Un programme de recherche et d'expérimentation du plan urbain
École nationale des Ponts et Chaussées
L'eau, ressource vitale, voie de communication ou moyen de défense... a toujours été liée à la localisation des villes et à leur développement. Or, les contraintes dues à l'accélération de l'urbanisation n'ont pas toujours permis l'intégration des interactions « eau et vie urbaine » dans l'aménagement et la gestion des villes ; ce sont ces liens qu'il faut redécouvrir. Cette préoccupation, après avoir été réaffirmée en 1983 lors du lancement de programme prioritaire « Urbanisme et Technologie de l'Habitat », s’est traduite, dès la phase de préfiguration du Plan Urbain, par une série d'actions qui ont abouti en octobre 1985 au lancement d'un programme finalisé de recherche et d'expérimentation.
Animé par le Plan Urbain, ce programme a été lancé conjointement par le ministère de l'Urbanisme, du Logement et des Transports, le ministère de la Recherche et de la Technologie et le ministère de l'Environnement, puis confié à un Comité d'orientation scientifique et technique. Sans rompre avec les dynamiques pré-existantes de recherche technique, il vise à encourager le développement d’actions mieux à même de prendre en compte les différents enjeux associés à l'eau urbaine. Dans cette perspective, ses principaux objectifs sont les suivants :
- — inciter au développement de recherche sur quelques thèmes prioritaires inscrits dans cette problématique globale ;
- — favoriser une meilleure articulation entre démarches de recherche et pratiques de terrain, notamment en accordant une large place à l'expérimentation ;
- — constituer des réseaux de chercheurs et de professionnels capables de porter cette problématique et de la prolonger au-delà du programme.
Les orientations
Sur la base des recommandations du rapport Hervio (« Cycle urbain de l'eau » ; juin 1984), cinq axes thématiques délimitent le champ d'intervention du programme :
- — la modélisation en hydrologie urbaine et en distribution d'eau, qui recouvre la connaissance de la pluie, des ruissellements, des écoulements en réseaux, enfin des flux de pollution. Ce dernier point devrait être étudié de façon plus poussée en 1986. Les développements pourront également porter sur la conception d'outils d'analyse plus appropriés pour les utilisateurs (CAO...) ;
- — l'amélioration des systèmes classiques d'assainissement et de distribution d'eau. Cela concerne les besoins en matière de métrologie (capteurs, utilisation du radar pour l'hydrologie urbaine...), d'automatisation de la gestion des réseaux (télé-mesure, télé-contrôle, logiciels d'aide à la conduite des réseaux...), plus largement d'exploitation des réseaux (diagnostic, entretien...), ce dernier point devant faire l'objet d'un effort plus important en 1986. L'expérimentation en ce domaine accorde également une grande place à l'évaluation économique et sociale de l'introduction des techniques nouvelles ;
- — l'innovation dans les systèmes de distribution d'eau et d'assainissement. En l'état actuel, il s'agit d'opérations concernant la conception et la mise en œuvre de l'assainissement autonome (dimensionnement, gestion...) et des techniques dites « alternatives » d'assainissement pluvial (chaussées poreuses, bassins de retenue...). Les conséquences de ces techniques sur l'aménagement font l'objet d'une observation privilégiée ;
- — l'eau et la valorisation du milieu urbain. L'eau urbaine n’est pas seulement eau potable ou eau pluviale, mais également productive de valeurs dans l'environnement urbain (valorisation foncière, économique, façon de vivre et de pratiquer l'espace urbain), et mise en valeur par cet environnement (ex. : aménagement de berges ou de plans d'eau). D'une façon générale, une gestion plus intégrée de l'eau urbaine ouvre des perspectives d'innovation tant au plan organisationnel que technique ; par ailleurs, un
renouvellement des réflexions sur l'économie des services eau et assainissement s'avère indispensable ;
— l'eau et l'assainissement dans les agglomérations des pays en développement : thème centré essentiellement sur le traitement des difficultés que rencontrent les zones péri-urbaines des grandes villes du Tiers-Monde abordé à la fois sous l'angle de l'offre de services (choix du mode de gestion, degré de décentralisation souhaitable) et de la demande (problématique des conditions de l’appropriation des solutions techniques).
