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L'apport de la chimie aux techniques biologiques de dépollution

29 decembre 1995 Paru dans le N°187 à la page 40 ( mots)
Rédigé par : Nicolas DE ROFFIGNAC

Le peroxyde d'hydrogène est un auxiliaire puissant pour le traitement des sols contaminées ou des nappes phréatiques. Il peut être utilisé seul ou combiné avec d'autres techniques, soit pour oxyder directement les polluants soit favoriser les traitements biologiques. Dans ce cas, il permet de réduire significativement les temps de dépollution.

L’industrie et les autorités gouvernementales ont maintenant identifié un grand nombre de sites à dépolluer. Les contraintes légales et réglementaires devenant de plus en plus strictes, les solutions de bioremédiation ne doivent pas seulement être efficaces, mais aussi économiquement justifiées.

Les méthodes de traitement biologique des sols contaminés et des eaux souterraines, telles que l’extraction sous vide ou la bioremédiation in-situ, utilisent le peroxyde d’hydrogène (H₂O₂) comme oxydant afin de réduire les temps de dépollution ainsi que les coûts. Citons quelques exemples :

• des études récentes ont montré que des composés peroxydés, comme le peroxyde de calcium, peuvent être utilisés pour aérer les sols en agriculture ; l'usage de peroxyde de calcium permet de remplacer le hersage hebdomadaire.

• les systèmes d’extraction sous vide utilisés pour traiter les dérivés halogénés aliphatiques peuvent mettre en œuvre du peroxyde d’hydrogène pour apporter l’oxygène nécessaire au milieu ; cette solution a fait la preuve de son efficacité, en améliorant le rendement d’un bioréacteur où la solubilité de l’oxygène était limitée – la biodégradation a été ainsi plus rapide.

• la peroxydation in-situ permet d’oxyder en partie les polluants afin d’en réduire la toxicité et d’en améliorer la biodégradabilité, avant la bioremédiation in-situ proprement dite.

La dépollution par ces techniques seules peut prendre des mois ou même des années, selon la concentration et la solubilité des polluants. La bonne quantité d’oxygène libérée par le peroxyde d’hydrogène peut faire la différence, en agissant notamment sur la vitesse de dégradation.

Les bons ingrédients

Dans la nature, la biodégradation se produit lentement, soit parce que la population de microorganismes capables de détruire les polluants est trop limitée, soit parce que le milieu ambiant présente des conditions sous-optimales, comme par exemple une carence en éléments nutritifs ou en oxygène. Pour que la bioremédiation soit commercialement viable, la dégradation naturelle des composés dangereux doit être stimulée pour atteindre des rendements acceptables. En secondant la nature, les temps de dépollution peuvent être ainsi considérablement réduits.

La présence de composés toxiques peut aussi inhiber la biodégradation, et on a constaté des résultats médiocres avec des sols peu perméables. En outre, la perméabilité elle-même peut changer du fait de la bioremédiation, à cause de la croissance excessive des populations bactériennes. Nous ne connaissons pas encore les effets à long terme des concentrations résiduelles de nutriments et des apports de microorganismes.

Un système usuel de bioremédiation comprend la récupération et le traitement des eaux, l’ajout de nutriments, d’oxygène et de microorganismes sélectionnés. Un mauvais dosage de ces composants peut modifier l’efficacité du traitement, tout comme des conditions de température et de pH inadaptées. Par exemple, la température doit être maintenue entre 8 °C et 30 °C, et le pH doit rester neutre, si l'on veut que les microorganismes puissent métaboliser les polluants. Le pH tend à baisser du fait de l’apparition d’acides organiques résultant de l’activité métabolique.

Le peroxyde, fournisseur d’oxygène

Le manque d’oxygène dans les sols contaminés tend aussi à réduire l’efficacité des systèmes de bioremédiation. L’oxygène peut être apporté par des moyens mécaniques ou chimiques.

