM : 300 000 voitures – 173 000 tonnes de tôles – 100 000 tonnes d’acier forgé – 20 000 tonnes d’aluminium coulé sous-pression – l'effectif est de 13 000 personnes (superficie : 315 ha).
(8) Les objectifs de salle blanche visent seulement à maintenir des empoussiérages contrôlés :
— granulométrie MeS réduite à des particules de diamètre inférieur à 0,5 μm dans les industries agro-alimentaires,
— granulométrie MeS réduite à des particules de diamètre inférieur à 0,1 μm en industrie électronique, informatique et spatiale,
— numération de germes inférieurs à 1 bactérie par m³ d'air en zone à haut risque de milieu hospitalier et chirurgical.