Les moyens
En 1986, le programme est doté par le Plan Urbain d'un budget de 3 MF pour la recherche et de 4 MF pour l’expérimentation, ce qui devrait permettre d’engager un programme de l’ordre de 12 MF, compte tenu des synergies de moyens espérés des opérations conjointes. L’expérimentation constitue un moyen d'action privilégié pour soutenir des initiatives ou propositions locales (services techniques des villes, gestionnaires de réseaux…). Il peut s’agir d’opérations entrant dans le champ du programme (voir axes précités) et présentant un caractère expérimental, c’est-à-dire innovant soit au plan technique, soit même au plan de la démarche, accompagnant leur mise en œuvre.
En matière de recherche, les objectifs sont davantage ciblés ; ainsi en 1986 deux orientations seront privilégiées :
— les questions économiques touchant à l'eau et à l'assainissement en milieu urbain : une consultation sera proposée sur ce thème ;
— la métrologie dans les réseaux : l'effort engagé en 1985 à l'occasion d'une consultation sur le thème « Métrologie et réseaux d’assainissement » sera poursuivi.
— une réflexion sur la situation en matière de gestion de l’eau dans les villes et la formulation d’objectifs prioritaires (rapport sur le « Cycle urbain de l’eau ») ;
— l'engagement de recherches et d’expérimentations qui a permis d’affecter globalement 12 millions de francs à cette question : le lancement de ces diverses actions a mobilisé, outre des collectivités locales, une trentaine d’équipes de recherche appartenant principalement au secteur public et parapublic. En ce qui concerne le suivi et l'évolution, un effort important a été fait en 1985, notamment par l’établissement de liens privilégiés avec des partenaires locaux sur certains thèmes.
La finalisation du programme en 1985 s'est concrétisée de la façon suivante :
— mise en place du Comité d'orientation scientifique et technique ;
— diffusion d'un document d’orientation définissant les objectifs, le cadrage thématique et les modes d'action du programme ;
— effort de sensibilisation et de mobilisation des milieux concernés (notamment des organismes de recherche institutionnelle).
On trouvera en annexe quelques exemples d’expérimentations examinées en 1985.
Les actions de capitalisation, diffusion et valorisation constituent un volet important à mettre en œuvre : colloques, séminaires, débats sont des exemples qui seront largement utilisés dans le cadre de ce programme. Organiser la diffusion des rapports de recherches et de résumés adaptés à la vulgarisation scientifique constitue aussi une préoccupation essentielle. Inversement, il semble nécessaire d’assurer aux différents chercheurs associés au programme une culture documentaire commune.
Le Comité d'orientation scientifique et technique est composé de chercheurs, de représentants des collectivités locales et des administrations ; sa tâche est triple :
— donner un avis sur l'orientation et le suivi des actions du programme ;
— suggérer des mesures aptes à mobiliser des réseaux de chercheurs, de praticiens et de maîtres d'ouvrage ;
— réfléchir sur les moyens d’assurer la diffusion et la valorisation des résultats.
L’animation et la mise en œuvre des propositions du Comité d'orientation incombent au Secrétariat permanent du Plan Urbain.
ANNEXE : QUELQUES EXEMPLES D’EXPÉRIMENTATIONS EXAMINÉES EN 1985
1. Gestion technique assistée par ordinateur des réseaux et ouvrages de distribution et d’assainissement.
Maître d’ouvrage : Ville de Meaux.
Intervenants : Centre d’enseignement et de recherche pour la gestion des ressources naturelles et de l'environnement (CERGRENE ; ENPC) ; Groupe d'action régionale Île-de-France ; Service technique de l’urbanisme.
Financements : Plan Urbain, ville de Meaux.
Objet : La ville de Meaux exploite en régie les services de l'eau et de l'assainissement. Dans le cadre d'une remise en niveau des équipements existants, et afin d’en assurer une meil
leur utilisation, les services techniques envisagent la mise en œuvre progressive d'une gestion assistée par ordinateur. Le système proposé présente un caractère évolutif. Dans un premier temps, il offre une large place à l'utilisation des terminaux Minitel (pour rapatrier les données, de l'unité locale de traitement à l'unité centrale de gestion, gérer les alarmes, interroger les sites de mesure, accéder aux tableaux de bord...). Par ailleurs le système fournit les données nécessaires à une meilleure modélisation des écoulements dans les réseaux d’eaux potables et usées, en vue d’aménagements futurs. L’évaluation portera sur la performance technique des réalisations, les modalités d'intégration du système dans l'organisation, enfin les conditions de transférabilité de la démarche.
