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L'eau pour vivre: les techniques et la science

30 juillet 1975 Paru dans le N°1 à la page 45 ( mots)
Rédigé par : P. MAZOIT et C. VALIN

« Même je remarquais, touchant les expériences, qu’elles sont d’autant plus nécessaires qu’on est plus avancé en connaissance ».(Discours de la Méthode)

l'eau

Notre petit dictionnaire définit ainsi, traditionnellement, le mot :

EAU : Nom du genre féminin, du latin AQUA désignant un liquide transparent, insipide et incolore, bouillant à cent et se solidifiant à zéro degré,

puis il complète cette définition en ajoutant que les eaux suspectes doivent être filtrées et stérilisées.

de l'eau pour vivre

Après l'air, l'eau est la substance la plus indispensable à tous les êtres vivants. L'homme ne peut pas vivre sans eau ; aussi les régions désertiques lui sont-elles interdites à titre permanent ; il ne peut y mener qu'une vie nomade dépendant elle-même des rares points d'eau situés au milieu de vastes espaces stériles, leurs parcours imposant des itinéraires dont les oasis groupées autour de puits et citernes déterminent les tracés.

Dans la majorité des régions habitées, où l'eau se trouve normalement, la plus ou moins grande abondance des points d'eau modifie sensiblement l'aspect du paysage et le mode de vie des habitants.

les groupements humains entraînent l’organisation de l'eau

Les « hommes d’autrefois » se sont groupés autour des points d'eau : sources, rivières. Lorsque les conditions climatologiques, géographiques et démographiques ont fait qu'une bourgade a évolué pour donner naissance à une ville, il a fallu revoir tout le dispositif d’alimentation en eau. On a dû créer tout un système artificiel de distribution, stations de pompage et de traitement, réservoirs d'accumulation et réseaux de canalisations qui doit mettre à la disposition des hommes l'eau indispensable à la satisfaction de leurs besoins. Le maintien en ordre d'un tel système complexe devient alors pour certains une préoccupation dominante, permanente et même absolue.

L'établissement des distributions d'eau telles que nous les connaissons ne s'est réellement développé qu'à partir de la fin du XIXᵉ siècle. C'est en effet vers 1860 qu'on a commencé à attacher à l'eau d’alimentation publique l'importance qu'elle mérite. Depuis, les progrès scientifiques et techniques amenèrent les hommes à exiger de l'eau distribuée des qualités nouvelles. En même temps, les travaux des hydrologues ont permis de rendre potables des eaux dont l'utilisation avait été impossible jusqu’alors.

Ainsi, d'un bout à l'autre de notre monde l'eau, besoin vital pour l'espèce humaine, joue un rôle considérable dans sa destinée ; elle asservit l'homme à sa présence, le contraint au travail et même à la lutte pour pouvoir en disposer là où elle est trop parcimonieusement mise à sa disposition.

La nécessité de rechercher et de distribuer de l'eau potable ressort de tous ces faits et depuis fort longtemps, elle s'est imposée à l’attention des hommes. On s’en est même préoccupé bien avant de connaître les ravages que pouvait causer une eau malsaine.

L'influence de l'eau sur la vie humaine et sociale est donc indéniable. Cependant dans le cas de l'eau plus que dans tout autre, si l'homme n'a pas toujours su mettre à profit les ressources dont il disposait, c'est bien souvent parce que son adaptation à la nature a été hasardeuse. Hier encore il ne prenait que rarement en compte les conséquences néfastes de ses entreprises, l'une des plus graves et si ce n'est la plus da

vent parce que son adaptation à la nature a été hasardeuse. Hier encore il ne prenait que rarement en compte les conséquences néfastes de ses entreprises, l'une des plus graves, si ce n'est la plus dangereuse, étant la pollution que l'activité humaine fait subir aux eaux naturelles. En effet, depuis des siècles, c'est peut-être bien par manque d'imagination que l'homme a fait de l'eau le vecteur de ses déchets.

la pollution de l'eau

Le mot pollution venant d'être utilisé, il nous faut le définir :

POLLUTION DE L'EAU : modification dégradante, sous forme d'altération d'une de ses caractéristiques physiques, chimiques ou biologiques.

Certes ce concept de pollution ne date pas d'hier, le professeur Jean DORST dans son admirable et inquiétant ouvrage « Avant que nature meure » cite les Écritures :

« Le poisson aussi qui était dans le fleuve mourut et le fleuve en devint puant… (Ils) creusèrent autour du fleuve pour trouver de l'eau à boire, parce qu'ils ne pouvaient pas boire l'eau du fleuve » (Exode VII).

