L'étanchéité des réseaux d'eaux usées est devenue une préoccupation majeure dans la question de l'assainissement des villes. Afin d'observer l'évolution dans le temps de ces réseaux, on effectue un diagnostic détaillé des canalisations. En reprenant les arguments développés dans notre thèse, nous montrons dans ce texte que la réalisation d'un diagnostic efficace nécessite l'utilisation d'un concept nouveau d'appareillage numérique. Cet article présente une description des méthodes actuellement utilisées dans l'inspection des conduites. La notion de diagnostic géométrique numérique est définie au moyen d'une approche critique des tests réalisés sur le traitement d'image introduisent dans le monde des réseaux d'assainissement, le concept innovant de transcription de gestion des informations numériques.
Au sens de Lesage et Ledru (1992), l’élaboration d’un diagnostic se déroule en quatre phases : le constat, l’auscultation ou bilan, le diagnostic et la préconisation. Dans le domaine de l’auscultation et du diagnostic, les études menées depuis quelques années permettent de se faire une idée assez précise de ce que devra être à terme le diagnostic global des réseaux d’assainissement. Nous le définirons comme étant la réunion de trois investigations : le diagnostic géométrique, physico-chimique et géophysique.
Diagnostic géométrique
Notre document de base est la définition du diagnostic géométrique décrite dans le Cahier des charges RERAU d’un diagnostic géométrique des réseaux d’assainissement, document à l’élaboration duquel nous avons participé au titre de partenaire industriel dès 1989.
Le mérite du groupe de travail constitué à cet effet est d’avoir quantifié des ordres de grandeur empiriques : par exemple, il a été établi que l’appareillage qui réalisera in situ l’auscultation géométrique de la canalisation devra pouvoir franchir une section réduite de 15 % et des déboîtements d’environ 10 % du diamètre nominal. Sa vitesse de progression doit garantir en moyenne le contrôle de 300 m de canalisations par jour.
Concernant les performances métrologiques, on doit pouvoir mesurer une pente à plus ou moins 0,3 mm/m, un angle en cap de plus ou moins 0,02 degré, un aplatissement atteignant jusqu’à 15 % du diamètre nominal (avec une précision absolue de 1 mm).
Diagnostic physico-chimique
Cet aspect de l’étude traite des dégradations intrinsèques des canalisations. Ainsi, observer l’évolution de la composition chimique de l’amiante-ciment ou du béton, déterminer la résistance mécanique d’un grès, sont autant d’éléments utiles à connaître. Les paramètres physico-chimiques des canalisations qu’il semble ainsi nécessaire de suivre dans le temps sont les suivants :
- mesure du pH au niveau de la surface interne,
- mesure de la résistance mécanique,
- pénétrabilité du matériau (effritement),
- épaisseur du matériau au-dessus de l’armature (béton armé),
- étanchéité et perméabilité,
- étanchéité aux joints.
Concernant l’air ambiant et les effluents qui transitent dans la canalisation, les divers paramètres à suivre semblent être :
- débit, pH, température, potentiel oxydoréduction,
- concentration en DBO₅, DCO, sulfure et hydrogène dissous,
- concentration en hydrogène sulfuré dans l’air.
Diagnostic géophysique
Parmi les causes de la dégradation du réseau, on trouve divers mouvements du sol entourant la canalisation : un lit de pose mal compacté, l’influence des charges roulantes en surface, les phénomènes de renards, par exemple. Afin d’anticiper les dysfonctionnements, il serait intéressant d’obtenir une connaissance précise et détaillée de la géologie du sol alentour.
Les paramètres géophysiques à renseigner sont notamment :
- la présence d’une cavité de densité différente (poche d’air ou d’eau),
- la nature géologique du sol voisin (argile, sable, grès),
- la pression exercée par le sol sur la canalisation (charges roulantes).
Cet aspect du diagnostic est le plus com...
Complexe car les principes physiques à mettre en œuvre ne sont pas encore tous résolus. « Les essais ont permis de déterminer les limites de ces techniques et leurs contraintes d’utilisation en conditions de terrain » (Schwarze, 1992).
Nous venons de définir ce que devrait être le diagnostic global d’un réseau. Néanmoins, avant de parvenir à sa mise en application pratique, il faut passer par l’étape qui consiste à analyser les appareils actuellement utilisés. En raison du fait qu’une image visuelle renseigne assez facilement sur la présence d’un défaut, la question dès lors posée consistait à définir comment exploiter le patrimoine des bandes vidéo accumulées par les communes et leurs services techniques.
