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L'échangeur de chaleur à plaques et la prévention des risques liés à la qualité des eaux

28 février 1989 Paru dans le N°125 à la page 27 ( mots)
Rédigé par : J. LEROY

La qualité de l’eau est, de nos jours, une préoccupation pour tous les industriels : ils ont, en effet, besoin d’eau pour assurer leur production ; aussi est-il important de chercher à s’affranchir des problèmes que peut causer l’eau de refroidissement et en particulier, par des moyens préventifs.

Pratiquement, toute activité industrielle nécessite des opérations de refroidissement, ce qui peut concerner le procédé lui-même et, au minimum, la climatisation des locaux. Deux sources froides naturelles sont disponibles : l’air et l’eau. Dans l’exposé qui suit, nous nous intéresserons uniquement à l’eau.

L’UTILISATION DES EAUX NATURELLES DE REFROIDISSEMENT

De par sa composition moléculaire, l’eau est le solvant universel. C’est pourquoi s’y retrouvent tant de substances chimiques, aussi bien minérales qu’organiques, ce qui n’est évidemment pas sans poser des problèmes relatifs à sa qualité. Les eaux naturelles n’échappent pas à cette règle et elles sont susceptibles de poser trois types de questions lorsqu’on les utilise pour le refroidissement :

  • — l’encrassement,
  • — la corrosion,
  • — l’entartrage.

L’encrassement

Il est dû à la présence d’organismes vivants dans l’eau, tels que algues, crustacés, bactéries… Ceux-ci trouvent les conditions de leur prolifération dans les eaux elles-mêmes (les phosphates sont d’excellents nutriments), dont l’élévation de température est également favorable à ce processus.

La corrosion

Certaines bactéries peuvent être causes de corrosion. Néanmoins, la corrosion, ou plutôt les corrosions, sont généralement d’origine électrochimique. Dans les eaux naturelles, les corrosions les plus fréquentes sont dues :

  • — au gaz carbonique,
  • — à l’alcalinité,
  • — aux chlorures,

et peuvent être accélérées par des phénomènes mécaniques tels que les vibrations.

L’entartrage

L’entartrage est dû au fait que les minéraux présents dans les eaux naturelles ont une solubilité qui diminue lorsque la température s’élève ; d’autre part, l’évaporation accroît leur concentration et entraîne leur insolubilisation. C’est le cas de sels tels que bicarbonates, carbonates, sulfates associés au calcium et magnésium par exemple.

Lorsqu’un industriel décide de mettre en service un système de refroidissement, il doit nécessairement connaître la qualité de l’eau naturelle disponible. Il peut ensuite définir le type d’installation le mieux adapté à son problème.

LES DIFFÉRENTS SYSTÈMES DE REFROIDISSEMENT PAR L’EAU

Le circuit ouvert

L’eau naturelle est pompée à la source (rivière, nappe, …) et dirigée vers les équipements à refroidir. L’eau récupère les calories évacuées dans ces équipements et est ensuite rejetée à l’égout ou dans le milieu naturel.

Compte tenu des débits mis en œuvre, un traitement succinct de l’eau est effectué, afin de limiter les coûts. De ce fait, il n’est pas conseillé de retenir le schéma « circuit ouvert » lorsque l’eau est amenée à s’échauffer fortement, même localement (gros risques d’entartrage au niveau de certains équipements).

Le système avec tour de refroidissement

Une boucle d’eau est installée et alimente tout ou partie des équipements à refroidir sur le site. L’eau réchauffée est refroidie dans une tour atmosphérique où s’évacuent, par évaporation d’une partie de l’eau en circulation, les calories. En pratique, les pertes

[Photo : Fig. 1 : Système de refroidissement avec tour atmosphérique.]
[Photo : Fig. 2 : Le système tour-échangeur (Secool fermé).]
[Photo : Fig. 3 : Le système Secool ouvert.]

par évaporation représentent environ 2 à 3 % du débit circulant.

Les apports des composés présents dans l'eau d’alimentation (qui compensent ces pertes) ont pour conséquence qu’en moyenne, l'eau de circulation est quatre fois plus concentrée que l’eau d’appoint. Selon la qualité de celle-ci, il y a donc lieu d’envisager des traitements de l'eau qui s’avèrent souvent coûteux.

L’ensemble tour plus échangeur (Secool* fermé)

Le site industriel est alimenté avec de l'eau déminéralisée circulant en milieu fermé (figure 2). L’eau du circuit est refroidie dans un échangeur à plaques. Le circuit froid de l’échangeur est branché sur l'eau provenant d’une tour atmosphérique.

Dans ce cas, l’eau circulant dans la tour de refroidissement se trouve à une température bien inférieure à celle du cas précédent et, de ce fait, les pertes par évaporation sont très sensiblement réduites, ce qui diminue d’autant le coût de l'eau d’appoint et de son traitement. L'avantage majeur est bien évidemment le fait que l'ensemble des équipements de l'usine sont alimentés en eau déminéralisée non polluante et non corrosive. C'est pourquoi la qualité de l'eau n’est plus une source de problèmes pour la maintenance de ces équipements.

