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L'analyse de la concentration résiduelle en oxygène dissous dans les eaux de chaudières

30 mai 1985 Paru dans le N°92 à la page 46 ( mots)
Rédigé par : J.-j. JOURDAN

Nécessité de la mesure de la concentration en oxygène dissous dans les eaux de chaudière

Le risque de corrosion des équipements coûteux de production électrique par l’oxygène dissous a impliqué le besoin de procéder à une désaération mécanique et chimique, en continu, des eaux utilisées dans les chaudières.

Cela impose le contrôle, également en continu, de l’efficacité de ce procédé. L’instrument idéal pour ce contrôle doit être utilisable aussi bien pour la mesure continue à poste fixe que pour les mesures ponctuelles à différents points de mesure, et donc être parfaitement portatif.

Il doit être également capable d’effectuer des mesures précises de toute concentration d’oxygène dissous comprise entre 1 µg/l – 1 ppb – (valeur habituelle de l’eau désaérée) et 15 mg/l – 15 ppm – (valeur de l’eau froide à saturation à l’entrée de la chaudière).

De plus, le capteur doit supporter de longues périodes d’utilisation sans maintenance, avec un minimum de pré-conditionnement de l’échantillon.

Le système 2713 Orbisphère remplit toutes les conditions citées ci-dessus :

  • - il est facilement portable, mais utilisable en continu ; il est alimenté soit par une batterie rechargeable, soit par le secteur ; ses batteries assurent une autonomie de fonctionnement de 20 heures, et sont rechargées par un chargeur interne ;
  • - il permet la mesure de concentration dans la gamme de 1 µg/l à 20 mg/l, avec une précision supérieure à 1 % du signal et des fréquences normales de maintenance d’une opération (et moins) par mois.
[Photo : Fig. 1. – Le système 2713 Orbisphère. La cellule à circulation de l’eau à analyser est débranchée de la sonde (les trois pièces forment un ensemble).]

La mesure de traces d’oxygène dissous

Notre instrument de mesure utilise un capteur électrochimique, équipé d’une membrane pour la sensibilité à l’oxygène, et une unité électronique pour la mesure et l’affichage. Depuis plus de vingt ans, les capteurs standard de ce type sont utilisés dans diverses applications telles que médecine, fermentation, contrôle de pollution, océanographie. Ils ont acquis leur renommée car ils sont robustes, pratiques, et leur utilisation et leur maintenance posent peu de problèmes.

Les applications telles que la mesure de traces d’oxygène dissous dans les eaux de chaudières n’étaient jusqu’à présent pas possibles, car les sondes disponibles sur le marché n’étaient pas assez sensibles ; en effet, une sonde de mesure de routine pour eau de chaudière doit être de 100 à 1 000 fois plus sensible qu’une sonde utilisée pour contrôler l’eau de rivière. La sonde utilisée dans notre système a fait l’objet de plusieurs innovations couvertes par des brevets qui ont augmenté sa sensibilité jusqu’à détecter une fraction de microlitre d’oxygène par litre d’eau.

Le transducteur incorpore trois électrodes raccordées aux circuits électroniques de l’appareil. Ces électrodes sont isolées les unes des autres afin d’éviter les courants entre elles, mais en fait elles sont raccordées par un électrolyte qui permet la circulation de courant ionique, s’il y en a un.

Le courant apparaît ainsi seulement lorsque l’oxygène diffuse dans la sonde à travers la membrane. L’intensité du courant qui traverse la cathode d’or est, à température constante, directement proportionnelle à la pression partielle du gaz situé à l’extérieur de la membrane. La sonde transmet alors un signal au boîtier de mesure qui affiche directement la concentration de l’oxygène dissous. La température affectant aussi l’intensité du courant qui traverse la cathode, le système compense automatiquement les effets correspondants, grâce à des capteurs situés dans la sonde.

La fonction de l’électrode auxiliaire (ou contre-anode) est d’isoler la cathode de mesure des courants électrolytiques parasites originaires de l’électrode, qui pourraient perturber la mesure ; c’est une des caractéristiques uniques de la sonde, responsable de la sensibilité accrue de celle-ci.

Un circuit de commutation de gamme automatique permet d’afficher toute concentration, de 0,01 microgramme/litre à 20 milligrammes/litre. Il peut afficher 4 gammes : 0-19,99 mg/l, 0-1,999 mg/l, 0-199,9 microgramme/litre et 0-19,99 microgramme/litre, choisissant automatiquement la gamme la plus adaptée.

La précision de la mesure sur chaque gamme est égale ou supérieure à 1 % de la pleine échelle. L’unité appropriée, le mg/l ou le microgramme/litre, est indiquée automatiquement sur l’afficheur.