Approche critique
Schwarze (1990) décrit avec précision les appareillages de diagnostic expérimentés au CREATE. Ses conclusions concernant les servo-inclinomètres révèlent qu’un mauvais étalonnage, ainsi que des problèmes de transmission ou de traitement des signaux, rendent 80 % des matériels testés insatisfaisants. D’autres techniques comme la trajectométrie infrarouge ou la métrologie laser YZ donnent globalement des résultats précis et une bonne répétition des mesures ; néanmoins, ces principes restent difficiles à mettre en œuvre in situ, notamment à cause du vecteur qui supporte l’instrumentation ; un chariot à roulettes ou chenilles est mal adapté pour stabiliser un inclinomètre (répétition des mesures lors des déviations latérales du véhicule dans la conduite) ou en métrologie YZ pour centrer le porte-cible.
Quant aux inspections télévisuelles elles constituent aujourd’hui l’essentiel d’un diagnostic. Les vues sont prises par une mini caméra CCD couleur, transitant par câbles coaxiaux jusqu’à un moniteur 12” de 600 lignes. Un appareillage permet l’incrustation sur le moniteur de la distance parcourue depuis l’origine. Les pièces de la campagne de mesures sont constituées de la bande VHS des vues enregistrées, d’un rapport d’inspection, et éventuellement du profil en long de la conduite. Le rapport, destiné à montrer les parties du tronçon qui fuient, est constitué par des photographies pertinentes des désordres détectés sur moniteur. Elles sont commentées par un expert qui rédige et met en forme le document. Cependant, même si ces moyens permettent d’obtenir une connaissance qualitative des désordres constatés (présence d’une fracture, joint déboîté, etc.) chacun s’accorde à dire que l’auscultation des canalisations telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui reste insuffisante.
Traitement de l’image
À partir d’une bande vidéo, la première étape vers un traitement de l’image, la plus simple, consiste à utiliser un appareil analogique qui surimpressionne des informations sur le moniteur lors de la lecture de la bande. Après étalonnage, on peut ainsi obtenir les cotes d’un diamètre ou d’un aplatissement. L’inconvénient est l’imprécision du principe : la lecture de la bande magnétique (atténuation du signal dans le temps) et la faible résolution d’un moniteur étant la cause d’erreurs d’appréciation.
Une amélioration consiste à digitaliser les images de la bande, puis à les traiter informatiquement. Chaque image est ainsi convertie en un fichier comprenant les coordonnées x, y et des niveaux de gris. Des routines de traitement délivrent les histogrammes de luminosité, les courbes de niveaux de gris, et présentent un intérêt pour la gestion et l’archivage des informations.
Une série de tests et d’essais fut réalisée par ces deux méthodes. Les résultats obtenus permettent d’affirmer qu’elles restent insuffisantes pour atteindre, dans un réseau non visitable, le dixième de millimètre défini dans le cahier des charges RERAU de la commission Réhabilitation. Ces considérations nous ont conduits à…
Reconsidérer le problème en proposant d’emblée le passage à une solution entièrement numérique.
La bande magnétique ne permettant pas l'obtention des données avec la précision souhaitée, comment engranger et stocker l'information en lui assurant une parfaite retranscription lors des traitements différés ?
L'idée nous est venue d'utiliser la géométrie matricielle x,y du capteur CCD pour récupérer dimensionnellement une cote ; en effet, par la connaissance de sa trace lumineuse sur les pixels, la mesure se déduit par une simple homothétie. En d'autres termes, on cherche, par une homothétie générée le long de la chaîne de transcription, à restituer sur terminal opérateur l'intégrité des quanta d’informations collectés par la caméra CCD (figure 1).
Il est ressorti des études effectuées que le mode de gestion même de la pastille CCD ne permet pas la réalisation du concept aussi simplement, mais que la technologie numérique permet de s'en approcher. Cela suppose d'utiliser le système de diagnostic vidéo à haute résolution que nous avons conçu et qui comporte une caméra numérique, une traîne de liaison numérique, et un système de lecture et d’enregistrement semblable au compact-disc vidéo.
Diagnostic numérique
Système vidéo à haute résolution
Le système est composé de trois sous-équipements.