*Secondary cooling

Ce système est utilisé lorsque l’on a besoin, sur le site, d'une eau de refroidissement de très bonne qualité, et lorsque les ressources en eau naturelle sont réduites aux appoints compensant l'évaporation.

Il doit être optimisé de telle sorte que le coût de l'ensemble (tour plus échangeur) soit minimisé. D’autre part, on recherchera également une optimisation des débits en circulation, afin de limiter le diamètre des tuyauteries et vannes, donc leur coût.

Le système Secool ouvert

De moins en moins de sites industriels ont à leur disposition une eau de refroidissement de bonne qualité ; néanmoins, l'utilisation d’un échangeur à plaques peut résoudre ce problème : en effet, ce type d’installation protège l’ensemble des équipements à refroidir sur le site par la mise en œuvre d’une boucle fermée en eau déminéralisée (figure 3).

[Photo : Fig. 4 : Échangeur de chaleur à plaques.]

Cette boucle est refroidie, au travers d'un échangeur à plaques, par une eau naturelle de qualité médiocre, donc bon marché. L’échangeur à plaques est en effet adapté à ce type d’application, car,

Tableau 1 : coefficients d’encrassement préconisés pour les échangeurs à plaques selon la nature des fluides (origine : Heat Transfer Research Inc).

EAU
– déminéralisée en système fermé 0.00000 – 0.000006 (0.000001)
– potable 0.000018 – 0.00006 (0.000003 – 0.00001)
– tours de refroidissement, eau de bord de mer, eaux de rivières 0.0001 – 0.0003 (0.000017 – 0.00005)
– pleine mer 0.00003 – 0.00006 (0.000005 – 0.00001)
– refroidissement de moteurs 0.0002 – 0.0004 (0.000035 – 0.00007)
ORGANIQUES
– huile de lubrification 0.0001 – 0.00025 (0.000017 – 0.00005)
– pétrole brut 0.00005 – 0.0001 (0.00001 – 0.000017)
– fluides de procédés 0.00005 – 0.0003 (0.00001 – 0.00005)
[Photo : Vue éclatée d’un échangeur à plaques.]
[Photo : Schéma du système de refroidissement d’un compresseur d’air par échangeur à plaques.]

D'une part il met en œuvre des matériaux résistant à la corrosion dans de bonnes conditions économiques et d’autre part, il résiste bien à l’encrassement.

Qu’est-ce qu’un échangeur à plaques ?

C'est un ensemble de plaques métalliques montées et serrées dans un bâti (figures 4 et 5) qui possèdent des orifices aux quatre angles et qui, grâce à un jeu de joints, assurent la circulation des fluides. Ces plaques ont été embouties à froid en leur donnant une configuration à chevrons leur assurant une bonne résistance mécanique ; de plus, les chevrons assurent aux fluides en circulation une forte turbulence, donc de bonnes performances thermiques : pour un échange eau/eau, le coefficient global d’échange peut ainsi atteindre 6000 Kcal/h m² pour des pertes de charge de 0,5 bar. Tous les matériaux emboutissables à froid y sont utilisés (inox, uranus, titane, SMO…) avec de faibles épaisseurs (0,6 mm mini) et donc dans de bonnes conditions économiques.

Nous avons vu que dans un tel échangeur la turbulence de l'écoulement est importante : on constate en effet que le régime turbulent y est atteint pour un nombre de Reynolds de 50, à comparer à la valeur de 2300 que l’on doit obtenir dans un échangeur conventionnel à tubes. D’autre part, on peut calculer la contrainte de cisaillement de l’écoulement en paroi de la surface d’échange (couche limite), et donc la faculté de l'échangeur à ne pas s’encrasser ; par exemple, dans un échangeur à plaques où un fluide circule à une vitesse de 0,5 m/s, la contrainte de cisaillement en paroi est équivalente à celle qui existe dans un tube où le même fluide circule à 5 m/s. Cette bonne résistance à l’encrassement a été reconnue par les organismes techniques compétents qui recommandent, lors du calcul de dimensionnement d'un échangeur à plaques, de prendre des coefficients d’encrassement de 10 fois inférieurs à ceux préconisés pour les échangeurs conventionnels tube-calandre (tableau I).

Enfin, de par sa conception, l'échangeur à plaques est entièrement démontable ; de ce fait, la surface d’échange est complètement accessible pour un nettoyage mécanique, à haute pression par exemple, et elle peut être modifiée par rajout ou enlèvement de plaques lorsque l’évolution des conditions du procédé l'exige.

Tableau II : comparaison des dépenses d’investissement et de fonctionnement (en dollars) des divers systèmes de refroidissement.