Les signaux parasites de l’appareil sont inférieurs à la répétabilité de l’affi-

chacune, ce qui fait que les concentrations affichées le sont avec un minimum de trois digits significatifs, sans mettre en cause le dernier chiffre.

Outre la concentration en oxygène, l'instrument peut aussi mesurer et afficher la température, de 0 à 100 °C, avec une précision de ± 0,2 °C.

Le boîtier de l'appareil est étanche et imperméable ; il supporte des températures comprises entre – 20 °C et 50 °C.

Utilisation

Calibration

La réponse de l'oxymètre est linéaire entre 0,5 ppb et 20 ppm. La calibration du point zéro n’est pas nécessaire pour les mesures de routine. Il est pratique d'utiliser l'air comme étalon pour déterminer le point d’étalonnage. Dans ce but, le plus simple est l'utilisation d’air saturé de vapeur d'eau (100 % d'humidité relative), ce qui évite d’avoir à mesurer l'humidité et de posséder une multitude de tables d’étalonnage. Pour ce faire, on peut par exemple placer la sonde au-dessus d'une surface d'eau propre.

La table de calibration nécessaire, qui donne la concentration de l’oxygène dissous en fonction de la température et de la pression atmosphérique, est fournie avec l'appareil. La calibration est faite à l'aide d'un potentiomètre muni, pour plus de sécurité, d'un embrayage, ce qui évite de dérégler accidentellement l'appareil. Grâce à la réponse immédiate de la sonde, et à son temps de stabilisation très court, la calibration est rapide et facile à réaliser.

Mesure des concentrations d’oxygène dissous

Lors de l'exécution de mesures de routine sur les eaux de chaudière, un système de dérivation doit être installé avec tous les systèmes annexes nécessaires (refroidisseur, dépressuriseur, filtre...) dont les détails sont indiqués plus loin. Le montage doit être soigné afin d'éviter les fuites (entrées d'air), et les tuyaux de raccord en néoprène pour les mesures ponctuelles doivent être les plus courts possible. Si l'instrument est utilisé en permanence au même endroit, il est préférable d'utiliser des tubes métalliques pour le raccorder au circuit d'eau. Une correction doit être opérée si l'eau est sous pression ; la démonstration basée sur la thermodynamique chimique donne la formule de correction suivante :

concentration réelle = exp [(P – Va)/(RT)] × concentration indiquée

où P est la pression dans le circuit, comparée à la pression d’étalonnage ; Va est le volume molaire moyen de l’oxygène (0,032 dm³/mole), R la constante des gaz parfaits (0,0820575 dm³·atm/mole·K), et T la température absolue en degré Kelvin (T = 273,15 + t en degrés Celsius), exp est la fonction exponentielle.

Ce facteur de correction est valable pour toutes les pressions compatibles avec la sonde ; par exemple, pour une mesure de pression de 20 bars et une température de 20 °C, avec une pression d’étalonnage de 1 atm, le facteur de correction sera le suivant :

exp [ (21 – 1) × 0,032 / (293,15 × 0,0820575) ] = 0,9737

Une pression de 20 bars provoque une erreur de 2,5 % par excès.

Performances du système

Stabilisation du signal lors de la mise sous tension de l'appareil

La figure 2 montre la variation du signal instantané généré par l’appareil lors de sa mise sous tension.

[Photo : Figure 2 – temps de réponse du système à différentes températures]

L'enregistrement de cette courbe a été effectué après exposition de la sonde à de l'eau contenant 4 mg/litre d’oxygène dissous à trois températures différentes. Le temps de stabilisation est plus long à basse température, ou si l’eau contient moins d’oxygène. La figure 2 montre que la stabilisation du signal est virtuellement complète au bout de 30 secondes sous les conditions prescrites.

Courbe de la concentration affichée par le système par rapport à la concentration réelle

[Photo : Figure 3]

Corrélation entre concentration réelle et concentration affichée

Le graphique de la figure 3 illustre la relation existant entre la concentration réelle et la concentration affichée, avec un diagramme log/log pour cinq concentrations différentes. Il faut noter que les valeurs affichées sont les valeurs réelles, non corrigées, d'un signal résiduel ou d'une ligne de base.

Variation de la réponse du système lors du changement de concentration

La figure 4 montre l'enregistrement d'un signal de sortie du système lors d'un changement brusque de la concentration de l’oxygène au voisinage de l'électrode.

À partir de la section 4a de la courbe, on peut extrapoler le temps de réponse nécessaire au système pour atteindre différents pourcentages de la réponse

finale à 25 °C. À cette température, il faut environ 20 secondes au système pour atteindre 99 % de la réponse finale.

