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L'alimentation en eau potable de Dunkerque le traitement de l'eau de réalimentation

30 mai 1978 Paru dans le N°25 à la page 25 ( mots)
Rédigé par : Jean-marie TRISTRAM et Jean-claude COURNARIE

LE TRAITEMENT DE L’EAU DE RÉALIMENTATION DE LA NAPPE DE MOULLE. L’UTILISATION DU CHLOROSULFATE FERRIQUE.

Cet article fait suite à celui de M. François MARTIN, Directeur régional de la S.L.E.E., publié dans le numéro précédent de cette revue (1).

La région de DUNKERQUE est alimentée en eau potable à partir d'eau de forages situés sur le gîte de MOULLE, dans la nappe de la craie des collines de l’Artois.

Cette nappe, de plus en plus sollicitée, a considérablement baissé après la sécheresse de l’hiver 1970-1971 et, pour satisfaire les besoins, la S.L.E.E. a dû mettre en place une réalimentation artificielle de cette nappe. Cette réalimentation s'effectue par l'eau de la rivière la HOULLE, convenablement traitée, qui s'infiltre dans un bassin de 9 000 m² prévu à cet effet.

Cette technique de réalimentation, déjà expérimentée par la S.L.E.E. depuis 1962 à CROISSY-SUR-SEINE, dans la région parisienne, permet, en renforçant les possibilités productrices de la nappe aquifère, d’alimenter une population en eau potable de bonne qualité avec une plus grande sécurité.

En effet, les cours d'eau du bassin de la région du Nord sont particulièrement vulnérables et, en cas de pollution accidentelle, la réalimentation peut être arrêtée sans dommage pour le service, la nappe jouant un rôle de réservoir.

Les eaux utilisées dans une telle technique doivent garder un bon niveau de qualité pour éviter de polluer la réserve souterraine ou de colmater les couches filtrantes ; c'est pourquoi on doit appliquer un traitement soigneusement adapté avant l’introduction dans le sol.

(1) Voir « L'EAU ET L'INDUSTRIE » n° 24 : avril 1978 — « La Lyonnaise des Eaux & Dunkerque : 20 millions/an de m³ d'eau potable et 15 millions/an de m³ avec une solution pour la ressource en eau potable : la nappe souterraine de Moulle-Houle (Pas-de-Calais) »

[Photo : Vue aérienne du site de Moulle-la-Houlle — au centre l'usine ; en bas à gauche sous les arbres la rivière ; en haut les bassins de réalimentation (Aéroport de Lille-Lesquin.)]

par Jean-Marie TRISTRAM,

Ingénieur H.E.L., Direction régionale de FLANDRE, de la S.L.E.E.

et

Jean-Claude COURNARIE,

Ingénieur E.N.S.C., Laboratoire de contrôle et d’études des eaux de la S.L.E.E.

1 — LES CARACTÉRISTIQUES DE L’EAU BRUTE

L'eau d’infiltration provient de la rivière la HOULLE, petit affluent de l’Aa qui, autrefois, prenait naissance au pied des collines de l’Artois, précisément à côté du village de MOULLE où est située l'usine.

Actuellement, ce sont les eaux de l'Aa qui remontent le cours de la rivière la HOULLE, dans laquelle s'effectue déjà une certaine auto-épuration.

Une station d’analyse automatique située au confluent de l'Aa et de la Houlle mesure en continu les paramètres suivants : température, oxygène dissous, pH, résistivité, turbidité. Cette station permet de déceler une pollution éventuelle et également de donner des informations à la station de traitement pour prévoir les modifications à apporter au traitement (2).

Les principales caractéristiques physico-chimiques figurent dans le tableau de la page suivante.

Il s'agit d'une eau de minéralisation moyenne, principalement bicarbonatée calcique, relativement chargée en matières organiques d'origine naturelle dues à un développement algual intense.

En effet, l'eau de l’Aa est une eau relativement polluée contenant des éléments azote et phosphore qui favorisent une prolifération d’algues dans la rivière la HOULLE qui a un très faible débit.

