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L'action du dioxyde de chlore en préoxydation et en désinfection des eaux

29 avril 1994 Paru dans le N°172 à la page 44 ( mots)
Rédigé par : Michel POUILLOT et Marin DERNAT

Dans les filières de production d'eau potable, le dioxyde de chlore est utilisé tant à l'étape de préoxydation qu'à l'étape de désinfection finale. Le présent article décrit des essais en vraie grandeur réalisés pendant plusieurs mois, dans des usines de production d'eau potable de grandes villes françaises. L'étude de l'étape de préoxydation porte sur l'élimination des matières organiques et plus particulièrement de la chlorophylle. Un bilan des chlorites et chlorates susceptibles de se former a été réalisé en tenant compte des plus récents développements des méthodes analytiques. Le comportement du dioxyde de chlore à l'étape de désinfection associé à sa rémanence a été étudié dans deux réseaux de distribution.

En phase aqueuse, le dioxyde de chlore est un radical très stable(1) que l’on peut schématiser comme indiqué sur la figure ci-dessous :

[Figure : Représentation chimique du ClO2.]

Dans l’eau, le dioxyde de chlore est un gaz dissous. Ainsi, il ne répond pas aux équilibres ioniques classiques, ce qui explique son comportement indépendant du pH(2). Il est stable à pH neutre et à l’obscurité.

L’activité d’un agent bactéricide dans l’eau peut être exprimée par le produit de la concentration par le temps (mg × s × l-1) pour abattre deux décades (99 %) du dénombrement initial.

Le dioxyde de chlore présente un bon pouvoir bactéricide, virulicide et sporicide (tableau 1).

Comparé à d’autres désinfectants, son activité biocide est indépendante du pH.

Compte tenu de la valeur du potentiel rédox du couple ClO2/ClO2- (E° = 0,95 V), le fer ferreux et le manganèse (Mn2+) sont oxydés par le dioxyde de chlore et précipitent respectivement sous forme d’hydroxyde ferrique et de dioxyde de manganèse. Les doses sont de 1,2 g de ClO2/g de Fe et de 2,45 g de ClO2/g de Mn2+(4). Les iodures sont oxydés en iode. La détermination de Cl2, ClO2 et ClO2- par iodométrie à différents pH est mise à profit pour établir des bilans de générateurs.

Par contre, le dioxyde de chlore ne réagit pas avec l’ammoniac, les chlorures et les bromures.

Enfin, et c’est une des propriétés caractéristiques du dioxyde de chlore, ce n’est pas un agent de chloration. Il ne forme donc pas de dérivés organohalogénés tels que les trihalométhanes. Toutefois, un inconvénient de ce réactif est qu’il génère, par réaction avec divers réducteurs organiques et minéraux, des ions chlorite et chlorate qui peuvent présenter certains risques toxicologiques(5).

L’EPA (Environmental Protection Agency) préconise aux États-Unis une concentration totale en ClO2 + ClO2- + ClO3- inférieure à 1 mg/l dans les eaux potables. Il est toutefois important de relativiser cet aspect puisque de nombreuses études de toxicité intrinsèque du ClO2, du chlorite et du chlorate réalisées chez l’homme et l’animal montrent que les risques pour la santé des populations sont quasiment nuls. Des études cliniques et biochimiques ont montré qu’il y avait une absence totale d’effet sur la santé jusqu’à une concentration maximale en chlorite de 24 mg/l pour une population normale et 5 mg/l pour une population G6PD (déficience enzymatique particulière en glucose 6-phosphodéshydrogénase).

Nous nous proposons d’étudier le comportement du dioxyde de chlore sur des installations en vraie grandeur adaptées aux propriétés que nous essayons d’évaluer, à savoir : l’étude de la préoxydation en cas de développement algal et la rémanence du dioxyde de chlore dans le réseau de distribution.

Tableau I : Produit temps × concentration en dioxyde de chlore pour abaisser de 99 % chacune des espèces étudiées (3).

[Photo : Fig. 2 – Produits et points de prélèvements sur la filière de traitement.]

Tableau II

Abattement des matières oxydables selon le type de préoxydation.

