Dans les effluents aqueux, les cyanures peuvent être présents sous des formes très diverses et se différencient par leur solubilité et leur stabilité. On distingue entre autres :
- les cyanures simples solubles et dissociés, de type cyanure alcalin (ex : KCN),
- les cyanures métalliques insolubles, où le cyanure est lié à un ion métallique et où sa stabilité dépend du métal associé (ex : CuCN ou AgCN),
- les cyanures doubles métalliques et alcalins, où la charge négative portée par le complexe ion métallique-cyanure est compensée par le cation alcalin associé (ex : Cu(CN)₄³⁻ 3K⁺ ou Ag(CN)₂⁻ K⁺),
- les cyanures non-métalliques complexes ou associés, dont la stabilité est très variable (le chlorure de cyanogène ou les thiocyanates).
Méthodes de référence
Les méthodes d’analyse des cyanures ne permettent pas de distinguer les différentes formes de cyanure présentes dans un échantillon donné, leur réponse n’étant pas directement liée à la structure des composés, mais à leur stabilité vis-à-vis des réactifs utilisés. Le seul classement possible est réalisé en fonction des réponses à des méthodes analytiques. Ainsi, la méthode d’analyse utilisée détermine le type de cyanures pris en compte et on distingue en fonction de ces méthodes, les cyanures “libres”, facilement libérables, oxydables par le chlore et les cyanures totaux. Chacune de ces méthodes comprend un traitement avant dosage : la micro-diffusion (cyanures libres), ou la distillation (cyanures totaux), qui sont souvent longues et fastidieuses ; le dosage proprement dit est souvent une réaction colorimétrique utilisant la chloramine-T et la pyridine. Pour remédier à ces inconvénients, une technique simple et rapide a été mise au point qui ne fait intervenir aucun réactif dangereux et traite les interférences de manière efficace : la méthode d’analyse des cyanures libres et des cyanures totaux par diffusion gazeuse et rayonnement ultraviolet est exposée ci-dessous après avoir explicité quelques procédés préliminaires.
Procédés de conditionnements des cyanures
Cyanures “libres” : la méthode comprend un conditionnement par micro-diffusion sans prétraitement acide ni oxydant à pH 6 suivie d’un dosage colorimétrique (NF T 90-108, ISO 6703/4, ASTM D 4282-83).
Cyanures facilement libérables : la méthode consiste à décomposer les complexes cyanurés par addition d’EDTA en milieu pH légèrement acide. Les cyanures sont ensuite entraînés par un courant gazeux, piégés dans une solution de soude ensuite dosés par colorimétrie (ISO 6703/2, DIN 38 405-D83).
Cyanures oxydables par le chlore : la détermination de cette mesure se fait par différence entre les cyanures totaux d’un échantillon brut de rejet et ceux d’un échantillon équivalent après oxydation par un excès de chlore (ASTM D 2036-82 B, ASTM D 2036-82 D).
[Photo : Schéma réactionnel avec emploi d'un détecteur colorimétrique.]
[Photo : Schéma réactionnel avec emploi d'un détecteur ampérométrique.]
Cyanures totaux : la méthode comprend le chauffage de l’échantillon en présence d’acide et de catalyseurs ; les cyanures libérés sont entraînés par un courant gazeux, piégés dans de la soude, puis dosés par colorimétrie ou volumétrie (NF T 90-107, ISO 6703/1, DIN 38 405-D 13, ASTM D 2036-82 A).
Principe de la méthode « diffusion gazeuse et rayonnement UV »
Le principe de cette méthode est basé sur la technique du Flux Continu (Flow Injection Analysis et Segmented Flow Analysis). Une quantité connue d’échantillon est injectée dans un flux porteur constitué d’eau minéralisée ; après acidification par un acide fort à faible concentration, le flux passe dans une bobine et est bombardé par les rayonnements UV qui décomposent les ions complexes cyanurés. Les molécules de cyanures ainsi libérées se diffusent alors à travers une membrane en polypropylène sous forme d’acide cyanidrique et elles sont stabilisées par un flux alcalin avant d’être détectées soit par colorimétrie classique (figure 1) soit par ampérométrie (figure 2). Les éléments interférents traditionnels tels que les thiocyanates ou les sulfures sont maîtrisés grâce à l’utilisation de membranes et à la spécificité de la lampe.
Les chapitres suivants décrivent les conditions dans lesquelles on récupère un maximum de ferricyanure de potassium (K3Fe(CN)6), un minimum de thiocyanate de potassium (KSCN) et un minimum d’interférences dues aux sulfures.
L’influence de la qualité de la bobine UV sur les thiocyanates
La plupart des modules de digestion UV utilisent une bobine en quartz enroulée autour d’une lampe à mercure. En raison de la transparence de la bobine en quartz à toutes les longueurs d’onde en UV, on assiste à la décomposition des complexes métallo-cyanurés (par lumière UV à longue longueur d’onde) mais aussi des thiocyanates (par lumière UV à faible longueur d’onde). On a constaté qu’une bobine à base de borosilicate réduisait de manière significative la décomposition des thiocyanates (de 90,7 % de taux de récupération à 2,7 %) en filtrant les courtes longueurs d’onde responsables de la décomposition de ces derniers. Dans le même temps, on obtient un taux de récupération semblable pour l’hexacyanoferrate(III) (de 95,2 % à 9,9 %), ce qui en tout état de cause n’est pas le but recherché.