Le traitement à appliquer à cette eau avant d’être admise dans le bassin à ciel ouvert sera donc assez complet de façon à obtenir une eau de bonne qualité avant infiltration dans la nappe. Il comporte :

(2) Voir « EAU ET L'INDUSTRIE » n° 25 : septembre/octobre 1976 — page 39, par J. Bernard et J.-J. Prompsy : « Les stations automatiques de contrôle de la qualité des eaux ».

  • – une préchloration au break-point qui a pour rôle l’élimination maximale des micro-organismes, la destruction des algues et l’oxydation de l’ammoniac ;
  • – une coagulation-floculation-décantation classique destinée à éliminer les matières colloïdales et à précipiter la majeure partie des manganèses, du fer et du phosphore ;
  • – une filtration sur charbon actif qui est une triple filtration :
    •  • filtration pour retenir le floc-fin non retenu en décantation,
    •  • adsorption des matières organiques, désinfection et nitrification,
    •  • suppression totale du goût et de l’odeur ; l’eau arrive dans le bassin d’infiltration, la charge biologique étant fortement réduite.

II – LA CHAÎNE DE TRAITEMENT

1 – La prise en rivière

La prise d’eau brute de la station de traitement est située sur la rivière de la Houille, qui permet l’alimentation des installations par pompage à partir de l’ancien barrage.

Le seuil d’entrée de l’eau, placé à la cote +101,50 m NGF, évite les problèmes de limons ; derrière le premier groupe de vannes, l’installation assure la chenalisation du débit instantané, le niveau de la Houille variant de 1,60 à 1,80 m NGF.

Après un dragage nominal, l’eau traverse un tamis à mailles de 5 mm à nettoyage automatique déclenché par une chute de charge de 38 mm et emprunte un canal de 37 m de longueur et 8 m de largeur.

La préchloration au break-point est effectuée à l’entrée de ce canal, ce qui permet un temps de contact d’une heure pour un débit de 1 000 m³/h.

La préchloration est rendue nécessaire par la qualité de l’eau brute ; une batterie de pompes immergées MENI-RATEAU, en bout de canal, assure l’acheminement de l’eau brute. Chaque pompe débite 600 m³/h. L’ouvrage comprend 12 pompes électromécaniques pour un débit maximal de 25 000 m³/j (100 % du débit nominal).

2 – La station de traitement

Les ouvrages de relevage refoulent l’eau brute préchlorée dans une vasque permettant la mise en charge de la station. La distribution des réactifs et la répartition des débits s’effectuent ensuite entre les deux tranches de traitement.

[Tableau : Caractéristiques de l’eau de la Houille (valeurs moyennes, minimales et maximales relevées en 1975, 1976 et 1977 : température, pH, conductivité, turbidité, matières en suspension, DCO, NH₄⁺, NO₂⁻, NO₃⁻, PO₄³⁻, Ca²⁺, Mg²⁺, etc.)]

S.I.E.E., — Usine de Moulin

Station de traitement d'eau de surface (Pulsator et filtres)

Dans la vasque d’eau brute sont disposés, au fil de l’eau, le coagulant et l’adjuvant de floculation. L’eau passe ensuite dans un décanteur dynamique à lit de boue de type PULSATOR, puis sur une batterie de trois filtres à charbon actif en grains.

Le Pulsator, de forme rectangulaire (21 m × 16 m), présente une section horizontale utile de 279 m² et une hauteur d’eau de 5,30 m. Au débit nominal de l’appareil (1 000 m³/h), la vitesse ascensionnelle de l’eau est de 3,50 m/h. Cinq concentrateurs, disposés en ligne dans la partie médiane de l’appareil, permettent l’extraction des boues excédentaires du lit de boue. Le débit des purges de boue est de l’ordre de 3 à 4 % du débit d’entrée. La boue extraite, très diluée (1 à 2 g/l de matières sèches), est concentrée à 10 g/l dans un épaississeur, puis envoyée sur des lits de séchage. L’eau claire récupérée par surverse dans l’épaississeur à boue est recyclée en tête de station, à la crépine des pompes d’eau brute.