II. — Approche expérimentale pour la prise en compte des contraintes hydrologiques dans les documents d'urbanisme.
Maître d’ouvrage : Ville de Villepinte.
Intervenants : Direction départementale de l’équipement de Seine-Saint-Denis ; CERGRENE (ENPC).
Financements : Plan urbain, ville de Villepinte.
Objet : Il s'agit d'aboutir à une meilleure prise en compte des contraintes hydrologiques au cours de l'élaboration du POS. Réalisation des études d’assainissement complémentaires à l'appui, on cherchera à adapter les documents d’urbanisme aux problèmes à résoudre et à déboucher sur un consensus Urbanistes/Hydrologues, satisfaisant les élus locaux. La démarche sera suivie, évaluée et ses acquis, sous forme de documents de synthèse, seront diffusés à d'autres collectivités locales (concernant notamment les possibilités réglementaires...).
III. — Gestion des ruisseaux péri-urbains.
Maître d’ouvrage : Communauté urbaine de Lyon.
Intervenants : Groupe Rhône-Alpes-Infrastructure et Eaux ; Direction départementale de l’équipement, CETE de Lyon, Service régional d’aménagement des eaux, INSA de Lyon, Universités de Grenoble, Chambéry et Lyon, ENTPE.
Financements : Courly, Agence financière de bassin, plan urbain.
Objet : L'Yseron, rivière mi-urbaine et mi-rurale, caractéristique des ruisseaux drainant le secteur nord-ouest de la Courly, propose toute une série d’enjeux et de choix politiques d’aménagement qui ont retenu l’attention de la Courly mais également celle de nombreux acteurs locaux (membres du GAR, DDE, SRAE, AFB...). Il est proposé dans un premier temps une démarche d’étude très large (englobant les aspects techniques, juridiques, économiques) visant à établir les perspectives possibles de valorisation de cette rivière, les moyens à mettre en œuvre (au plan réglementaire, technique...) à l'échelle de la rivière et du bassin versant, enfin les propositions d’aménagement. Débouchant sur la mise au point d'un « plan bleu », cette démarche d’étude est appelée à être généralisée.
Le Congrès
« Les nitrates dans les eaux »
Paris, 22-24 octobre 1985
J. MorvanÉcole Nationale Supérieure de Chimie de Rennes
Le congrès « Nitrate dans les eaux » qui s’est tenu à l'occasion de la Semaine Internationale des Techniques de l’Environnement (SITE’85) s’est signalé par une présentation originale. La première journée a été en effet consacrée à l’évocation de la situation dans divers pays après un exposé général introductif présenté par l'O.M.S.
L'enseignement de cette journée fait ressortir qu’aucun pays n’est à l’abri de la pollution par les nitrates, qu'il s’agisse de l'Europe de l’Ouest, de la Tchécoslovaquie ou du Maroc. Les normes retenues sont pratiquement équivalentes et chaque pays s’efforce de prendre des mesures pour limiter l’ampleur du phénomène. En attendant l’effet des mesures préventives, quelques traitements curatifs ou palliatifs sont mis en place (unités de dénitrification ou recherche d’une nouvelle source d’approvisionnement).
La tendance à la prévention sera également confirmée au cours des communications scientifiques. Cette seconde partie du congrès a été scindée en deux ateliers de présentation s'adressant l’un aux agronomes, l'autre aux techniciens du traitement. Cinquante-et-une conférences ont été présentées, dont vingt-cinq par des étrangers (Grande-Bretagne ; Pays-Bas ; Allemagne ; U.S.A. ; Japon ; Danemark ; Belgique ; Afrique-du-Sud ; Tchécoslovaquie ; Italie), et vingt-six par des Français.
Au cours des exposés sur les thèmes « Nitrates et pratiques agricoles » et « Transfert et évolution des nitrates », il a été montré que :
— la nature du sol joue un rôle important sur les exportations de nitrates par lessivage : les sols sablonneux ou argileux sont plus facilement lessivés que les sols limoneux à forte charge organique où le phénomène de dénitrification s’installe plus facilement ;