L’addition chimique d’oxygène, cependant, paraît moins problématique que les systèmes mécaniques. Ceux-ci, en effet, peuvent causer des problèmes en surface, ou lors du transfert de phase dans le cas de milieux aquifères. Les systèmes mécaniques les plus répandus sont : l'injection d’air, l'injection d’oxygène et l’injection d’eau enrichie en oxygène dans les nappes d’eau. L’injection d’air ne permet pas de dépasser une concentration en oxygène dissous de 8 à 10 mg/l ; l’injection d’oxygène permet d’approcher 40 mg/l.

En revanche, l’addition chimique de 100 mg/l de peroxyde d’hydrogène 100 % libère environ 47 mg/l d’oxygène. On commence par injecter 40 à 50 mg/l de peroxyde d’hydrogène ; puis, lorsque les populations bactériennes sont établies et habituées au peroxyde, environ une semaine plus tard, on augmente la dose injectée par incréments de 50 à 250 mg/l pour atteindre jusqu’à 1000 mg/l.

On doit naturellement tenir compte de la demande chimique en oxygène (DCO) et de la demande biologique en oxygène (DBO) pour calculer les doses de peroxyde à injecter. La DCO résulte des besoins en oxygène nécessaires pour réduire les éléments multivalents comme le fer, les sulfures et le manganèse.

L’alternative chimique au peroxyde d’hydrogène est le nitrate (NO3). L’usage des nitrates dans le traitement des eaux souterraines peut naturellement être problématique, car la concentration en est limitée pour la consommation humaine. Les nitrates par ailleurs ne sont pleinement efficaces que dans des systèmes dépourvus d’oxygène (anaérobie).

Maintenir la stabilité du peroxyde

La stabilité du peroxyde d’hydrogène injecté dans le sol ou les nappes phréatiques est un élément critique du succès de la bioremédiation. Si le peroxyde d’hydrogène se décompose trop vite en eau et en oxygène, celui-ci ne pourra pas circuler assez vite pour atteindre les microorganismes. Une mauvaise stabilité impose d’utiliser des quantités de peroxyde plus importantes, ce qui grève le budget du projet. La stabilité doit donc être examinée de près pour chaque chantier. Les méthodes de mesure de la stabilité utilisent une colonne, destinée à mesurer la demi-vie d’une solution de peroxyde d’hydrogène injectée dans le sol.

La décomposition du peroxyde est souvent le résultat d’une catalyse métallique, principalement due au fer ou au cuivre. Les enzymes, comme la catalase, sont d’autres catalyseurs de décomposition, et affectent la stabilité du peroxyde.

Cependant, le peroxyde peut être restabilisé pour certaines applications, en utilisant les produits suivants :

  • • les polyphosphates, facilement solubles, peuvent être incorporés à la solution de nutriments ;
  • • les stannates ou les phosphates peuvent être ajoutés à la solution de peroxyde pour diminuer l’effet des métaux. Cependant, l’expérience montre que l’emploi de stabilisants en excès peut provoquer des précipitations gênantes dans les milieux aquifères ;
  • • le pyrophosphate de sodium stabilise le peroxyde d’hydrogène en sequestrant les espèces ferreuses ;
  • • le citrate est le seul stabilisant connu permettant d’inhiber l’action des enzymes dans les conditions pratiques d’utilisation du peroxyde ;
  • • d’autres possibilités existent, comme l’ajout de silicate de sodium au peroxyde d’hydrogène, ce qui augmente par ailleurs la perméabilité du sol.

Pour la bioremédiation in situ, les composés peroxydés tels que le peroxyde de calcium ou le peroxyde de magnésium se sont révélés stables.

Ces problèmes de dépollution n’ont naturellement pas de solution unique. Chaque site étant différent, toutes les techniques disponibles doivent être comparées pour retenir celles qui présentent les meilleures combinaisons d’efficacité, de compatibilité avec l’environnement, de facilité d’emploi et d’économie. Il s’agit donc d’une affaire de spécialistes.

Le peroxyde d’hydrogène, utilisé convenablement, permet ainsi de réduire la durée du traitement et d’en réduire les coûts.

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