Eau brute :matières oxydables 8,1 ± 0,1
Eau décantée – Préoxydation par O₃ :2,9 ± 0,4
Eau décantée – Préoxydation par ClO₂ :3,2 ± 0,5
Eau sortie :1,4 ± 0,2

Tableau III

Action du dioxyde de chlore et de l’ozone sur les chlorophylles a, b et c en préoxydation (moyenne).

Chlorophylles (µg/l)ABC
Eau brute234,718,430,8
Eau décantée après ozonation12,82,02,2
Eau décantée après préoxydation au ClO₂3,60,80,3

Tableau IV

Valeurs statistiques des chlorites et chlorates aux principales étapes du traitement.

Chlorite mg/lChlorates mg/l
EDEFEBEDEF
Moyennes0,510,040,080,241,32
Écarts-type1,040,030,050,120,48
Nombre de mesures5514413

E.B. = Eau brute E.D. = Eau décantée E.F. = Eau filtrée (après ozonation intermédiaire)

Préoxydation

Dans le cas examiné, d’importants développements d’algues perturbaient le bon fonctionnement des décanteurs rapides (Fluorapid) malgré la préozonation de l’eau brute. C’est dans ce contexte que le dioxyde de chlore a été étudié.

L’usine comprend trois files de traitement identiques, d’une capacité de 1 700 m³/h. Chaque file comporte les étapes suivantes :

  • • Pompage de l’eau brute dans le fleuve
  • • Préacidification au gaz carbonique
  • • Préoxydation à l’ozone ou au dioxyde de chlore
  • • Floculation au sulfate d’alumine + Aqualgine
  • • Décanteurs de type « Fluorapid »
  • • Postozonation
  • • Filtration sur sable
  • • Désinfection au chlore à la sortie de l’usine
  • • Désinfection complémentaire par trois réinjections dans le réseau de distribution.

Deux files fonctionnent en parallèle, ce qui permet des comparaisons fiables entre les résultats obtenus par l’ozone ou le dioxyde de chlore.

Les points d’injection des produits et la localisation des prélèvements sont schématisés dans la figure 2.

Les essais ont été réalisés pendant la période algale, soit du 29 août 1990 au 19 septembre 1990.

Les points de prélèvement comprennent l’eau brute avant préacidification, l’eau décantée avant interozonation, l’eau filtrée après ozonation, l’eau de sortie.

À chacun des points de prélèvement les analyses suivantes ont été réalisées :

  • • Chlorophylles A, B et C
  • • Matières organiques, turbidité, dioxyde de chlore (rouge de chlorophénol)
  • • Chlorite, chlorates, CHCl₃, CHCl₂Br, CHClBr₂ et CHBr₃.

Remarques

  • • La précision de la mesure de la concentration en ClO₂ par le rouge de chlorophénol est de ± 4 %. La limite de détection est estimée à 0,01 mg/l (6).
  • • Les analyses de chlorite et chlorate ont été effectuées par chromatographie ionique après dégazage préa-
[Photo : Fig. 3 – Élimination de la chlorophylle A en préoxydation.]
[Photo : Fig. 4 – Élimination de la chlorophylle A en préoxydation par le dioxyde de chlore.]
[Photo : Fig. 5 – Chlorite en fonction du dioxyde de chlore injecté après interozonation.]

Tableau V

Caractéristiques des usines d’eau potable avant essai au ClO2.

CaractéristiquesCas n° 1Cas n° 2
LocalisationSud-EstOuest
Débit maximal de production (m³/h)2 7004 100
Origine eauLacFleuve
Filière de traitement :
- PréoxydationNaClO (été)O3 (été)
- FloculationWAC HBSulfate d’alumine
- OzonationOuiOui
- Filtration sur CAGNonOui
- Désinfection finaleNaClOCl2
Longueur du réseau450 km500 km
Nombre de points de réinjection33
Nombre de points de prélèvement dans le réseau de distribution539
Durée de l’essai1 an3 mois
Période de mesuresMai/juin 1991 et janvier 1992Octobre à décembre 1989
Injection en ClO2 (mg/l)0,25 à 0,3 (été) ; 0,2 à 0,25 (hiver)0,6
RégulationOuiNon
[Photo : Fig. 6 – Définition de la rémanence.]
[Photo : Fig. 7 – Rémanence du dioxyde de chlore (essais en laboratoire).]