Les filtres, du type à grande hauteur d’eau, ont une surface unitaire de 56 m² et sont équipés de buselures à longue queue. Chaque filtre contient environ 40 m³ de charbon actif en grains. La vitesse de filtration, au régime nominal, est de 6 m/h ; elle passe à 3 m/h lorsqu’un filtre est en lavage. La régulation de niveau du filtre, de type aval, est effectuée électroniquement : un capteur de pression à jauge de contrainte informe un rack de régulation qui commande le réglage de la vanne de sortie d’eau filtrée.

Le lavage des filtres se déclenche automatiquement dès que la perte de charge atteint la valeur de consigne de 1,50 m. Ce lavage peut également s’effectuer soit automatiquement par déclenchement manuel, soit manuellement à partir d’un pupitre de commande. Les eaux de lavage sont stockées dans un bassin tampon et recyclées gravitairement, à débit constant, au niveau des pompes d’exhaure, de manière à éviter des variations brutales de la charge en matières en suspension et ainsi préserver la stabilité du lit de boue du Pulsator.

L’eau filtrée est recueillie, par l’intermédiaire d’une vasque, dans une bâche de 330 m³ située sous le bâtiment de contrôle des filtres. Ce bâtiment comprend les équipements nécessaires au lavage des filtres : un surpresseur d’air de 3 400 m³/h (250 mbar) et deux pompes verticales (MENGIN 450 m³/h, RATEAU 840 m³/h). L’eau filtrée est ensuite refoulée dans le bassin de réalimentation du Brouay par deux groupes électropompes immergés identiques aux groupes d’exhaure.

3 — Le bassin d’infiltration

Le bassin de réalimentation du Brouay a été aménagé dans la zone de captage, sur la tête de la craie fissurée, en décapant le sol argileux en place sur une hauteur de six mètres. La craie, une fois découverte, a été scarifiée puis recouverte de 0,80 m de sable de dunes. Après talutage, les berges ont été recouvertes de craie provenant du fond du bassin, puis de calcaire 120/200 mm, pour éviter tout colmatage de la surface filtrante par entraînement d’argile lors du batillage.

La surface filtrante ainsi réalisée est de 9 000 m². La mise en eau du bassin s’effectue au point bas, par l’intermédiaire d’une cascade. La capacité unitaire d’infiltration est en moyenne de 1,50 m par jour ; elle peut atteindre 2,50 m par jour pendant des périodes de prélèvement intensif, comme ce fut le cas durant l’été 1976. La hauteur d’eau dans le bassin peut atteindre 3 m au point le plus haut et 6 m au point bas.

L’eau déversée dans le bassin étant désinfectée et exempte de matières en suspension, il ne se produit pratiquement pas de colmatage. Néanmoins, le développement des algues entraîne la formation d’un dépôt lors de la mise à sec du bassin. Le ramassage de ces algues déposées et le raclage, sur environ 1 cm, de la couche superficielle du sable sont effectués une fois par an. Ces travaux d’entretien durent une semaine : ils sont entrepris après quelques jours d’exposition à l’air pour permettre à la couche superficielle de se craqueler.

[Photo : Vue intérieure du PULSATOR.]
[Photo : Bassin de réalimentation du Brouay.]
LA HOULLEEau réalimentéeEau des forages influencés
(eau brute)(eau filtrée)par la réalimentation
Température12 à 25 °C2 à 25 °C12 à 14 °C
Turbidité3 à 20 JTU5 gouttes de mastic2 à 4 gouttes de mastic
Matières organiques mesurées en milieu acide5 à 15 mg/l0,5 à 3 mg/l0,6 à 1,0 mg/l
pH7,5 à 8,76,3 à 6,77,40
TAC20 à 3010 à 1518 à 24
Chlorures mg/l40 à 7050 à 12040 à 80
Sulfates mg/l40 à 10070 à 12040 à 90

Les quantités infiltrées dans le bassin varient en fonction des besoins et des possibilités de la nappe. Ces dernières dépendent de l'abondance de la pluviométrie entre octobre et mars.

