La papeterie de la FERRANDINIÈRE des papeteries EMIN-LEYDIER est située sur les bords de la rivière La Galaure, petit affluent du Rhône, à 2 km de SAINT-VALLIER.
Établie depuis 125 ans, cette papeterie s'est spécialisée ces cinquante dernières années dans la fabrication de papiers d’emballage et plus spécialement de papiers pour la caisse en carton ondulé. Les matières premières utilisées sont essentiellement :
1° de la pâte mi-chimique de bois feuillus fabriquée dans leur établissement de CHAMPBAIN, aux bords du Rhône,
2° des vieux papiers ordinaires – vieilles caisses carton, gros de magasin, brochures, etc.
La situation de la papeterie sur une rivière à débit faible, surtout en été, a conduit à installer depuis de nombreuses années une station de traitement des effluents provenant des machines à papier. Par la suite, un Contrat de Branche de l'Industrie des Papiers, Cartons et Cellulose signé le 12 juillet 1972 entre le Ministre « Chargé de la Protection de la Nature et de l'Environnement » (terminologie de l'époque) M. Robert POUJADE et le Président de la Confédération Française de l'Industrie des Papiers, Cartons et Cellulose, Contrat de Branche auquel la Société a adhéré, a codifié dans une de ses annexes les taux de rejets admissibles.
Le Contrat de Branche en question impose notamment que les rejets après épuration ne dépassent pas en poids de matières en suspension (MES) à la tonne de papier fabriqué :
— 2 kg/tonne pour les fabrications à base de vieux papiers,
— 2 kg/tonne pour les fabrications à base de pâte mi-chimique.
Des installations complémentaires sont d'ailleurs prévues pour diminuer les quantités d'eau consommées à la tonne de papier fabriqué et diminuer encore dans toute la mesure du possible les quantités des matières en suspension rejetées.
La production de l'usine est d’environ 125 t/jour sur 325 jours. Elle se répartit à peu près à égalité entre la production à base de vieux papiers et à base de pâte mi-chimique ; on peut ainsi aisément calculer que le rejet cumulé total de MES ne devra pas dépasser 81 t/an.
LE CIRCUIT DE L'EAU
L'usine possède trois machines dont la production, ainsi que le débit de rejet et leur concentration en MES sont donnés dans le tableau 1.
TABLEAU 1
Débit de rejet (m³/h) | Concentration MES (kg/m³) | Poids de MES rejetées (kg/h) | Production carton (kg/h) |
---|---|---|---|
Machine 1 : 74 | 1,28 | 94 | 1 240 |
Machine 2 : 60 | 1,27 | 76 | 1 100 |
Machine 3 : 117 | 1,07 | 125 | 3 000 |
(*) Marque déposée de Produits Chimiques Ugine-Kuhlmann.
(**) Du même auteur, voir dans L’EAU ET L'INDUSTRIE, n° 21, sept.-oct. 1975, p. 59 : « Le WAC, nouveau floculant pour le traitement des eaux ».
Le circuit d'eau des machines, représenté à la figure 2, est du type classique.
La pâte utilisée pour la fabrication du papier arrive sur la toile par l'intermédiaire de la caisse de tête, et accessoirement conduit à la formation « d'eaux blanches ». Celles-ci sont divisées en deux courants principaux :
- — le plus concentré en fibres est recyclé directement vers la caisse de tête ;
- — le plus dilué est envoyé vers les bassins de récupération.
Ce dernier courant, auquel viennent s'ajouter des eaux chargées en MES provenant d'autres secteurs de la machine (rinceurs, presses, lavage des feutres), constitue le REJET.
Pour les besoins de la fabrication, il s'agit d'utiliser au mieux ce débit afin de réduire le prélèvement dans la rivière. Pour éviter la pollution de celle-ci, tout volume excédentaire par rapport à ces besoins sera traité par le processus décrit plus loin.
Le rejet total collecté dans deux bassins de 50 m³ unitaires est de 251 m³/h, dont la charge moyenne en MES est de 1,18 kg/m³ (voir tableau 1).