La limite de détection est de l’ordre de 20 µg/l pour chaque espèce (7).

Le dosage des chlorophylles A, B et C nous a semblé être la meilleure indication pour évaluer l’importance de la formation des algues. La concentration inférieure dosable est de 0,1 µg/l (8).

Élimination des composés organiques

Le tableau II indique la moyenne et l’écart-type de l’oxydabilité au permanganate (mg/l) des différents échantillons d’eau brute, d’eau décantée et en sortie d’usine sur les files préoxydées respectivement à l’ozone et au dioxyde de chlore. D’un point de vue statistique, l’avantage de l’ozone par rapport au dioxyde de chlore n’est pas significatif.

Quel que soit le mode de préoxydation, l’oxydabilité au permanganate est très largement inférieure à la valeur limite recommandée par la législation française, soit 5 mg/l. Les mêmes tendances sont observées sur le carbone organique dissous et sur le carbone organique total.

Abattement de la chlorophylle

Comparé à l’ozone, le dioxyde de chlore permet une meilleure élimination des trois types de chlorophylles (tableau III).

La figure 3 représente plus précisément l’action de la préoxydation sur la chlorophylle A pour des dosages de 0,6 mg/l en ozone et 2 mg/l en dioxyde de chlore.

Pendant cette période, la concentration en chlorophylle A a toujours été inférieure à 5 µg/l dans l’eau traitée au dioxyde de chlore, ce qui s’est concrétisé par une légère amélioration de la turbidité, par la diminution de la coloration verdâtre du sable et par un moindre colmatage des filtres à sable.

Nous avons par la suite fait varier la concentration en oxydant. Une augmentation de la concentration en ozone n’a pas permis d’améliorer l’abattement de la chlorophylle.

Par contre, avec le dioxyde de chlore, le taux d’élimination maximale se situe aux environs de 99 % à partir de 1,1 mg/l, tel que le montre la figure 4.

Lors de ce traitement, l’analyse des chlorites et chlorates susceptibles de se former a été réalisée en prenant en compte les récents développements tant pour l’analyse (chromatographie ionique) que pour l’échantillonnage (prélèvement sous atmosphère inerte et à l’abri de la lumière).

Les valeurs moyennes (tableau IV) mettent en évidence la formation de chlorite dans l’eau décantée. Cette concentration est directement reliée à un excès de dioxyde de chlore injecté. Jusqu’à 2 mg/l, la concentration en chlorite est inférieure à 0,08 mg/l. Elle semble ensuite augmenter proportionnellement à un excès de ClO2. Par contre, dans l’eau filtrée, la teneur en chlorite est très faible. La concentration en chlorate dans l’eau brute est non négligeable (jusqu’à 0,16 mg/l) et provient probablement d’une pollution temporaire de la ressource.

Dans l’eau décantée, l’injection de dioxyde de chlore augmente cette concentration d’environ 0,2 mg/l.

Par la suite, la teneur en chlorate évolue très sensiblement dans l’eau filtrée située en aval de l’ozonation intermédiaire. Cette évolution dépend de la réactivité du milieu et du taux en ClO2 injecté (figure 5).

Lors d’une injection en dioxyde de chlore supérieure à 1,2 mg/l, les résultats montrent clairement la réactivité de l’ozone sur le chlorite résiduel et le dioxyde de chlore en excès.

En effet, d’après les travaux de Buydens et Fransolet (9) puis de Richard et Brener (10, 11), les ions chlorites sont rapidement oxydés en dioxyde de chlore ; ce dernier est ensuite oxydé d’une manière moins rapide en chlorate.

Les réactions globales d’oxydation de ClO2 et ClO2- en ClO3- sont les suivantes :

2 ClO2 + O3 + 2 OH- → H2O + O2
ClO2 + O3 → ClO3- + O2

La stœchiométrie de chacune de ces deux réactions est en accord avec celle prévue par les équations d’oxydo-réduction et indique que l’oxydation de ClO2 et de ClO2- en ClO3- est obtenue dans l’eau pure pour une consommation de 0,36 mg O3/mg de ClO2- et 0,74 mg O3/mg de ClO2.