En année de pluviométrie normale (300 à 350 mm entre octobre et mars) la nappe est capable de fournir 13 à 14 millions de m³. Les besoins étant de l'ordre de 18 à 20 millions de m³, il faut injecter entre 4 et 6 millions de m³ pour faire face à la demande. Le circuit d'alimentation artificielle peut être employé durant toute l'année, à noter cependant que les eaux de la Houlle sont d'un traitement plus délicat en période de basses températures.

Grâce à la réalimentation, la nappe étant moins sollicitée, le niveau dynamique se stabilise à une cote parfaitement acceptable.

Du point de vue de la qualité des eaux, l'ensemble du traitement appliqué à l'eau de la Houlle rend celle-ci agressive, la réalimentation permet de rétablir l'équilibre calcocarbonique de l'eau.

On note une augmentation des chlorures et des sulfates dans l'eau de nappe, due aux réactifs utilisés pour traiter l'eau. Les forages directement influencés par la réalimentation présentent une teneur en matières organiques et une température un peu plus élevées que les forages les plus éloignés.

Cette technique originale permet, avec une fiabilité et une qualité exceptionnelles, de faire face à la demande, même lorsque la pluviométrie est déficitaire. La surface d'infiltration doit être doublée dans les années à venir de manière à accroître les quantités infiltrées à environ 10 millions de m³ par an.

III — LES RÉACTIFS

Le bâtiment des réactifs regroupe les stockages et les équipements de préparation et de dosage des différents produits nécessaires au traitement de l’eau.

[Photo : USINE DE LA RÉALIMENTATION DE LA HOULLE]
[Photo : PULSATOR]

1 — Le chlore

Nous l'avons vu plus haut, la préchloration est effectuée à l'entrée de l'eau dans la prise d'eau, immédiatement après le poste de tamisage.

Deux chloromètres, capables de débiter chacun jusqu'à 40 kg de chlore par heure assurent la préchloration. Leur fonctionnement est asservi aux groupes d’exhaure et leur réglage s'effectue manuellement. Ces chloromètres sont alimentés à partir d'un dépôt de 16 000 kg de chlore comprenant 2 rampes de 8 tanks de 1 000 kg dont l'une est en service et l'autre en réserve. La sécurité de l'installation est assurée en permanence par deux détecteurs de fuite de chlore qui déclenchent l'alarme en cas de fuite, entraînant la fermeture automatique des vannes des tanks à chlore, la mise en fonctionnement de l'installation de neutralisation des fuites de chlore (capable de neutraliser 2 000 kg de chlore) et l'arrêt des installations de traitement.

2 — Coagulant — Adjuvant de floculation

Le réactif utilisé pour la coagulation de l'eau (sulfate d'alumine, chlorure ferrique, chlorosulfate de fer, etc.) est stocké dans une cuve enterrée en béton de 120 m³ de capacité. Une pompe de reprise alimente un bac journalier mettant en charge les pompes doseuses qui injectent le coagulant soit dans la conduite d'eau brute chlorée, soit à l'entrée de l'eau brute dans la vasque, soit encore dans le déversoir de cette vasque. Différents points d'injection sont en effet prévus de manière à obtenir le décalage optimum entre l'injection du coagulant et celle de l'adjuvant de floculation ou entre l'injection du coagulant et le Pulsator suivant le débit et les réactifs utilisés ; ce décalage peut varier de 1 à 3 minutes.

L'adjuvant de floculation, utilisé seulement lorsque l’eau a une température inférieure à 5 °C, est préparé dans des bacs en béton et injecté par des pompes doseuses au fond de la partie en aval du déversoir de la vasque, quelques secondes avant l'arrivée de l'eau dans le Pulsator. Conçue initialement pour fonctionner au sulfate d’alumine et à la silice activée, la station comporte un équipement spécifique de préparation de la silice activée : stockage d'acide sulfurique, de silicate de soude, pompes doseuses à 2 têtes et bac de maturation.