Une partie de ces eaux sert à la dilution de la pâte mi-chimique et vieux papiers, le solde admis à la station de traitement est de 180 m³/h environ. Le flux de MES entrant est de 212 kg/h en moyenne. Le rejet admissible sera, pour une production de 5,35 t/h de papier, égal à 10,70 kg/h, en supposant une répartition égale entre production à base de vieux papiers et à base de pâte mi-chimique, ce qui se vérifie en moyenne sur l'année. Le taux d'abaissement minimum des MES en sortie de station devrait donc être de 95 % pour respecter les exigences du contrat de branche.
DESCRIPTION DE LA STATION D'ÉPURATION DES EAUX RÉSIDUAIRES
La station de traitement (Fig. 3), construite dès 1972 par la Société ALSTHOM (***) avec le concours financier de l'Agence de Bassin Rhône-Méditerranée-Corse, comprend essentiellement :
- — deux bassins de collecte des effluents dont le volume total est de 100 m³ ;
- — une chambre de mélange à deux compartiments, le compartiment aval étant muni d'un agitateur. Cette chambre est alimentée gravitairement à partir des bassins ;
- — deux décanteurs « SECLAR » de 150 m³/h de débit théorique unitaire. Ce type de décanteur a été choisi en fonction des conditions particulières d'exploitation de l'usine.
PRINCIPE DE FONCTIONNEMENT
L'effluent, auquel on a préalablement ajouté les agents floculants, arrive dans la chambre de floculation du décanteur où l'agitation se fait mécaniquement. Le temps de séjour dans cette chambre est d'environ 10 minutes, ce qui permet le grossissement des flocs. Ensuite l'effluent pénètre à la base d'une chambre en forme de dièdre dans laquelle les flocs vont se rassembler en constituant une couche filtrante, turbulente, au-dessus de laquelle l'eau sort clarifiée. Ce voile de boue ainsi formé est soumis à une légère agitation mécanique qui assure en permanence son homogénéité et lui permet de fonctionner comme un véritable lit fluidisé.
Les boues en excès se déversent dans un compartiment dans lequel se concentrent toutes les impuretés entraînées par les flocs. Leur extraction se fait en continu au moyen de quatre vannes dont l'ouverture est réglée manuellement.
Les boues provenant de l'extraction sont épaissies dans deux bacs de 8 m³ chacun, munis d'une agitation lente (2 t/mn). Pour obtenir un épaississement plus important, une centrifugation complémentaire est installée. Toutefois celle-ci n'est utilisée qu'exceptionnellement lorsque les boues entraînent des perturbations pour la fabrication de certaines qualités de papier. Dans ce cas, les boues déshydratées sont mises à la décharge.
En cycle normal, les matières solides sortant des épaississeurs sont entièrement recyclées en fabrication dans les cuviers de machine.
(***) Voir la revue « LA PAPETERIE » – n° 6/1973 – page 450 : « Exemples d'application du décanteur SECLAR au traitement d'effluents de l'industrie papetière », par MM. M. Delachanal et P. Lejeune.
[Figure : Schéma de la Station d’épuration.]MODIFICATION DU TRAITEMENT DE FLOCULATION
À l’origine, le traitement de floculation avait été conçu comme suit :
- une injection de sulfate d’alumine solution, suivie de
- une addition de chaux
- et d’une double addition de polyélectrolyte, l’une en tête de décanteur, l’autre en tête d’épaississeur.
Ce système de traitement a été modifié depuis 1975 avec la mise en œuvre du WAC polychlorure d’aluminium (dont la fabrication en France a démarré en 1974), et actuellement on procède comme suit :
- une injection de polychlorure d’aluminium WAC
- une double addition de polyélectrolyte comme précédemment
WAC, AGENT DE FLOCULATION
Le WAC est un polychlorure d’aluminium en solution visqueuse dont la formule est :
Alₙ(OH)m(X,Y)₃ₙₘ
X représente l’ion chlorure et Y l’ion sulfate. Pour le WAC, si n est égal à l’unité, m est égal à 1,5 environ. Par rapport au chlorure d’aluminium, on voit qu’environ 50 % des anions ont été remplacés par des ions hydroxyles, c’est la raison pour laquelle on parle de « basicité », celle-ci étant définie par le rapport m/3n × 100 (I).