Avec une injection en dioxyde de chlore inférieure à 1,2 mg/l, la faible concentration en chlorite et chlorate (figure 5) tend à prouver que ClO2 réagit instantanément avec le milieu pour former des chlorures. Ce seuil critique de 1 à 1,2 mg/l de ClO2 (qui correspond au seuil d’élimination de la chlorophylle et au début de l’apparition de chlorate) nous amène à penser…

[Photo : Désinfection : devenir du ClO₂ dans le réseau de distribution en été - dose moyenne.]

Tableau VI

THM en désinfection par ClO₂

Cas THM (µg/l) CHCl₃ (µg/l) CHCl₂Br (µg/l) CHClBr₂ (µg/l) CHBr₃ (µg/l)
Cas n°1 < 0,5 < 5 < 2 < 25
Cas n°2 0,44 0,31 0,3

Il est probable que ces deux phénomènes sont directement reliés. Il semblerait en effet que le dioxyde de chlore réagisse instantanément sur la chlorophylle pour donner des chlorures.

En définitive, pour un tel dosage, on abat plus de 99 % de la chlorophylle A, soit une concentration résiduelle inférieure à 5 µg/l, valeur à laquelle le développement des algues est inhibé dans le décanteur primaire pendant les périodes critiques. Un traitement à cette concentration permet donc d’assurer une bonne élimination des matières organiques et des matières en suspension tout en évitant un surdosage en coagulant.

Dans la configuration de cette usine, qui fonctionne avec une inter-ozonation, une bonne maîtrise du dosage en ClO₂ permet ainsi de limiter les teneurs en chlorite et en chlorate.

Désinfection

Le dioxyde de chlore possède un fort pouvoir bactéricide, virulicide et sporicide. Ce pouvoir est renforcé par la persistance (encore appelée rémanence) de ce désinfectant dans le réseau de distribution.

Nous avons réalisé une synthèse d’essais sur deux sites différents. Pour chacun, les objectifs étaient convergents, à savoir :

  • l’évaluation de la rémanence du dioxyde de chlore pour réduire le nombre de points de réinjection dans le réseau de distribution,
  • l’analyse des différents sous-produits susceptibles de se former.

Dans les deux cas, il s’agit de désinfecter une eau de surface après une filière de traitement complexe. Le tableau V donne les caractéristiques de chacune de ces usines.

La désinfection finale était réalisée auparavant par de l’eau de Javel ou du chlore gazeux.

Les réseaux de distribution sont extrêmement longs (450 à 500 km) et nécessitaient trois points de réinjection.

Les échantillons ont été prélevés dans des zones jugées représentatives du réseau (cinq points pour le cas 1) ou sur l’ensemble du réseau (cas 2).

Dans les deux cas, l’échantillonnage a été effectué après une période de stabilisation d’environ trois semaines correspondant à un nettoyage des canalisations par le dioxyde de chlore.

Pendant ces essais, les réinjections de chlore (ou NaClO) ont été arrêtées.

Les prélèvements et les analyses bactériologiques ont été effectués par des laboratoires agréés par le Ministère de la Santé sur les points du réseau prédéterminés. Les germes analysés ont été les coliformes totaux, les coliformes fécaux, les streptocoques fécaux et les clostridium sulfito-réducteurs.

Le dosage du dioxyde de chlore résiduel a été réalisé par les méthodes colorimétriques au DPD (sulfate de N,N-diéthyl-1,4-phényl-diamine) ou au rouge de chlorophénol. Les autres éléments ont été dosés dans les mêmes conditions que précédemment.

Bilan bactériologique

Cas n°1

Environ 500 analyses sont réalisées chaque année. Durant la période des essais, seuls quatre échantillons ont été suspectés sur le plan bactériologique, ce qui n’a pas été confirmé par les contre-analyses. Le taux d’injection en ClO₂ est compris entre 0,2 et 0,3 mg/l.

Cas n°2

On a comparé, autant que faire se peut, le comportement du chlore et du dioxyde de chlore sur l’ensemble de ce réseau de distribution.

Il n’a pas été décelé d’anomalie particulière tant pour le chlore que pour le dioxyde de chlore. Il n’a pas été détecté de coliformes thermotolérants, de streptocoques fécaux ni de bactéries sulfito-réductrices.

[Photo : Désinfection : devenir du ClO₂ dans le réseau de distribution en hiver - dose moyenne.]