Coagulant et adjuvant de floculation sont introduits dans l'eau brute préchlorée avec une certaine quantité d'eau de dilution. Le débit des pompes doseuses de coagulant et d’adjuvant de floculation est réglé manuellement. Leur fonctionnement est asservi à celui des groupes d’exhaure de sorte que le démarrage d’un groupe d’exhaure entraîne la mise en service d'une chaîne de traitement.

[Photo : La zone aquifère des collines de l'ARTOIS.]

Le charbon actif

L’eau brute étant fortement chargée en matières organiques (en moyenne 10 mg/litre — mesure en milieu acide au permanganate), le traitement par filtration sur charbon actif en grains après floculation-décantation permet d’obtenir une eau traitée contenant 0,5 à 3 mg/l de matières organiques suivant l’état de saturation du charbon actif.

La préchloration et la décantation permettent une réduction des matières organiques de 55 à 70 %. L’affinage par filtration sur charbon actif permet de porter cette réduction entre 75 % et 90 %.

Les mesures du seuil de dégustation de l’eau filtrée et du taux de réduction des matières organiques sont réalisées fréquemment de manière à suivre l’évolution du charbon. Celui-ci a une durée de vie de 10 à 12 mois au régime nominal de la station, ce qui correspond à un rapport volume d’eau traitée/volume de charbon de 50 000 à 55 000.

L’enlèvement pour régénération et la remise en place du charbon après régénération s’effectuent sans difficulté au moyen d’un hydro-éjecteur.

IV — L’expérimentation du chlorosulfate ferrique

La Société Lyonnaise des Eaux a participé en 1977 à une étude qui prenait place dans un programme de valorisation du sulfate ferreux de la Société Thann et Mulhouse et de son dérivé le chlorosulfate de fer.

Ce produit est en effet un « co-produit » de la fabrication du bioxyde de titane produit au Havre et dont les rejets, désignés par le terme de « boues rouges », constituent une pollution importante dans l’estuaire de la Seine (1). Exécutée grâce à l’Agence financière de bassin Seine-Normandie, cette étude confiée à la Société Lyonnaise des Eaux et de l’Éclairage est axée sur son utilisation comme coagulant, dans la préparation d’une eau destinée à la réalimentation de nappes et à l’emmagasinement (storage).

Elle a comporté trois séries d’essais :

1°) La comparaison de l’efficacité du chlorosulfate de fer comme coagulant par essais de laboratoire sur l’eau de la Seine prélevée à Croissy (Yvelines) avec les autres coagulants usuels : sulfate d’alumine, WAC, P.C.B.A., chlorure ferrique, pendant une période d’un an.

2°) Des essais en pilote de l’efficacité d’une étape d’emmagasinement d’une eau traitée au chlorosulfate de fer et au sulfate d’alumine tant sur le plan physico-chimique que bactériologique. Ces essais ont été réalisés avec de l’eau de Seine au Pecq (Yvelines) (2).

3°) Des essais industriels du chlorosulfate ferrique à l’usine de Moulle.

Nous ne rappellerons dans cet article que les conclusions des deux premières séries d’essais et détaillerons un peu les essais industriels.

Conclusions des essais en laboratoire

Ces essais effectués sur une période d’environ un an, de novembre 1976 à septembre 1977, sur l’eau de Seine à Croissy permettent de dégager les conclusions suivantes :

Le chlorosulfate de fer et le sulfate ferreux permettent d’obtenir des résultats à peu près comparables à ceux des autres coagulants dans un traitement simplifié d’une eau destinée à la réalimentation d’une nappe aquifère. Les différences, si elles devaient être prises en compte dans une usine produisant directement de l’eau potable et sur laquelle on cherche à tirer le maximum de tous les maillons d’une chaîne d’ouvrages beaucoup plus complexes, sont dans le cas présent à peu près négligeables. On peut donc dire que la qualité des eaux filtrées obtenue est sensiblement la même en ce qui concerne l’élimination de la teneur en matières organiques et en phosphates totaux. Elle est, par contre, légèrement moins bonne quant à la turbidité.

Essais sur le pilote du Pecq

1 — Description du pilote

Ce pilote est alimenté par de l’eau de Seine prélevée sur la rive droite du fleuve au Pecq. La prise d’eau est située à environ 500 m de celle de la station de traitement de Croissy, il n’y a pas de rejet entre les deux et la qualité de l’eau est identique.