La réponse à une concentration décroissante est plus compliquée, le temps nécessaire à la stabilisation du signal à un niveau plus bas dépendant du rapport existant entre les concentrations initiale et finale. Lorsque ces concentrations ne sont pas très différentes, comme dans la figure 4b, le temps de descente est identique au temps de montée. Dans cette figure, le rapport entre les concentrations finales et initiales est de 10, et il faut 25 secondes au signal pour être à moins de 1 % de la réponse finale.

Un temps plus long est nécessaire lorsque le niveau d’oxygène à atteindre est très éloigné du niveau de départ, comme par exemple lors du transfert d’une sonde exposée à l’air dans de l’eau de chaudière. La figure 4c illustre cet exemple, elle donne le signal instantané en fonction du temps lors du transfert d’une sonde de l’air dans un milieu sans oxygène (une solution à 10 % de sulfate de sodium). Il faut une minute à l’appareil pour descendre à 100 microgrammes/litre, 6 minutes pour atteindre 10 microgrammes et 30 minutes pour arriver à 1 microgramme/litre.

[Photo : légende : Temps de montée et de descente du signal pour une brusque variation de la concentration en oxygène. (Figures 4a et 4b)]
[Photo : légende : Temps de descente du signal. (Figure 4c)]

Conditions de mesure

Température et pression

L’eau des circuits vapeur/eau des centrales électriques modernes peut atteindre des pressions de 170 bars et une température de 500 °C. La sonde mesurant l’oxygène dissous ne peut pas opérer dans ces conditions ; c’est pourquoi il faut conditionner l’échantillon avant de pouvoir exécuter les mesures.

La sonde peut travailler à des températures jusqu’à 70 °C et des pressions de 20 bars bien que, pour obtenir les résultats les meilleurs possibles, il est recommandé de refroidir l’eau à 25 °C sous des pressions de 1 à 2 bars.

Les fluctuations de température de l’eau étant compensées automatiquement dans un intervalle de 0 à 70 °C, l’afficheur indique toujours la concentration réelle de l’oxygène dissous.

Interférences dues aux impuretés de l’eau

Un grand nombre de substances chimiques peuvent se trouver soit sous forme dissoute, soit en suspension dans les eaux de chaudière, par exemple : les ions ferreux, ferriques, du cuivre, nickel, sodium, calcium, magnésium, zinc, chlorures, nitrates, sulfates, phosphates, silice, morpholine, dioxyde de carbone, ammoniaque, hydrazine, cyclohexylamine et octadécylamine.

Les substances ioniques n’interfèrent pas sur les mesures effectuées avec la sonde car la membrane séparant l’intérieur de celle-ci et l’eau est hydrophobe, ce qui empêche le passage des ions. À contrario, cette membrane est perméable aux gaz, et il est pertinent de se demander quelle peut être l’influence des substances telles que le CO₂, NH₃, N₂H₄ et les organiques volatils, sur le fonctionnement de la sonde.

Le dioxyde de carbone interfère avec la mesure de l’oxygène ; toutefois, les quantités trouvées dans les eaux de chaudières étant minimes, la mesure de l’oxygène dissous de ces eaux n’en est pas affectée. Dans le cas de forte teneur, un convertisseur spécial monté sur le boîtier électronique permet d’éviter les erreurs dues à ce gaz.

L’ammoniaque peut donner l’apparence d’un fort courant résiduel dans la sonde, car elle permet le transfert des ions de l’anode vers la cathode ; le signal en est augmenté et la mesure faussée ; ce phénomène est dû aux complexes solubles formés par l’ammoniaque et les ions argent de l’anode, qui sont chargés et peuvent migrer entre les électrodes. Nous avons résolu ce problème grâce à la contre-cathode qui entoure complètement la cathode et empêche les espèces polluantes et les courants résiduels de l’atteindre. En conséquence, la sonde est rendue complètement insensible aux interférences dues à l’ammoniaque et à l’hydrazine.

Pour conclure, on peut estimer que les espèces organiques trouvées dans les eaux de chaudières présentent un poids moléculaire suffisamment élevé, et une concentration suffisamment basse pour que leur taux de pénétration dans la sonde soit extrêmement faible ; leur influence sur la mesure est donc complètement négligeable.

Ajoutons que le fonctionnement correct du système nécessite que le débit de l’eau transitant dans la chambre de circulation soit compris entre 100 et 700 ml/minute. La limite basse de 100 ml/minute est définie par la consommation d’oxygène dans l’unité de temps qui doit être négligeable par comparaison avec le flux d’oxygène traversant la cellule ; la limite supérieure de 700 ml/minute indique la turbulence maximum supportée par la sonde, au-dessus de laquelle les vibrations produites par le flot perturbent les transports de charges entre l’anode et la cathode dans la région de celle-ci.

En pratique, on déterminera un débit optimum pour chaque application.

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