Le premier est l’unité de prises de vues et d'informations. Objectif, éclairage, boîtier électronique de caméra recueillent et transmettent l'image en mode numérique. Le capteur CCD 1024 × 1024 pixels capte en couleur la vision de la canalisation. Chaque pixel est codé sur 9 bits : 5 bits couleurs + 3 bits de palettes, sur le premier octet, 1 bit de codage sur le second. Cinq bits de codage couleurs donnent 2⁵ = 32 couleurs ; trois bits de codage palette donnent 2³ = 8 tons. Ainsi, huit pixels sont codés sur 9 octets en 32 × 8 = 256 couleurs, codage qui correspond au standard PVGA. Une image de 1024 × 1024 en 256 couleurs occupera ainsi une place de (9 × 1024 × 1024)/8 = 1,18 Mo.
Pour établir la cartographie du réseau, il faut mesurer la distance suivant l’axe de la conduite (axe des x), les variations en hauteur (axe des z) et latérales (axe des y). Ces informations sont données par un ensemble de capteurs (inclinomètres, gyromètres) délivrant un signal numérique qui est multiplexé avant transit par la traîne.
Le second composant est l’unité de recueil et de stockage des informations. Un ordinateur placé dans la cabine en surface recueille, gère et archive sur disques magnéto-optiques les informations qui lui parviennent de la traîne. Il comprend par exemple un PC 486 DX2 66, un écran VGA couleur 14”, une carte ou un logiciel de compression d'images, un disque magnéto-optique de 300 Mo (figure 2). Pour déterminer la taille du disque, nous avons fait des hypothèses sur la gamme de travail. Une image représentant 1,18 Mo, une carte de compression peut réduire la taille du fichier d'un facteur 10, soit environ 120 Ko/image. L’appareillage travaillant 8 h/jour à une vitesse d’avance de 200 m/h, s'il prend 1 image/m, on obtient 1600 images/jour. On considère qu’on utilise par demi-journée de travail une cartouche de stockage qui doit donc avoir une capacité de 1600/2 × 120 Ko = 96 Mo. En ajoutant la taille des informations capteurs (coordonnées x,y,z délivrées par les inclinomètres pour la cartographie), ou si l’on prend un logiciel freeware au lieu d'une carte de compression, il faut envisager 300 Mo/cartouche.
Le troisième composant est le poste de contrôle et de pilotage. Ce poste, placé dans l'abri en surface, comprend le pupitre de commande du vecteur et le matériel de visualisation. Un convertisseur numérique-vers-analogique branché en parallèle à la sortie du multiplexeur/démultiplexeur transcrit le signal vidéo numérique en signal vidéo analogique classique. Nos réflexions sur le sujet nous font conseiller une cadence de 8 images/s, suffisante, comme en témoignent les dessins animés japonais, pour créer l'impression de mouvement. L’opérateur peut ainsi suivre sur le moniteur l’évolution du vecteur et enregistrer les vues sur bandes VHS. Ce principe de partage de temps est très appréciable, eu égard à la masse d’informations à transmettre (ordres, images en aller et retour).
Traîne numérique
La traîne est le cordon ombilical liant le vecteur à l’abri en surface et remplit plusieurs fonctions. Elle apporte l'énergie au vecteur de diagnostic, elle envoie les ordres et les commandes du poste de pilotage vers le vecteur, elle transmet les images et les données collectées par le vecteur vers la cabine en surface, avec de grands débits et sur de longues distances (plusieurs kilomètres). Pour réaliser ces performances, la technologie des fibres optiques devient indispensable, ce qui impose certaines précautions quant à leur mise en œuvre sur chantier : protections, rayons de courbure minimaux et conditions de stockage (figure 3).
Centre de calcul
Étant donné la masse d’informations à gérer et à mettre en forme, il est plus judicieux de traiter les données a posteriori, en différé. Un centre de calcul centralise les images prélevées dans la journée par les équipes de chantiers, les digère et les archive (figure 4). En parallèle, les éléments caractéristiques de l’inspection de diagnostic sont mis en valeur par un traitement PAO (figure 5).
Conclusion
Le saut technologique que nous préconisons pourrait résoudre une partie des questions posées par le diagnostic des canalisations d'assainissement, notamment en ce qui concerne la partie diagnostic géométrique. Des expérimentations seraient à mener sur le terrain pour valider le concept et vérifier la bonne tenue du matériel informatique et électronique en conditions de chantier. Mais l’enjeu en vaut la peine, car passer du standard analogique au standard numérique, c'est accéder aux capacités de puissance, de gestion et de rapidité de l'informatique.
Bibliographie
La bibliographie sera fournie par l'auteur aux lecteurs intéressés.