Il comporte :

— une pompe de prise en Seine protégée par une grille de 6 mm² de vide de maille permettant un débit maximum de 7 m³/h.

(1) « A partir des boues rouges, expérimentation du chlorosulfate ferrique », L’Eau et l’Industrie, n° 13, février 1977, page 54 ; et n° 20, novembre 1977 : « Procédé d’utilisation du chlorure… ».

(2) « La recherche au Laboratoire de Contrôle et d’Études des Eaux de la S.L.E.E. au Pecq (Yvelines) », G. Devillers, L’Eau et l’Industrie, n° 17, juillet 1977, page 56.

[Photo : La station-pilote du Pecq.]

La pompe est reliée à la station par une canalisation de 76 mm de diamètre sur 150 m de longueur.

— un panier de dégrillage de 2 mm de vide de maille placé immédiatement en amont de la station de traitement, — une station de traitement comportant : * une pompe de reprise permettant un débit maximum de 4 m³/h, * un poste de dosage des réactifs, * un floculo-décanteur accéléré du type pulsator — surface : 1 m², * un filtre à sable, type Aquazur   surface : 0,8 m²   hauteur de sable : 1,2 m   granulométrie : 1,4-2,5 mm, * un dispositif de lavage des filtres (air et eau).

— les bassins d’emmagasinement :

Ils sont au nombre de deux de 750 m³ chacun sur 2 m de profondeur maximum. L’étanchéité est assurée par une feuille de butyle compatible avec un usage alimentaire. Pour reconstituer un milieu naturel, le butyle du fond des bassins est recouvert d'une couche de sable.

Chaque bassin est alimenté en continu au débit de 1 m³/h : — l'un par de l'eau traitée sur la station pilote avec du chlorosulfate de fer, — l'autre par de l'eau traitée en provenance de la station de traitement de Croissy avec du sulfate d’alumine.

Le temps de séjour dans les bassins est donc d’un mois environ (schéma).

Conclusion des essais en pilote

Les essais en pilote ont porté sur deux points : — efficacité du chlorosulfate de fer dans un traitement de clarification simplifié comportant une floculation-décantation et une filtration sur sable, sur l'eau de Seine au Pecq.

DatesEau bruteEau décantéeF. IF. IIF. III
------------------
Turb. UlNH₄⁺ mg/lM.O. mg/lTurb. UlM.O. mg/lFer mg/lTurb. UlM.O. mg/lFer mg/lTurb. UlM.O. mg/lFer mg/lTurb. UlM.O. mg/lFer mg/l
1-0817117,950,900,556,451,900,360,380,40
2-0818127,951,4012,201,106,500,802,550,301,800,351,900,301,55
% de réduction79858487
3-0818128,000,700,606,501,600,240,090,08
10-08198,407,750,209,901,406,402,402,150,100,251,550,000,231,800,000,171,50
% de réduction78848285
11-0819,508,007,680,158,401,000,656,461,302,100,200,141,750,121,750,111,55
% de réduction75797981
12-0819,507,407,800,208,500,756,620,752,200,150,251,900,201,850,251,70
% de réduction74787880
13-08197,507,640,300,906,531,000,210,230,28
17-08206,207,720,308,401,006,443,551,900,301,600,161,800,171,45
% de réduction77817883
18-08206,007,600,607,301,506,421,601,750,400,171,400,000,121,40
% de réduction768181
19-0819,506,207,620,406,901,806,501,301,800,400,351,40< 0,050,191,45< 0,050,101,30
% de réduction75807981

Sur ce point, les essais ont confirmé ceux effectués en laboratoire en levant certaines incertitudes concernant notamment la turbidité, la teneur en fer et en manganèse de l'eau filtrée et la durée de vie des filtres compte tenu des turbidités relativement élevées de l'eau décantée.

— le comportement d'une eau traitée au sulfate d'alumine ou au chlorosulfate de fer dans des bassins d’emmagasinement.