Remarquons cependant que le WAC se distingue à deux titres des chlorures d’aluminium basiques classiques. D’une part et contrairement à ces derniers, le WAC est une molécule dont la constitution s’apparente à un polymère minéral de poids moléculaire élevé. En phase aqueuse, il se forme un complexe polynucléaire d’ion hydroxo-aluminium qui a un caractère cationique marqué (II).
D’autre part, les travaux de FIESSINGER (III) montrent que la nature des anions présents dans la molécule modifie le type
de polymérisation. L'intérêt de l'ion sulfate est de permettre la formation de polymères de taille considérable tout en ayant un produit stable.
Dans le cas du WAC, lors de la coagulation, on aurait donc un double mécanisme d'action. Le premier, classique, propre aux coagulants minéraux ; le second comparable à celui des polyélectrolytes organiques donnerait lieu à une sorte d'interaction mutuelle entre les polymères d'« aluminium » et les colloïdes.
Cette constitution du WAC lui permet d'avoir une efficacité coagulante et floculante remarquable qui, pour un même dosage en ions Al³⁺, est 1,5 à 2,5 fois supérieure à celle de l'aluminium contenu dans d'autres sels d'aluminium utilisés en coagulation-floculation.
DESCRIPTION DU TRAITEMENT DE FLOCULATION AVEC LE WAC (voir Fig. 2)
Le stockage du WAC est réalisé dans une citerne verticale ébonitée de 35 m³ alimentant un bac-relais de 8 m³. La distribution est assurée par une pompe doseuse asservie au débit. L'injection du WAC dilué (concentration ramenée de 10 % à 7,5 % en Al₂O₃) se fait dans la canalisation reliant les bassins de collecte à la chambre de mélange juste en sortie de ces bacs. Cette canalisation mesure environ 150 mètres et débouche dans le premier compartiment de la chambre de mélange.
Ce point d'introduction qui donne les meilleurs résultats a été adopté après une étude menée par les techniciens du Centre d'Application de Levallois de P.C.U.K. en collaboration avec ceux de la Papeterie elle-même.
En aval de la mise en œuvre du WAC, la première addition de polyélectrolyte anionique s'effectue dans le deuxième compartiment agité de la chambre de mélange. La préparation de la solution de cet adjuvant à 1 g/l est effectuée dans un bac de 8 m³. L'épaississement des boues est favorisé par une nouvelle addition du même polyélectrolyte, effectuée à l'entrée de l'épaississeur.
Les taux de traitement moyens en floculants sont les suivants (en poids de produit commercial par rapport au m³ d’effluent traité) :
- — WAC secs : 510 g/m³
- — Polyélectrolyte – entrée décanteur : 0,6 g/m³
- — Polyélectrolyte – entrée épaississeur : 0,7 g/m³
L'emploi du WAC a permis d’éliminer l'utilisation de la chaux employée précédemment à la dose de 150 g/m³. Cette addition de chaux était nécessaire :
- — Pour être dans une plage de pH correspondant à l'utilisation optimale du sulfate d'alumine.
- — Pour obtenir des flocs plus lourds et améliorer la décantation.
- — Pour augmenter le pH de l'effluent, amené entre 5,5 et 8,5 (qui est la zone de spécification pour le rejet en milieu naturel).
La manipulation et la distribution de quantités importantes de chaux imposent, on le sait, de nombreuses sujétions et nuisances au personnel. Schématiquement, les modifications se résument ainsi :
Traitement de floculation antérieur (g/m³) :
- — Sulfate d’alumine (Sol.) : 1 200
- — Chaux : 150
- — Polyélectrolyte : 3,8
Traitement actuel (g/m³) :
- — WAC : 510
- — Chaux : Néant
- — Polyélectrolyte : 1,30
Au passage, la mise en œuvre du WAC a apporté des avantages appréciables :
- • La diminution du pH de l'effluent par addition de WAC est faible et celui-ci reste dans les limites admissibles pour le rejet (6,4 à 7,0).