Aujourd'hui la vitesse de dégradation des qualités des eaux de surface s'est accélérée. Les énormes progrès techniques accomplis durant les dernières décennies, l'accroissement de production qui en résulte, la création de grandes et denses agglomérations urbaines à proximité d'usines regroupées, la consommation de biens de toutes natures, sont parmi les principales causes d'une pollution réellement envahissante. À dire vrai, cet aspect « revers de la médaille » d'une certaine prospérité devient extrêmement inquiétant ; ainsi partout dans le monde les régions industrialisées voient le degré de pollution de leurs eaux croître dangereusement.

Le développement industriel n'est pas seul à être mis en cause, les pratiques agricoles modernes sont elles aussi des facteurs de pollution importants ; l'utilisation « sauvage » de fertilisants, produits phosphatés, nitrates ou autres complexes phytosanitaires a des répercussions néfastes sensibles au niveau de la qualité des eaux de surface.

Les eaux souterraines elles-mêmes ne sont plus toujours à l'abri du mal. La charge polluante y parvient par infiltration. Les prélèvements de débits inconsidérés dans les nappes alluviales provoquent leur réalimentation par l'eau souillée des rivières. De même la culture intensive dans les plaines alluvionnaires entraîne dans ces mêmes nappes très vulnérables une importante pollution agricole. C'est ainsi qu'apparaissent dans de nombreuses eaux souterraines des taux de plus en plus importants de produits organiques, pesticides, détergents ; leur minéralisation augmente parfois d'une façon préoccupante.

Les lacs naturels ou artificiels sont particulièrement sensibles à la pollution. En effet ils constituent de véritables « intégrateurs » de pollution en vase clos.

Les causes de pollution de nos eaux sont donc nombreuses et omniprésentes. Globalement, selon nos collègues écologistes, il apparaît aujourd'hui « …qu'une eau est d'autant plus polluée que l'importance et le stade d'évolution du groupement humain qui l'utilise sont plus élevés ».

la pollution peut être encore combattue

Pour le public, la notion de pollution de l'eau prend un aspect concret lorsque la qualité de l'eau qui lui est distribuée se trouve affectée ; en effet, souvent apparaissent alors des goûts et odeurs désagréables, puis cette eau peut même prendre parfois un aspect peu engageant. Ces caractéristiques sont sensoriellement perceptibles par l'utilisateur ; il réagira souvent à juste titre en se plaignant de la qualité de l'eau distribuée. Les spécialistes eux savent que quelques produits polluants, dont l'action néfaste n'est pas aussi directement évidente, peuvent présenter des caractères de toxicité par accumulation dans la chaîne alimentaire dont l'homme constitue le dernier maillon.

Dans la majorité des cas, prévenus à temps, les organismes publics ou privés, gestionnaires et responsables des services de distribution d'eau pourront encore réagir efficacement selon les moyens dont ils disposent.

La pollution de nos eaux vitales est donc un des problèmes les plus angoissants posés à notre monde moderne ; son accroissement continu et quasi exponentiel rend chaque jour plus complexe le problème d'élaboration de l'eau potable.

les techniques ont déjà parlé

Alors va-t-on manquer d'eau ? Certainement pas aujourd'hui, ni même demain, car les techniques évoluent sur l'expérience acquise, à mesure que le taux de pollution global croît. Ce n'est pas dans le cadre de ces propos que nous décrirons les procédés mis en œuvre par les traiteurs et distributeurs d'eau. Nous nous limiterons à citer les processus successifs de préoxydation par le chlore et l'ozone, floculation-clarification, affinage par l'ozone et le charbon actif, qui permettent, lorsqu'ils sont bien conduits, d'obtenir à partir d'une eau de surface aussi souillée que celle de la Seine dans la région parisienne, une eau présentant à très peu de chose près les caractéristiques d'une bonne eau souterraine, aussi bien en ce qui concerne les caractéristiques classiques organoleptiques, physiques, chimiques et biologiques que vis-à-vis des micropolluants minéraux et organiques. Notre collègue MONTIEL, Ingénieur Hydrologue au Service de Contrôle des Eaux de la Ville de Paris l'a démontré au Congrès de V.A.L.R.P.E. Un seul élément n'a jusqu'ici pas encore été « piégé » suivant la filière schématisée plus haut, c'est le cobalt. Il ne semble heureusement pas présenter de danger et, qui plus est, n'est présent dans la plupart des eaux de surface qu'à des teneurs infimes.