Sur ce point, les essais montrent qu'il n'y a aucune différence tant sur le plan physico-chimique que sur le plan biologique.

Ces essais confirment donc la possibilité de l'utilisation du chlorosulfate de fer comme coagulant sur l’eau de Seine à Croissy dans un traitement précédant une réalimentation de nappe ou un stockage. Cette possibilité reste toujours conditionnée par la teneur en oxygène dissous ou le pouvoir réducteur de l'eau brute.

3 — Essais industriels à l'usine de Moulle (1ᵉʳ au 19 août 1977)

Le coagulant utilisé dans cette usine est le chlorure ferrique ; celui-ci donne de meilleurs résultats que le sulfate d’alumine ou le WAC essayés précédemment. Il était donc tout particulièrement intéressant d’y effectuer des essais de sulfate ferreux ou de chlorosulfate.

Après quelques essais préliminaires en laboratoire indiquant que, pour des taux à peu près identiques en Fe, le chlorosulfate de fer ou le sulfate ferreux oxydé avec une dose convenable de chlore donnent des résultats sensiblement identiques, nous avons procédé à des essais industriels sur trois semaines au débit nominal de la station avec successivement du chlorure ferrique, du chlorosulfate et du sulfate ferreux.

Les résultats concernant la qualité de l'eau décantée, l'eau filtrée, la durée des cycles de filtration et le pourcentage de boues extraites sont notés dans le tableau ci-dessous.

— Traitement au chlorure ferrique

Dose utilisée : 182 g/m³, soit 26 g/m³ en fer.

L'eau décantée n’est pas colorée, sa turbidité est inférieure à 1 U.I., la réduction de la teneur en matières organiques est très satisfaisante : 79 %.

L'eau filtrée est de bonne qualité, sa turbidité est inférieure à 0,3 U.I., sa teneur en fer inférieure à 0,05 mg/l.

La durée de vie des filtres est en moyenne de 20 heures.

— Traitement au C.S.F. (CLAIRTAN)

Dose utilisée : 140 g/m³, soit 19 g/m³ en fer.

Ce réactif a donné de bons résultats et n’a pas posé de problèmes au niveau de l'exploitation à condition toutefois de bien choisir le point d'injection ; il doit y avoir à ce niveau un mélange très énergique pour obtenir une bonne floculation.

L'eau décantée n'est pas colorée, la turbidité est inférieure à 1 U.I., la réduction de la teneur en matières organiques de 75 %. L'eau filtrée est de bonne qualité, la turbidité moyenne est inférieure à 0,2 U.I., la teneur en fer résiduel inférieure à 0,05 mg/l et la teneur en manganèse nulle.

La durée de vie des filtres est de 15 à 18 heures.

— Traitement au sulfate ferreux

Dose utilisée : 110 g/m³, soit 22 g/m³ en fer.

On doit faire les mêmes observations en ce qui concerne le point d'injection que pour le chlorosulfate.

L'eau décantée obtenue est de moins bonne qualité, plus colorée ; la turbidité est comprise entre 1,5 et 2 U.I., la réduction de la teneur en matières organiques est analogue, en moyenne 75 %.

Cependant, l'eau filtrée est de bonne qualité ; la turbidité moyenne est inférieure à 0,2 U.I., la teneur en fer résiduel inférieure à 0,05 mg/l. La durée de vie des filtres est de l'ordre de 20 heures.

Tableau récapitulatif des essais

Traitement Turbidité eau décantée Durée de vie des filtres Point d’injection du réactif Divers
Chlorure ferrique < 1 U.I. 20 h Sur la conduite sortant de la bâche d’eau prélaborée 1 000 m³/h – VA = 3,8 m/h1 200 m³/h – VA = 4,6 m/h
C.S.F. < 1 U.I. 15-18 h Dans la vasque juste avant déversement
Sulfate ferreux 1,5 à 2 U.I. 20 h Mêmes conditions que pour FeSO₄Cl Filtres : surface 56 m² × 31 000 m³/h – VF = 5,95 m/h1 200 m³/h – VF = 7,14 m/hCharbon : FI F 300, FI Chemviron, FI ROW 0/8 Norit

CONCLUSIONS

L’utilisation du chlorosulfate de fer ou du sulfate ferreux comme coagulant pour le traitement de l’eau de la MOULLE est tout à fait possible d’un point de vue technique. Les résultats obtenus sont tout à fait comparables à ceux obtenus avec le chlorure ferrique utilisé jusqu’à présent sur la station de MOULLE.