- • Par ailleurs, les flocs formés étant beaucoup plus gros, leur décantation ne nécessite plus l'adjonction d'une charge additionnelle.
- • Enfin, la zone de pH optimum de floculation du WAC étant plus étendue, ce réactif apporte une souplesse et une fiabilité du traitement accrues.
RESULTATS OBTENUS
Après plus d'un an d'utilisation du WAC, on a sans conteste une confirmation de l'amélioration des conditions de traitement. Les moyennes des teneurs en MES s'établissent actuellement comme suit (Tableau 2).
TABLEAU 2
Entrée décanteur | MES 1199,6 mg/l |
Surverse décanteur | MES 15,05 mg/l |
% d’élimination | 98,7 |
Surverse épaississeur | MES 11,6 mg/l |
Les teneurs en MES surverses sont largement inférieures à la norme de rejet. Le respect de cette norme est particu lièrement difficile lorsque la fabrication est axée sur des papiers à fort pourcentage de pâte mi-chimique. Avec le WAC, elle est néanmoins assurée, ce qui était plus difficile précédemment.
La concentration des boues extraites du décanteur est en moyenne de 3,2 g/l. Après épaississement elles contiennent de 20 à 40 g/l de matières sèches, la valeur inférieure étant observée avec des effluents provenant de fabrication utilisant de la pâte mi-chimique. Comme il a été dit, ces boues sont la plupart du temps recyclées dans les cuviers de stockage de site en amont des machines.
COÛT DU TRAITEMENT DE FLOCULATION ACTUEL
Les consommations mensuelles moyennes de réactifs des six derniers mois ont été de :
WAC | 53,5 tonnes |
Polyélectrolyte | 0,14 tonne |
Et ceci pour une production de papier de 3315 t/mois en moyenne. Le coût de traitement en réactifs s’établit à 10,57 F par tonne de papier fabriqué.
Il y a lieu de prendre en considération que cette nouvelle conception de traitement de floculation permet de récupérer environ 4,8 tonnes/jour de matières premières.
Avant la construction de la station d’épuration, ces tonnages de matières premières étaient totalement perdus dans le rejet à la rivière. Ils sont maintenant recyclés.
On peut attribuer à ces matières une valeur identique à celle du prix moyen des vieux papiers utilisés dans les fabri cations, soit 330 F/tonne. La récupération est ainsi de l’ordre de 1500 F par jour, correspondant à plus de 12 F la tonne de papier produit. Le coût opératoire des produits chimiques utili sés est ainsi largement compensé par cette récupération.
CONCLUSION
Dans le cas particulier de la Papeterie de la Ferrandinière, le WAC a trouvé un nouveau domaine d’application en conjonc tion avec un polyélectrolyte anionique, pour résoudre le pro blème de floculation des eaux résiduaires de papeteries.
D’autres expérimentations sont actuellement en cours dans cette industrie de la papeterie et tendent aux mêmes résultats favorables.
On peut estimer que le WAC, qui a déjà des champs d’appli cation consacrés dans des domaines tels que : le traitement des eaux potables, la clarification d’eaux industrielles, le traite ment des effluents huileux de raffinerie et ceux provenant des lavages des sables et graviers dans les carrières, va trouver là une extension naturelle de son utilisation.
Références bibliographiques
(1) « WAC » : Nouveau floculant pour le traitement des eaux. Notice n° 383 06 73 UGINE-KUHLMANN.
(2) Le Polychlorure d’Aluminium, un polymère minéral pour le traitement des eaux. Informations Chimie n° 168, juin-juillet 1977, p. 123.
(3) FIESSINGER – La Coagulation : errements anciens et connaissances nouvelles, Techniques et Sciences Municipales 1976, n° 4, p. 976.
P. LEYDIER – J. MONOD – D. ARDITTI – J.-L. COLAS.