Mais ces traitements coûtent très cher et on peut poser la question à la façon de Monsieur de La Palisse :

« Au lieu de dépenser beaucoup d'argent à retirer de l'eau les polluants qu'on y a mis, ne serait-il pas plus simple de ne pas les y mettre ? »

Une tentative de réponse à cette embarrassante question sortirait du cadre limité de cet article.

les techniques actuelles ont cependant des limites

Il faut bien se rendre à l'évidence, la seule caractéristique de l'évolution du degré de pollution de nos eaux est aujourd'hui telle que le maintien des solutions acquises, pour le traitement des eaux de distribution publique, serait un leurre si une lutte réelle contre la pollution n'était pas entreprise et menée à bien.

Certes de nouvelles méthodes sont à l'étude, certains procédés nouveaux entrent déjà dans leur phase d'application pratique — mais l'effort doit être poursuivi et amplifié. Les luttes directes et indirectes contre la pollution de notre « patrimoine-eau » doivent constituer la préoccupation majeure des hydrologues. Elles exigent des développements techniques et scientifiques importants permettant la recherche de solutions nouvelles, qui faisant éventuellement « table rase » des idées reçues, doivent s'orienter vers les recherches et mises au point de procédés nouveaux toujours plus efficaces.

Il faut préciser ici que les techniques dont nous disposons pour mettre en œuvre la filière schématisée plus haut dérivent plus ou moins directement des premiers grands filtres à sable mis en œuvre à Londres en 1829 par l'ingénieur SIMPSON. Bien entendu, depuis, l'industrie du traitement des eaux a donné naissance, surtout à partir du début du XXᵉ siècle, à une multitude de grilles, tamis, aérateurs, floculateurs, décanteurs, filtres et stérilisateurs, dont la dernière génération forme un ensemble de procédés assurant encore une sécurité d'emploi remarquable.

Cependant aujourd'hui :

— Que peut-on dire scientifiquement des phénomènes de floculation-coagulation ?

— Peut-on démontrer que tel produit sera plus ou moins aisément adsorbé sur telle qualité de charbon actif ?

Il faut le constater, il semble bien que les développements techniques en matière de traitement des eaux aient atteint la limite autorisée par la connaissance scientifique fondamentale ; tout au moins dans le cadre des techniques actuelles ne peut-on pas prévoir d'améliorations spectaculaires.

la science doit permettre d'aller plus loin

Les techniques sont filles de la science. À partir des connaissances acquises, les techniques permettent l'invention puis la réalisation d'objets qui n'existent pas comme tels dans la nature. La science, elle, découvre ce qui est, s'applique à l'étude et à la connaissance de la réalité, procède par analyse des concepts de base pour établir des théories.

Ces concepts de base structurent notre savoir, ils expriment les réalités essentielles et leurs fondements.

Ces théories sont fondamentalement évolutives : une théorie plus générale et plus complète remplace la précédente, la dépasse en l'intégrant.

La réalité objective est là : les théories admises en hydrologie et en traitement des eaux ne permettent plus l'explication de tous les phénomènes.

Suivant la ligne du développement scientifique, les théories progressent par crise. Aujourd'hui, dans le domaine du savoir sur l'eau, on assiste à un début de crise — car des faits s'accumulant, des résultats d'expériences sont enregistrés qui ne correspondent pas avec la théorie présente (et sont contradictoires) rendant sa logique caduque. L'élaboration d'une nouvelle théorie complétant plus complètement l'ensemble des phénomènes appréhendés devient donc une nécessité ressentie impérieusement par tous.

imbrication science et techniques

Dans notre métier d'hydrologue, plus que dans tout autre, les théories scientifiques et techniques sont étroitement imbriquées ; tout en gardant les unes et les autres leur essence propre, elles tendent chaque jour à se rapprocher, à s'entrecroiser, à s'imbriquer toujours plus au point que dans certains domaines il devient impossible de les séparer. Si la recherche scientifique fondamentale donne une certaine impression de dépassement de très loin des possibilités d'application pratiques, inversement le manque de moyens techniques, l'impossibilité de réaliser une expérience freinent l'avancement de cette indispensable connaissance fondamentale. De même que le progrès scientifique nécessite un appareillage de plus en plus élaboré, des bases techniques et industrielles de plus en plus solides, la progression technique — au fur et à mesure qu'elle permet la mise au point d'appareillages plus complexes — doit s'effectuer sur la base de connaissances scientifiques de mieux en mieux assurées.

universitaires et ingénieurs doivent se retrouver

Dans notre domaine où les développements scientifiques et techniques sont parties intégrantes du développement social et humain, l'universitaire et l'ingénieur doivent se retrouver maintenant au carrefour de la recherche scientifique, de l'innovation technique et de la production technologique.