L’utilisation actuelle du chlorosulfate de fer

En 1977, 255 tonnes de chlorosulfate de fer ont été utilisées de septembre à décembre pour traiter 2,2 millions de m³. Le chlorosulfate de fer a été utilisé seul à la dose moyenne de 115 g/m³ de solution commerciale à 200 g/l de fer jusqu’en décembre où, la température de l’eau atteignant 4 °C, il a été nécessaire d’ajouter 12 g/m³ d’adjuvant de floculation (Flocgel) et d’augmenter le taux de traitement en chlorosulfate de fer jusqu’à 200 g/m³ de solution commerciale.

J.-M. TRISTRAM et J.-C. COURNARIE.

Le cycle « EAUX SOUTERRAINES ET FORAGES » dans L’EAU ET L’INDUSTRIE

  1. 1) L’utilisation de l’énergie solaire pour le pompage de l’eau dans les pays en voie de développement par M. Vernet – n° 2 – page 83.
  2. 2) Protection des nappes souterraines : une réu…
  3. 3) L’action des Agences de Bassin dans la protection des eaux souterraines J. Brachet – n° 4 – page 85.
  4. 4) Le champ captant d’Asnières-sur-Oise (Oise) exploité par la …
  5. 5) Le nou. système épurateur par R.
  6. 6) Forages guidés, forages pétroliers, boues de forage avec le polymère na par J. Moisy – n° 10 – page 95.
  7. 7) L’alimentation artificielle des nappes souterraines et le traite…
  8. 8) L’électronique au service du foreur d’eau par A. Mabillot – n° 12 – page 51.
  9. 9) Réalimentation et protection de la nappe souterraine d’Auber…Gonville (Yvelines) exploitée par la Lyonnaise des… n° 12 – page …Graffin – A. Morizot – n° 7 – page 33. une même technique de « FORAGUM »
  10. 10) « L’eau en quitte » : pour une nouvelle orientation des techniques de son captage adaptées aux pays du Tiers-Monde par P. Clause – n° 15 – page 40.
  11. 11) La qualité des eaux souterraines de la nappe phréatique rhénane (Conseil de l’Europe) – n° 15 – page 45.
  12. 12) L’influence des engrais azotés sur la qualité des eaux souterraines par L.-P. Mazoit – n° 15 – page 63.
  13. 13) Les Puits artésiens – Le Puits artésien de Grenelle à Paris (1833-… n° 16 – page 95.
  14. 14) Nouvelle technique pour le captage de l’eau souterraine : Les puits à barbacanes développées (Procédé PECELI) par P. Clausse – n° 18 – …
  15. 15) Les techniques les plus citées de extrusion au service de la réalisation de tubes et crépines pour le drainage et le captage par Clausse – n° 21 – page 68.
  16. 16) Le Colloque du B.R.G.M. à Nice (octobre 1977) : « Les eaux souterraines et l’approvisionnement en eau de la France » par L.-P. Mazoit – n° 22 – page 59.
  17. 17) Forages aquifères et problèmes de pompage en terrain par G. Orengo – M. Cordellane – B. Jolivet – n° 22 – page 41.
  18. 18) Le problème de la ressource en eau industrielle à l’usine FOGAU… TOLUBE de MYENNES (Nièvre) et sa solution… Une campagne-type de recherche hydrogéologique. Les forages de reconnaissance et d’exploitation par E. Chaussebourg – B. Angéli – n° 23 – page 39.
  19. 19) Le traitement de l’eau de réalimentation de la nappe de Moulle… alais) – L’utilisation du chlorosulfate ferrique J.-M. Tristram et J.-C. Cournarie – n° 25.
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