Dans ce cas, les doses minimales sont respectivement de 1,6 mg/l de chlore ou de 0,6 mg/l de ClO₂ pour maintenir un contrôle bactérien équivalent, sans qu’il soit nécessaire de réinjecter 0,3 mg/l de chlore en trois points du réseau.

Cette efficacité à faible dosage dépend, outre des propriétés intrinsèques du ClO₂, de sa rémanence dans le réseau comme étudié ci-après.

Étude de la rémanence

Pour assurer une bonne protection bactérienne du réseau et pour se préserver d’éventuelles pollutions bactériennes dans le réseau de distribution lui-même, il paraît naturel de vouloir maintenir une concentration en bactéricide suffisamment élevée. Cette condition est parfois difficile à respecter sur des réseaux longs et trop maillés. Il est alors nécessaire de réinjecter ce produit en différents points du réseau de distribution.

La rémanence peut être définie comme le pourcentage d’oxydant résiduel par rapport à la quantité injectée à la sortie de l’usine (figure 6).

La figure 7 présente les résultats des essais de rémanence du ClO₂ effectués en laboratoire sur l’eau prélevée en usine juste avant l’étape de désinfection, pour une température de l’eau de 15 °C (cas n°1). À l’abri de la lumière, on a ainsi pu observer l’évolution de la concentration en dioxyde de chlore résiduel en fonction du temps.

[Photo : Concentration en composés organo-halogénés totaux (TOX) sur différents points du réseau (Cas n°1).]

temps pour des quantités injectées de 0,2 et 0,3 mg/l.

Lors des essais en vraie grandeur dans le réseau de distribution (cas n°1), le taux d’injection du dioxyde de chlore durant l’été a varié entre 0,25 et 0,30 mg/l. Pendant l’hiver, le taux d’injection du dioxyde a légèrement baissé : il était compris entre 0,20 et 0,25 mg/l. Les mesures donnant l’évolution du dioxyde de chlore et de ses sous-produits dans ce réseau ont déjà été publiées dans l'Eau, l’Industrie, les Nuisances (octobre 1992).

Les mesures de résiduel pendant l’été montrent qu’il ne reste plus de dioxyde de chlore sur deux points éloignés de l’injection et pas ou peu de dioxyde sur le point proche de l’injection. Il ne reste en moyenne plus que 4 % de dioxyde de chlore. Le dioxyde injecté s’est donc dégradé rapidement dans le réseau. Les résultats observés pendant l’hiver montrent la présence d’un résiduel de ClO₂ important (0,10 à 0,19 mg/l) sur les points les plus proches de l’injection. Par contre, sur le point le plus éloigné de l’injection, le résiduel de dioxyde de chlore est nul. Le résiduel moyen sur les points représentatifs du réseau est de l’ordre de 23 %. La dégradation du dioxyde de chlore pendant l’hiver est donc moins rapide. Le fait que le dioxyde de chlore soit plus stable pendant l’hiver est certainement dû à la qualité de l’eau : en effet, celle-ci contient moins de matières organiques et sa température moins élevée (8 °C contre 18 °C l’été) ralentit la vitesse des réactions chimiques.

Pour le cas n°2, la rémanence du dioxyde de chlore utilisé seul a toujours été supérieure à celle du chlore malgré trois injections complémentaires de chlore dans le réseau. La teneur en ClO₂ résiduel moyen est de l’ordre de 7 % pour 0,4 mg/l de ClO₂ injecté et de 8,5 % pour 0,6 mg/l (moyenne sur les 39 points de prélèvement). À titre de comparaison, lorsqu’on injectait 1,6 mg/l de chlore, la teneur résiduelle moyenne était de 3 % sur ce même réseau. On peut donc conclure que le dioxyde est au moins deux fois plus rémanent que le chlore dans ce cas. Cette observation a d’ailleurs été confirmée par un doublement du nombre d’échantillons où la concentration en ClO₂ était supérieure à 0 par rapport au traitement antérieur.

Dans les deux cas étudiés, l’utilisation du dioxyde a donc permis de ne plus réinjecter d’oxydant complémentaire dans le réseau.

Étude des sous-produits d’oxydation (cas n°1)

Ce paragraphe quantifie dans le réseau les produits sous-chlorés issus du traitement au dioxyde de chlore.