Ils y disposeront déjà d'une importante collecte de résultats, de points de vue divers pour embrasser une réalité — le matériel d'investigation qui leur est offert n'a jamais atteint un tel niveau de finesse et de fidélité — de plus un nouvel intermédiaire apparaît entre le chercheur et la connaissance avec ces machines qui se substituent aux fonctions répétitives — servitudes fastidieuses : l'ordinateur. Il est déjà couramment utilisé à des opérations de contrôle, de guidage, d'organisation, correspondant à un certain niveau de prise de décisions.

La place est toute prête dans notre discipline ne serait-ce que pour la recherche de méthodes et l'application pra­ tique de ces dernières.

Qu'ils soient universitaires ou ingénieurs, les hydrolo­ gues ont devant eux des tâches pluridisciplinaires diffi­ ciles et complexes.

Spontanément, par constatation de notre faiblesse théo­ rique et par un intuitif besoin de mieux connaître le réel, les dernières années ont vu heureusement naître dans les principales universités, et les grandes sociétés privées, des sections ou des centres de recherches spé­ cialisés dans les problèmes de l'eau; ils sont venus ren­ forcer la structure de la recherche hydrologique en France qui était alors l’apanage de quelques chercheurs.

C'est une bonne chose, car si la recherche dans ce domaine nécessite des investissements économiques im­ portants, c'est surtout en termes de « matière grise » que la valeur de l'investissement doit s'évaluer. Nous ne se­ rons pas trop nombreux pour la recherche de notre « grand œuvre ».

Malheureusement aujourd'hui encore ces « unités » de recherche sont isolées, leurs activités se chevauchent et même se concurrencent alors que dans un domaine aussi capital que l’essor de la science et des techniques de l'eau, il est nécessaire de voir distinctement les pers­ pectives. On sait que poser un problème en termes clairs équivaut souvent à faire un pas en avant décisif.

C'est pourquoi des programmes et des crédits doivent être dégagés, les activités de recherche regroupées et coordonnées.

Mai 1975 à Rennes

Les Journées des 22 et 23 mai de Rennes visaient jus­ tement à :

  • — préciser les conditions d'application de la recherche
  • — ainsi que les moyens à mettre systématiquement en œuvre pour la diffuser et la valoriser,
  • — améliorer la coordination des potentiels et des be­ soins dans la préparation, la définition et la gestion des programmes de recherche.

Un proche avenir dira si ces cibles ont été atteintes, mais dès aujourd'hui, nous pouvons écrire :

« Bravo à Monsieur le professeur Guy MARTIN et merci au Ministère de la Qualité de la Vie — et notamment à Monsieur Patrick PHILIP — d'avoir organisé ces deux journées qui doivent maintenant constituer le point de départ vers une nouvelle et fructueuse orientation de la re­ cherche hydrologique en France. »

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L'EAU ET L'INDUSTRIE

de la piscine

[Photo : M. Jacques FRIEDLAND, Président de la Chambre Syndicale des Industries de la Piscine (C.S.I.P.)]

Parmi les « Industriels de l’Eau », les Pisciniers tiennent une place toujours grandissante depuis ces dix dernières années.

La piscine de collectivité est devenue l'obligation municipale; la piscine collective-privée et plus simplement privée et familiale tiennent aussi leur rôle social.

Il existe un véritable « phénomène piscine » comparable dans son dévelop­ pement à celui de la résidence secondaire, et il y a longtemps que la piscine ne fait plus d'envieux, mais des gens heureux.

Notre revue est allée s’entretenir avec M. le Président FRIEDLAND, Président de la Chambre Syndicale des Industries de la Piscine.

— L'EAU ET L'INDUSTRIE : — M. le Président, notre nouvelle revue se fait un devoir dès le début de sa parution de venir saluer en votre personne la pro­ fession des Industries de la Piscine, dont nous vous considérons le porte-parole éclairé puisque vous êtes le Président de sa Chambre Syndicale depuis dix ans.

— Le Président : — Vous me faites grand honneur, mais je vous remercie surtout dès le départ des inten­ tions d'intérêt que vous voulez bien manifester en­ vers notre profession, qui le mérite bien, et qui n’a pas toujours — à mon avis — une audience indus­ trielle suffisamment généralisée.

— L'EAU ET L'INDUSTRIE : — Nos colonnes seront largement ouvertes aux Industriels de la Piscine, à qui nous consacrerons une rubrique périodique que justifie leur important secteur d'activité dans le do­ maine de l’Eau.

Mais pour l’instant, pouvez-vous nous situer, M. le Président, la position générale de la Profession des Industries de la Piscine ?

— Le Président : — Eh bien, nous avons tenu notre Salon en janvier comme d'habitude, au C.N.I.T.- Défense, jumelé avec le 14e Salon de la Navigation de Plaisance. Ce Salon était le 10e Salon de la Pis­ cine, donc un grand anniversaire.

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