Tour de refroidissement Tour de refroidissement + échangeurs (SECOOL fermé) Système Secool ouvert
(1) Investissement des équipements 208 000 45 000 80 000
(2) Coût annuel d'investissement 52 208 11 295 20 080
(3) Coût annuel de fonctionnement 24 000 10 000 16 000
(4) Coût de l'eau d’appoint 24 000 72 000 -
Total (2) + (3) + (4) 100 208 93 295 36 080
Coût relatif 100% 93% 36%
Espace au sol requis (m²) 150 70 32

Éléments économiques de comparaison entre différents systèmes de refroidissement

Voici quelques années, nous avons réalisé une étude économique détaillée de comparaison sur un cas réel, entre trois systèmes :

— tour de refroidissement,

— système Secool fermé,

— ensemble tour-échangeur (Secool ouvert).

Il s’agit d'un site en bord de mer (le système Secool étant équipé de plaques en titane pour refroidissement à l'eau de mer). La durée d’amortissement retenue est de 5 ans, celle de fonctionnement de 8 000 h/an.

Le tableau comparatif II montre à l’évidence l’intérêt économique du système Secool ouvert, même s'il faut y ajouter les coûts relatifs à l'installation de pompage de l'eau de mer.

Exemples d'utilisation de l’échangeur à plaques en refroidissement de boucles d’eau propre

Refroidissement d'un compresseur d'air

Un compresseur d’air de 1,5 MF est une machine qui doit fonctionner en toute sécurité, avec des performances constantes ; d’où la mise en place d'un circuit d'eau propre intermédiaire refroidi par un échangeur à plaques inox de 80 KF où celui-ci joue le rôle de fusible.

Le schéma mis en service dans cette installation est représenté sur la figure 6. Il présente les caractéristiques suivantes :

— puissance à évacuer : 2 000 000 kcal/h

— circuit fermé : 170 m³/h 40 °C / 28 °C

— eau de refroidissement (eau naturelle) : 200 m³/h 26 °C / 36 °C

Refroidissement de la boucle de sécurité RRI* dans les centrales nucléaires

Les sites EDF du palier 900 MW par exemple, sont équipés d’échangeurs à plaques pour le refroidissement de la boucle RRI. Selon la nature du fluide de refroidissement, le matériau des plaques est constitué soit par l'inox AISI 316 pour l'eau de rivière (Loire à Dampierre, Rhône à Tricastin, etc.), soit par du titane pour l'eau de mer (Gravelines, Blayais).

Les programmes thermiques sont les suivants :

— eau déminéralisée : 1 425 m³/h 46,9 °C / 35 °C ΔP = 1 bar

— eau naturelle : 1 500 m³/h 25 °C / 36,3 °C ΔP = 1,4 bar

Les échangeurs sont construits selon la classe de sûreté n° 3 et la catégorie de séisme 1.

Divers exemples d'utilisation dans l'industrie

— Refroidissement de moules de fonderie (Peugeot) :

les moules sont refroidis par une boucle fermée de débit 320 m³/h dont la température est abaissée de 40 °C à 27 °C dans un échangeur à plaques. Le circuit secondaire comporte de l’eau de tour, au débit de 400 m³/h, dont la température d’entrée est de 25 °C.

L’échangeur a une surface d’échange en inox de 268 m² et son coût est de 110 000 F ;

— Refroidissement d’alternateurs :

eau douce : 73 m³/h 48,75 °C / 34 °C

eau de tour : 95,5 m³/h 25 °C / 36,25 °C

L’échangeur à plaques inox de 25 m² coûte 24 000 F ;

— Refroidissement de fours à induction (Peugeot) :

eau glycolée : 30 m³/h 48 °C / 43 °C

eau de tour : 26 m³/h 32 °C / 37 °C

Le programme est réalisé au moyen d'un échangeur de 4,5 m² en inox d'un coût de 6 000 F.

Ces divers exemples montrent que tous les types d'industries sont susceptibles de mettre en œuvre un système Secool (fermé ou ouvert). Quelle que soit la puissance à évacuer, il existe un modèle d'échangeur à plaques que l'on peut utiliser en « transformateur d'eau ». En effet, cet échangeur « transforme » de l'eau de qualité médiocre en eau de bonne qualité, ce qui présente un certain nombre d’avantages, parmi lesquels on relève les suivants :

— aucun risque de corrosion des équipements procédé ;

— aucun risque d’encrassement ou d'entartrage de ces mêmes équipements, en particulier des échangeurs de chaleur qui ne seront plus surdimensionnés ;

— utilisation d'une boucle fermée à basse pression et à débit optimisé ;

— utilisation d'un échangeur à plaques, dont la résistance à l'encrassement et à la corrosion est excellente.

Une unité de production performante doit maîtriser ses coûts d’exploitation et de maintenance. Lorsque la qualité de l'eau de refroidissement est en cause, la mise en œuvre d'une boucle fermée avec échangeur à plaques transformateur d'eau s’impose. Il permet, en effet, de garantir en permanence un fonctionnement satisfaisant des équipements de l’unité.

* Réseau de réfrigération intermédiaire.

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