La figure 8 donne la répartition moyenne des différentes espèces en été.

Les valeurs de chlorites mesurées sur le réseau pendant l’été varient entre 0,10 et 0,19 mg/l et sont à peu près identiques sur les différents points analysés, soit une moyenne de 58 %.

Compte tenu des faibles concentrations de ClO₂ observées en fin de réseau, il semblerait que l’ion chlorite présente un pouvoir bactériostatique contribuant au contrôle de la reviviscence bactérienne (13).

Pendant l’hiver (figure 9), les taux de chlorites ont baissé : 0,02 mg/l à 0,07 mg/l sur tous les points du réseau ; la charge organique de l’eau moins importante et la température plus froide ont limité les réactions chimiques.

La teneur en chlorate sur les différents points est inférieure à 0,06 mg/l et ne change pratiquement pas entre l’été et l’hiver (il n’est pas exclu que cette faible quantité provienne de la génération du dioxyde de chlore).

Des espèces non identifiées dénommées « Autres » correspondent à la différence entre le ClO₂ injecté et la somme (chlorite + chlorate + dioxyde de chlore résiduel). Cette différence peut provenir soit du dégazage lors du prélèvement de l’échantillon, soit notamment de la réduction à l’état de chlorure.

Les taux d’injection du dioxyde de chlore variant de 0,20 mg/l à 0,30 mg/l, les teneurs en chlorites et chlorates mesurées sont restées inférieures aux recommandations américaines et suisses prises comme référence en l’absence de normes françaises :

[ClO₂] + [ClO₂⁻] < 0,8 mg/l (USA)  
[ClO₂⁻] + [ClO₃⁻] ≤ 0,3 mg/l (Suisse)

et cela durant les deux campagnes de mesures.

THM et TOX

Il a été vérifié, sur les deux sites testés, que le dioxyde de chlore ne génère pas significativement d’halométhanes, ni de tétrachlorure de carbone, malgré la présence de précurseurs dans l’eau brute (tableau VI).

Les valeurs présentées dans le tableau VI sont extrêmement faibles et sont à la limite de détection pour chaque molécule.

Des TOX sont retrouvés à des concentrations variables en distribution (figure 10). La variabilité des teneurs en TOX de l’eau brute, des temps de séjour dans les conduites rendent difficile l’interprétation des résultats obtenus. Cette hétérogénéité n’a pas permis de mettre en évidence une augmentation de TOX due à l’injection de ClO₂.

Conclusion

En définitive, avec une concentration comprise entre 0,2 et 0,4 mg/l de ClO₂, on obtient une efficacité telle que les résultats bactériologiques sont conformes à la législation.

La meilleure rémanence du dioxyde de chlore se caractérise par un résiduel plus élevé dans le réseau de distribution sans qu’il soit nécessaire de réinjecter un désinfectant. Il n’est pas exclu que le chlorite ait une action bactériostatique non négligeable.

À la lumière de ces résultats, les points forts du dioxyde de chlore sont très dépendants de l’étape de traitement. Comme on l’a vu à l’étape de pré-oxydation, le dioxyde de chlore permet de lutter efficacement contre la formation d’algues. Si l’on maîtrise bien son injection, il est compatible avec une filière qui possède une ozonation intermédiaire, sans entraîner la formation de chlorite ou de chlorate.

Dans un cadre plus général, le dioxyde de chlore peut réagir avec des acides humiques ou fulviques (14) pour conduire à la formation de chlorite. Une étape de filtration sur charbon actif en grain ou une adsorption sur charbon actif en poudre permet de retenir aisément le chlorite (5).

Enfin, ses propriétés bactéricides et sa rémanence constituent un avantage tout à fait pertinent pour assurer la protection des réseaux de distribution tout en limitant la formation de sous-produits. Les quantités à injecter, comprises entre 0,2 et 0,4 mg/l, permettent d’être en conformité avec les réglementations en vigueur dans les pays où elles existent, tout en limitant la formation de goûts et d’odeurs qui pourraient être associés à un excès de dioxyde de chlore (15).

Les références bibliographiques de cet article sont disponibles auprès des auteurs – fax (16 1) 47 59 14 62.

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