[Photo : Taux de récupération des complexes métallo-cyanurés.]
[Photo : CNfield, analyseur de cyanures.]
L’influence de la lampe UV sur les thiocyanates
De l’expérience précédente il découle que, pour obtenir un taux de récupération satisfaisant d’hexacyanoferrate(III), il est important d’avoir suffisamment de lumière UV à longue longueur d’onde, ce qui est possible en utilisant une lampe spécifique dans cette région spectrale. Il est également intéressant de noter que même sans lampe UV on observe malgré tout un peu de contamination due aux thiocyanates.
L’influence de l’acidité sur les thiocyanates
Dans la plupart des méthodes on utilise la distillation ou la diffusion gazeuse sous conditions acides pour libérer le HCN de sa matrice. Si ces conditions sont trop acides, le HSCN peut se libérer et créer une interférence positive. On a démontré qu’à pH 1 on observe un rendement en hexacyanoferrate légèrement plus élevé qu’à pH 4 (95,2 % pour 91 %). On a également relevé dans le même temps un rendement plus important en thiocyanates (0,08 % pour 0,01 %). Par conséquent, l’analyse au niveau du pH 4 semble être le moyen idéal pour avoir un bon rendement et limiter la contamination due aux thiocyanates.
L’influence du système de détection
Le système de détection utilisé peut s’avérer significatif si les échantillons contiennent des thiocyanates en excès ou à des concentrations élevées. En effet, les réactifs colorimétriques sont sensibles aux thiocyanates ; par exemple un échantillon contenant 1 g/l
de thiocyanate (mesuré en tant que CN) donne au colorimètre une valeur de l’ordre de 100 ppb. En revanche, le détecteur ampérométrique ne les dose pratiquement pas. D’autre part, le détecteur ampérométrique constitue un moyen de détection efficace en raison de sa sensibilité et de sa facilité d'utilisation.
L’influence des sulfures
Deux types d’interférences peuvent intervenir : une réaction directe des sulfures avec les cyanures au moment du stockage ou une réaction de compétition entre ces deux entités avec les réactifs colorés.
Dans notre méthode, même si l’on n’utilise pas les réactifs de colorimétrie habituels (la chloramine-T notamment), les sulfures peuvent s’acidifier et se diffuser à travers la membrane en donnant une lecture positive. Tout va donc dépendre de la concentration en sulfures présente dans l’échantillon de départ : si cette dernière n’est pas trop importante, un flux supplémentaire chargé en nitrate de bismuth peut venir les piéger en continu ; en revanche, dans le cas d’une concentration trop importante en sulfures, il est souhaitable de prétraiter l’échantillon au nitrate de bismuth avant même de le stocker.
Taux de récupération des complexes métallo-cyanures
Le rendement de l’opération en ce qui concerne les cyanures facilement libérables (WAD) est de pratiquement 100 % pour les complexes Zn, Cd et Cu, partiel pour les Au et de 0 % pour les complexes Fe et Co. Le rendement pour les cyanures totaux est de pratiquement 100 % pour les complexes Zn, Cd, Cu et Fe, sensiblement supérieur pour les Au et partiel pour le Co (figure 3).
Comparaison avec la méthode normalisée
Comme nous l’avons noté précédemment, l’analyse des cyanures et les résultats que l’on obtient dépendent fortement de la méthode utilisée en raison de la réactivité des cyanures vis-à-vis des réactifs employés ou des éléments (acidité, température, temps de distillation, lampe UV etc.) que l’on met en œuvre pour les dissocier.
Les essais de comparaison réalisés avec le CNfield (figure 4) et les cyanures totaux révèlent une très bonne corrélation avec la méthode normalisée pour un rendement moyen de plus de 90 %.
Les cyanures WAD révèlent également une très bonne corrélation avec un rendement moyen se situant autour de 80 %, ce qui n’est pas surprenant, compte tenu du caractère très instable des formes WAD.
Conclusion
On a décrit ci-dessus une méthode simple de mesure des cyanures facilement libérables et des cyanures totaux sans interférences majeures. Des détecteurs colorimétrique et ampérométrique ont été utilisés, ce dernier modèle se révélant plus simple et plus facile à utiliser et ne faisant intervenir aucun réactif dangereux.
La méthode à diffusion gazeuse et aux UV offre une nouvelle solution très efficace vis-à-vis des contraintes posées par la méthode de la distillation. Le gain de temps est appréciable : trois minutes pour les WAD et six minutes pour les cyanures totaux, contre une moyenne de deux heures pour la méthode de la distillation.
De plus, la version ampérométrique entre dans le cadre de la lutte pour la protection de l’environnement, puisqu’elle ne génère pas de rejets toxiques alors que c’est le cas de la colorimétrie classique.
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