Traditionnellement, on utilise, pour le conditionnement de ces boues, le couple « chlorure ferrique/chaux » qui comporte parfois une quantité de sels minéraux très importante (jusqu’à 50 % par rapport à la matière sèche). Cette technologie, si elle donne de bons résultats, présente toutefois de nombreux inconvénients.
Le présent article, après un rappel des avantages et inconvénients de la technologie conventionnelle, abordera l’utilisation des floculants synthétiques dans le traitement des boues sur filtres-presses.
Avantages et inconvénients
de la technologie conventionnelle
Cette technique consiste à utiliser du chlorure ferrique et de la chaux comme agents de conditionnement. Son avantage essentiel est de floculer correctement les boues, ce qui permet d’obtenir une haute concentration en matières sèches, mais ses inconvénients sont nombreux et presque tous liés à la concentration élevée en matières minérales.
Augmentation de la quantité de solides à mettre en décharge, ou à brûler
En effet, à la matière organique à éliminer, s’ajoute la matière minérale en provenance du réactif ; celle-ci peut atteindre 25 à 30 % — et parfois jusqu’à 50 % — de la matière sèche totale, ce qui est énorme…
Production d’acide chlorhydrique
La méthode la plus logique de destruction de la boue pourrait être l’incinération ; toutefois, il y a, dans ce cas, émission d’acide chlorhydrique dans les fumées et présence d’une quantité de cendre très importante dans l’incinérateur contenant le fer et la chaux.
Nettoyage et maintenance
Ceux qui ont l’habitude de travailler avec un silo à chaux et du chlorure ferrique sont parfaitement informés des problèmes liés à ces produits (corrosion et encrassement). L’utilisation de cette technologie entraîne un important travail de nettoyage et de détartrage des toiles.
Développement des floculants cationiques de synthèse
Depuis une quinzaine d’années, de nouvelles familles de polymères cationiques (obtenues par polymérisation en émulsion inverse) sont apparues. Ces polymères sont préparés par la technique décrite dans les brevets de Vanderhoff (1), et Anderson et Frisque (2). Les copolymères associent l’acrylamide avec différents monomères cationiques. Le tableau 1 décrit les principaux monomères cationiques utilisés.
Le travail sur ces molécules, comme sur le procédé lui-même (études en laboratoire et sur des pilotes), permet de se faire une très bonne idée du processus de floculation : par exemple, la figure ci-contre décrit, sur une boue organique, l’impact, sur le drainage, des différents copolymères cationiques A à F ; dans ce cas précis, le polymère E donne les meilleurs résultats.
[Photo : Tableau 1 – Principaux types de floculants cationiques.]
[Photo : Exemple d’étude de l’impact de la nature cationique des polymères sur le drainage.]
Application des floculants cationiques
Nous avons expérimenté à la fois les molécules et le procédé.
La nouvelle technologie mise au point présente les avantages suivants :
— augmentation de la capacité du filtre-presse : on constate, avant le passage sur le filtre-presse, une pré-décantation avec séparation du surnageant, ce qui réduit le volume introduit dans le filtre ; par ailleurs, en l’absence de matière minérale, la place libérée dans le filtre en remplaçant le mélange FeCl₃ + chaux par un polymère est considérable. De même, la durée d’un cycle est notoirement réduite (en moyenne 90 minutes au lieu de 120 minutes) ;
— disparition de la partie minérale de la boue (laquelle atteint parfois 50 % de la matière sèche) : la boue peut être incinérée sans émission d’acide chlorhydrique et le volume des cendres est très faible. La mise en décharge est, elle aussi, facilitée, tout comme la revalorisation des boues à des fins agricoles (en raison de l’absence de toxicité des polymères utilisés) ;
— absence d’odeur ammoniacale ;
— entartrage minimal (en raison de l’absence de chaux et de fer) ;
— pas de manipulation d’acide (réduction de la corrosion) ;
— économie de frais de maintenance sur les équipements ;
— investissements minorés, sans commune mesure avec ceux nécessaires avec l’utilisation de la chaux et du chlorure ferrique (silo à chaux, trémie, installation de préparation et de pompage du lait de chaux et du chlorure ferrique, etc.). On peut noter, en outre, que le poste de préparation automatique de polymères en émulsion, très compact, ne coûte que quelques dizaines de milliers de francs et que le poste d’injection automatique peut, en général, être mis à la disposition des utilisateurs de polymères.
1 000 m³ de boues
5 % M.S. = 50 kg de solides
Solution de polymères 0,5 à 1 ‰
500 l à 1 ‰ de surnageant
0,5 à 1 ‰ = 50 kg de solides
8,5 % de M.S.
Pompe haute pression
125 l à 1 ‰ de solides
= 0,5 à 1 % de M.S.
Tableau II : Balance liquide/solide sur un filtre-presse (avec polymères).
ELEMENTS | PRIX UNITAIRES | PRIX DE REVIENT ANNUEL |
Polymères MAK | 11,5 F/kg polymère | 2 079 000 |
Bullage, agitateur, garage | — | 69 700 |
4 193 F/équipage | — | 57 240 |
Aération | 120,9 F/kg régime | 193 600 |
Soufflage | 3,5 F — | 52 500 |
Nettoyage acide | — | 5 445 |
Mise en décharge | 1,5 F/kg | 649 619 |
Accordeur | — | 760 500 |
Transport | — | 183 700 |
TOTAL | | 2 988 100 |
Tableau III : Bilan économique – Station d’épuration en RFA. Technologie conventionnelle.Base : 180 000 m³ de boues par an – 6 % de solides – 10 800 t de matières sèches.
ELEMENTS | PRIX UNITAIRES | PRIX DE REVIENT ANNUEL |
Tableau IV : Bilan économique – Station d’épuration en RFA – Nouvelle technologie.Base : 180 000 m³ de boues par an – 6 % de solides – 10 800 t de matières sèches.
ELEMENTS | PRIX UNITAIRES | PRIX DE REVIENT ANNUEL |
Les tableaux II, III et IV décrivent la balance liquide/solide dans le processus de filtration, et le bilan économique d’une station d’épuration en R.F.A., fonctionnant avec la technologie conventionnelle et avec la technique nouvelle utilisant les nouveaux polymères de synthèse.
Conclusion
Cette technologie, nouvelle en France, fait l’objet de développements extraordinaires depuis quelques années en Allemagne fédérale et en Amérique du Nord. Il est ainsi possible à un exploitant de station d’épuration français, de visiter, par exemple, les applications allemandes et de se faire une parfaite idée de cette technologie.
BIBLIOGRAPHIE
(1) Vanderhoff J.W., U.S. Patent n° 3284394, Water in oil emulsion polymerization process for polymerizing water soluble monomers (1966) et les brevets français correspondants.
(2) Anderson D.R. et Frisque A.J., U.S. Patent n° 3734873, Rapid dissolving water-soluble polymers (1973) et le brevet français correspondant.
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